La ponctuation a pour but l'organisation de l'écrit grâce à un ensemble de signes graphiques. Elle a trois fonctions principales. Elle indique des faits de la langue orale, comme l'intonation ou les pauses de diverses longueurs (indications prosodiques). Elle marque les degrés de subordination entre les différents éléments du discours (rapports syntaxiques). Enfin elle précise le sens et définit les liens logiques entre ces éléments (informations sémantiques). Destinée à faciliter la compréhension du texte, elle est un élément essentiel de la communication écrite.
Un seul signe de ponctuation peut modifier la nature d'une phrase, la rendant énonciative, exclamative, injonctive, interrogative, changeant donc son sens et la manière de la prononcer. Exemple : Vous sortez maintenant. — Vous sortez maintenant ? — Vous sortez maintenant ! — Vous sortez maintenant…, etc.
On recense traditionnellement dix ou douze signes de ponctuation qui s'insèrent dans le texte : le point {.}, le point d'interrogation {?}, le point d'exclamation {!}, la virgule {,}, le point-virgule {;}, le deux-points {:}, les points de suspension {…}, les parenthèses {()}, les crochets {[]}, les guillemets {« »}, le tiret {–}. Grevisse y rajoute la barre oblique {/}. Les accolades { {} } sont également largement utilisées.
Histoire
L'Antiquité
L’histoire de la ponctuation en Occident se retrace sur une durée de vingt-quatre siècles si l’on remonte aux Grecs. Les plus anciens manuscrits grecs présentent une scriptio continua, c'est-à-dire sans blancs entre les mots. Mais dès l'écriture mycénienne archaïque, on voit apparaître la séparation des mots, quoique rarement.
Aux III et II siècles av. J.-C., Zénodote, Aristophane de Byzance et Aristarque de Samothrace, les responsables successifs de la Bibliothèque d'Alexandrie, sont donnés pour avoir défini pour l’alphabet grec un système comportant trois types de points pour marquer la ponctuation : le « point d’en haut » (stigmḕ teleía) pour la fin d’une phrase, le « point médian » (stigmḕ mésē) marquant une pause moyenne et le « point d’en bas » (hypostigmḗ), une courte pause. En établissant cet ensemble de signes permettant à la fois de lire et d'entendre un texte, les Grecs avaient fondé la ponctuation.
Ces trois signes de ponctuation sont devenus respectivement le point, le point-virgule et la virgule actuels. Ces grammairiens bibliothécaires sont aussi les auteurs des diacritiques de l’alphabet grec, lesquels sont à l’origine de certains des diacritiques de l’alphabet latin.
Le Moyen Âge
Paradoxalement, c'est pendant les périodes de recul ou de disparition de la production littéraire que la ponctuation progresse. La tâche principale est alors de préserver les grands textes du passé et d'en établir des versions fidèles, compréhensibles et sans ambiguïté. Le recopiage impose une certaine standardisation ; les mots sont systématiquement séparés par un blanc et des signes graphiques sont introduits pour faciliter la lecture. Ce travail ingrat est réalisé par des moines irlandais du VIIetVIII siècles et par des ecclésiastiques carolingiens du VIIIetIX siècles, qui introduisent le point d'interrogation.
Du XIV au XVII siècle
Gasparin de Bergame (1370-1431) est l’auteur d'un des premiers traités de ponctuation, La Doctrina punctandi. Avant lui, un traité attribué à Pétrarque est sans doute rédigé par un chancelier de Florence, Coluccio Salutati (1330-1406), qui ajoute deux signes nouveaux : le point d'exclamation et les parenthèses.
Geoffroy Tory, imprimeur humaniste, invente un « point crochu » qu’Étienne Dolet, dans son De la punctuation de la langue Françoyse, nomme virgule ou incisum. Citant la tradition grecque des trois points, Tory énumère onze valeurs de points nouveaux (contre sept pour Dolet) : le point suspensif, le point double, le demypoint, le point crochu, l'incisant, le respirant, le concluant, l'interrogant, le respondant, l'admiratif et enfin l'interposant ou parenthèses.
Au XVII siècle, on continue à considérer que la ponctuation n'a qu'une fonction orale, destinée exclusivement à faciliter la lecture à voix haute. Aussi les grammairiens, tel Vaugelas, l'ignorent, sauf Antoine Furetière qui, dans son Essay d'un dictionnaire universel (1684), donne une définition assez complète des signes de ponctuation anciens et modernes. Les imprimeurs et leurs typographes s'emparent de cette « petite science » que les grammairiens délaissent, et ils en conserveront la maîtrise jusqu'à l'époque moderne, tantôt avec l'assentiment des auteurs, tantôt malgré leur opposition.
Du XVIII au XX siècle
La ponctuation moderne se met en place à partir du XVIII siècle. Nicolas Beauzée, rédacteur de cent trente-cinq articles de grammaire dans l'Encyclopédie de Diderot, dont le chapitre « Ponctuation », a une très haute idée de cette matière, la qualifiant dans sa Grammaire générale de « métaphysique très subtile ». Il maintient que le rôle premier de la ponctuation est de faciliter la lecture à voix haute (rôle prosodique), mais il lui reconnaît comme rôle second de distinguer les sens partiels qui constituent le discours (rôle sémantique), et enfin de marquer les divers degrés de subordination dans l'ensemble du discours (rôle syntaxique). Mais, pour Beauzée, lorsque les exigences de la respiration entrent en conflit avec la syntaxe, il donne la priorité à la respiration, qui demeure primordiale. En effet, avant l'avènement du roman, l'essentiel de la littérature de l'époque peut être qualifiée de « déclamatoire », les textes étant surtout faits pour être lus à haute voix : fables, poèmes, théâtre, sermons, prêches et homélies, la lecture « visuelle », c'est-à-dire silencieuse, étant un phénomène récent.
Par exemple, les trois virgules figurant dans l'édition originale de cette période oratoire de Bossuet « Mais la sage et religieuse princesse qui fait le sujet de ce discours, n'a pas été seulement un spectacle proposé aux hommes, pour y étudier les conseils de la Divine Providence, et les fatales révolutions des Monarchies ; […] » ne sont pas requises par la syntaxe, et ne sont placées là que pour permettre au prédicateur de reprendre son souffle, la phrase étant trop longue pour être déclamée en chaire d'une seule traite.
Malgré le renouveau d'intérêt des grammairiens pour la ponctuation, les imprimeurs, bien souvent, n'en font qu'à leur tête, surtout pour les romans qui commencent à devenir populaires. Ainsi l'imprimeur Chapoulaud (1865) n'y va pas par quatre chemins : « Seul l'imprimeur instruit et expérimenté est conséquent dans sa manière de ponctuer, et sur ce point, l'auteur doit s'en rapporter à lui […], les typographes ponctuent généralement mieux que les auteurs. ».
Signes de ponctuation occidentaux
Les principaux signes de ponctuation utilisés dans les langues occidentales comprennent les signes pausaux et les signes mélodiques.
Les signes pausaux (en ordre décroissant de la durée) sont : le point ( . ) — qui a donné son nom à la ponctuation — termine une phrase ; le point-virgule ( ; ), marque une pause moyenne, normalement précédé d’une espace fine insécable, et ; la virgule ( , ), marque la pause la plus faible.
le point ( . ) — qui a donné son nom à la ponctuation — termine une phrase ;
le point-virgule ( ; ), marque une pause moyenne, normalement précédé d’une espace fine insécable, et ;
la virgule ( , ), marque la pause la plus faible.
Les signes mélodiques sont : le point d’interrogation ( ? ), normalement précédé d’une espace fine insécable ; le point d’exclamation ( ! ), toujours précédé d’une espace fine insécable ; les points de suspension (…), qui ne sont en réalité qu'un seul signe typographique (Alt+0133 sous Windows), ne sont pas précédés d'une espace ; le deux-points — appellation typographique considérée plus puriste que « les deux-points » ( : ), précédé logiquement d’une espace insécable, parfois d’une espace fine insécable ; les tirets, marquent une pause moyenne, demi-cadratin ( – ) et cadratin ( — ), toujours précédés et suivis d’une espace fine ; les guillemets (dits français) ouvrant ( « ) et fermant ( » ), séparés de l’expression qu’ils enserrent par une espace fine insécable, peuvent contenir des guillemets anglais doubles “ ” (ouvrants et fermants) ; les parenthèses ouvrante ( et fermante ), marquent une pause moyenne, intercale une précision dans la phrase ; les crochets ouvrant [ et fermant ], s’utilisent souvent à l’intérieur des parenthèses, ou avec des points de suspension.
le point d’interrogation ( ? ), normalement précédé d’une espace fine insécable ;
le point d’exclamation ( ! ), toujours précédé d’une espace fine insécable ;
les points de suspension (…), qui ne sont en réalité qu'un seul signe typographique (Alt+0133 sous Windows), ne sont pas précédés d'une espace ;
le deux-points — appellation typographique considérée plus puriste que « les deux-points » ( : ), précédé logiquement d’une espace insécable, parfois d’une espace fine insécable ;
les tirets, marquent une pause moyenne, demi-cadratin ( – ) et cadratin ( — ), toujours précédés et suivis d’une espace fine ;
les guillemets (dits français) ouvrant ( « ) et fermant ( » ), séparés de l’expression qu’ils enserrent par une espace fine insécable, peuvent contenir des guillemets anglais doubles “ ” (ouvrants et fermants) ;
les parenthèses ouvrante ( et fermante ), marquent une pause moyenne, intercale une précision dans la phrase ;
les crochets ouvrant [ et fermant ], s’utilisent souvent à l’intérieur des parenthèses, ou avec des points de suspension.
En anglais
Les anglophones utilisent des guillemets différents des francophones (“ ”) et, comme dans beaucoup d’autres langues (allemand, italien, etc.), n’emploient pas d’espace devant les ponctuations suivantes : : ; ? ! (ni aux abords des « » ).
Ceci correspond à la ponctuation française de l'époque classique (du XIV au XIX siècle).
En espagnol
Les hispanophones commencent leurs phrases interrogatives et exclamatives par des ponctuations inversées ¿ et ¡.
En allemand
Chez les germanophones, les guillemets sont disposés à l’inverse des francophones : guillemets ouvrant en » et fermant en « (communément appelés guillemets inversés).
En français
En France, on place une espace après un signe simple (, .) et deux espaces autour des signes doubles (: ; ! ?).
Au Canada et en Suisse, on admet l’espace uniquement devant le deux-points (on l’omet devant le point-virgule et les points d’exclamation et d’interrogation).
AVANT le signe APRÈS le signe point pas d’espace . espace (sauf en fin de paragraphe) point-virgule espace fine ou espace (insécables) en France, pas d'espace au Canada, en Suisse et en Belgique ; espace deux-points espace insécable en France et au Canada, pas d'espace en Suisse : espace point d’exclamation espace fine ou espace (insécables) en France, pas d'espace au Canada et en Suisse ! espace point d’interrogation espace fine ou espace (insécables) en France, pas d'espace au Canada et en Suisse ? espace virgule pas d’espace , espace trait d’union (quart-cadratin, différent du tiret) ce n’est pas une ponctuation mais un signe grammatical. pas d’espace - pas d’espace tiret (demi-cadratin) espace fine ou espace (insécables) – espace fine ou espace (sécables) tiret (demi-cadratin) lorsqu’utilisé en début d’incise espace fine ou espace (sécables) – espace fine ou espace (insécables) tiret long (ou cadratin) espace fine ou espace (insécables) — espace fine ou espace (sécables) tiret long (ou cadratin) lorsqu’utilisé en début d’incise espace fine ou espace (sécables) — espace fine ou espace (insécables) guillemet ouvrant espace (mais pas en début d’alinéa) « espace fine ou espace (insécables) guillemet fermant espace fine ou espace (insécables) » espace barre de fraction (slash) espace fine insécable ou pas d’espace / espace fine insécable ou pas d’espace apostrophe ce n’est pas une ponctuation mais un signe grammatical. pas d’espace ’ pas d’espace points de suspension pas d’espace … espace parenthèse ouvrante espace ( pas d’espace parenthèse fermante pas d’espace ) espace crochet ouvrant espace [ pas d’espace crochet fermant pas d’espace ] espace
Pour le cas où on emploie plusieurs signes successifs (points d’exclamation et d’interrogation multiples, éventuellement combinés), l’usage est de traiter l’ensemble des signes comme ne formant qu’un seul signe. Espaces avant et après, pas d’espaces entre les signes. Cet usage n’est cautionné par aucune règle officielle, parce que l’emploi de signes multiples est contraire aux règles de toute manière, même s’il est largement répandu, par exemple dans les bandes dessinées.
Sur Internet, ces règles sont peu respectées car l’espace insécable n’est pas accessible en une seule touche sur un clavier d’ordinateur (combinaison de deux ou trois touches selon le système d’exploitation). De nombreux rédacteurs choisissent donc de ne pas placer d’espace avant ces signes, pour ne pas placer d’espace sécable qui risquerait de placer le signe en tête d’une ligne.
Toutefois, plusieurs logiciels de traitement de texte, comme Microsoft Word ou LibreOffice, corrigent cette faute pour le lecteur et remplacent automatiquement les espaces sécables par des espaces insécables quand cela est nécessaire. Certains logiciels de correction, tels qu’Antidote, proposent le remplacement des espaces par ceux appropriés. De même, certains moteurs de wiki (comme MediaWiki) ou de forums interprètent une espace avant un signe de ponctuation double comme insécable. À l’opposé, quelques moteurs d’affichage des sites internet n’affichent aucune espace fine, car elles sont mal gérées par certains navigateurs. En revanche, les espaces correctes sont automatiquement insérées par LaTeX.
Autres signes de ponctuation
Signes récents et peu usités
Certains signes de ponctuation ont été inventés récemment, mais leur utilisation est restée rare, voire confidentielle :
la virgule d’exclamation a été inventée en 1856 par P. Villette (Traité raisonné de ponctuation [BnF : x-33082]) ;
le point d’ironie (؟) inventé à la fin du XIX siècle par Alcanter de Brahm ;
le point exclarrogatif (‽), ou « interrobang », qui combine les fonctions de point d’interrogation et de point d’exclamation ;
plusieurs dizaines d’autres signes de ponctuation ont également été créés au fil du temps sans s’imposer dans l’usage.
En chinois
La ponctuation chinoise utilise des signes de ponctuation différents de celui des langues européennes. Chaque caractère s'insère dans un carré imaginaire de taille constante. C'est pourquoi les signes de ponctuation chinois sont plus larges que leurs équivalents occidentaux. Ces signes de ponctuation sont de pleine chasse à l'inverse des signes occidentaux qui sont de demi-chasse. Le chinois peut s'écrire verticalement ou horizontalement. Ainsi, certains signes de ponctuation subissent une rotation de 90° selon le sens d'écriture.
Symboles typographiques
Il existe nombre de symboles (parmi lesquels des logogrammes) que l’on ne peut considérer comme des signes de ponctuation, mais qui, par ailleurs, ne sont ni des lettres ni des signes diacritiques. C’est le cas pour les caractères & et @, mais aussi le tiret bas, entre autres. Leurs fonctions sont de natures diverses : & est un logogramme et se lit comme un mot normal (« et ») tandis que le tiret bas sert surtout à la présentation (soulignement pour les machines à écrire, remplacement d’une espace typographique en informatique…), par exemple.
Ils partagent avec les signes de ponctuation le fait qu’ils appartiennent à la seule langue écrite (au même titre que la mise en italique, la distinction entre majuscules et minuscules, du reste).