La catharsis (en grec « κάθαρσις » signifie « séparation du bon d’avec le mauvais »). La catharsis est un rapport à l'égard des passions, un moyen de les convertir, selon la philosophie aristotélicienne en rhétorique, esthétique, politique. À l'ère contemporaine, en psychanalyse, à la suite de Sigmund Freud, la catharsis est tout autant une remémoration affective qu'une libération de la parole, elle peut mener à la sublimation des pulsions. En ce sens, elle est l'une des explications données au rapport d’un public à un spectacle, en particulier au théâtre.
Définition
« L’adjectif Katharos associe la propreté matérielle, celle du corps et la pureté de l’âme morale ou religieuse. La Katharsis est l’action correspondant à « nettoyer, purifier, purger ». Il a d’abord le sens religieux de « purification », et renvoie en particulier au rituel d’expulsion pratiqué à Athènes la veille des Thargélies. (...) La Katharsis lie la purification à la séparation et à la purge, tant dans le domaine religieux, politique que médical. »
Ainsi, l'emploi métaphorique qu'en propose Aristote ne doit pas être compris comme une innovation radicale. Il s'inscrit dans l'usage linguistique, assez large, de ce terme. De plus, le mot catharsis n'a pas en grec un sens strictement médical, indépendant de connotations religieuses, dans la mesure où pour les grecs ces deux champs n'étaient pas clairement distingués. Son application à la musique (La Politique, livre VIII, ch. 7) et au théâtre (La Poétique, ch. 6) gagne ainsi à être comprise aussi bien à partir de la médecine que des pratiques rituelles, mais aussi politiques, de la Grèce antique.
Platon
Chez Platon, elle est le pouvoir de séparer l’âme de son ignorance crasse
Aristote
Pour Aristote, la catharsis est l'épuration des passions qui se produit par les moyens de la représentation artistique : en assistant à une tragédie ou en recourant aux « mélodies qui transportent l'âme hors d'elle-même », le spectateur se libère de ses émotions et éprouve « un allègement accompagné de plaisir ». Si le terme de catharsis est souvent référé à la Poétique, on ne trouve néanmoins une définition développée de ce terme que dans La Politique d'Aristote, à propos de la musique :
« Nous voyons ces mêmes personnes, quand elles ont eu recours aux mélodies qui transportent l'âme hors d'elle-même, remises d'aplomb comme si elles avaient pris un remède et une purgation. C'est à ce même traitement, dès lors, que doivent être nécessairement soumis à la fois ceux qui sont enclins à la pitié et ceux qui sont enclins à la terreur, et tous les autres qui, d'une façon générale, sont sous l'empire d'une émotion quelconque pour autant qu'il y a en chacun d'eux tendance à de telles émotions, et pour tous il se produit une certaine purgation et un allègement accompagné de plaisir. Or, c'est de la même façon aussi que les mélodies purgatrices procurent à l'homme une joie inoffensive. »
Bien qu'il renvoie à sa Poétique pour plus d'éclaircissements (« nous en reparlerons plus clairement dans notre Poétique »), il devait faire allusion au deuxième livre car le terme n'apparaît qu'une seule fois dans l'ouvrage qui nous est parvenu :
« La tragédie (...) est une imitation faite par des personnages en action et non par le moyen de la narration, et qui par l'entremise de la pitié et de la crainte, accomplit la purgation des émotions de ce genre. »
Aristote paraît surtout employer le terme en son sens médical, bien qu'il fasse également référence à des mélodies purgatrices, qui appartiennent probablement à des rites thérapeutiques. Le sens large que ce terme possède en grec, et ses connotations religieuses aussi bien que politiques traceront la voie à son interprétation ultérieure comme une purification morale. En s'identifiant à des personnages dont les passions coupables sont punies par le destin, le spectateur de la tragédie se voit délivré, purgé des sentiments inavouables qu'il peut éprouver secrètement. Le théâtre a dès lors pour les théoriciens du classicisme une valeur morale, une fonction édifiante. Plus largement, la catharsis consiste à se délivrer d'un sentiment encore inavoué. Ce sens large a donné lieu à un emploi particulier de ce terme en psychanalyse et plus largement encore en psychothérapie.
Interprétations de la catharsis
L'interprétation de ce passage très allusif est délicate et sujette à de nombreux débats. La question porte en particulier sur le mode de purgation qui a lieu : s'agit-il d'une purgation morale, ou Aristote a-t-il simplement dit que le mode de représentation fait en sorte que l'on ne ressent pas ces émotions au premier degré.
Entre les deux interprétations, la différence porte :
sur l'enjeu de la purgation : dans un cas, il s'agit de la morale, dans l'autre de la seule esthétique
sur la cause de la purgation : dans un cas, il s'agit des exemples montrés sur la scène, dans l'autre du seul dispositif de la représentation théâtrale.
Interprétation morale de la catharsis
Dans l'interprétation classique de la catharsis, elle est une méthode de « purgation des passions », ou purification émotionnelle, utilisant des spectacles ou histoires tragiques considérées comme édifiantes.
Utilisée notamment par le cinéma, le théâtre et la littérature, elle montre le destin tragique de ceux qui ont cédé à ces pulsions. En vivant ces destins malheureux par procuration, les spectateurs ou lecteurs sont censés prendre en aversion les passions qui les ont provoquées. Pour que cette catharsis soit possible, il faut que les personnages soient en imitation (mimêsis) des passions humaines, le meilleur exemple, pour Aristote, étant Œdipe Roi de Sophocle.
Interprétation esthétique de la catharsis
Certains auteurs considèrent que la catharsis n'est pas un enjeu moral, mais exclusivement esthétique. Le spectateur ne se purge pas de ses émotions en voyant des exemples édifiants, mais c'est plutôt le dispositif scénique, le mode de la représentation, qui purge le spectateur de ses émotions. L'homme peut « prendre plaisir aux représentations » :
« [N]ous prenons plaisir à contempler les images les plus exactes de choses dont la vue nous est pénible dans la réalité, comme les formes d'animaux les plus méprisés et des cadavres [...]. »
Psychanalyse
En psychanalyse, la catharsis est un concept apparu pour la première fois en 1893 dans la « Communication préliminaire » qui servira de premier chapitre aux Études sur l'hystérie (1895) de Josef Breuer et Sigmund Freud. Il sert à désigner la prise de conscience par laquelle un sujet se remémore un évènement traumatique passé, le revit puis le dépasse dans le cadre d'une cure psychanalytique. La catharsis repose sur l'abréaction des affects liés au traumatisme, c'est-à-dire la décharge émotionnelle qui accompagne la prise de conscience. La catharsis est ainsi le processus, parfois émotionnellement violent, au travers duquel le sujet se libère du refoulement. La catharsis est le premier pas nécessaire d'une mise à distance, ou d'une objectivation du trauma qui peut aboutir à un véritable processus de perlaboration de l’évènement, c'est-à-dire son intégration, par les moyens du langage, dans l'histoire du sujet.
Théâtre
Lors d'une représentation théâtrale, certains personnages évoquent des faits inimaginables de nos jours comme le parricide, l'inceste ou encore l'infanticide. Des personnages font ce qu'on aurait pu imaginer sur scène.