L'église, dans son sens premier, est dans le christianisme l'assemblée des croyants. Le Nouveau Testament l'emploie aussi bien pour désigner une communauté locale que l'ensemble des croyants dans le Christ.
Par extension à partir du III siècle, le terme désigne le bâtiment où une communauté se réunit ; église (avec une minuscule) désigne le lieu de culte.
À partir du moment où l'État lui confère un statut, l'Église, en employant une majuscule, désigne l'institution qui regroupe les croyants d'une même confession.
Le terme ecclesia
Le mot « église » vient du latin ecclesia, issu du grec ekklesia ( ἐκκλησία), qui signifie assemblée. Lorsque les premiers chrétiens employaient le terme église, ils reprenaient l'une des appellations traditionnelles du judaïsme hellénique pour désigner Israël ou le peuple de Dieu. Cependant, l’usage chrétien du terme ekklesia a également sonné comme en contrepoint de celui qui en était fait dans les cités grecques. Dans le monde grec classique, l’ekklesia était une assemblée réservée aux citoyens et à laquelle les étrangers n’étaient pas admis. L’Église au sens chrétien est l’assemblée dans laquelle plus personne n’est étranger. Elle est ce qui rassemble des hommes de toute nation, race, peuple et langue (Ap. 7,9).
Dans la Septante, version grecque de la Bible hébraïque datant du II siècle av. J.-C., le mot grec ekklesia (église) désigne une assemblée convoquée pour des raisons religieuses, souvent pour le culte. Dans cette traduction, le grec ekklesia correspond toujours à l'hébreu qahal qui est cependant parfois aussi traduit par synagôgè (synagogue). Pour le judaïsme du premier siècle, ekklesia évoque immédiatement la synagogue, à comprendre comme l'assemblée de Dieu. Les mots « église » et « synagogue » étaient ainsi deux termes synonymes. Ils ne prendront un sens différent que parce que les chrétiens s'approprieront le mot église, réservant celui de synagogue aux assemblées des juifs qui refusent le christianisme et dont ils se distinguent de plus en plus clairement.
Le terme église n’est employé que deux fois dans les Évangiles, deux occurrences qui se trouvent en Matthieu. Jésus dit à Simon-Pierre : « Pierre tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » Depuis le milieu du XX siècle, les exégètes se posent la question de savoir si l'on peut attribuer la paternité de cette expression à Jésus. L'enseignement et la pratique de ce dernier s'inscrivent dans le cadre des synagogues locales et du Temple de Jérusalem ; rien dans les Évangiles ne permet d'affirmer que Jésus a fondé ou voulu fonder sa propre communauté religieuse. Cette phrase témoigne de ce que, pour la communauté qui reçoit cet évangile, il y a une Église du Christ et que c'est lui qui la bâtit. Dans un autre passage de Matthieu, l'Église est la communauté locale à laquelle on appartient : « Si ton frère n’écoute pas … dis-le à l’Église ».
Le terme église est beaucoup plus fréquent dans les autres textes du Nouveau Testament, où, de façon concordante avec l’usage qui en est fait dans l’Évangile de Matthieu, il désigne parfois les communautés locales, parfois l’Église dans son ensemble. Si le terme ekklesia est très fréquent dans les Actes, les épîtres et l'Apocalypse, son emploi ne s'y répartit pas régulièrement. Dans les sections dont il est absent, il peut néanmoins être question de l'Église avec d'autres mots. Par exemple le mot ekklesia est totalement absent des quatorze premiers chapitres de la Lettre aux Romains où il est toutefois beaucoup question des « appelés » (κλήτοι, klêtoï), les « bien-aimés de Dieu », idée qui renvoie à celle d'Église comme l'assemblée à laquelle on se rend parce qu'on y est convoqué. Par ailleurs, toujours sans employer directement le terme ekklesia, il peut aussi être question de l'Église au moyen d'images traditionnellement employées dans la Bible pour désigner le peuple de Dieu, notamment celle de la vigne du Seigneur, particulièrement développée dans l'Évangile selon Jean.
L'Église comme mystère
Dans ses lettres, Paul présente l'Église comme un objet de foi : « un mystère, autrefois caché en Dieu mais aujourd'hui en partie réalisé. » L'apôtre emploie fréquemment l'expression « Église de Dieu » qui indique que c'est Dieu lui-même qui la constitue. Paul a développé une compréhension très christologique de l'Église. À sa suite, l'Église en son mystère se présente toujours en rapport avec celui du Christ. L'apôtre décrit les rapports entre le Christ et l'Église avec les termes « par », « selon », « avec » et « en ». Ainsi l'Église n'est pas seulement « avec le Christ », mais elle est aussi « par lui » et « en lui ». Le début de l'épître aux Éphésiens récapitule ce mystère de l'Église et du Christ :
« Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a béni de toutes bénédictions spirituelles, dans les régions célestes, en Christ. C'est ainsi qu'il nous a choisis en lui avant la fondation du monde, pour être saint et irréprochable dans l'amour, nous ayant prédestiné à être pour lui des fils adoptifs par Jésus-Christ selon le bon plaisir de sa volonté à la louange de gloire de sa grâce dont il nous a gratifié dans le Bien-aimé. C'est en lui que nous avons le rachat par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce, qu'il a fait abonder pour nous en toute sagesse et prudence, nous faisant connaître le mystère de sa volonté que, selon son bon plaisir, il s'était proposé en lui pour le dispenser dans la plénitude des temps, à savoir : rassembler toutes choses dans le Christ, ce qui est aux cieux et ce qui est sur la terre. C'est en lui encore que nous avons été choisis comme son lot, prédestinés que nous étions, selon le dessein de Celui qui accomplit tout selon la décision de sa volonté, pour être, à la louange de sa gloire, ceux qui d'avance ont mis leur espérance dans le Christ. »
Christ pantocrator, Cathédrale de Cefalù, Italie, XII siècle.
Lorsqu'il parle du Christ comme la tête du corps que forme l'Église, Paul affirme que le chef suprême de l'Église est le Christ. Il le dit explicitement dans l'épître aux Éphésiens lorsqu'il évoque la glorification du Christ par Dieu : « Il a tout mis sous ses pieds, et il l'a donné pour Chef suprême à l'Église, laquelle est son corps, la Plénitude de celui qui remplit tout en tout. »
La Pentecôte, miniature du XIII siècle, Musée Condé, Chantilly, France.
Le Nouveau Testament ne laisse pas identifier de façon unilatérale ce qui était, dans la foi des communautés où il a progressivement été rédigé, le moment de la naissance de l'Église. Telles que les choses se présentent dans le Nouveau Testament, il est très rarement question de l'Église dans les Évangiles, qui font plutôt le récit de la vie terrestre du Christ, tandis que le temps de l'Église commence avec les Actes des Apôtres, qui sont comme la seconde partie de l'Évangile selon Luc et commencent par les récits de l'Ascension et de la Pentecôte. Ainsi, divers débats théologiques portent sur ce qui entre la passion du Christ et la Pentecôte peut être envisagé comme marquant la naissance de l'Église. L'enjeu de ces débats n'est pas historique dans la mesure où il ne s'agit pas de discerner le moment de fondation du christianisme comme d'une religion, mais de dire ce qu'est l'Église et son origine en tant qu'elle est objet de foi pour les chrétiens : elle peut être ceux qui sont baptisés dans la mort et la résurrection du Christ, ceux qui ont reçu l'Esprit Saint, ceux qui proclament l'Évangile.
Il est possible de considérer que l'Église naît dans la Pâque du Christ, lorsqu'il passe de ce monde à son Père. Les Pères de l'Église diront en ce sens que l'Église est née du côté du Christ, dans le sommeil de la mort, comme Ève est née du côté d'Adam pendant son sommeil, tel que le raconte le Livre de la Genèse. Avec l'Évangile selon Jean, il est aussi possible d'envisager que l'Église naît lorsque le sang et l'eau jaillissent du côté transpercé du Christ en croix : le sang est le sacrifice du Christ, tandis que l'eau symbolise le baptême ou le don de l'Esprit qui est la vie de l'Église. Ce don de l'Esprit Saint est aussi figuré par le récit de la Pentecôte dans les Actes des Apôtres (Ac 1,8), de sorte que la Pentecôte se présente dans la tradition chrétienne un peu comme la date de naissance officielle de l'Église. Il s'agit du moins de sa confirmation : l'Église reçoit l'onction, la marque de l'Esprit qui scelle sa naissance dans la mort et la résurrection du Christ. C'est le moment où elle commence sa mission avec la première manifestation publique des apôtres.
Métaphores de l'Église dans la Bible
Dans la perspective du Nouveau Testament, les Écritures attestent que l'Église fondée par Jésus-Christ a été préparée et préfigurée dans le peuple d'Israël. De ce fait, les nombreuses images bibliques qui décrivent la relation de Dieu à son peuple dans l'Ancien Testament seront utilisées pour décrire l'Église comme nouvel Israël. Dans les Évangiles, l'appel de douze apôtres, qui seront à partir de la Pentecôte la toute première Église, est une référence explicite aux douze tribus d'Israël : c'est le peuple qui est appelé parce qu'il est le peuple de Dieu.
Lorsque l'Église est dite en marche, (par exemple en Actes 9, 31), il s'agit d'une référence à la marche du peuple d'Israël dans le désert (Exode). L'Église est aussi comparée à un « petit troupeau », qui représente Israël devenu le moins nombreux de tous les peuples. Cette image du troupeau est notamment suggérée lorsqu'il est question du Christ comme du « bon berger » dans les Évangiles.
Le Christ, vigne véritable. Athènes XVI siècle.
L'une des images que le corpus biblique a le plus développées pour parler du peuple d'Israël est celle de la vigne, notamment avec le Psaume 80 ou Isaïe 5. Cette vigne plantée par Dieu croît et est destinée à porter du fruit. C'est une vigne qu'il faut travailler et entretenir, mais aussi une vigne qui occupe et prospère en un espace délimité et précis avec une clôture qui la protège. Dans le psaume 80 le psalmiste qui s'adresse à Dieu demande : « Pourquoi as-tu donc fait des brèches à ses murs, pour que tous les passants la vendangent ? Le sanglier des forêts la ravage et la bête des champs la dévore. » En Isaïe le Chant de la vigne évoque une vigne qu'un ami a entouré de tous les soins et qui ne porte pas de bons fruits, l'ami déclare : « J'enlèverai sa haie et elle sera broutée, j'abattrai sa clôture et elle sera piétinée. J'en ferai une ruine [...] Car la vigne du Seigneur, c'est la maison d'Israël et les gens de Judas en sont le plan chéri ». L'image de la vigne est en particulier reprise dans l'Évangile selon Jean où Jésus dit : « Moi, je suis la vigne et mon Père est le vigneron. [...] Moi, je suis la vigne et vous les sarments. (Jn 15) », ou encore avec les paraboles sur la vigne et les vignerons homicides dans les synoptiques (Mt 21, etc.).
Dans le registre des métaphores agricoles, il peut aussi être question pour les membres de l'Église de bon grain et d'ivraie, ce qui signifie que faire formellement partie de l'Église n'est pas la garantie de son salut. Selon cette parabole, il n'y a pas à tenter de faire le tri entre les bons et les mauvais à cause du risque que soit jeté du bon grain avec l'ivraie (Mt 13,24s.). C'est Dieu lui-même qui le fera.
L'image de l'Église comme épouse du Christ est proposée dans l'Apocalypse, elle est aussi rappelée chez Paul (2Co 11,2 et Éph 5,25) et dans l'Évangile selon Jean (3,29). Cette image a divers fondements scripturaires, notamment avec le Livre d'Osée dans lequel Dieu parle de son peuple comme d'une épouse qui, après un temps d'amour idyllique, se comporte comme une épouse ingrate et infidèle, qui trompe et se prostitue avec des idoles. Dieu décide de la punir, mais il l'aime toujours et il veut que dans sa détresse son épouse se souvienne du temps où elle était heureuse avec lui : « Alors tout recommencera comme s'il ne s'était rien passé, ce seront de nouvelles fiançailles « dans la justice, le droit, la fidélité la miséricorde et la sincérité (2,21) » ». L'image de la relation nuptiale entre Dieu et son peuple est un classique des écriture. Elle est aussi développée par Jérémie, Ézékiel et Isaïe. Dans le nouveau Testament, le symbole du mariage entre Dieu et son peuple étant appliqué aux relations entre Jésus et L'Église, la tradition chrétienne développera ce symbole avec ferveur. La mystique chrétienne poussera l'image en avant, appliquant l'idée d'une relation d'amour conjugal non seulement entre le Christ et l'Église mais aussi au niveau individuel entre l'âme fidèle et son sauveur. Les mystiques se référent aussi largement pour cela au livre du Cantique des Cantiques.
En divers passages du Nouveau Testament, l'Église est quelque chose qui se bâtit ou se construit. La métaphore d'Église comme construction est en premier lieu ce qui justifie le nom donné à Simon par Jésus : « tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » La métaphore de la construction a aussi été fréquemment employée dans les lettres de Paul. S'adressant à ceux de l'Église de Corinthe, il leur dit : « Nous sommes les communs ouvriers de Dieu, vous êtes le champ de Dieu, la bâtisse de Dieu (1 Co 3,9). » ; « Celui qui parle en langue se bâtit lui même, celui qui prophétise bâtit l’Église. (1 Co 14,4) » ; et encore : « La science gonfle, alors que l'amour bâtit (1 Co 8,1). »
La comparaison de l'Église à un corps est propre à Paul. Il la propose en divers passages, notamment dans la lettre aux Corinthiens, pour rendre compte de l'unité organique des divers membres de l'Église dont Paul parle comme du corps du Christ : « De même en effet que le corps est un, tout en ayant plusieurs membres, et que tous les membres du corps, en dépit de leur pluralité, ne forment qu'un seul corps, ainsi en est-il du corps du Christ. Aussi bien est-ce en un seul Esprit que tous avons été baptisés en un seul corps, Juifs, Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d'un seul Esprit. (1 Co 12,12-13.) »
D'autre thèmes présents dans l'Ancien Testament mais qui ne sont pas explicitement repris dans le Nouveau Testament pour parler de l'Église, l'ont été ensuite par les pères de l'Église et après. Notamment celui de l'Église comme « arche de salut » tiré de l'épisode du déluge et de la construction de l'arche dans le Livre de la Genèse.
L'institutionalisation des Églises
Il n'y a pas « d'Église » au sens contemporain du terme avant l'institutionnalisation formelle à laquelle procède Constantin le Grand; institutionnalisation cependant déjà amorcée par des évêques intéressés par la politisation des structures ecclésiales, en témoignent les résultats du Concile d'Elvire (305-306). En effet, le christianisme est d'abord constitué de communautés locales considérées comme plus ou moins hérétiques. Quand elles s'organisent, il n'y a pas « l'Église » mais l'assemblée locale autour de ses anciens presbyteroi et de son episcopos.
En dehors de l'Empire romain, les chrétiens étaient organisés en Églises indépendantes qui connurent une institutionnalisation similiaire. Ce fut notamment le cas de l'Église orthodoxe de Géorgie et de l'Église arménienne.