词序
更多
查询
词典释义:
religion
时间: 2023-09-17 15:26:02
TEF/TCF常用TEF/TCF专四
[rəliʒjɔ̃]

n. f 1.宗教:2.宗教信仰;信仰:3.<转>(感到)应做的事;虔诚的追求;一心追求的目标4.宗教生活,修道生活5.修会常见用法

词典释义
n. f
1.宗教:
la ~ chrétienne 基督教

2.宗教信仰;信仰:
avoir de la ~ 信仰宗教

3.<转>(感到)应做的事;虔诚的追求;一心追求的目标
se faire une ~ d'une chose 以某事的职责
se faire une ~ sur qch. 对某问题有的看法

4.宗教生活,修道生活
5.修会


常见用法
pratiquer une religion修行一种宗教
la religion chrétienne基督教
la religion musulmane伊斯兰教
une religion païenne一种异教
pratiquer une religion参加宗教活动
renier sa religion背的宗教

近义、反义、派生词
联想:
  • église   n.f. 教堂;É~ 教会,教派

近义词:
communion,  confession,  culte,  église,  foi,  piété,  spiritualité,  adoration,  dévotion,  idolâtrie,  loi naturelle,  credo,  doctrine,  dogme,  ferveur,  mysticisme,  religiosité,  vénération,  avis,  opinion
反义词:
athéisme,  agnosticisme,  irreligion,  scepticisme,  doute,  irréligion
联想词
religieuse 宗教的; croyance 相信; islam 伊斯兰教; spiritualité 灵性; christianisme 信奉基督的各教派; laïcité 非宗教性质,世俗化; idéologie 思想,思想意识; catholicisme 天主教; confession 忏悔,告解; philosophie 哲学,哲学体系,哲学思想; foi 信用;
当代法汉科技词典

religion f. 宗教

religion hétérodoxe 异教

religion monothéiste 一神教

religion orthodoxe 正教

religion polythéiste 多神教

religion shintoïste 神道教

短语搭配

entrer en religion当修士

renier sa religion背弃自己的宗教

pratiquer une religion参加宗教活动;修行一种宗教

embrasser une religion选择某一宗教

professer une religion从事某一宗教活动

avoir de la religion信仰宗教

tat neutre en religions对宗教保持中立的国家

relatif à la religion有关宗教的

n'accepter aucune religion不信任何宗教

fonder une nouvelle religion创造一新教

原声例句

Le MBTI, c'est pas une religion.

MBTI,不是宗教

[MBTI解析法语版]

Et puis aussi, au XVIIe siècle, il y a eu d’autres guerres de religion avec les protestants.

随后17世纪时,和新教徒发生了另外的宗教战争。

[Français avec Pierre - 休闲娱乐篇]

Donc bon, je ne vais pas vous faire un cours d’histoire, mais il y a eu cette histoire avec les guerres de religion, les Cathares.

好了,我不会给你们上堂历史课的,但是有过这段历史,宗教战争,清洁派教徒。

[Français avec Pierre - 休闲娱乐篇]

Il y a eu aussi les Templiers, avec… c’était lié aussi à la religion, qui se sont mis à part, qui ont été chassés.

还有圣殿骑士… … 这也和宗教有关,他们成为一个独立的团体,遭到驱逐。

[Français avec Pierre - 休闲娱乐篇]

L'islam est la deuxième religion la plus importante au monde.

伊斯兰教是世界第二大宗教

[Décod'Actu]

Selon la religion musulmane, le jeûne permet de grandir spirituellement, de se purifier, d'oublier les conflits et de pardonner.

根据穆斯林宗教,禁食可以使人在精神上成长、净化自己、忘记冲突和宽恕他人。

[Décod'Actu]

Il n'a pas peur de critiquer les puissants et de remettre en cause les excès de la religion comme d'Orson tartuffe.

他不怕批评权势者,也不怕像多松·答尔丢夫那样质疑宗教的过度行为。

[Quelle Histoire]

C'était le Père Paneloux, un jésuite érudit et militant qu'il avait rencontré quelquefois et qui était très estimé dans notre ville, même parmi ceux qui sont indifférents en matière de religion.

是帕纳鲁神甫。那是一位博学而活跃的耶稣会教士,有时和他碰面,他在城里众望所归,甚至在对宗教十分淡漠的人们当中也受到尊重。

[鼠疫 La Peste]

Le shintoïsme, avec le bouddhisme, c'est l'une des deux principales religions du pays.

神道教和佛教是该国两种主要宗教之一。

[硬核历史冷知识]

Longtemps sans forme fixe, le shinto a été érigé en religion d'État avec la montée en puissance du Grand Empire du Japon de la fin du 19e siècle à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

神道教长期没有固定的形式,随着19世纪末至第二次世界大战结束日本帝国的崛起,神道教被确立为国教。

[硬核历史冷知识]

例句库

Ce sont généralement des situations ou au cours de l'histoire, le pouvoir, l'Empereur, ou le Roi, a choisi une religion qui est devenue la religion de tout le peuple.

在欧洲的不同国家,我们仍然可以看到一种甚至多种国家宗教或者说官方宗教,这些一般来说,都是历史上掌权者、国王、皇帝选择了一种成为统治全体百姓的宗教。

Toutefois, le plus grand vivier de prénoms reste la Bible car avec la crise économique qui frappe le pays, les gens se sont réfugiés dans la religion.

然而,由于经济危机沉重打击了国家,人们都躲在宗教中寻求帮助,于是用的最多的名字都来自《圣经》。

Moi, qui suis protestant, tous ces comportements me dérangent, je trouve même un peu malsain cette pratique de la religion. Mais, s’ils trouvent un peu de bonheur… !

我,因为是新教徒,这些举动让我很不自在,甚至联想到神经方面的问题。但是,如果能从中感知某种幸福...又未尝不可!

La religion catholique est la plus répandue en France.

天主教是在法国传播最广的宗教。

Les Jeux sont le rassemblement pacifique de 204 Comités Nationaux Olympiques, quels que soient l'appartenance ethnique, le sexe, la religion ou les opinions politiques des concurrents.

204个国家和地区奥委会相聚于此,跨越了民族、性别、宗教以及政治制度的界限。

La religion est en revanche une composante importante en Afrique du Sud, au Brésil et surtout dans les pays musulmans de l'étude, le Maroc et la Turquie.

宗教相反是南非,巴西,尤其是在穆斯林国家,如摩洛哥和土耳其这些地方不可或缺的部分。

Mais je veux dire ici que l'explication religieuse neme convainc pas, j'ai vécu l'islam dans ma famille où les femmes et les hommespratiquaient leur religion sans avoir besoin de tous ces signes.

但是我在这里想说,人们所说的宗教原因不能够令我信服。在我生长的家庭里,男人和女人们实践着他们的宗教信仰,并不需要这些象征物。

En France, les Protestants même s'ils ne sont pas contents doivent renoncer à leur religion.

在法国,新教徒们被迫放弃其宗教

Toute cette partie du haut Bundelkund, peu fréquentée des voyageurs, est habitée par une population fanatique, endurcie dans les pratiques les plus terribles de la religion indoue.

上本德尔汗德这一整块地区,以前都是人迹罕至的地方,现在这里住着一些具有狂热宗教信仰的教族,他们在当地还保留着那些最可怕的教规。

Depuis cette date, il a enseigné à des dizaines de milliers de personnes de toutes races et toutes religions, aussi bien en Orient qu'en Occident.

自此,得葛印卡老师教授的学生数以万计,包括来自东、西方各国,不同种族及宗教的人士。

Les "bonnesmusulmanes" qui se battent dans le giron de la religion sont la preuve quele phénomène d'oppression ne peut durer éternellement.

这种压迫现象不能永远进行下去,那些在宗教内部的“正派穆斯林妇女”们的抗争就是证据。

Il existe diverses façons de concevoir la religion.

关于宗教的思考方式有很多种。

C'est une religion païenne.

这是一种异教。

La religion est d'ordre spirituel et n'a pas à s'extérioriser en spectacle.

宗教属于精神范畴,不必形诸于外。

En retrouvant les mêmes habitudes, les mêmes actes, la même religion, je me sentais presque sous le toit paternel dans cette famille inconnue.

发现我们的共同习惯、共同动作和共同信仰,我觉得这个陌生的家庭变得好像自己家一样亲切。

De nos jours, il est impossible de certifier si le Prieuré de Sion est une supercherie ou une véritable organisation au service d'un des plus grands secrets de la religion catholique.

但到今天,基本上已经无法证明郇山隐修会究竟是一个骗局还是一个隐藏了天主教最大的秘密的真实组织。

La vie est roule sans cesse,la sage c’est une religion pour moi.

生命在不停的流动,知识是我的信仰

Cette occasion sportive est une grande fête mondiale, quoi que les differences de la race, de la nationalité, de la religion, et de l’idéologie.

这体育盛会是世界性的联欢,不分宗族、国际、宗教、意识形态。

Aussi bien la tradition que la religion sont protégées.

传统与宗教都得到良好保护。

Henri IV a mis fin aux guerres de religion.

亨利 4 世使宗教战争得以结束。

法语百科

Une religion se conçoit le plus souvent comme un système de pratiques et de croyances pour un groupe ou une communauté, mais il n'y a pas de définition qui soit reconnue comme valable pour tout ce que l'usage permet aujourd'hui d'appeler religion. Le terme latin religio a été défini pour la première fois par Cicéron comme « le fait de s'occuper d'une nature supérieure que l'on appelle divine et de lui rendre un culte ». Dans les langues où le terme est issu du latin, la religion est souvent envisagée comme ce qui concerne la relation entre l'humanité et Dieu. Dans le Coran, le terme dîn, qui peut être considéré comme équivalent de celui de religion, désigne avant tout les prescriptions de Dieu pour une communauté. En chinois, le terme zōng jiào (宗教), inventé au début du XX siècle pour traduire celui de religion, est connoté de l'idée d'un enseignement pour une communauté. Le bouddhisme est souvent considéré comme religion bien qu'il n'y soit question ni de Dieu, ni de nature divine. Dans son Petit traité de la vraie religion, Guy Ménard propose de définir la religion comme la gestion du sacré.

La religion peut être comprise comme les manières de rechercher et/ou trouver des réponses aux questions les plus profondes de l’humanité. En ce sens elle se rapporte à la philosophie. Mais elle peut aussi être vue comme ce qu’il y a de plus contraire à la raison et jugée synonyme de superstition. Elle peut être personnelle ou communautaire, privée ou publique, liée à la politique ou vouloir s’en affranchir. Elle peut aussi se reconnaître dans la définition et la pratique d’un culte, d’un enseignement, d’exercices spirituels et de comportements en société. La question de savoir ce qu'est la religion est aussi une question philosophique, la philosophie pouvant y apporter des éléments de réponse, mais aussi contester les évidences des définitions qui en sont proposées.

Historiquement, les religions conçues comme des ordres dans lesquels est recommandé ce qu'il faut faire et ce qu'il faut croire, sont apparues avec les partis religieux s'opposant les uns aux autres dans l'Europe du XVI siècle. Ces partis sont en premier lieu ceux catholique et protestant, ainsi que la diversité des confessions protestantes. L'usage de désigner ces partis comme « des religions » apparaît à la fin du XVI siècle, tandis que, par extension, il commence aussi à être question de « religions » à propos de l'islam, du bouddhisme, du taoïsme, de l'hindouisme et toutes les religions du monde depuis les origines de l'humanité. La transformation de l'expérience religieuse des Européens a été reprise à l'époque des Lumières dans un questionnement présupposant une essence de la religion en amont de toutes les religions historiques. Dès lors a commencé à se poser la question toujours irrésolue de savoir ce qu'est la religion ou une religion en fonction des innombrables religions du monde.

Selon Pierre Gisel, la question de savoir ce qu’est une religion est une question ouverte : faut-il se contenter de penser que les religions ont toujours une forme institutionnelle avec un clergé, des pasteurs, des imams, des moines ou des gourous, ou considérer aussi comme de la religion les pratiques de développement personnel touchant des domaines allant du sport à la philosophie, ainsi que ce que les libraires regroupent sous le terme générique d'ésotérisme ?

Chaque religion peut avoir sa propre appréciation de ce qu’il convient d’appeler religion. Elle est l’objet des recherches universitaires en sciences humaines. Des disciplines telles que l'histoire, la sociologie, l'anthropologie ou la psychologie, étudient ce qu'on nomme le fait religieux sans pour autant s'appuyer sur une définition qui correspondrait de manière homogène à tout ce qui est ainsi étudié.

Religion majoritaire dans chaque pays du monde Christianisme Catholicisme Orthodoxie Protestantisme Islam Sunnisme Chiisme autres Courants du bouddhisme vajrayāna Theravada Mahayana Divers Religions chinoises Hindouisme Judaïsme Religions traditionnelles africaines autres

Histoire sémantique du terme religion

Dans le latin de l'Antiquité, comme l'atteste une expression de Cicéron, il était possible de considérer que « chaque cité a sa religion ». En ce sens, une religion concerne traditions, coutumes et cultes d'un peuple particulier ou des citoyens d'une ville. Dans l'antiquité tardive, alors que le christianisme se développait et que des auteurs chrétiens réclamaient qu'il soit lui aussi considéré comme une religion, cette façon d'envisager des religions s'éclipse progressivement au profit d'une considération déjà présente avant le christianisme selon laquelle la religion est le fait de s'occuper d'une nature divine supérieure à l'homme. En ce sens, depuis l'Antiquité jusqu'au seuil de l'époque moderne, le terme religion au singulier désignait une vertu. Avec Cicéron, Augustin ou Thomas d'Aquin, la religion pouvait ainsi se comprendre comme une disposition humaine à connaître une nature supérieure, lui rendre le culte qui convient et chercher à agir selon ses lois. La religion ainsi envisagée est présente partout où se trouve l'humanité et n'a pas d'assise territoriale particulière. Durant le Moyen Âge, il était aussi possible de parler de « religions » au pluriel. Ce qui était ainsi désigné étaient les ordres religieux, c'est-à-dire principalement les communautés de moines ou de moniales.

Du XIIauXIV siècle, les textes dans lesquels le judaïsme, le christianisme et l'islam sont envisagées comme des choses équivalentes ne parlent pas de « religions » mais, par exemple, de trois « croyances » (créença) dans le catalan de Raymond Lulle ou de trois « lois » (legge) dans l'italien de Boccace. En ce qui concerne ce qui s'appelle alors religio, l'idée était plutôt que la religion est une, qu'elle est susceptible d'erreurs appelées hérésies, ou bien qu'elle est inconnue et, dans ce cas, il s'agit de paganisme.

Le terme religion change d'acception à partir du XVI siècle, moment auquel les Européens commencent à connaître une forme de pluralisme religieux. D'une part l'islam leur était mieux connu et apparaissait davantage comme « une autre religion » que comme une hérésie ou du paganisme ; d'autre part, il fallait un mot pour désigner les multiples confessions ou Églises issues des réformes religieuses du XVI siècle. Celles-ci ont alors commencées à être désignées comme « des religions ». Dès lors, une religion est vue comme ensemble de pratiques et de croyances d'une communauté. La réflexion moderne sur la religion qu'inaugure ensuite la philosophie des Lumières et qui se prolonge dans les sciences des religions suppose qu'il y aurait comme une essence de la religion commune à toutes les religions du monde et de l'histoire.

Thématisation de la religion dans l'Antiquité

Dans la littérature latine de l'Antiquité, le terme religio n'a pas la portée générale ou absolue d'un concept moderne. Il s'agit d'un terme parmi ceux employés dans des écrits portant aussi sur le divin, la nature des dieux, la piété, la crainte des dieux, les cérémonies, la fidélité (fides), les serments, les temples, les sanctuaires, les sacrifices solennels, les auspices, etc.. Les sources qui donnent accès au sens du terme latin religio n'exposent pas de façon univoque le sens qu'aurait eu ce terme, mais elles reflètent un questionnement, des débats et des désaccords à son sujet.

L'empereur Marc-Aurèle présidant un sacrifice à Rome, la tête couverte d'un pan de sa toge conformement au rituel.
L'empereur Marc-Aurèle présidant un sacrifice à Rome, la tête couverte d'un pan de sa toge conformement au rituel.

Il semble que ce qui était couramment appelé religio par les Latins est le respect des coutumes, de ses parents, des devoirs civiques et des liens de société. L'excellence religieuse est tenue pour ce qui permet le succès et la conservation des cités. Avec la piété, le courage, la justice ou la vengeance, elle est une des vertus attendues des citoyens. La religion ne se distingue pas de la politique. Les actes religieux ont une valeur juridique en même temps que ce qui est valable ou ne l'est pas dans la religion est régi par les lois et la jurisprudence. Chaque peuple ou chaque cité ayant sa religion, les religions de l'Antiquité forment un tout organique dans l'Empire Romain. Les Romains ont ainsi la religion de Rome. Ils reconnaissent les religions des autres cités tout en étant certains d'être les meilleurs religieux parce que Rome domine le monde. Ces religions ont toujours une assise territoriale précise. Ce sont des religions auxquelles on ne se convertit pas, chacun ayant la religion de son peuple et de sa naissance. Ce qui se conçoit alors comme religion n'appelle ni engagement croyant, ni reprise sur soi.

Les cultes rendus aux dieux faisant partie, à divers degrés, des obligations sociales, la religion a été définie par Cicéron comme « le fait de s'occuper d'une nature supérieure, que l'on appelle divine, et de lui rendre un culte ». Dans cette définition, qui est la plus ancienne que nous possédions de la religion, le fait de « s'occuper » d'une nature divine supérieure, du verbe curare en latin, peut désigner une occupation pratique, c'est-à-dire le fait d'accomplir envers les dieux les gestes et les rites conformes à la tradition. John Scheid estime en ce sens que la religion des Romains ne procède pas d'abord d'une théologie ou d'un discours philosophique sur les dieux, mais qu'il s'agit avant tout de « faire » ce que prescrit la tradition. Toutefois, ce que Cicéron appelle « s'occuper de la nature divine », peut aussi être de l'ordre d'une « préoccupation » métaphysique. Le questionnement philosophique sur la nature des dieux, dans lequel prend place la réflexion sur la nature de la religion, a joué un rôle de premier plan dans la formulation de premières conceptions de la religion et, en retour, le problème de la connaissance de la nature divine a pris une place croissance dans la religion des Romains. Au II siècle av. J.-C., les Romains ont ainsi commencé à produire des écrits spéculatifs dans lesquels ils cherchent à rendre compte de façon raisonnée des dieux et des cultes qui leur étaient rendus à Rome. Cicéron précise même qu'à son époque il n'est « plus personne pour croire qu'Atlas porte le monde sur ses épaules ».

La religiosité antique se pratique à trois niveaux : le niveau individuel, familial, dans lequel le pater familias dirige les actes rituels dans sa maison en s’adressant à des dieux personnels, parfois des ancêtres divinisés comme les Lares ; le niveau clanique dans lequel un ou plusieurs clans pratiquent un culte local, généralement dans des petites sanctuaires en plein air ; le niveau national qui se pratique dans des sanctuaires ou temples où sont vénérés le dieu national et d’autres divinités qui lui sont associées.

La religion christianisée

Christ, XII siècle, Basilique Sainte-Sophie, Istanbul.

Lorsque le christianisme a commencé à se développer, il pouvait être vu comme se situant dans l'ordre de ce qu'est la religion sur un plan théorique ou philosophique dans la mesure où il répond pleinement de la définition que Cicéron avait donné de la religion : « le fait de se soucier d'une nature supérieure, que l'on appelle divine, et de lui rendre un culte. » Cependant le christianisme ne correspond pas à ce qui reste ordinairement et légalement reconnue comme de la religion ou une religion dans l'Empire romain. Les premiers écrits chrétiens comportant le terme latin religio sont du II siècle. Le terme a ainsi trouvé une place dans la littérature apologétique chrétienne lorsque celle-ci s'est employée à répondre à l'accusation de crime contre la religion ou d’irréligion faite aux chrétiens. Des auteurs chrétiens, notamment Tertullien, réclament dès lors que le christianisme soit considéré comme une religion, tandis que le terme poursuit son évolution sémantique, devenant de plus en plus apte à désigner le christianisme. Le christianisme devient la religion commune de l'Empire et la norme de ce qu'est la religion à partir des IVetV siècles.

Les Pères latins de l'Église ont développé l'idée de « vraie religion ». Dans la mesure où le christianisme avait réclamé d'avoir droit de cité en étant reconnu comme une religion, la considération d'une vraie religion revient d'abord à faire valoir qu'il y a plusieurs religions et que l'une d'elles - le christianisme - est la vraie. Mais il s'agit aussi, notamment chez Lactance puis Augustin, de se demander comment la religion, en tant que vertu par laquelle l'homme est en relation avec le divin, peut être vécue en vérité. La religion se conçoit ainsi comme une disposition présente dans toute l'humanité mais toujours susceptible d'erreur, à connaître Dieu et à pratiquer le culte qui lui plaît. Cette réflexion sur la nature de la religion chez les Pères de l'Église aboutit à l'identification de la philosophie à la vraie religion. Augustin affirme ainsi « Nous croyons et nous enseignons, ceci est le principe de l'humanité, que la philosophie, c'est-à-dire l'amour de la Sagesse, n'est autre que la vraie religion ». Selon Augustin, la vraie religion est présente depuis les origines de l'humanité tandis qu'elle a commencé à s'appeler chrétienne ultérieurement.

Dès lors que la religion est pensée comme une vertu ou comme « l'amour de la Sagesse », elle se conçoit seulement au singulier, de même qu'aujourd'hui il est normalement question de justice au singulier et jamais au pluriel. À mesure que cette conception de la religion s'impose, il devient de moins en moins pertinent d'envisager un pluralisme religieux. D'autres mots sont alors employés pour désigner ce qui, hormis le christianisme, se conçoit aujourd'hui comme des religions : celui de paganisme pour ceux qui ne connaissent pas Dieu ou le refusent, et celui d'hérésie pour qualifier les doctrines jugées déviantes par rapport à l'orthodoxie du christianisme. De ce fait, le terme religion au pluriel devient disponible pour un usage tout à fait anodin. À partir du V siècle et jusqu'à l'époque moderne, ce qui est couramment désigné comme des religions sont les communautés monastiques, c'est-à-dire des lieux où l'on vit « religieusement », selon une règle, en aspirant à la perfection et au bonheur.

Premiers signes d'un pluralisme religieux en Europe

Vue de la salle de prière de la Grande Mosquée de Kairouan (Tunisie). Édifice religieux majeur de l'islam, datant dans sa forme actuelle du IX siècle, la Grande Mosquée de Kairouan est un lieu de culte qui associe l'architecture religieuse musulmane avec des éléments préislamiques, notamment des centaines de colonnes, de marbre et de granite, remployées d'édifices romains et byzantins (II ‑ VI siècle).

Une conception proche de ce que nous appelons aujourd'hui « les religions » a d'abord vu le jour en terre d'islam. Avec la catégorie de dîn l'islam envisage une religion unique et vraie qui est l'islam lui-même, en même temps que sont reconnus des dîn particuliers, notamment pour le judaïsme et le christianisme. Un dîn est la loi de Dieu pour une communauté. Ceux qui n'ont pas de livre révélé sont considérés comme des païens, ce qui est interdit, chacun devant répondre d'un dîn. À partir du XIII siècle, cette façon de compter trois religions a été reprise et réfléchie par des non-musulmans, chrétiens ou juifs, en particulier Ibn Kammuna à Bagdad et Raymond Lulle à Majorque. Dans la version catalane de son traité, le terme employé par Raymond Lulle pour désigner ce qui s'appelle aujourd'hui une religion est celui de croyance (creença).

Dans le même temps, ont eu lieu les croisades et la Reconquista, suivies de l'expansion de l'Empire ottoman. Au cours de ces conflits échelonnés sur plus de huit siècles, de la conquête arabe au siège de Vienne, les Européens ont acquis une conscience accrue de l'altérité religieuse d'un islam qu'ils savaient mal connaitre. Toutefois, chez les européens et jusqu'au XVI siècle, il n'a pas été davantage question de l'islam comme d'une autre religion, qu'il n'était d'usage d'envisager « des religions » au sens moderne du terme.

Entre les XIetXIII siècles, l'Europe fut marquée d'une grande effervescence religieuse. D'autres croisades que celles tournées vers Jérusalem ont eu lieu, notamment celle contre les cathares. Dans les villes d'Europe du Nord, les Béguards trouvent, non sans difficultés, une forme de reconnaissance et de stabilité. Dans le sud de la France, le valdéisme se développe de façon de plus en plus autonome et rebelle vis-à-vis des autorités ecclésiastiques. Ils ont plus tard intégré le courant protestant. D'autres mouvements ont été acceptés et organisés dans l'Église sous forme d'ordres religieux avec une règle, des supérieurs et des lieux conventuels, c'est-à-dire qu'ils devenaient ainsi officiellement ce qui s'appelait alors « une religion » au sens médiéval du terme. Ce fut le cas des « ordres mendiants », par exemple les franciscains.

En, 1453, dans le De pace fidei écrit immédiatement après la prise de Constantinople par les Turcs, Nicolas de Cuse a laissé ce qui peut être considéré comme les prémisses de la conception moderne de religion. Écrivant sur fond de guerres entre Turcs et Byzantins et de disputes ecclésiales entre occidentaux et orientaux, et estimant que le dialogue conduit « selon la doctrine du Christ » amène à la paix, Nicolas de Cuse imagine dans le De Pace Fidei des représentants de toutes « les religions » dialoguant au ciel en présence du Christ. Dans la narration de Nicolas de Cuse, c'est le Christ lui-même qui suscite ce dialogue en déclarant :

« Le Seigneur, Roi du ciel et de la terre, a entendu les gémissements de ceux qui ont été mis à mort, jetés dans les fers ou réduits en esclavage, et ceux qui ont souffert à cause de la diversité des religions.[...] le Seigneur a eu pitié de son peuple et se plaît, avec le consentement de tous les hommes, à ramener dans la concorde, la diversité des religions à une religion unique et inviolable. »

 Nicolas de Cuse,De Pace Fidei

En fait de représentants des « religions », ceux qui participent au dialogue sont des gens de bonne volonté issus de différents peuples. Il s'agit d'un Grec, un Italien, un Arabe, un Juif, un Indien, un Persan, un Chaldéen, un Sycthe, d'un Syrien, un Espagnol, un Allemand, un Français, etc. Ce que Nicolas de Cuse désigne comme « des religions » est donc un ensemble de positions dont la diversité est d'abord celle des peuples ou des nations et non pas directement ce que l'on appelle aujourd'hui « les religions ». Mais Nicolas de Cuse renoue avec l'usage antique de considérer que chaque cité ou chaque peuple a sa religion dans un contexte où se profile ce qui deviendra le pluralisme religieux moderne.

Développement de l'idée moderne de religion

Les religions du monde, gravure du XVIII siècle.

C'est à partir du XVI siècle que le terme religion en est venu à désigner « des religions ».

« Dès le XVI siècle, l'espace religieux européen est marqué par une diversité d'organisations particulières réclamant leur légitimation propre, prescrivant des choses à faire et à croire : un ordre catholique ou protestant, et, par-delà, un ordre juif, chrétien ou musulman. De la perspective ancienne à la modernité, on est donc passé, avec le mot religion, de la désignation d'une attitude (une vertu) requérant l'humain dans son rapport au cosmos (ce qui relève plutôt d'une sagesse) à un système de croyances et de pratiques. »

— Pierre Gisel et Jean-Marc Tétaz,Théories de la religion, p. 12.

En français, l'usage du terme religion consistant à l'employer pour désigner des organisations recommandant ce qu'il faut faire et croire a commencé à se répandre à la fin du XVI siècle, en particulier sous la plume de Montaigne dont les écrits contribueront à la généralisation de la nouvelle acception du terme. Cette nouvelle façon d'envisager des religions investit rapidement tout ce qui est de l'ordre de la religion, et il ne semble plus possible d'avoir de la religion sans être d'une religion comme les autres. Les religions qui se mettent en place sont en un sens identifiées à des doctrines telles que le luthéranisme, le calvinisme, l'anabaptisme, le catholicisme ou l'orthodoxie, mais elles tendent aussi à correspondre à des nations, tel que l'anglicanisme, le gallicanisme, la religion des Turcs, etc. S'il fut d'abord question de « religions » pour désigner les différents partis religieux chrétiens, le christianisme est aussi considéré dans son ensemble comme une religion par rapport à l'islam ou bien d'autres religions lointaines ou passées : la religion des Romains, celle des Égyptiens, la religion des sauvages d'Amérique, la religion de Bouddha, etc. La naissance des religions a accompagné celle des États-Nations européens, elle a eu lieu sur fond de rivalités et de violences entre armées et entre partis religieux, et c'est dans les guerres que se sont construites ces réalités - les religions - qui font partie de ce par quoi s'organise le monde moderne.

Avec les guerres de religions, l'idée de tolérance a commencé à jouer un rôle important dans la réflexion sur la religion. Il s'agit d'abord, au sens littéral et médical du terme, de supporter un mal que l'on ne sait empêcher, ce mal étant la diversité des religions. Puis la tolérance devient, avec les intellectuels du XVIII siècle, une valeur et une qualité qui s'oppose à la prétention à la vérité et au dogmatisme en matière religieuse.

Les XVIIetXVIII siècles verront l'essor d'une philosophie de la religion qui place la diversité des religions historiques face à la raison universelle. Selon Ulrich Bart, « dans une époque marquée par l'expérience d'un pluralisme confessionnel de plus en plus prononcé et par les premiers signes d'un pluralisme inter-culturel, il s'agissait de justifier le contenu de vérité des religions historiquement donné devant le for universel de la raison humaine ». La philosophie des Lumières élève toute une série de termes relativement anodins au rang de concept clé pour penser le monde et l'expérience humaine : religion, culture, civilisation, société, etc. Une philosophie de la religion prend forme progressivement dans les œuvres de Locke, Hume en Angleterre ; Voltaire, Diderot ou Rousseau en France ; Kant, Schleiermacher, Fichte, Jacobi, Hegel, etc. en Allemagne. La réflexion sur la religion et les religions qui s'est amorcée avec la philosophie des Lumières « implique quelque chose comme une essence substantielle de la religion, précédant logiquement les religions positives, comprises alors comme les formes historiques dans lesquelles la substance religieuse se réfléchit, devenant ainsi à soi-même son propre sujet ».

Le XIX siècle voit surtout se développer une pensée extrêmement hostile aux religions avec Marx, Nietzsche, etc., mais c'est aussi au XIX siècle que se mettent en place les sciences humaines, notamment la sociologie, qui va se donner la religion pour objet d'étude. Michel Despland estime qu'en France, les années 1820-1830, correspondant à l'époque de la Restauration, ont été un moment fondateur dans l'émergence des sciences des religions et, par là, de la catégorie moderne de religion. La religion devient un objet d'étude « scientifique » avec Proudhon ou Auguste Comte, qui cherchaient à penser la religion avec la certitude qu'une approche rationnelle et positive la détruit. À leur suite, mais dans une perspective différente, Émile Durkheim, Max Weber, Georg Simmel ou Ernst Troeltsch, considérés comme les pères fondateurs de la sociologie, ont consacré de nombreux travaux à la religion posant les principes d'une étude se voulant à la fois neutre et critique des religions.

Au XX siècle, différentes approches de la religion ont été développées avec la sociologie, l'anthropologie, la psychologie et l'histoire notamment. Aujourd'hui, dans les sciences des religions, se posent la question de la façon dont la religion a été constituée comme objet d'étude. Il semble qu'aucune définition ne convienne à tout ce qui est étudié comme religion ou tout ce que l'usage permet d'appeler religion.

Le religion et ses conséquences sont également banalisées au niveau du langage quotidien, le célèbre footballeur néerlandais Johan Cruyff ayant dit :

« Je ne suis pas religieux. En Espagne, les 22 joueurs font le signe de croix avant d'entrer sur le terrain. Si ça marchait, tous les matchs devraient se terminer en résultat nul. »

Théories modernes des religions

Les sciences humaines telles que la sociologie, la psychologie ou l'anthropologie ont établi leur objet et leurs méthodes au XIX siècle. Ces disciplines se sont constituées comme sciences en prenant la religion pour objet. La religion n'a ainsi pas seulement été pour elles un objet parmi d'autres : ces sciences ont affirmé la rationalité des connaissances qu'elles se proposaient d'établir sur les phénomènes du monde, dont les religions, indépendamment et parfois en opposition aux connaissances des religions envisagées comme des « croyances ».

Problèmes de définition

« Un des traits les plus étonnants des penseurs de notre époque est qu'ils ne se sentent pas du tout liés par ou du moins ne satisfont que médiocrement aux règles jusque là en vigueur de la logique, notamment au devoir de dire toujours précisément avec clarté de quoi l'on parle, en quel sens on prend tel ou tel mot, puis d'indiquer pour quelles raisons on affirme telle ou telle chose, etc.. » — Bernard Bolzano,Lehrbuch der Religionswissenschaft, (1834) §63.

L'objet « indéfinissable » des sciences des religions

Dans l'avant-propos du Dictionnaire des faits religieux Régine Azria rappelle que « Dès leur origine, les sciences sociales des religions ont placé la question de la « définition » de leur objet au centre de leur préoccupation. Cet impératif de définition est en effet le premier pas de toute démarche scientifique, le préalable à toute possibilité d'approche critique. » Elle reconnait la difficulté d'établir une définition consensussuelle de la religion, tout en considérant que « dans les sciences des religions, il y a place et matière à définitions multiples, donnant à voir emboîtement et complémentarités » et que « c'est la diversité même des points de vue que ces débats mettent en présence et confrontent, qui permet d'éclairer la complexité de cet objet « indéfinissable ». » Le phénomène religieux est envisagé comme en miettes, fragmenté, polymorphe, comme une « réalité culturelle protéiforme », un phénomène kaléidoscopique, aux multiples manifestations ou facettes, etc. La suggestion reste qu'il y aurait à découvrir une sorte d'unité dans la diversité ou un principe général dont procède la diversité.

Ces problèmes de définition ont conduit assez tôt des chercheurs à exclure la possibilité de définir la religion comme une « essence universelle » tout en affirmant la nécessité de se fonder sur des choses observables. Marcel Mauss déclarait ainsi en 1904 : « Il n'y a pas en fait une chose, une essence, appelée Religion ; il n'y a que des phénomènes religieux, plus ou moins agrégés en des systèmes qu'on appelle religions et qui ont une existence historique définie, dans des groupes d'hommes et en des temps déterminés. » L'affirmation selon laquelle il n'y a pas d’essence de la religion est devenue un lieu commun des discours sur la religion au XX siècle. Cependant, exclure qu'il y ait une essence de la religion au moment même où l'on affirme s'intéresser aux religions en leur existence historique ne règle pas le problème de la définition de la religion : pour savoir ce qu'il faut prendre pour objet d'observation, il faut avoir recours à une définition de la religion. Pour Jean Grondin la question de la définition de la religion reste celle de son essence nonobstant les préventions ou les incompréhensions dont ce mot peut être l'objet : « l'air du temps, nominaliste, répugne à tout discours portant sur l’essence des choses, comme s'il s'agissait d'un gros mot. On associe alors, de manière caricaturale, l'essence à une idée un peu platonicienne, intemporelle et d'une constance absolue. [...] la question de l’essence de la religion, loin de chercher une idée a priori, veut répondre à une question plus élémentaire : de quoi parle-t-on quand il est question de religion ? »

Dans son Traité d'histoire des religions Mircea Eliade juge impossible de définir précisément la religion. Il la définit donc par « approximation ». Selon Mircea Eliade : « Toutes les définitions données jusqu'à présent du phénomène religieux présentent un trait commun : chaque définition oppose à sa manière, le sacré et la vie religieuse, au profane et à la vie séculaire. C'est quand il s'agit de délimiter la sphère de la notion de « sacré » que les difficultés commencent. » M. Eliade prend acte de ces difficultés et laisse un caractère volontairement imprécis à la notion de sacré. Il reprend ainsi une thèse de Roger Caillois : « Au fond, du sacré en général, la seule chose qu'on puisse affirmer valablement est contenue dans la définition même du terme : c'est ce qui s'oppose au profane. Dès que l'on s'attache à préciser la nature, la modalité de cette opposition, on se heurte aux plus grands obstacles. Qu'elle qu'élémentaire qu'elle soit, aucune formule n'est applicable à la complexité labyrinthique des faits. » Il s'agit donc de partir d'une approximation pour étudier les « faits religieux » et ainsi approximativement définis, en savoir plus sur la nature du phénomène. Toutefois, l'idée d'une opposition systématique entre sacré et profane a aussi été contestée. Pour Philippe Borgeaud, il n'y a pas dans la littérature ancienne d’équivalence à l’opposition entre sacré et profane. Les textes dits « sacrés » de Mésopotamie, d'Égypte , d'Israël ou de Grèce antiques, permettent certes de trouver des catégories qui ressemblent à l'idée de sacré, mais, d'une part, le sacré n'y est généralement pas en opposition à un profane, d'autre part il n'y a pas homogénéité des catégories qui ressemblent à celle de sacré. Seuls les textes bibliques semblent contenir une bipartition entre ce qui est saint (qadesh) et ce qui est commun (khol) ou entre ce qui est pur et impur, mais ces termes ne correspondent à ce qui peut se concevoir aujourd’hui comme opposition entre sacré et profane que si ces notions gardent un caractère imprécis.

Pour R. Azria « le travail de définition cherche inlassablement sa voie à travers des débats infiniment recommencés, continuellement déjoués par les transformations, les renouvellements, les effacements et les ré-émergences de l'objet polymorphe que les chercheurs s'efforcent de saisir. », ce qui empêcherait une définition stable ou consensuelle de ce qu'est une religion.

Des faits religieux

Dôme du Rocher et Saint-Sépulcre (au fond à droite), Jérusalem.

Moine Bouddhiste, *****.

L'équipe de football américain du Colorado en prière avant un match.

Encens et offrandes dans un temple chinois, Taipei.

Prière, Congo.

le Pape François.

Prière du matin à La Mecque.

Moine de confession jaïne à Ellora.

Barack Obama au Petit-déjeuner national de prière (en).

Temple d'Or, Inde, sikhisme.

La chapelle de Taizé, France.

Le Dalaï-lama à Zurich.

Hindou en prière face à une vache sacrée.

La Kaaba à La Mecque.

Critiques des définitions

La tour de Babel (Bruegel l'ancien) illustre un passage de la Genèse évoquant une époque où « toute la terre avait un seul langage et les mêmes mots ».

Les objections sur la façon dont les sciences des religions ont défini leur objet se sont exprimées de façon croissante, culminant dans les années 1980 avec la publication de plusieurs études remettant en cause toutes les définitions ainsi que la possibilité même de définir la religion pour en faire un objet d'étude « scientifique ».

Parmi les problèmes soulevés concernant les définitions de la religion proposées dans les sciences humaines, il a été constaté qu'aucune définition ne s'applique à tout ce qui y est étudié comme étant de la religion ou une religion. En un autre sens, le problème de la définition de l'objet des sciences des religions ne serait pas tant l'absence d'une définition qui convienne à toutes les religions que le trop grand nombre de définitions. Yves Lambert a parlé à ce sujet d'une « tour de Babel des définitions de la religion ».

Le caractère européen ou occidental d'un concept que l'on voudrait universel pose aussi problème. Ce qui est plus particulièrement en cause lorsque ce concept est jugé occidental est son caractère théologique et chrétien. Le concept de religion renverrait nécessairement, en dernière analyse, à Dieu ou au surnaturel. Ceci pose problème à ceux qui y voient une croyance issue d'une religion particulière. Si tel est le cas, il est d'une part possible de faire valoir que cette croyance n'a pas à s'imposer aux autres par le biais d'une définition qui les inclurait toutes, et d'autre part que « les croyances religieuses » n'ont pas leur place dans des études à prétention scientifique. Ainsi, pour des auteurs tels que Daniel Dubuisson ou Timothy Fitzgerald, la « religion », est une catégorie intellectuelle inopérante, née d'un désir d'affirmer le caractère transcendant d'une culture mondiale idéale ; ils considèrent qu'« il n'y a pas de fondement théorique non-théologique cohérent pour l'étude de la religion comme une discipline universitaire » à l'exception de définitions qui en dernier ressort renvoient à un théisme chrétien.

La nécessité que le discours sur les religions soit non religieux fait partie des revendications qui s'entendent dans les sciences des religions. Il faudrait pouvoir « parler du religieux de manière non religieuse », ce que ne feraient pas les sciences des religions. Cependant pour Jonathan Z. Smith, c'est déjà assez largement le cas, car la religion ne ferait pas bon ménage avec les tentatives de la saisir intellectuellement. Il estime qu'« en un certain sens, il est plus facile d'être religieux sans le concept : la religion peut devenir une véritable ennemie de la piété. On pourrait presque dire que l'homme religieux se tourne vers Dieu ; c'est l'observateur du dehors qui se tourne vers la religion. » Smith considère que « La religion est uniquement une création d'universitaires. Elle est imaginée sur la base de comparaisons et de généralisations par les chercheurs pour les besoins de leurs études. »

Il a aussi été relevé que les définitions existantes sont partiales. Selon André Lalande, elles présentent « presque toutes le caractère d'incorporer une théorie ou une appréciation du fait. » Les définitions proposées véhiculeraient ainsi des pensées supplémentaires indiquant plus ou moins subtilement ce qu'il faut en penser ou en faire. Michel Despland donne l'exemple extrême de la définition qu'avait proposé Salomon Reinach dans son Orpheus, Histoire générale des religions (1907). Il y définissait la religion comme « un ensemble de scrupules qui font obstacle au libre exercice de nos facultés. » Pour Michel Despland, « toutes les idées de la religion ne sont pas aussi impérialistes, mais il n'en reste pas moins non seulement désignent une réalité mais aussi donnent à penser et orientent nos réflexions. »

Les sciences des religions se sont constituées comme sciences au moment où elles affirmaient leur neutralité vis-à-vis des religions, mais la question de la neutralité des sciences des religions vis-à-vis de leur objet n'a pas cessé de poser problème. Ainsi, en 1987, Danièle Hervieu-Léger, revenant sur l'histoire de la sociologie des religions et ses principes fondateurs se demandait si le sociologue pouvait « échapper à l'impératif de devoir détruire son objet, dans le temps même où il le soumet aux procédures d'analyse et d'étude qui sont celle de sa discipline. ». Le sociologue Shmuel Trigano estime pour sa part que « La sociologie de la religion [...] se donnant pour tâche de rendre compte du phénomène de la transcendance - le trait le plus fort de la religion - dans le cadre d'une explication reposant sur le principe de l'immanence absolue de tout phénomène social, ce projet même la conduisait à supposer que l'expérience religieuse était trompeuse, en tout cas illusoire, et que derrière elle, se tramait une réalité dont le croyant n'était pas conscient. »

Religions : traditions culturelles ou confessions religieuses ?

Le terme religion sert à désigner, d'une part, des mouvements revendiquant une séparation ou une coupure avec la culture et la tradition des sociétés dont elles sont issues, et d'autre part, des traditions plurimillinéraires qui se confondent avec les cultures de l'humanité à l'échelle des civilisations et des continents. Une religion, ce peut ainsi être une religion confessionnelle, dont la taille peut être de quelques dizaines d'individus, ou bien ce qui est appelé les « grandes religions ». Il n'y a pas de consensus sur ce que sont ces grandes religions. Le sociologue Max Weber considérait cinq ou six « religions mondiales » qu'il définissait comme des « systèmes de réglementation de la vie, religieux ou déterminées par la religion, qui ont su réunir autour d'eux des masses particulièrement importantes de fidèles : l'éthique religieuse confucéenne, hindoue, bouddhiste, chrétienne, islamique. Nous devons y ajouter une sixième religion, le judaïsme : parce qu'on y rencontre des présupposés historiques décisifs pour la compréhension de ces deux dernières, […] » Par ailleurs Max Weber s'est intéressé à ce qu'il désigne comme des « groupements communautaires », c'est-à-dire les religions confessionnelles qui prennent place dans les grandes religions. Plus récemment Michel Malherbes, dans un livre qui ne se situe pas au niveau de travaux académiques ou universitaires mais que l'auteur présente comme « un ouvrage de vulgarisation, traité comme un travail de journaliste », comptait quatre « grandes religions » donnant à titre indicatif un pourcentage de la population mondiale pour chacune d'entre elles : le christianisme (28 %), l'islam (18 %), l'hindouisme (15 %) et le bouddhisme (5 %). Il estimait en outre à 29 % le taux de la population mondiale sans religion et à 5 % les adeptes d'« autres religions ». Au-delà de ces « grandes religions » Michel Malherbes aborde dans son ouvrage plus d'une centaine de religions, qui sont pour la plupart des religions au sein des grandes religions.

L'emploi du terme religion autant pour désigner des groupements communautaires aux contours assez bien définis que pour les grandes traditions religieuses de l'humanité, relève d'une indétermination quant au rapport entre la culture et ce que l'on appelle religion, problème auquel se sont attaqués différents chercheurs en sciences des religions. Dans La religion pour mémoire, Danièle Hervieu-Léger avait cherché à raccommoder les religions comprises comme des systèmes de croyances avec les traditions culturelles de l'humanité en proposant de définir une religion comme « tout dispositif par lequel est constituée, entretenue, développée et contrôlée la conscience individuelle et collective de l'appartenance à une lignée croyante particulière. » Le point c'est la « lignée croyante » qui désigne le lien d'une religion avec une tradition et par là une histoire et une culture. Danièle Hervieu-Léger estime ainsi que le propre d'une religion est la référence à « une mémoire autorisée », c'est-à-dire à une tradition, tandis que les communautés qui sont sans référence à une tradition ne devraient pas être pensées comme des religions.

Dans son livre La sainte ignorance, le temps de la religion sans culture, le sociologue Olivier Roy adopte une position diamétralement opposée à celle de Danièle Hervieu-Léger. Estimant que la conception de la religion qui requiert un « saut dans la foi » est la norme du « pur religieux », il soutient qu'il faut chercher à comprendre la situation actuelle du religieux à partir des religions qui se développent le plus aujourd'hui. Ainsi l'auteur n'identifie pas le « pur religieux » aux « grandes traditions religieuses », ni aux Églises protestantes « traditionnelles » si l'on peut en parler ainsi, mais aux « nouvelles religions », en particulier celles de la vaste mouvance appelée pentecôtisme ou évangélisme. Celles-ci auraient les caractéristiques du « pur religieux » dans la mesure où il y est affirmé une rupture avec les traditions et des cultures dont elles sont issues, et où elles n'ont le plus souvent aucun rapport institutionnel, ni avec les religions plus anciennes, ni entre elles. L'auteur considère le pur religieux comme un mythe, c'est-à-dire que ce « pur religieux » n'existerait pas autrement que comme une idée, mais ce mythe serait présent mondialement, partout où se trouvent des personnes pour défendre les uns contre les autres leur religion en sa pureté. Olivier Roy qualifie cette religion sans culture de « sainte ignorance », et estime qu'elle a de beaux jours devant elle.

Lien entre religion et comportements sociaux

Chaque religion fixe des limites morales à ce que l’individu peut ou devrait faire dans le monde et à l’égard de son prochain. Ainsi, l’un des commandements bibliques fondamentaux est « Tu ne tueras point » et l’évangile ou le bouddhisme promeuvent un comportement altruiste et désintéressé. Au début du XXIème siècle 84% des humains sondés se déclaraient croyants. Ce chiffre monte à 97% aux États-Unis. Pourtant, la peine de mort y existe encore, et la criminalité y est importante. Le Classement des pays par taux d'homicide volontaire ne montre pas que le taux d’homicides est moindre dans les pays à forte religiosité ou caractérisés par une religion d'État.

Mesurer les effets individuels et sociétaux des pratiques religieuses s'avère délicat tant elles diffèrent et sont personnelles, ainsi qu’en raison de nombreux risques de biais cognitif (en particulier, la statistique d'appartenance religieuse (basée sur des déclarations) est une mauvaise mesure de la religiosité réelle).

Les enquêtes sociologiques montrent une association entre l’auto-évaluation de la religiosité et un comportement « prosocial » . En particulier dans les sondages les personnes se disant très croyantes signalent plus souvent participer activement à des activités de bienfaisance, mais on mesure mal si cela est exact, exagéré, ou si les non-religieux sous-estiment leurs activités altruistes . Une étude récente a montré que « cette association émerge surtout dans des contextes où les préoccupations de réputation sont renforcées » .

L’induction expérimentale d’un état d’esprit « religieux » semble réduire les taux de tricherie et augmenter le comportement altruiste vers des étrangers anonymes, mais tant chez des croyants que chez des laïques et non-croyants) . Des expérimentations montrent aussi un lien entre une dévotion religieuse affichée et une plus grande confiance (en soi ou en autrui) mais les chercheurs constatent qu’avoir lu le mot « Dieu », ou le fait d’avoir lu le mot « esprit » (en anglais, « Spirit » est proche du mot « spiritualité ») ou « police » a le même effet. L’Histoire ni la sociopsychologie ne montrent à ce jour de différences claires entre le comportement social, éthique, moral ou criminel de personnes ou groupes se disant religieux ou athées. Le fait d’être croyant ou la pratique religieuse ne semble pas par exemple liée à la propension à aider un inconnu dans la détresse (ou à s’en détourner), mais le type de religiosité (ou de comportement moral chez un laïc) a une importance sur le type d’aide qui sera apportée, si la personne s’est arrêtée pour parler avec la personne en détresse. Les effets directs et indirects de la religion et de la pratique religieuse sur la criminalité semblent aussi varier selon les époques et les contextes, et ils sont souvent contre-intuitifs ou paradoxaux (Ainsi la religion a historiquement justifié les croisades, de vastes mouvements de déculturation, de colonisation et parfois d’asservissement très violents). Des gens se disant religieux ont participé à de très nombreuses guerres et violences fratricides ou les ont cautionnées. Inversement, la religion semble aussi avoir généré des comportements individuels ou de petites communautés considérés comme exemplaires.

Les croyances et les comportements religieux découragent-ils les comportements égoïstes ou criminels ? ou autrement dit : l’athéisme diminue-t-il la pratique de comportements vertueux ? Des chercheurs ont tenté de répondre à cette question en étudiant les effets comportementaux des injonctions religieuses. À ce jour, ils n’ont pu trouver aucune preuve convaincante ou systématique de relation scientifique ou empirique entre la religion, la religiosité, la malhonnêteté et la criminalité. En 1969 Hirschi et Stark surprennent par les résultats d’une étude portant sur les effets de l’implication religieuse des adolescents et la délinquance : ils ne trouvent aucune relation significative entre l'engagement religieux et de la délinquance. Des réplications ultérieures de ces travaux ont abouti à des résultats similaires ou mitigés. Chez les délinquants, la religiosité ne semble pas non plus être un facteur prédictif du risque de récidive ; Une étude américaine (méta-analyse) sur le risque d’addiction à l’alcool ou à d’autres drogues et de délinquance conclut par contre que ce risque est moindre chez ceux qui ont une pratique religieuse ), mais plusieurs commentaires ou d’autres études ont estimé que (hors certains processus de radicalisation rapide) l’engagement religieux (chez les jeunes adultes notamment) était quand même globalement inversement lié au risque de délinquance ou toxicomanie. Les grandes religions interdisent toutes le suicide, mais si Durkheim a autrefois conclu que la religion semble protéger du suicide, cela ne semble plus vrai, notamment dans les sociétés où le taux de suicide s’est élevé chez les jeunes. Les études qui ont tenté de prendre en compte les multiples dimensions de la religiosité concluent souvent que la « religiosité en soi » pourrait-être moins « protectrice » que d'autres facteurs (aptitude à la maitrise de soi) , ou qu’elle n’est efficace pour certains groupes d'hommes (parmi une minorité de jeunes adultes profondément religieux dans le cas de la violence conjugale ou familiale perpétrée par des hommes selon une étude récente (2015) ).

Une méta-analyse de 60 études antérieures a été faite pour répondre à 2 questions: 1) Quel sont les orientations et l'ampleur des effets de la religion sur la criminalité ? 2) Pourquoi les études précédentes ont-elles autant varié dans leur estimation de ces effets? Les auteurs ont conclu qu’aujourd’hui, les croyances et les comportements religieux exercent un « effet dissuasif modéré » sur le comportement criminel des individus. Ils estiment que les études antérieures ont systématiquement varié dans leur estimation de l'effet de religion contre la criminalité, en raison de biais méthodologiques et/ou d’approches conceptuelles du sujet trop différentes.

Une étude trans-culturelle et trans-nationale conduite à l’université de Chicago (USA), la première faite à une telle échelle sur le sujet, a récemment (publication 2015) porté sur trois comportements (1. sens du don, c'est-à-dire capacité à spontanément partager, 2. tendance à juger autrui, 3. tendance à punir les autres). Ces 3 comportements ont été évalués chez 1170 enfants âgés de 5 à 12 ans de six pays (Canada, Chine, Jordanie, Afrique du Sud, Turquie et États-Unis). Les enfants élevés dans des foyers non religieux se sont montrés plus altruistes que ceux élevés dans un environnement familial religieux (familles musulmanes et chrétiennes dans le cas de cette étude, les autres religions n’étant pas assez présentes dans le panel d’enfants pour en tirer des conclusions statistiquement significatives) ; Les auteurs notent que dans ce panel, l’éducation religieuse a plus souvent été associée à plusieurs tendances punitives en réponse à un comportement jugé « anti-social » ; En outre, plus la famille était « religieuse » (d’après une enquête faite auprès des parents), moins l’enfant sont montrait altruiste dans les tests, et plus l’enfant d’une famille religieuse était âgé, plus il se montrait enclin à l’égoïsme, au jugement et à punir les autres.. L'âge de l’enfant et le statut socioéconomique familial ou le pays était des facteurs modifiant le résultat, mais moins que le degré de pratique religieuse. « L’'ensemble de ces résultats révèlent la similitude entre les pays dans la façon dont la religion influe négativement sur l’altruisme des enfants. Ils remettent en cause le point de vue selon lequel la religiosité facilite le comportement social. Ils remettent aussi en question l’utilité et la vitalité de la religion pour le développement moral. Ces interrogations montrent que le discours moral ne sécurise pas la bonté humaine. En fait, il fait exactement le contraire » commente le professeur Decety, l’un des principaux auteurs de l’étude . Pour Benjamin Beit-Hallahmi qui étudie la psychologie de la religion cette moindre bonté à l’égard des autres pourrait résulter de « l'importance que de nombreuses religions accordent à une autorité extérieure et aux menaces de punition divine », alors que les enfants élevés dans des foyers laques pourraient être mieux encouragés à suivre des règles morales juste simplement par ce que c’est "la meilleure chose à faire" pour bien vivre en société, ainsi « quand personne ne les regarde, les enfants issus de familles non religieuses se comportent mieux » (Cette étude sera prolongée dans 14 pays, avec l’objectif de comprendre comment le contexte religieux familial influence la manière dont les enfants vont redistribuer des biens à différentes personnes d’un groupe).

Thèse de la sécularisation

« On a beaucoup parlé depuis quelques années de retour du religieux. » — Ernest Renan, 1848.

La sécularisation désigne la perte progressive d'importance des religions dans la vie des sociétés modernes. C'est en Europe occidentale et au Canada que le phénomène serait le plus avancé tandis qu'il gagnerait progressivement les autres sociétés. Le monde irait ainsi, à plus ou moins long terme, vers une sortie de la religion ou une fin des religions. Certains phénomènes qualifiés de religieux semblent cependant contredire cette perspective. Ceux-ci ne sont pas homogènes. Il peut s'agir d'un maintien ou d'une reviviscence des formes traditionnelles de religions, notamment dans les sociétés les moins sécularisées, ou bien, de manière plus patente dans les sociétés occidentales, de « recompositions du religieux » qui laissent penser que la religion dont le monde sort n'est pas exactement le religieux qui revient.

En rapport avec la thèse de la sécularisation, il est aujourd'hui question de retour du religieux pour des phénomènes divers et dont il est difficile de percevoir ce qui en ferait l'unité. Depuis les années 1970, le retour du religieux a ainsi été diagnostiqué dans le développement de ce que des sociologues appellent Nouveaux Mouvements Religieux (NMR). Il peut être perçu dans la vitalité et la croissance des mouvements charismatiques pentecôtistes et évangéliques. Le retour du religieux pourrait se caractériser par une tendance au retour à la tradition, mais aussi, par le développement d'une forme de religiosité personnelle, dés-institutionnalisée et dérégulée. Au niveau politique, il est question de retour du religieux à propos de l'influence qu'exercent des prédicateurs sur la vie politique américaine, pour la révolution islamique iranienne, pour la montée du fondamentalisme musulman ou encore, la montée du nationalisme hindou dans la vie politique indienne. Les constats qui permettraient de mesurer une sortie de la religion ou un retour du religieux sont difficiles à établir tandis que l'incertitude sur ce qu'est une religion joue fortement sur les arguments employés en faveur des idées de sortie ou de retour de la religion.

Sortie de la religion d'après Marcel Gauchet

Ruines d'une église en Hongrie.
Ruines d'une église en Hongrie.

Marcel Gauchet a défendu la thèse selon laquelle une « sortie de la religion » était en cours dans Le Désenchantement du monde (1985). Le terme « désenchantement » est la traduction d'une expression à laquelle Max Weber avait donné une définition précise. Il s'agit de « l'élimination de la magie en tant que technique de salut ».

Pour Marcel Gauchet, la religion ne consiste par originellement à croire en Dieu, mais à estimer que la vie doit être gouvernée par ce que l'on croit savoir de Dieu. Ce savoir se présente toujours comme rationnel tant qu'il opère comme mode de gouvernement. La religion consiste ainsi à prétendre « rendre exhaustivement raison du fondement invisible ». Elle est une imposture par définition, et c'est le cas de toutes les religions qui, selon Marcel Gauchet, se rapportent toutes à cet absolu.

Pour Marcel Gauchet, la fin de la religion intervient avec l'« épuisement du règne de l'invisible ». La fin ou la sortie de la religion n'est cependant pas la fin du religieux. L'auteur considère qu'il existe un « pur religieux » remontant aux origines de l'humanité. Celui-ci ne disparaît pas car le monde reste en rapport avec une transcendance qui en est l'origine ou le fondement. Cependant « personne n'est fondé parmi les présents-vivants à se réclamer d'une connexion privilégiée avec le fondement invisible, lequel n'a besoin de personne pour uniformément s'imposer ». Ce qui prend fin avec la sortie de la religion n'est donc pas ce que Gauchet désigne comme étant le « pur religieux », mais c'est la religion en tant que prétention à rendre compte du fondement invisible du monde. Avec la sortie de la religion « Dieu ne meurt pas, il cesse simplement de se mêler des affaires politiques des hommes. »

Marcel Gauchet affirme que l'on peut parler de « retour du religieux » mais pas de « retour de la religion ». L'un et l'autre seraient très différents en ce que le retour du religieux serait une nouvelle forme de religiosité désinstitutionnalisée, tandis que le retour de la religion désignerait la reviviscence d'une religion inexorablement vouée à la disparition. Ce qui s'apparente à un essor de la religion aujourd'hui serait de l'ordre d'états de déréliction intermédiaires des religions plutôt que l'avenir religieux de l'humanité.

Le fait que les religions soient devenues des systèmes de croyance fait partie de ce processus : c'est lorsque s'opère la « sortie de l'organisation religieuse du monde humain que la religion devient un système de croyance. » Comme Max Weber, Marcel Gauchet reconnaît au christianisme une place particulière dans l'histoire de l'humanité et parmi les autres religions, considérant qu'il s'agit de « la religion de la sortie de la religion ».

Le monde sortant de l'âge des religions, de nouveaux problèmes se posent car « le déclin de la religion se paie en difficulté d'être soi. » Marcel Gauchet estime que « La société d'après la religion est aussi la société où la question de la folie et du trouble intime de chacun prend un développement sans précédent. » L'auteur recommande d'aller consulter un psychanalyste si l'on ne sait pas gérer seul les névroses résultant des incertitudes de l'existence. Le discours psychanalytique, en particulier lacanien, pourrait aussi, selon Marcel Gauchet, permettre d'envisager des réponses plus collectives. Cependant, chacun devra affronter « la douleur lancinante, journalière que nul opium sacral ne permettra plus d'oublier : l'inexpiable contradiction du désir inhérent au fait même d'être sujet. »

Retour du religieux

Dans l'après-guerre, un changement d'appréciation sur la valeur du progrès technique - déjà dénoncé par Edgar Quinet, puis Paul Valéry en leurs temps et repris Georges Bernanos s'est produit : ce qu'apportent les sciences et les techniques ne répondraient pas ou mal aux questions du sens de la vie et de la recherche du bonheur. Le « progrès » des armements, déjà dénoncé par Charles Richet, est même perçu comme néfaste, voire désastreux. La bombe atomique montre l'humanité capable de s'anéantir elle-même, alors que grandissent avec les Amis de la Terre, puis le Club de Rome les préoccupations environnementales. Dans les écrits d'Hannah Arendt, il est question de crise de la culture, d'illusion du progrès, de perte de confiance en la raison. Avec l’effondrement des grands systèmes idéologiques, se battre pour des idées parait inutile, en plus de dangereux (thème dont Georges Brassens fera plusieurs chansons). Dans ce contexte, André Malraux évoquait avec plus d'éloquence que de précision les formes que pourrait ou devrait prendre un retour du religieux. Il aurait déclaré alors dans des entretiens que « Le XXI siècle sera religieux [dans d'autres citations : "spirituel"] ou ne sera pas ». Cette formule deviendra rapidement célèbre. Il la dénoncera par la suite, niant l'avoir prononcée :

« Il [André Malraux] m'a dit que nous sommes la première civilisation dans l'histoire du monde à ne pas avoir de centre, de transcendance, de sens à la vie qui l'informe en tant que civilisation. Très sensible à la technologie moderne — « Pensez donc, en l'espace d'une seule vie j'ai vu les fiacres à Paris et des hommes sur la lune » — il s'inquiétait pour l'avenir d'une telle culture sans centre, et c'est là où, devant moi, il a prononcé la fameuse phrase : « Le XXI siècle sera religieux ou ne sera pas ». Il a expliqué qu'il ne savait pas quelle forme cela prendrait : ou bien le renouveau d'une religion existante, ou bien une nouvelle religion, ou bien quelque chose de tout à fait imprévisible, comme il l'a souligné dans L'Homme précaire et ailleurs. Mais de toute façon, pour lui, ou bien notre civilisation retrouverait un centre, une transcendance, un sens à la vie, ou bien on se ferait tous sauter en l'air puisque nous en avons maintenant les moyens techniques. »

 Brian Thompson,« Le XXI siècle sera religieux ou ne sera pas » : le sens de cette phrase prononcée, démentie, controversé.

L'opposition entre rationalité et religion est au cœur de la thèse de la sécularisation. Elle suppose que les religions reculent à mesure que le monde développe ses connaissances. Dans l'optique de cette thèse, les faits semblant indiquer un retour des religions seraient des irrégularités dans un mouvement de modernisation progressive et de recul de la religion. Une problématique du scientisme demeure, celui-ci restant muet sur la question des valeurs. Ainsi, les plans des camps de concentration nazis étaient, comme le rappelle le film La liste de Schindler, établis de façon parfaitement rationnelle.

Selon Odon Vallet, cette perception est statistiquement fausse excepté en Europe : toutes les religions ont gagné des adeptes par simple effet démographique au XXème siècle, excepté le bouddhisme qui en a perdu non en raison de la modernité, mais des persécutions. Les religions proposent cependant des valeurs fondamentales (indépendantes en général des croyances - qui on pour effet surtout de les légitimer), des progrès, un espoir, une fin, des motivations, un sens à la vie, tout ce que donne aussi la modernité concurrente. Lorsque la modernité décevrait, la religion reviendrait.

Des théories de « postmodernité » - parfois nommée ultra-modernité ou hyper-modernité - ouvrent des perspectives différentes sur la question de la situation religieuse du monde et de son devenir. Elles semblent pouvoir expliquer à la fois le déclin d'institutions religieuses anciennes, la persistance d'une spiritualité individuelle et une permanence du religieux. Ces théories accordent une place importante à la montée d'une « culture du soi » ou d'une requête d'accomplissement personnel (voir Pyramide de Maslow) en fonction de la subjectivité individuelle. Selon Danièle Hervieu-Léger, ces théories permettent de penser que le recul des religions serait davantage une « dés-institutionalisation » du religieux que sa disparition. Le religieux se recompose pour répondre à un des besoins qui ne satisfont plus par l'appartenance à une communauté ou en se fiant aux interprétations autorisées des « grands récits » qui ont accompagné la formation des cultures du monde. Les individus prennent ce qui leur semble faire sens dans ces traditions et l'interprètent librement pour orienter les choix de leur vie. L'essor de cette religiosité participerait « du règne de l'individualisme expressif et de la culture de l'authenticité. » Dans cette perspective, la sécularisation peut se comprendre comme un processus de dérégulation institutionnelle de la religion. Les religions traditionnelles et institutionnalisée s'effaceraient pour laisser place à un religieux dérégulé, les religions collectives et identitaires disparaîtraient au profit d'un religieux diffus et personnel.

La perspective de la sécularisation et de la fin des religions a été plus radicalement remise en cause qu'elle ne l'est avec la thématique de la recomposition ou de la dérégulation du religieux. Cette remise en cause a trouvé une expression particulièrement claire avec la publication en 1999 d’un collectif dirigé par Peter Berger et intitulé La désécularisation du monde. Peter Berger y affirme que la théorie de la sécularisation, qu'il avait lui-même défendue auparavant, est globalement fausse lorsqu'elle prédit la fin des religions car la sécularisation entraîne une réaction religieuse sur des lignes conservatrices ou traditionalistes. Pour Peter Berger « Le monde est aujourd'hui est, à quelques exception près [...], aussi furieusement religieux que toujours, et par endroits plus qu'il ne l'a jamais été. »

Indifférence religieuse

Selon Claude Dagens, la sécularisation serait la cause de la montée de l'indifférence religieuse en Occident depuis les dernières décennies du XIX siècle.

Dans Religion privée, opinion publique, Bertrand Binoche établit une corrélation entre la valorisation de l'idée de tolérance dans l'opinion publique depuis le XVIII siècle et le refoulement de la croyance religieuse dans l'espace privé. Il y décrit le paradoxe de ce refoulement : « Paradoxe : nous ne pouvons vivre en paix qu'en acceptant, une fois pour toutes, de renoncer à être d'accord sur l'essentiel. Paradoxe du paradoxe : ce que nous abandonnons au désaccord devient ipso facto inessentiel. »

Croyances, vérité et relativité

Les idées de relativité culturelle ou de choc des civilisations ont en commun qu'elles supposent l'existence d'entités (des cultures ou des civilisations) qui se rapportent diversement à des religions envisagées comme des ensembles de croyances et de pratiques pour un groupe ou une société. Ce qui est en jeu lorsqu'il est question de relativité culturelle ou de choc des civilisations est le caractère supposé insurmontable des différences entre des « mentalités », des systèmes de pensée ou de croyances identifiés à des cultures, des sociétés, des civilisations ou des religions. Les notions de culture, de société ou de civilisation sont entrées dans le langage moderne par la polémique sur la religion. Toutefois, elles n'ont pas de définition précise, pas plus que celle de religion. Elles peuvent être définies les unes par les autres, les unes contre les autres, parfois les unes comme les autres, ce en quoi elles pourraient n'être que différentes façon de parler vaguement de « la même chose » : de la religion, la culture ou la civilisation, ou bien, au pluriel, des religions, des cultures ou des civilisations.

Relativité culturelle

Le relativisme moderne permet de penser d'une part, que les croyances et les normes morales des différentes sociétés n'ont pas de fondement rationnel, et d'autre part qu'elles sont légitimes et respectables au sein du système de pensée où elles trouvent leur cohérence. Dans ce contexte, les croyances ne peuvent être ni défendues à l'extérieur, ni critiquées de l'extérieur. À l'extrême, Richard Shweder (en) qui soutient la thèse de l'incommensurabilité des cultures a suggéré que l'excision ne pouvait être jugée de l'extérieur. Raymond Boudon réagit à ce genre de positions en écrivant :« On attend encore le culturaliste qui refuserait de juger de l'extérieur la lapidation des femmes adultères ou la condamnation à mort pour cause de conversion religieuse. »

Selon Raymond Boudon « Le relativisme a existé dès l'Antiquité, en témoigne le Théétète de Platon (152 a), mais il a toujours représenté une philosophie parmi d'autres. Il n'est devenue une philosophie dominante que de notre temps ». En un sens large il est possible de qualifier de « relativiste » l'idée selon laquelle la compréhension et l'interprétation de discours dépend des conditions historiques et culturelles dans lesquelles ils sont énoncés. En un sens plus restrictif le relativisme consiste à tenir qu'il n'y a de vérité qu'à l'intérieur d'un système de pensée ou d'une culture donnée, la vérité d'une culture n'étant pas accessible à une autre. Raymond Boudon propose de voir dans ces deux façons de considérer le relativisme un bon et un mauvais relativisme : « Le bon relativisme a attiré l'attention sur le fait que les représentations, les normes et les valeurs varient selon les milieux sociaux, les cultures et les époques. Le mauvais en a conclu que les représentations, les normes et les valeurs sont dépourvues de fondement : qu'elles sont les constructions humaines inspirées par le milieu, l'esprit du temps, des passions des intérêts ou des instincts. »

Les bases théoriques du relativisme moderne n'ont jamais été posées de façon systématique, mais elles peuvent être envisagées dans une relecture de certaines œuvres, notamment celles de Montaigne, Hume et Weber, trois auteurs parmi ceux qui comptent le plus dans l'étude de la formation de l'idée moderne de religion. Ce que Montaigne aurait permis de comprendre est que : « en matière normative, il n'y aurait pas de vérité, mais seulement des coutumes variables d'une société à l'autre ». Avec ce qu'il est convenu d'appeler la guillotine de Hume, David Hume aurait fourni l'un des arguments essentiels du relativisme moderne : « aucun raisonnement à l'indicatif ne peut engendrer une conclusion à l'impératif ». L'idée est que l'on ne peut déduire logiquement des normes de propositions qui ne soient pas elles-mêmes des normes. En d'autres termes, les principes moraux indiquant ce qu'il faut faire ou ne pas faire ne se déduisent pas uniquement de l'observation de faits, mais toujours d'autres principes moraux. Enfin Max Weber, avec Le polythéisme des valeurs et La guerre des dieux aurait fourni, « contre son gré », les bases d'une argumentation relativiste déployée à sa suite par les sociologues allemands qui ont insisté sur l'idée que les valeurs culturelles relèvent de l'arbitraire et des rapports de force.

C'est dans le sillage des travaux sur les religions des sociologues allemands Georg Simmel et Ernst Troeltsch que se sont ensuite développées les théories sociologiques ou théologiques qualifiées de relativistes sur les religions. Troeltsch fut relativiste comme « à regrets ». Son relativisme est plutôt un diagnostic qu'il pose sur la pensée de son temps sur les religions et sur l'histoire des religions, problème qu'il cherche à dépasser tout en consolidant néanmoins par ses analyses la possibilité de décrire et d'expliquer une forme d'incommunicabilité entre cultures ou religions. C'est dans la seconde moitié du XX siècle, avec des travaux relevant plus directement de la théologie, que l'incommunicabilité entre cultures ou la valeur propre de religions irréductibles les unes aux autres commencera à être défendue comme un fait positif et respectable, parfois considéré comme voulu par Dieu lui-même, par exemple par John Hick qui défend, d'un point de vue chrétien, l'égale valeur de toutes les religions.

Cas d'échanges, d'interdépendances ou de relations entre cultures ou entre religions

Inscription de la synagogue de Cochin en Inde. Une communauté juive y est présente probablement depuis le I siècle

Statue bouddhiste hellénistique, un art au confluent du bouddhisme et de la tradition artistique de la Grèce antique.

Sommet de la stèle nestorienne de Xi'an, Chine. Témoigne de la présence de chrétiens en Chine au VII siècle

Hulagu Khan et son épouse tenant la croix. Il conquiert Bagdad en 1258 où il instaure pour une trentaine d'années la politique de tolérance religieuse des Mongols, sans jamais se déclarer d'aucune religion.

La mosquée bleue, construite sur le modèle de la basilique Sainte-Sophie (au fond). Istanbul.

Débat entre moines au *****. Un exercice codifié qui a ses origines dans les débats entre écoles bouddhistes et avec des non-bouddhistes.

Respect des croyances

Dans Postmodernism, reason and religion (1992), Ernest Gellner critiquait ceux qui s'attachent à des croyances religieuses autant que ceux qui sans vraiment y croire leur donnent de la légitimité par leur discours relativiste et postmoderne. Il analyse la situation actuelle en proposant de penser qu'il y a non pas seulement une alternative entre modernité et postmodernité, entre religion et science ou entre conservatisme et progressisme tel que l'on pensait habituellement selon des clivages binaires mais que les débats jouent sur trois positions : le fondamentalisme religieux, le relativisme défendu dans la mode de la postmodernité, et le rationalisme. Pour sa part Jacques Bouveresse envisage trois positions qui ne se disent pas tout à fait de la même manière : celle du rationaliste qui estime au moins possible de rejeter ce qui est faux à défaut de pouvoir tout dire du vrai, celle du sympathisant rationaliste qui demande de l’indulgence pour les croyances tout en se disant incroyant, et celle du croyant qui tient pour vrai sans savoir qu'il croit. L'auteur considère que l'on ne peut osciller indéfiniment entre ces trois attitudes. Il attaque les intellectuels qui, tout en se disant incroyants, se posent en défenseurs de la religion au nom de choses comme le besoin de sacré et de transcendance, ou le fait que le lien social ne peut être, en dernier analyse, que de nature religieuse. Cette attitude témoignerait de ce que notre époque n'est pas tant celle du « retour du religieux » que du « recours au religieux », ouvrant la porte à des manipulations que ce soit par le politique ou par des charlatans religieux.

Pour Jacques Bouveresse, le principal danger en matière de religions viendrait aujourd'hui de discours qui ne donnent de légitimité qu'à une religion sans raison ou une foi sans intelligence. Ce danger ne viendrait pas tant des religions elles-mêmes que d'un milieu universitaire, par ailleurs complètement affranchi de tout contrôle des religions. Dans un chapitre intitulé « Les vrais et les faux amis des religions », Jacques Bouveresse déclare n'avoir personnellement « que peu de disposition pour la croyance, ayant une propension, naturelle ou acquise, à vouloir juger et évaluer les croyances de façon rationnelle ». Et il s'oppose à ceux qui, notamment dans le domaine des sciences des religions, assurent une légitimité a priori à toutes les croyances.

Valeur du vrai

Paul Veyne dans Les Grecs ont-il cru à leur mythes ? propose une réflexion sur ce qui, aujourd'hui comme hier, fait que l'on tienne certaines choses pour vraies, c'est-à-dire que l'on y croit. Il conclut son essai en écrivant : « Le propos de ce livre était très simple. À la seule lecture du titre, quiconque a la moindre culture historique aura répondu d'avance « Mais bien sûr qu'ils y croyaient, à leurs mythes ! ». Nous avons simplement voulu faire en sorte que ce qui était évident de « ils » le soit aussi pour nous et dégager les implications de cette vérité première. » Pour Paul Veynes, les Grecs avaient raison de croire en leurs mythes. Platon ou Aristote y croyaient en s'assurant de tout ce dont il était pour eux possible de s'assurer selon une raison qu'ils ont, semble-t-il, fort bien déployée. Ils retranchaient des mythes ce qui devait être tenu pour invraisemblable, participant ainsi, par amendements et corrections, à la production de mythes crédibles. De même, aujourd'hui, nous faisons des sciences pour savoir les mythes qu'il faut croire. Paul Veyne propose donc que l'on abandonne les projets de critique des idéologies comme l'habitude de dénoncer le faux au nom d'un vrai, puisque le vrai est de toute façon l'assentiment que l'on donne en ce que l'on croit selon les raisons que l'on a d'y croire. Il suffit de s'intéresser à ce qui est intéressant tout en considérant n'y a ni vrai ni faux, et il déclare à ce sujet : « cela fait d'abord un drôle d'effet de penser que rien n'est vrai ni faux, mais on s'y habitue rapidement. Et pour cause, la valeur de vérité est inutile, elle fait toujours double emploi ; la vérité est le nom que nous donnons à nos options, dont nous ne démordrions pas, si nous en démordions, nous les dirions décidément fausses, tant nous respectons la vérité. »

Jacques Bouveresse estime pour sa part que l'on ne renonce jamais sérieusement à la valeur du vrai. Il constate qu'aujourd'hui une pensée dite « pragmatique » défend l'idée selon laquelle « les hommes s'aimeront davantage une fois qu'ils auront cessé de croire que la vérité existe et peut, au moins dans certains cas, être découverte. » Jacques Bouveresse, dénonce cette idée, et il considère qu'il y a tout lieu de s'attendre à ce que la décision de cesser complètement de se préoccuper de vérités et de la fausseté soit plus souvent répétée et proclamée comme slogan que supposée devoir être comprise sérieusement et appliquée concrètement. Il se demande comment honorer dans le contexte actuel de crise de confiance en la raison ou en l'idée de vérité, l'inquiétude exprimée par Bertrand Russell selon laquelle « là où il n'y a plus de place réelle pour une distinction entre le vrai et le faux, on peut parier à coup sûr que ce qui augmentera, ce n'est pas l'amour entre les hommes mais plutôt l'arbitraire, la violence, la tyrannie et la guerre. »

Perspectives pour l'étude des religions

Les sciences des religions ont été l'objet de nombreuses critiques ces dernières années tant de l'intérieur que de l'extérieur. Dans ce contexte quelques propositions qui prennent actes des problèmes soulevés ont été faites sur la façon dont pourraient se poursuivre des études scolaires et universitaires de la religion et des religions.

Étude des faits religieux

Il est question de « faits religieux » dans des travaux de sciences des religions depuis ses débuts. L'expression se trouve ainsi dans Les formes élémentaires de la vie religieuse de Émile Durkheim paru en 1912, puis chez d'autres auteurs, par exemple chez Mircea Eliade en 1949. Parler de « faits » peut être une façon de se situer sur le terrain de la science, mais l'expression est longtemps restée d'un usage assez anodin. Elle a commencé à être remarquée comme titre d'un livre de Jean Delumeau en 1993. Ce livre donne la parole à divers religieux qui parlent de leur propre religion. La même année, Danièle Hervieu-Léger créait le Centre d'Études Interdisciplinaires des Faits religieux (CEIFR) à l'École des hautes études en sciences sociales. En 2002, Régis Debray livrait un rapport intitulé « L'enseignement du fait religieux dans l'école laïque », et depuis un enseignement du fait religieux a été intégré aux programmes scolaires. Aujourd'hui, cette expression permet de faire valoir que, même en l'absence de consensus sur la définition du religieux, il y a dans le monde des faits objectifs et indéniables qui sont qualifiés de « religieux ». Si l'on ne sait pas expliquer pourquoi ces faits sont dits religieux, ils ne peuvent pas non plus être niés ou ignorés sous prétexte qu'ils sont dits religieux.

L'émergence du thème des faits religieux et son enseignement est d'abord une affaire française, liée à la recherche universitaire sur les religions, mais aussi à la question de l'enseignement scolaire et de la laïcité. À Québec, une problématique similaire se pose avec le débat sur le cours « Éthique et Culture Religieuse » (ECR), mis en place depuis 2008 pour dispenser un enseignement culturel et neutre des différentes religions. L'expression « faits religieux » n'est pas équivalente à l'anglais « religious facts » qui désigne des données statistiques sur les religions confessionnelles telles que celles produites par la CIA, et non pas l'opération épistémologique dont relève l'expression française ou le cours ECR à Québec.

Parler de « faits religieux » n'apporte aucune solution aux problèmes de définition de la religion. Ainsi, le Dictionnaire des faits religieux n'a pas d'article « religion » mais un article « faits religieux », où Jean-Paul Willaime commence par poser les problèmes d'une définition de la religion et reconnait que le « fait religieux » ne se définit pas mieux que la religion. Selon l'auteur, « l'expression [fait religieux] vise à saisir les phénomènes religieux comme « faits historiques », d'une part, et « faits sociaux », d'autre part, ce qui est une façon de souligner que les phénomènes religieux sont construits comme faits à travers diverses approches disciplinaires : historique, sociologique, anthropologique. Il ne s'agit pas d'une définition mais d'une façon de qualifier en langue française les approches scientifiques des phénomènes religieux. » Ainsi, « La notion de fait religieux, si elle n'accepte pas de définition simple et univoque, s'avère féconde pour la recherche et l'enseignement. Non seulement parce qu'il est préférable de choisir l'adjectif religieux au substantif religion, mais aussi parce que cela permet d'entrer dans l'intelligibilité des phénomènes religieux en étant attentif aussi bien à leur dimension de faits collectifs et matériels qu'à leur dimension de faits symboliques et sensibles ». Considérant que l'étude des faits religieux consiste premièrement à s'intéresser à des « faits historiques » Jean-Paul Willaime, précise que la notion de fait religieux s'est construite dans la perspective « d'établir ce qui s'est réellement passé en tentant de distinguer la légende (ou la mémoire) de la réalité, en s'appuyant donc sur des documents véridiques, en écartant les faux. » Il s'agirait ainsi de soumettre toutes les religions à des études historico-critiques, comme l'ont été le judaïsme et le christianisme. Enfin, l'étude des faits religieux implique que l'historien s'interroge sur ce qui lui est donné comme un « fait religieux ».

Pour Jean-Marc Tétaz, ce dont relève la volonté de décrire des « faits religieux » plutôt que des « religions » est une opération épistémologique élémentaire qui consiste à tenter de constituer l'objet que l'on souhaite observer. La description de « faits » tels qu'une réalité culturelle ou un comportement social est une affaire complexe, et il faut s'interroger sur l'opération qui consiste à sélectionner des traits que retiendra la description pour désigner telle entité du terrain étudié, « toute description est un acte de constitution, transformant la réalité observée en champs théorique ». Ainsi, il n'y a pas de « fait » en soi, c'est toujours au travers d'une catégorie, en l'occurrence celle de religion, que l'on décide qu'un fait est religieux.

L'émergence du thème des « faits religieux » n'est pas une révolution dans les sciences des religions, car l'étude du fait religieux n'est rien d'autre que l'étude des religions telle que dans les sciences des religions. Néanmoins, dans le domaine de l'enseignement scolaire, le changement de vocabulaire dans l'intitulé permet de clarifier l’ambiguïté de l'expression « étude de la religion », qui peut laisser un doute sur la question de savoir si l'enseignant doit faire le catéchisme ou s'il fait de l'histoire, de la sociologie, de l'anthropologie, etc. En parlant d'enseignement du fait religieux, il parait plus clair qu'il ne s'agit pas de catéchèse.

Tel que l'énonçait le rapport Debray, le problème auquel tente de répondre la promotion d'un enseignement du fait religieux est aussi celui de l'accès aux œuvres culturelles : peinture, musique, architecture, littérature, etc., qui sont pleines de ce que l'on estime être religieux à un degré ou à un autre. Sans un minimum de connaissance des religions, ces œuvres sont illisibles.

Œuvres religieuses ou en rapport avec une religion

Sacrifice d'un marcassin en Grèce Antique. Des sacrifices sont effectuées dans de nombreuses religions mais ils n'ont pas partout la même signification ni le même but.

Samsara ou Cycle des existences, Bouddhisme mahāyāna.

Moïse présentant les tables de la Loi. D'après un récit du livre de l'Exode qui parle de la révélation et du respect de la loi de Dieu.

Ascension de Mahomet. Il existe peu d'images dans l'islam à cause d'un interdit visant à prévenir l'idolâtrie. Sur cette image, le visage de Mahomet n'est pas figuré.

Le Jugement dernier (détail), 1541, Michel-Ange, Rome, Chapelle Sixtine.

L'inspiration de saint Matthieu, Le Caravage, Rome 1602. Matthieu écrit l'évangile sous la dictée d'un ange placé dans un drapé qui a la forme d'un cerveau.

Extase de sainte Thérèse, Le Bernin, 1652, Rome. L'extase est une expérience spirituelle qui signifie littéralement, « se tenir hors de soi ».

Méditation de Marie Madeleine aussi appelé Madeleine repentante par Georges de La Tour, vers 1**0.

La foi. Un visage voilé figure une forme de connaissance qui serait celle de la foi.

L'Angélus, 1856, Jean-François Millet. Prière marquant un temps de la journée au milieu des autres activités, le matin, le midi ou le soir.

Le Penseur de Rodin. Sculpture créée vers 1880 pour le sommet de La Porte de l'enfer.

Claude Monet, La cathédrale de Rouen.

Statue de Bahubali, saint jaïn, le plus grand monolithique au monde.

Temple hindou de Khajuraho, dédié à Shiva.

Approche généalogique ou histoire intellectuelle

Depuis les années 1960 des chercheurs tels que Wilfred Cantwell Smith (en), Michel Despland et Ernst Feil (de) ont commencé à aborder le problème de la religion, non plus en considérant qu'il y aurait une définition ou une essence commune de la religion au-delà de toutes les religions du monde, mais en étudiant les façons dont la religion ou les religions ont été conçues dans l'histoire. En mettant au jour la grande diversité de ces conceptions, leurs travaux ont contribué à démanteler davantage ce qui pouvait, il y a encore quelque temps, paraître pouvoir servir de théorie générale de la religion ou des religions. Mais dans le même temps ils montrent les articulations ou les transitions entre des conceptions possibles, successives ou concurrentes, ce en quoi ils permettent d'envisager la reconstruction d'autres théories.

Avec les travaux de ces chercheurs, quelques éclaircissements semblent pouvoir être apportés sur ce que l'on appelle le concept ou la notion de religion. Il est au moins possible d'affirmer que l'idée selon laquelle il y aurait une essence ou une nature commune à toutes les religions est progressivement apparue à l'époque moderne. Cette émergence est située entre les XVetXIX siècles avec, en premier lieu les Réformes religieuses du XVI siècle, suivie de l'interprétation de cette nouvelle configuration de l'expérience religieuse des Européens par les philosophes des Lumières, puis de l'émergence des sciences sociales. Ceci n'exclut pas que l'idée moderne de religion ait des précédents et des racines dans ce qui précède. Selon Pierre Gisel :

« souligner cette mutation historique ne révoque pas une lecture généalogique plus large et inscrite dans une histoire de longue durée, prenant alors en compte un développement du religieux et des dispositions socio-culturelles pour lesquelles le christianisme joue effectivement un rôle central. Mais le christianisme devra alors aussi être relu selon une approche large et différenciée, et non seulement à partir des formes confessionnelles nées avec les temps modernes. On s'efforcera notamment de cerner sa cristallisation au cœur de l'Antiquité tardive, à distance de ses Écritures de référence et au seuil d'une histoire ultérieure toujours changeante justement, on interrogera aussi ses acculturations diverses, de même que ses phénomènes de canonisation ou d'orthodoxies, comme ses marges, hérétiques ou ésotériques, on prendra en compte ses lieux de protestation également - des Cathares aux mouvements utopiques - ou encore ses liens, faits de démarcation et d'interdépendance, avec des traditions parallèles, juives ou islamiques en premier lieu. »

 Pierre Gisel,Théories de la religion

Lorsqu'il est question d'approche généalogique chez Pierre Gisel, il s'agit d'une généalogie des idées de religion et non pas des idées religieuses ou des religions elles-mêmes. En effet, l'histoire des religions, des croyances ou des idées religieuses relève d'une conception de la religion que l'on suppose valable pour tout ce qu'il est possible d'appeler religion dans l'histoire, tandis que l'histoire des idées montre que la religion se conçoit de façons différentes selon les époques, les lieux et les auteurs.

Théorie des airs de famille

Tandis que l'approche généalogique du concept de religion porte sur les idées de religion, la théorie des airs de famille porte sur les religions elles-mêmes. L'une et l'autre ne sont pas sans rapport car elles prennent toutes deux actes de la multiplicité des façons de concevoir ce qu'est une religion. Selon Jean-Marc Tétaz et Pierre Gisel, le problème concernant la définition du concept de religion est que l'on cherche parmi les différentes conceptions possibles de la religion laquelle pourrait être exemplaire ou normative, ou, à défaut, s'il est possible d'en trouver une qui les comprenne toutes. Le passage à une logique des « airs de famille » proposée en 2004 par Jean-Marc Tétaz et assez largement reprise depuis, a pour but de dépasser ce problème tout en fournissant à l'étude des religions une base épistémologique acceptable.

La théorie des airs de famille est une transposition au domaine de l'étude des religions d'une théorie épistémologique de Wittegenstein. Il s'agit d'expliquer que l'on désigne une multitude de choses comme une seule alors qu'il est impossible de donner une définition qui convienne à chacune de ces choses prises séparément. L'exemple classique pour expliquer cette théorie est celui du jeu qui avait été donné par Wittgenstein lui-même. Il existe toutes sortes de jeux, des jeux de mots, de mains, de société, d'enfants, d'argent, des jeux olympiques, etc. Cependant, aucune définition du jeu, aussi brève soit-elle, ne correspond à tout ce qui s'appelle « jeu ». Pour la religion, c'est la même chose.

Étant admis qu'il n'y a pas une définition de la religion valable pour tout ce que l'usage a permis et permet aujourd'hui de comprendre comme des religions, le chercheur commence par n'importe quel cas singulier de religion, car il faut bien commencer quelque part. Il voit ensuite comment il peut passer de proche en proche vers les autres cas. « Le cas singulier par rapport auquel on identifie d'autre cas [...] n'implique alors aucune priorité de droit revenant au premier cas. » Dans cette démarche il n'est pas nécessaire de donner une définition de la religion qui convienne à toutes les religions, mais l'on s'applique à définir le cas que l'on observe et l'on montre comment il s'articule à d'autres.

L'expression « airs de famille » est une métaphore qui a des limites. Selon Jean-Marc Tétaz, « telle que l'utilise Wittgenstein, elle n'a aucune connotation généalogique ; les ressemblances constatées ne sauraient être reconduites à quelque origine commune, sorte d'ancêtre éponyme. »

Mondialisation de la religion et pluralité des pluralismes religieux

Un pluralisme religieux est un système politique capable de reconnaître et d'organiser la coexistence de choses telles que le bouddhisme, le christianisme ou l'islam. Le pluralisme religieux des occidentaux est « égalitaire » dans la mesure où il incite à considérer que toutes les religions sont d'égale valeur tandis que le fait d'avoir ou non une religion ne se traduit en droit par aucun privilège ni discrimination. Si ce pluralisme religieux d'origine européenne et qui remonte au XVI siècle, semble s'imposer aujourd'hui au niveau mondial pour penser et organiser des « religions », il existe d'autres formes de pluralismes religieux dans le monde et dans l'histoire. Ces pluralismes, qu'ils soient du monde musulman, de l'Inde ou de la Chine sont par certains aspects plus anciens que le pluralisme religieux européens et fonctionnent toujours aujourd'hui tout en ayant évolué sous l'influence des conceptions religieuses occidentales.

Invention des religions en Chine

Religions officielles

En chinois le mot religion se traduit aujourd'hui par l’expression zōng jiào 宗教. Vincent Goossaert, dans l’article qu’il a consacré à la carrière de cette expression, montre comment ce néologisme a été réintroduit dans les langues et l’écriture chinoises à la fin du XX siècle. Il fait remonter l’origine de ce néologisme à son emprunt en 1901 par des lettrés chinois de l’expression japonaise shûkyô, littéralement « école des rites », qui, au Japon, désignait avec les mêmes caractères la transmission d’un savoir et de rites au sein d’un groupe. Au moment où il est adopté par les Chinois il désigne « un système structuré de croyances et de pratiques séparé de la société et organisant les fidèles en églises ». Le terme zōng jiào 宗教 est alors mis en rapport avec la notion complémentaire de mi xin 迷信 désignant la superstition. Selon Vincent Goossaert, la mise en opposition de ces deux notions a introduit dans le paysage religieux chinois une distinction inconnue jusque-là. Cette opposition a d'abord conduit à renvoyer du côté de la superstition de nombreux éléments de la culture traditionnelle chinoise, tandis que depuis 1912, le gouvernement Chinois reconnaît cinq religions officielles : le Bouddhisme, le taoïsme, l'islam, le protestantisme et le catholicisme. Plus tard, l’idée de superstition a alimenté le combat contre les religions mené par le régime de Mao. Si depuis les années 1980 la politique religieuse de la Chine est plus souple, notamment vis-à-vis des groupes religieux qui n'entrent pas dans le cadre des cinq religions officielles, la liberté religieuse y reste la possibilité de pratiquer un culte dans le cadre établi par l'État et l'éventualité que ce qui n'y entre pas ne soit pas réprimé.

Cette inventions des religions moderne en Chine a eu lieu dans un contexte culturel capable de le recevoir mais qui en a été profondément transformé et qui reste marqué par une longue tradition de reconnaissance de religions d'un autre ordre que ce qui se conçoit comme des religions dans la modernité occidentale. Ainsi ce qu'il est possible de considérer aujourd'hui comme la religion traditionnelle chinoise se décrit très mal avec le néologisme chinois formé pour traduire « religion », et la question de savoir ce qu'il convient de considérer comme des religions ou de la religion dans le contexte chinois continue à poser problème.

Un monde religieux depuis longtemps régulé par l'État

Temple du ciel, Pékin
Temple du ciel, Pékin

Un système tolérant, mais aussi imposé et régulé par l'État, au besoin par la force, s'est mis en place en Chine sous la dynastie des Tang entre les VIIetX siècles, puis en Corée, au Japon et au Viêt Nam. Cette forme de pluralisme religieux permettait d'identifier ce qui par ailleurs peut-être considéré comme des religions dans la mesure que c'est dans cette politique que le christianisme a été interdit en Chine au XII siècle et qu'il en a ensuite disparu.

La pratique religieuse en Chine était l'objet d'une régulation institutionnelle importante, « le temple chinois est une institution politique : l’État s’en sert pour gouverner, et le peuple y fonde son organisation. » C’est l’État qui autorise ou interdit les temples, mais il ne gère pas véritablement les temples, pas plus qu’il ne définit la doctrine des différents cultes. Il n’a pas non plus l’initiative dans la promotion d’un temple : le plus souvent l’État ne peut que réguler ou entériner des états de fait. Les interdictions étaient plutôt rares et brutales. Les autorisations prenaient la forme d’une canonisation de la divinité par son inscription au registre des sacrifices. Les autorisations sont accordées moyennant quelques contreparties et elles s’accompagnent de la définition d’un régime fiscal dont va dépendre la vie économique du temple. Chaque temple, pour pouvoir fonctionner, devait donc faire l’objet d’une autorisation bien négociée.

Tout d’abord, l’État veillait à la moralité des cultes rendus avec pour principal critère celui de l’intérêt de l’empire chinois. Les cultes liés à des divinités lubriques ou violentes faisaient l’objet d’une procédure de recentrage au cours de la procédure de canonisation qui permettait de corriger quelques aspects de la doctrine ou du culte en question. Mais, plus que les questions d’honorabilité des cultes, les questions financières jouent un rôle prépondérant dans l’attitude de l’État vis-à-vis des temples. En effet, les constructions nouvelles d’un temple ainsi que les fêtes religieuses exubérantes sont considérées comme des dépenses inutiles et un frein aux autres travaux plus utiles au développement de l’Empire. Conjointement aux autorisations données pour les cultes locaux, dans un esprit de « donnant-donnant », l’État imposait des cultes pour tout l’Empire qui, grâce aux offrandes des fidèles, devaient permettre de financer les travaux publics. Par ailleurs, la famille impériale était propriétaire de certains temples dont le prestige était considérable, tel le temple du ciel à Pékin, mais d’un impact social très limité puisque la population n’y avait pas accès.

Les trois enseignements et la religion populaire

Confucius présentant Gautama le Bouddha à Laozi.
Confucius présentant Gautama le Bouddha à Laozi.

Les études sur les religions chinoises distinguent habituellement trois religions traditionnelles qui correspondent aux trois enseignements (三教, sānjiào) : le dào 道 que nous appelons taoïsme, le shi 释 qui correspond au premier caractère du nom du Bouddha, et le rú 儒 qui désigne les lettrés confucéens. Sur ces trois enseignements, seul le bouddhisme et le taoïsme sont officiellement reconnus comme des religions aujourd'hui en Chine. Cette absence du confucianisme ne tient pas seulement au fait qu'il avait été jugé rétrograde par les révolutionnaires du XX siècle, mais aussi à ce que les enseignements de Confucius ont donné lieu à ce que l'on appelle sans unité « le confucianisme », et qui s'apparente davantage à une idéologie de gouvernement variable selon les époques et ses promoteurs, qu'à une religion. L'attitude du gouvernement qui hier combattait le confucianisme et aujourd'hui le valorise, confirme cette dimension du confucianisme. D'autre part, les trois enseignements traditionnels n'avaient pas le statut de religions distinctes. Les Occidentaux qui voient dans les temples chinois les statues des trois maîtres que sont Laozi, Confucius et Bouddha parlent de syncrétisme parce qu'ils envisagent ces enseignements comme des religions distinctes, mais cette idée est loin d'être une évidence dans la tradition chinoise.

Plutôt que de parler des religions chinoises en distinguant uniquement trois courants traditionnels, comme s'il s'agissait de confessions distinctes au sens où l'on parle de religions en Occident, il semble possible d'envisager la religion en Chine comme un ensemble organique de doctrines et de communautés qui présente une certaine cohérences d'ensemble et qui a un socle commun dans les trois enseignements. Pour Vincent Goossaert « La religion populaire au sens de « religion partagée par l’ensemble du peuple », fait appel aux liturgies et aux écritures des trois traditions constituées, mais se développe librement en dehors et autour d’elle ». Pour autant, ni la religion populaire, ni les trois enseignements ne se comptent comme des religions telles que celles requérant une adhésion exclusive. Les enseignements sont entretenus et donnés par une catégorie de la population que l'on peut considérer comme un « clergé » et qui s'occupe d'étudier et d'enseigner selon l'« orthodoxie » de l'un ou l'autre de ces courants. Les « laïcs » peuvent avoir recours à ces clergés et à leur enseignement, sans que cela suppose une adhésion au confucianisme, au taoïsme ou au bouddhisme de l'ordre de celle requise pour le christianisme ou l'islam.

Les religions en Inde

Le pluralisme religieux de l'Inde

Le sous-continent indien possède un ensemble de traditions religieuses que l'on désigne aujourd'hui par le terme générique d'hindouisme. Dans sa diversité, l'hindouisme est la principale « religion » de l'Inde, les hindous représentant 81 % de la population, mais il n'y a pas « un » hindouisme car s'agit d'un phénomène pluriel qui, selon Catherine Clémentin-Ojha, « résiste à toute tentative de définition univoque ». Outre l'hindouisme, ce pays compte de nombreuses religions. Le bouddhisme, bien que très peu présent aujourd'hui, y est apparu en même temps que le jaïnisme, vers le V siècle av. J.-C.. L'islam s'y est fortement développé à partir du XII siècle tandis que les Moghols étendaient leur empire sur le nord de l'Inde. Le sikhisme, né au XV siècle, mêle des traditions indiennes à l'islam. Des communautés juives et chrétiennes sont présentes en Inde depuis l'Antiquité, de même que le mazdéisme et le zoroastrisme venus de Perse. Enfin, à l'époque moderne et encore aujourd'hui, se développe en Inde une multitude de courants philosophico-théologiques, de religions ou de sectes qui empruntent aux traditions religieuses antérieures ou se forme autour de gourous attirant des adeptes en Inde autant qu'à l'étranger.

grande mosquée de Delhi, architecture moghole du XVI siècle

Le pluralisme religieux de l'Inde dépend assez largement de la façon dont « des religions » se conçoivent et s'organisent dans l'islam et dans l'hindouisme, ces deux religions ayant joué un rôle important dans l'histoire et la politique indienne. Bien que l'hindouisme paraissent beaucoup plus ancien que l'islam, la configuration actuelle de l'hindouisme doit beaucoup à ses reformulations modernes dans un rapport d'opposition mimétique à l'islam.

Des jésuites reçu par l'empereur moghol Akbar.

La domination moghole sur le nord de l'Inde s'était traduite par la mise en place du système de la dhimma, originellement formé pour régler le statut des juifs et des chrétiens dans la société islamique, et adapté pour donner aux populations hindoues, chrétiennes, ou jaïn le statut de dhimmi. Sous le règne du grand Akbar, dans la seconde moitié du XVI siècle, l'empereur a fait évoluer le droit islamique vers un pluralisme égalitaire, interdisant toute discrimination vis-à-vis des non-musulmans et leur accordant un statut équivalent à celui des musulmans. Mais ses successeurs sont revenus à la forme hiérarchique du système de la dhimma qui accorde aux musulmans des droits bien plus avantageux qu'aux autres.

L'hindouisme a lui aussi promu une forme de pluralisme religieux hiérarchisé. Ce pluralisme tient en premier lieu aux quatre castes dont la plus haute est celle des brahmanes, tandis que les adeptes d'autres religions sont tenus pour « hors castes ». Ce système de castes se double de celui des Jāti qui répartit la société indienne en plus de 4 500 groupes, correspondants pour la plupart à des corporations de métier, mais aussi aux religions non-hindoues. Avec leurs différences et leurs convergences, ces deux modèles hindou et musulman de pluralisme religieux tendent à consolider une structure communautariste de la société, chacun existant socialement par son appartenance au groupe, à la religion ou à la caste dans laquelle il naît. Cette appartenance communautaire détermine largement la vie des individus, leur profession, leur mariage, le lieu où ils peuvent vivre, etc.

Au XIX siècle, les Britanniques ont mis en place une administration coloniale en se fondant sur les structures sociales et politiques existantes, préservant et renforçant ainsi un système dans lequel « l'État reconnait aux diverses communautés d'être gouvernées par leurs propres lois et coutumes ». L'apport britannique à ce système est la codification et la systématisation de sa dimension juridique. Pour ce faire, des universitaires britanniques ont entrepris d'étudier des textes anciens hindous et musulmans. L'islam indien possède une tradition juridique largement documentée et assez unifiée sur laquelle il a été possible de s'appuyer pour proposer une version codifiée d'anciens textes de la charia. Pour les hindous ce sont les traités sur le dharma qui furent considérés comme la source du droit communautaire. Ces textes, produits dans la caste brahmane, ne manifestent pas une doctrine unifiée, mais l'effort de compréhension d'un système juridique de l'hindouisme sous pression des colons britannique a favorisé et légitimé une version brahmanique de l'hindouisme comme étant l'hindouisme orthodoxe, renforçant ainsi la domination de la caste brahmane sur l'ensemble de la société et l'appartenance des individus à leur jâti ou caste.

Images d'un album de 1837 sur les castes en inde

Musulman

Chef sikh

Brahmane

Pèlerin malabar

Mendiant hindou (Sâdhu)

Chef de tribu hindou

Aujourd'hui l'Inde reste en tension entre le modèle du droit communautaire hérité de l'histoire, et celui d'un régime politique laïque voulu par la constitution de 1950. Bien que cette constitution mette l'individu au centre de ses préoccupations et prévoie que la loi générale est valable pour tous, elle maintient aussi un système de droits communautaires, notamment pour les hindous et les musulmans qui peuvent s'en réclamer pour ce qui concerne la famille et les institutions religieuses.

Qu'est-ce que l'hindouisme ?

La notion d'hindouisme
Vishnu et Shiva, illustration par un aquarelliste européen vers 1820, British museum.
Vishnu et Shiva, illustration par un aquarelliste européen vers 1820, British museum.

Le terme hindouisme par lequel il est d'usage de désigner la réalité religieuse propre à l'Inde, est apparu au début du XIX siècle. Son usage a commencé à se répandre à la suite de la publication par Monier-Williams de Hinduism en 1877. La thèse selon laquelle l'hindouisme comme religion est une invention d'universitaires britanniques et d'administrateurs coloniaux est discutée depuis qu'elle a été avancée par Wilfred Cantwell Smith (en) en 1962. Dans la mesure où il s'agirait d'abord d'une création d'universitaires britanniques, la notion d'hindouisme peut être vue comme exogène à l'Inde et, par là, inadéquate à la réalité envisagée sous ce terme. Cependant la considération de l'hindouisme comme d'une religion propre à l'Inde est aujourd'hui l'un des principaux ressorts d'un nationalisme hindou dans lequel est défendu le caractère parfaitement autochtone de ce qui se conçoit comme l'hindouisme. Ceux qui sont désignés comme hindous se sont ainsi emparés de cette désignation « pour penser l'hindouisme comme une religion ».

Avant l'époque moderne les termes hindous et « Inde » n'étaient guère employés par les Indiens. La recherche d'une identité collective et des moyens pour la décrire est attestée à partir du XV siècle. Elle prend naissance dans la confrontation de la société traditionnelle et autochtone indienne à l'islam. C'est dans ce contexte que l'on commence à se dire « hindous », par opposition au non-hindous, tandis qu'un ensemble géographique limité au Nord par l'Himalaya et correspondant grosso modo à l'Inde actuelle est appelé Bhārata.

La « sanskritisation » de l'hindouisme
lecture des védas
lecture des védas

Au XIX siècle les indianistes ont étudié « la religion de l'Inde », supposant qu'il s'agissait d'une religion comme les autres avec son clergé, ses pratiques, ses temples, son système de croyances et ses textes sacrés. L'étude de l'hindouisme est ainsi d'abord passé par celle des anciens textes sanskrits. On parle de « sanskritisation de l'hindouisme (en) » pour désigner cette refondation de l'hindouisme moderne dans ses écritures anciennes. Celles-ci se répartissent en deux catégories d'ouvrages : la Shruti et la Smriti. La Shruti rassemble les Védas rédigés entre 1500 et 800 av. J.-C., les Brahmanas rédigés entre 800 et 700 et les Upanishads rédigés entre 700 et 650. Les Védas portent sur la nature divine, l'homme, le monde et leurs rapports. Les Brahmanas sont des textes philosophiques développant les intuitions fondamentales des Védas, tandis que dans leur prolongement les Upanishads sont tenus pour être l'expression la plus parfaite de la révélation divine. La Smriti est un ensemble d'écritures secondaires par rapport à la Shruti. L'unité de la Smriti tient à ce que son contenu est de l'ordre de ce dont on se souvient, de la mémoire ou de l'histoire. Elle comporte des poésies, des épopées et des histoires légendaires auxquelles s'adossent nombre de cultes et de pratiques rituelles hindoues, mais aussi les Darshanas qui présentent la façon dont se sont formés des diverses écoles ou points de vue philosophiques sur les Védas.

Les formes et la diversité de l'hindouisme

Puja du matin sur le Gange à Bénarès (Vanarasi)

La description de l'hindouisme pose de nombreuses difficultés, non seulement parce qu'il s'agit de la reprise en modernité de traditions pluri-millénaires, mais aussi par ce que l'hindouisme implique le plus souvent l'idée qu'il n'y a pas un seul point de vue vrai sur les choses. L'idée est que différents aspects d'une même vérité peuvent être saisis correctement dans des points de vue qui paraissent cependant incompatibles lorsqu'ils sont confrontés les uns aux autres. Cette façon d’accepter les divergences concerne en premier lieu la diversité de l'hindouisme, mais aussi la façon dont des hindous considèrent les non-hindous. L'hindouisme permet ainsi de considérer qu'un non-hindou se rapporte à la même vérité qu'un hindou parce qu'il le fait depuis sa propre tradition religieuse ou philosophique, chacun devant s'en tenir à ce qu'il lui est possible de penser selon le milieu de sa naissance. En ce sens l'hindouisme serait profondément pluraliste, ce qui fait qu'il n'est pas possible de le décrire comme un système de pensée homogène. Selon Catherine Clémentin-Ojha, il s'agirait d'un « système qui comporte plusieurs systèmes ». L'unité de ce « système de systèmes » pourrait tenir de sa tendance « inclusiviste », qui permet de laisser se développer une grande pluralité tout assimilant cette diversité dans un tout. L'une des caractéristiques de l'hindouisme serait dès lors une tendance à intégrer et subordonner à son propre système des éléments divers, parfois étrangers, en les considérant comme sien. Selon Paul Hacker (de), cet inclusivisme hindou impliquant la subordination de ce qui n'est pas hindou à ce qui l'est, ne doit pas être confondu avec ce qui par ailleurs se conçoit comme tolérance religieuse.

Il est possible d'identifier trois formes principales de l'hindouisme actuel : l'hindouisme des brahmanes, l'hindouisme populaire et l'hindouisme des « sectes » ou des nouveaux mouvements religieux. L'hindouisme des Brahmanes relève des traditions écrites indiennes les plus anciennes qu'il tend à interpréter de façon orthodoxe mais sans homogénéité. L'hindouisme populaire est celui massivement vécu dans les temples et les manifestations religieuses publiques. Bien que ces manifestations religieuses puissent être dirigées par des brahmanes très au fait des traditions et des textes, et que ces rites se rapportent souvent aux textes du Purana, il s'agit d'un hindouisme qui répond surtout de croyances populaires véhiculées sans soucis d'orthodoxie, ni connaissance des textes sacrés ou des systèmes philosophiques par ailleurs considéré comme essentiels à l'hindouisme. Enfin l'hindouisme des sectes ou des nouveaux mouvements religieux indiens se développe tant en Inde qu'à l'international. Ces trois formes d'hindouisme sont en étroites relations les unes avec les autres, et se développent dans et par leurs rapports mutuels.

L'hindouisme doit sa dimension internationale tant au développement d'une connaissance de l'Inde par les travaux des indianistes occidentaux depuis le XIX siècle, qu'à l'exportation de pratiques religieuse par des groupes et des gourous hindous ayant fait du prosélytisme hors de l'Inde. À la confluence d'une connaissance popularisée de quelques aspects de la culture indienne et du développement des nouveaux mouvement religieux, se sont développées des formes de religiosité indianisantes notamment relayées par le mouvement New Age aux États-Unis, puis par des entreprises commerciales vendant des programmes et des sessions de « santé bien-être ». Il en ressort une vision occidentalisée de l'hindouisme, appelée tantrisme, largement orientée sur les thématiques d'épanouissement personnel et sexuel. La notoriété acquise par le Kâmasûtra (traité du désir) ou ce que l'on dit des Tantras dans les courants New Age fait ainsi partie d'un phénomène occidental que Wendy Doniger appelle « Californication des Tantras ».

L'hindouisme américanisé ou occidentalisé donne lieu à des réactions en Inde où l'on souligne le caractère offensant, erroné ou caricatural de compréhensions américaines ou occidentales de l'hindouisme. Ces réactions incluent des protestations contre l'utilisation des Tantras pour légitimer des obscénités, la caricature de l'hindou adorateur de vaches sacrées, ou encore contre l'insistance jugée exagérée dans les descriptions occidentales de l'hindouisme sur le système des castes et sur l'oppression de la femme.

Une réflexion identitaire sur « l'indianité » ou « l'hindouité » des religions a lieu aujourd'hui en Inde. Elle pousse à considérer comme des religions indiennes ou hindoues, non seulement celles de ceux qui se revendiquent hindous, mais aussi les religions qui se fondent sur les textes védiques : le jaïnisme et le bouddhisme notamment. Par contraste, l'islam et le christianisme sont vus comme des religions étrangères. Selon Catherine Clémentin-Ojha, depuis les années 1980, cette vision nationaliste des religions en Inde s'accompagne de la contestation de l'idée de nation multiculturelle inscrite dans la constitution de 1950, et d'« exactions d'une rare violences à l'encontre des musulmans et des chrétiens. »

La notion de dharma

La notion de dharma est centrale de la conception hindoue ou indienne du monde, de la société et de l'homme. Le terme dahrma n'a cependant pas une acception univoque, pas plus qu'il n'a d'équivalent satisfaisant dans les langues occidentales. On le rend parfois par religion, mais cette notion recouvre aussi celles de droit ou de loi. L'équivalence aujourd'hui souvent établie entre la notion de religion et celle de dharma n'est pas tant une approximation d'observateurs extérieurs que le fait des hindous eux-mêmes. Depuis le XIX siècle, les efforts menés en Inde et par des hindous pour penser l'hindouisme comme une religion les ont conduit à adopter l'expression « dharma éternel » (sanâtana dharma) pour désigner l'hindouisme ou la religion hindoue dans son rapport aux « autres religions ». De ce fait, la notion de dharma reste aujourd'hui pensée dans la tension entre différents pôles : entre le passé et le présent de l'Inde, entre ce qui est indien ou hindou et ce qui est étranger. Ainsi, bien qu'il soit d'usage de s'appuyer sur les sources védiques anciennes pour penser aujourd'hui un dharma de toujours, l'hindouisme moderne, dans la mesure où il est présenté comme ce dharma, peut aussi être tenu pour la norme et la réalité objective. Par ailleurs, cet hindouisme, même s'il se réfère à des sources autochtones de l'Inde, est apparu en modernité dans un contexte mondialisé. Il s'est formé en rapport aux autres religions et à ce qui se conçoit par ailleurs comme étant la religion.

Selon Madeleine Biardeau, dans les textes des brahmanes, le dahrma est un ordre socio-cosmique. La notion peut s'appliquer à l'Univers, à la société humaine dans son ensemble, à une caste, ou à la vie de chaque individu. Le dharma renvoie autant à l'ordre établi qu'aux conditions de son maintien. Il se traduit nécessairement par un système politique. Selon Catherine Clémentin-Ojha, « il n'y a pas de dahrma sans roi pour le protéger ». En ce sens, les théories du dharma peuvent être celles de la structure sociale et politique de l'Inde, elles permettent en particulier de penser les castes. Le dharma se décline ainsi dans la théorie des quatre castes héréditaires (varna), adossée à celle des quatre stades de la vie (âsrama), pour penser le monde, la société et la vie individuelle selon un ensemble de normes. Des théories du dharma permettent aussi de penser les jâti ou nombreuses castes avec le modèle du varnasrama dharma. Néanmoins ces théories n'ont pas toujours existé en Inde, elles sont apparues avec la royauté. Elles sont ainsi historiquement situées et restent à tout moment de l'histoire liées aux formes des régimes politiques en place. De plus, elles sont le seul fait des castes supérieures où elles peuvent être discutées et ré-élaborées, sans qu'aucune adhésion soit requise, ni que quiconque puisse faire valoir une orthodoxie à ce sujet. De cette façon, sur un plan religieux, les théories du dharma ne relèvent d'aucune « orthodoxie » (ce qu'il faut croire), mais elles sont des façons de rendre compte d'une « orthopraxie » (ce qu'il faut faire).

L'hindouisme des brahmanes et celui des « sectes hindoues » relèvent de conceptions différentes et par certains aspects antagonistes du dharma. Chez les brahmanes, la société est hiérarchisée en castes et inclut toute la société dans cette hiérarchie, tandis que le développement de différents groupes communautaires autour d'une tradition particulière ou de gourous est porteur d'une conception égalitaire du pluralisme religieux dans la société indienne. Il s'ensuit une importante divergence sur la notion de dharma qui dans l'hindouisme orthodoxe des brahmanes ne peut se concevoir qu'au singulier, tandis qu'avec les « sectes hindoues », un dharma se conçoit comme une religion, et l'on tend à envisager autant de dharma que de religions. Un second point de divergence est la question de l'universalité du dharma. Dans l'hindouisme, le Bhârata, c'est-à-dire le territoire indien, est traditionnellement considéré comme le seul lieu d'accomplissement du dharma. Mais certains nouveaux mouvements religieux hindous ont aboli cette limite territoriale de l'hindouisme pour penser l'hindouisme comme une religion universelle. Ces mouvements s'opposent ainsi, autant aux sectes hindoues se concevant comme « un dharma » parmi ceux existant sur le territoire du « dharma éternel », qu'à l'hindouisme des brahmanes qui se présente comme « le dharma » et dont la pratique est rigoureusement limitée à l'Inde et à son territoire sacré. De cette façon est apparue une forme d'hindouisme universaliste et de grande visibilité internationale, qui transgresse cependant les limites territoriales et ethniques largement tenues pour intangibles dans l'hindouisme. Parmi ces mouvements celui de Swami Vivekananda, fondateur de la Rama-Krishna Mission. Il fut au début du XX siècle l'un des premiers d'une longue liste de gourous charismatiques, s'exprimant en anglais et qui donnent une grande visibilité internationale l'hindouisme pensé comme religion universelle. Enfin, les théories du dharma supposent très largement que la vie des individus soit déterminée par leur naissance. Cependant la possibilité de poser des actes volontaires est aussi reconnue. C'est notamment ce que font les ascètes ou sâdhu, en adoptant un style de vie qui n'est pas déterminé par leur naissance. Les « gourous » fondateurs de mouvements religieux ou de « sectes » hindous sont généralement des personnes qui se sont engagées dans ce style de vie avant de fonder leur mouvement. Ils véhiculent ainsi souvent une notion de dharma davantage polarisée par les idéaux de liberté ou de libération individuelle que vers la défense de l'ordre établi et des déterminations de l'existence.

Bouddhisme

Le bouddhisme est, selon les points de vue en Occident, une religion ou une philosophie, voire les deux dont les origines remontent en Inde au V siècle av. J.-C. à la suite de l'éveil de Siddhartha Gautama et de son enseignement.

Le bouddhisme comptait en 2005 entre 230 millions à 500 millions d'adeptes, ce qui en fait la quatrième religion mondiale, derrière (dans l'ordre décroissant) le Christianisme, l'Islam, et l'Hindouisme. Le bouddhisme présente un ensemble ramifié de pratiques méditatives, de pratiques éthiques, de théories psychologiques, philosophiques, cosmogoniques et cosmologiques, abordées dans la perspective de la bodhi "l'éveil". À l'instar du jaïnisme, le bouddhisme est à l'origine une tradition shramana, et non brahmanique (comme l'est l'hindouisme).

Bien que le bouddhisme soit communément perçu comme une religion sans dieu, que la notion d’un dieu créateur soit absente de la plupart des formes du bouddhisme (elle est cependant présente dans les formes syncrétiques en Indonésie), la vénération et le culte du Bouddha historique (Siddhārtha Gautama) en tant que Bhagavat joue un rôle important dans le Theravada et particulièrement dans le Mahayana qui lui donnent un statut de quasi-dieu contribuant à brouiller les notions de dieu et de divinité dans le bouddhisme. On peut donc considérer le bouddhisme comme une religion sans dieu.

Typologies et classifications

La différence entre classification et typologie n'est pas toujours très nette dans la mesure où une typologie peut se concevoir comme un mode de classification. Néanmoins, dans les sciences des religions, les termes « classification » et « typologie » peuvent désigner des modes d'appréhension de la diversité des religions assez distincts :

Une classification des religions est une tentative de décrire l'ensemble des religions du monde et de l'histoire en les présentant selon un nombre réduit de catégories principales, qui peuvent éventuellement comprendre des sous-catégories. Les classifications des religions sont principalement liés aux travaux d'histoire des religions. Elles procèdent toujours d'une approche comparatiste, dans la mesure où les religions sont classées sur la base de leurs ressemblances et de leurs différences.

Une typologie des religions est un mode de conceptualisation de la religion qui en propose une compréhension générale à partir de deux ou trois « types idéaux » de religion. La notion d'idéal-type vient du sociologue Max Weber ; dans les sciences des religions, il est ainsi question de typologies webero-troeltschiennes pour désigner les typologies des religions établies à sa suite.

Classifications en histoire des religions

Les classifications des religions établies en histoire des religions ont longtemps eut en commun de supposer une essence ou une origine de la religion dans une forme unique de religion diversement considérée comme un concept, une religion naturelle, une religion de la nature ou une religion primitive. Dès lors que l'on suppose une essence de la religion commune à toutes les religions, l'histoire des religions a pour but de comprendre et d'identifier les formes prises par la religion dans l'histoire, d'où l'intérêt de l'histoire des religions pour les typologies et les classifications. Bien que l'existence d'une essence commune à toutes les religions ait été mise en cause au XX siècle, les catégories des typologies établies sur ce postulat, telles que celle de polythéisme, de monothéisme, d'hénothéisme ou d'animisme, n'ont pas pour autant disparues et restent aujourd'hui très employées. Plus récemment, des essais de classifications dits « taxonomique » ont été proposés.

Inclusion des religions dans la religion chez Hegel

Hegel

Le système hégélien de la religion élaboré au début du XIX siècle a eu une influence importante sur l'histoire des religions et, par là, sur l'ensemble des tentatives d'établir des classifications générales des religions. À propos de cette influence, à la fin du XIX siècle, Pierre Daniel Chantepie de la Saussaye (de) écrivait dans son Manuel d'histoire des religions : « En tant que la classification donne le démembrement de l'idée, elle expose l'essence de la religion dans son unité et dans sa multiplicité. Mais, d'autre part, les sections de la classification sont des degrés de l'évolution historique. Presque toutes les classifications proposées depuis Hegel s'inspirent de ces deux propositions ».

Dans le système hégélien, la religion est assimilée à l'activité de la raison dans l'histoire. Ce concept de religion n'est pas seulement une façon de décrire la religion, il est un sujet qui agit : la religion elle-même. Comme tous les concepts de Hegel, celui de religion se décrit selon trois moments : l'unité, la négation de l'unité, et le retour sans régression à l'unité par la négation de sa négation. Cette structure fondamentale du concept chez Hegel correspond à celle de la Trinité : Dieu « un » nie son unité, le Père s'opposant au Fils en l'engendrant, puis il nie cette opposition en retournant à l'unité dans l'Esprit Saint. Les trois « moments » de la vie du concept hégélien de religion correspondent aux trois parties principales des Leçons sur la philosophie de la religion : la notion de religion, la religion déterminée et la religion absolue. L'histoire des religions se déroule entièrement au niveau de la religion déterminée. Cependant cette histoire n'est pas chronologique car les religions sont à tout moments des répétitions du même, se succédant ou se côtoyant comme autant d'effectivités de l'Idée de religion sans être autrement liées entre elles. Hegel a structuré son cours en introduisant les religions dans un ordre progressif, plutôt que chronologique, vers la religion absolue. Le plan de ce cours donné de 1821 à 1826 peut se prendre comme une « typologie » des religions établie par Hegel.

Pour Hegel : « La vérité est que la vérité, la nature, la vie, l’esprit sont entièrement organiques, que tout ce qui est pour soi, tout être différencié même est le miroir de cette Idée ; elle s’y montre individualisée, comme processus en lui en sorte qu’il manifeste en lui cette unité. » Ainsi, chacune des religions, en tant que miroir de l’Idée, reflète la vérité. Le christianisme comme religion historique pourrait aussi être considérée comme l’une des religions effectives ou déterminées, mais elle est traitée par Hegel comme la religion absolue. Plutôt qu'une supériorité du christianisme sur les autres religions, Hegel envisage le christianisme comme l'essence de toutes religions, considérant qu'elles sont toutes également vraies et révélées étant chacune l'effectivité d'un même concept de religion lui-même chrétien :

« Les religions déterminées ne sont pas il est vrai notre religion ; toutefois comme moments essentiels bien que secondaires qui ne doivent pas faire défaut à la vérité absolue, ils sont contenus dans la nôtre. Nous n’avons donc pas affaire avec quelque chose d’étranger, mais à quelque chose qui est nôtre ; reconnaître qu’il en est ainsi, c’est réconcilier la vraie religion avec les fausses »

Avec l'influence de Hegel, l'élaboration de typologies ou classifications des religions se fera avec le rejet de « divisions en religions vraies et religions fausses, en religions naturelles et religions révélées, ou en religions populaires et religions à fondateurs ».

Les concepts de l'histoire des religions : Polythéisme, monothéisme, hénothéisme, animisme, etc.

David Hume.

David Hume rédigea vers 1750 l’Histoire naturelle de la religion, texte qui est considéré comme l'un des tous premiers essais modernes d'histoire des religions. Hume organise cette histoire autour des idées de polythéisme et de monothéisme, considérant que, dans l'histoire, la religion est passée progressivement du polythéisme au monothéisme. Cette idée d'une évolution religieuse de l'humanité du polythéisme vers le monothéisme devient un lieu commun de la pensée des religions à l'époque des Lumières.

Max Müller, (1823-1900)

Edward Burnett Tylor, (1832-1917)

À partir du XIX siècle, moment auquel on tente de constituer l'histoire des religions en science, l'idée d'une évolution religieuse de l'humanité est relayée par celle d'évolutionnisme culturel qui, chez Max Müller, fait explicitement écho à la théorie de l'évolution des espèces de Darwin. Max Müller accordait aussi une importance extrême aux problèmes de classifications des religions. Cherchant à établir les principes et les méthodes de la science des religions, estimait qu'il s'agissait d'un lieu de vérification de la scientificité de l'étude des religions : « Toute science véritable repose sur la classification, et c'est seulement dans le cas où il nous serait impossible de classer les différents langages de la foi que nous aurions à reconnaître qu'une science de la religion est véritablement impossible. »

Max Müller a envisagé une évolution religieuse de l'humanité différente de ce qu'avaient pensé les Lumières tout en reprenant les concepts de monothéisme et de polythéisme. Il considérait que l'humanité avait d'abord été dans une forme de monothéisme relatif en un temps où elle ne formulait pas clairement ses conceptions religieuses. Ce monothéisme initial se précise ensuite en diverses formes de religions dont celle du monothéisme absolu et celle du polythéisme. Pour décrire ces formes de religions plus évoluées, Müller a aussi introduit le concept de kathénothéisme, un intermédiaire entre le monothéisme et le polythéisme en ce qu'il est, pour Müller, la préférence pour un dieu sans exclure qu'il y en ait plusieurs. Dans le kathénothéisme ou hénothéisme (nom abrégé du même concept), ceux qui se rapportent à un dieu ne s'occupent que de lui et lui assignent tous les attributs de la divinité, mais le dieu auquel va la préférence du culte est susceptible de changer avec le temps. Müller a précisé ce concept à partir de certaines formes de religion en Inde.

Au-delà de sa formulation initiale par Müller, le concept d'hénothéisme a connu des fortunes diverses, parfois tenu pour un intermédiaire dans une échelle évolutive qui va du polythéisme vers le monothéisme, parfois tenu pour être la forme originelle de toute religion avant sa détermination en des monothéismes et des polythéismes. De ce fait, le terme n'a plus une signification bien précise, si ce n'est celles que lui donnent les auteurs qui l’emploient.

Contemporain de Müller, l'anthropologue britannique Edward Burnett Tylor a introduit le concept d'animisme pour désigner les religions des sociétés dites « primitives ». Ce concept a eu beaucoup de succès jusque dans les premières décennies du XX siècle, devenant « l'un des termes de référence majeurs de l'histoire de l'ethnologie religieuse ». Il est encore aujourd'hui utilisé dans le langage courant ou dans les statistiques, comme un mot fourre-tout désignant l'ensemble de ce qui, ne relevant pas des religions théistes s'appuyant sur des textes sacrés, est transmis par des traditions orales.

Le concept de chamanisme n'est guère plus précis que ceux d'animisme ou de religion primitive. Le terme a fait son entrée parmi ceux fréquemment utilisés en histoire des religions avec Mircea Eliade. Le chamanisme se rapporte en premier lieu à la religion traditionnelle des populations de Sibérie et d'Asie centrale, mais, par extension, le terme est aussi employé pour désigner des religions en d'autres lieux et d'autres temps, c'est-à-dire des religions ailleurs dites animistes ou primitives. À ces expressions peuvent aujourd'hui être préférées celles de religions traditionnelles ou ethniques.

Les « idéals-types » : typologies webero-troeltschiennes

Max Weber.

Dans les sciences des religions, les discussions sur des modèles typologiques fondés sur travaux sociologiques de Max Weber et Ernst Troeltsch ont progressivement conduit à écarter les typologies héritées de l'histoire comparée des religions ainsi que l'évolutionnisme religieux dont elles relèvent. Weber puis Troeltsch ont axé leur réflexion sur la distinction entre Église et secte. Les idées d'Église et de secte n'ont cependant pas ici le sens que l'on donne couramment à ces termes. La notion d'« Église » renvoie ici à ce qui s'appelle aussi « les grandes religions », celles qui ont su assembler autour d'elles une masse considérable de fidèles au point que la plupart de ses membres sont ceux qui naissent avec cette religion sans l'avoir choisie. Ce qui est envisagé comme « secte » sont au contraire des groupements communautaires identifiables qui demandent un acte d'adhésion volontaire et qui n'accueillent que des membres jugés qualifiés sur un plan religieux. À ces deux types s'ajoute le « type mystique qui oscille entre l'absence totale d'organisation et l'existence d'une communauté assez élastique. »

Les travaux de Joachim Wach (en) à la suite de Weber et de Troeltsch ont marqué le retour d'idées évolutionnistes dans la problématique des typologies, bien que l'évolution ici envisagée ne soit plus référée au monothéisme comme une forme d'accomplissement des religions. Wach distinguait sur un plan religieux des « groupes naturels » et des « groupes fondés ». Les groupes naturels se forment avec les clans ou les tribus, ils correspondent aussi aux nations lorsque le clan s'élargit à ces dimensions. Ce sont des groupements identitaires dans lesquels il n'existe pas nécessairement la conscience d'avoir une religion particulière et où peuvent encore se former des sous-groupes religieux, par exemple selon l'âge ou le statut social. Dans ce contexte tout le groupe est religieux sans que la religiosité apparaisse comme un élément distinctif au sein de la société. L'apparition de « groupes religieux fondés » correspond à une évolution ou une mutation marquée par la possibilité nouvelle de reconnaître ce qui est « spécifiquement » religieux, et donc de définir, de modeler ou de fonder les groupes religieux. Selon Jean Martin Ouédraogo, Wach pensait en particulier au christianisme et à l'islam lorsqu'il envisageait ces « groupes fondés ». Gustav Mensching (de) a repris les travaux de Wach y introduisant de nouvelles distinctions telles que celles entre « religion nationale » et « religion universelle », ainsi qu'en développant l'opposition entre groupes « spécifiquement et non spécifiquement religieux ».

La réflexion sur ces typologies s'est essoufflée dans les années 1980, moment où sont apparues de nouvelles notions qu'il était difficile de faire entrer dans ces « idéals types », notamment de « Nouveau Mouvement Religieux », de « religion séculière » ou encore plus récemment celle de « religieux diffus ».

Classifications taxonomiques

Les typologies fondées sur des idéals-types peuvent être considérées comme des typologies de « la » religion, tandis qu'il existe d'autres essais de typologies ou de classification partant des formes observables de religions plutôt que de « la religion ». Jonathan Smith avait comparé ces propositions de classifications des religions aux classifications taxonomiques qui concernent les espèces vivantes réparties par genre et espèce.

La méthode consiste à partir de l'observation de chaque cas particulier de religion pour les classer selon leurs ressemblances en des groupes et des sous-groupe, et parvenir ainsi à une classification générales des religions en autant de catégories que nécessaire. Ces recherches sont aujourd'hui principalement le fait de chercheurs Nord-américains, et elles sont très liés à la publication de dictionnaires ou d'encyclopédies visant une forme d'exhaustivité et de systématicité dans leur présentation des religions. Ces recherches ont pris leur essor dans les années 1970. Une de leurs préoccupations premières fut de comprendre comment situer les Nouveaux Mouvements Religieux (NMR) par rapport aux autres religions, notamment avec les travaux de Roy Wallis (en). Les classifications proposées aujourd'hui peuvent comprendre un nombre élevé de catégories principales : Gordon Melton en distingue soixante-dix dans The encyclopedia of American religions (1989). Les critères retenus pour établir une catégorie peuvent être l'origine géographique des religions, des facteurs linguistiques, leurs parentés dans des courants religieux (Melton envisage des « familles de religions »), de leur expansion selon qu'elles soient des religions mondiales ou non, de l'époque à laquelle elles apparaissent, etc.

Dans le Dictionary of Religion, Jonathan Z. Smith considère sept catégories de religions à l'échelle mondiale : religions chrétiennes, religions d'islam, religions bouddhistes, religions du sud-est asiatique, religions de l'Antiquité, nouvelles religions et religions des peuples traditionnels (Religions of Traditional Peoples). Cette dernière catégorie a été objet de beaucoup de débats. L'expression proposée par Smith remplace d'autre termes « fourre-tout » tels que ceux de paganisme, de polythéisme, d'animisme ou de chamanisme qui était très employé au XIX siècle pour qualifier les religions que l'on peut situer aujourd'hui dans la catégorie de « Religions of Traditional Peoples » ou « folk religion » (religions traditionnelles). Néanmoins Smith constate que cette catégorie, quelle que soit la façon dont elle est rebaptisée, reste une catégorie dans laquelle on situe des religions sans liens historiques ou géographiques évidents, d'Afrique, d'Amérique, d'Asie, d’Arctique ou d’Océanie.

Ces essais nord-américains de classifications générales des religions sont sans équivalent dans les publications francophones et européennes où les ouvrages, dictionnaires ou encyclopédies consacrés à la présentation des religions du monde et de l'histoire tendent plutôt à prendre acte du caractère fragmenté de la réalité religieuse sans tenter de la présenter dans une typologie systématique. Ils suivent plutôt un plan chrono-thématique renvoyant le lecteur à un index alphabétique pour les catégories et notions décrites, utilisées ou critiquées dans les différents articles.

Chiffres et statistiques

Problèmes de dénombrement

Les statistiques mondiales sur les religions supposent une relative uniformité de ce que sont « les religions », chaque individu étant susceptible d'en avoir une ou de ne pas en avoir. Ce schéma s'applique assez bien aux populations dont les traditions religieuses sont principalement le christianisme ou l'islam et qui représentent environ la moitié de la population mondiale. La prise en compte de l'autre moitié, c'est-à-dire principalement de l'Asie, pose plus de difficultés. Il est par exemple possible, en Chine de considérer comme « des religions » les trois enseignements que sont le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme, mais traditionnellement la population a recours à ces enseignements sans exclusivité et sans que cela se traduise par une adhésion de l'ordre de celles que peuvent requérir les confessions chrétiennes ou l'islam. D'autre part, si les Chinois peuvent en grand nombre avoir recours au bouddhisme, au taoïsme ou au confucianisme sans y adhérer ou y appartenir formellement, en Asie du Sud-Est (Cambodge, Thaïlande, Birmanie) le bouddhisme et aujourd'hui vécu beaucoup plus clairement sous le mode de l'adhésion exclusive à une religion. Ces faits rendent extrêmement difficile de prendre en compte le bouddhisme et plus largement la réalité religieuse asiatique dans des statistiques mondiales. Pour Vincent Goossaert, les chiffres avancés au niveau mondial resteront sans valeur tant que l'on ne se sera pas sérieusement penché sur ce problème.

Importance accordée à la religion par pays, d'après un sondage Gallup réalisé en 2006.
Importance accordée à la religion par pays, d'après un sondage Gallup réalisé en 2006.

Ce qui fonde l'adhésion d'un individu à une religion varie considérablement d'une religion à l'autre. Dans le christianisme, le critère peut être le fait d'être baptisé, ou bien le fait d'être actif ou pratiquant, ou encore le fait d'exprimer son adhésion. Par exemple, chaque année l'Annuaire pontifical donne le nombre de baptisés dans l'Église catholique. Pour l'année 2011 ce nombre est de 1,196 milliard. Le critère pris en compte dans cet annuaire pour être considéré comme catholique est uniquement le fait d'être baptisé. Ce chiffre est repris dans de nombreuses statistiques, cependant il ne correspond pas nécessairement à celui des personnes qui s'estiment catholiques ou qui partagent des convictions les plus largement considérées comme étant celles des catholiques. Ainsi, dans un sondage publié par Le Monde des Religions, 58 % des personnes se déclarant catholiques ne croyaient pas à la Résurrection du Christ et seulement 52 % croyaient en l'existence de Dieu.

Concernant les estimations sur le nombre de musulmans dans le monde, c'est principalement le fait d'être né dans un pays majoritairement musulman, ou d'en être originaire, et de ne pas faire partie d'une minorité religieuse de ces pays qui est pris en compte. Ce critère relève d'un principe, largement tenu pour une règle intangible en monde musulman, selon lequel les enfants de musulmans sont musulmans. Par suite, l'essentiel du nombre estimé de musulmans dans le monde vient de l'addition des donnés démographiques officielles des pays majoritairement musulmans dont on estime en outre qu'entre X % et 100 % est musulmane. En France, où l'administration a interdiction de collecter des données sur la religion des individus, une polémique a eu lieu en 2010 autour d'un chiffre avancé par les services du ministère de l'intérieur, qui évaluait entre 5 et 6 millions le nombre de musulmans sur le territoire national. Pour établir ce chiffre, les services du ministère de l'intérieur ont considéré qu'il correspondait à celui des Français originaires de pays majoritairement musulman et à leurs descendants.

Production des chiffres

Au niveau mondial, la collecte des informations repose principalement sur les déclarations des États. Or tous ne produisent pas de chiffres à ce sujet, et lorsqu'ils le font c'est avec des critères très variables. En France, l'administration a interdiction de collecter ou de détenir des données sur les appartenances religieuses des personnes ou des catégories de personnes pour prévenir des risques de discrimination. Il n'y a donc pas de chiffres officiels, mais seulement des sondages publiés dans la presse. En Corée du Nord, 100 % de la population est considérée comme athée par le gouvernement, comme cela se faisait aussi en URSS ou en Chine. Ce type de déclaration s'est traduit par des cartes faisant apparaître des pays dont la population est dite « sans religion », ou bien mentionnant que pour ces pays il n'y a pas de données disponibles. Plus largement, les données officielles sur les religions sont trop éparses et lacunaires pour pouvoir être exploitées directement. L'établissement de statistiques mondiales passe donc par un travail de collecte, de recoupement et d'interprétation des données disponibles.

Source : Worldwide Adherents of All Religions, Mid-2005, Encyclopædia Britannica

Selon Laurent Testot, la principale source des statistiques mondiales sur les religions sont les travaux de David Barrett, qui a notamment publié l'article sur ce sujet dans l'encyclopédie Britannica. David Barrett est à la fois un mathématicien et un missionnaire évangéliste. Il a créé au sein du Gordon Conwell Seminar, un institut d'étude statistiques pour mesurer de façon chiffrée les progrès de l'évangélisation et des missions chrétiennes dans le monde, donnant le nom de « missiométrie » à cette activité. Dans ces statistiques un très grand nombre de religions et de groupements confessionnels sont identifiés. Ainsi le monde compterait 10 000 religions et 34 000 groupements confessionnels. En fait ces religions comme ces groupements confessionnels sont dans leur grande majorité des religions ou dénominations protestantes, l'accroissement de leur nombre étant considéré comme lié aux progrès de l'évangélisation dans le monde. Bien que les méthodes employées comme les objectifs de ces travaux posent de nombreuses questions, ces travaux continuent de faire référence, d'autant qu'il n'existe pas d'autre institut de recherche en ce domaine. David Barrett a lui-même déploré le manque de concurrence. Les travaux initiés dans les années 1980 par David Barrett se sont poursuivis avec la publication régulièrement actualisée de la World Christian Encyclopedia.

Outre les chiffres officiels donnés par chaque état sur la situation religieuse de leur population, la CIA donne de façon irrégulière des données mondiales et par pays sur les religions dans le World FactBook, mais sans préciser la façon dont ces chiffres sont établis. Des sites Internet de statisticiens amateurs tels que Adherents.com ou Chartsbin.com proposent des statistiques sur les religions en se fondant sur les chiffres disponibles, les données officielles ainsi que les sondages réalisés pour la presse par des instituts spécialisés.

Répartition et données mondiales

Chrétiens (2,355 milliards), dont : Catholiques (1,2 milliard) Protestants (440 millions) Chrétiens indépendants (370 millions) Orthodoxes (280 millions) Anglicans (92 millions) Autres chrétiens (38 millions)

Catholiques (1,2 milliard)

Protestants (440 millions)

Chrétiens indépendants (370 millions)

Orthodoxes (280 millions)

Anglicans (92 millions)

Autres chrétiens (38 millions)

Musulmans (1,635 milliards)

Hindous (982 millions)

Non-religieux (684 millions)

Bouddhistes (510 millions)

Religions chinoises (433 millions)

Religions tribales (243 millions)

Athées (136 millions)

Nouvelles religions (NMR) (63 millions)

Sikhs (25 millions)

Juifs (15 millions)

Chrétiens (2,1 milliards)

Musulmans (1,5 milliard)

Sans religion (agnostiques, athées etc.) (1,1 milliard)

Hindouistes (900 millions)

Religions chinoises (394 millions)

Bouddhisme (376 millions)

Religions tribales (300 millions)

Religions africaines et afro-américaines (100 millions)

Sikhs (23 millions)

Juche (19 millions)

Spirites (15 millions)

Juifs (14 millions)

Bahaïsme (7 millions)

Jaïns (4,2 millions)

Shintoïstes (4 millions)

Caodaïstes (4 millions)

Zoroastriens (2,6 millions)

Tenrikyo (2 millions)

Néo-païens (1 million)

Unitaristes (800 000)

Rastafariens (600 000)

Scientologues (500 000)

Christianisme (2 262,45 millions)

Islam (1 426,56 millions)

Hindouisme (900,36 millions)

Agnostisme (799,19 millions)

Religions chinoises (445,43 millions)

Bouddhisme (396,53 millions)

Religions tribales (210,49 millions)

Athéisme (157,53 millions)

Shintoïsme (106,60 millions)

Nouvelles religions (59,07 millions)

Sikhisme (23,77 millions)

Judaïsme (15,62 millions)

Spiritisme (13,58 millions)

Bahaïsme (8,15 millions)

Taoïsme (6,79 millions)

Confucianisme (6,11 millions)

Jaïnisme (6,11 millions)

Répartition de quelques religions dans le monde

Chrétiens

Catholiques

Protestants

Orthodoxes

Musulmans

Juifs

Bouddhistes et de religions est-asiatiques

Hindous

中文百科

宗教是对神明的信仰与崇敬,或者一般而言,宗教就是一套信仰,是对宇宙存在的解释,通常包括信仰与仪式的遵从。宗教常常有一部道德准则,以调整人类自身行为。

宗教包括了符号意义、信仰、叙事体的故事,应该给予修行者生命体验的宗教实践。无论宗教的中心意义体现在任一神性或众多神灵上,抑或是根本真理,宗教的普遍特征是由修行者的祈祷、仪轨、冥思、音乐和艺术形式所表现,除此以外,宗教还和社会及政治常常相互交织。宗教的特征可以集中表现为特殊的超自然现象、形而上学,出自于宗教法律的道德要求或生活方式。宗教也包括了原始的文化传统、神圣的著作、历史、神话,还有个人的宗教信念与经验。宗教的发展可以从不同的文化中提取许多形态,同时伴随着各种文化的差异。

宗教的词源

在汉语中,宗教本不为一联缀词,《说文解字》:「宗者,尊祖庙也,以宀从示。」,「示者,天垂象见吉凶所以示人也,从二。三垂,日月星也,观乎天文以察时变示神事也。」这表示对神及人类祖先神灵的尊敬和敬拜。教指教育、育化,上施下效,侧重在对神道的信仰,这一点反而与西方的宗教理解较为接近。直至公元10世纪,「宗教」一词才最先见于佛经,如《续传灯录》中:「吾住山久,无补宗教,敢以院事累君。」这里的宗教指崇佛及其弟子的教诲,其意狭小而具体。但随西方宗教学崛起及其对中国学术界之影响,许多人在学术上将「宗教」与「Religion」一词画上了等号,成为广义性宗教概念。宗教在不同的文化背景中,存在不同的含义。 西方语言的「宗教」(如英语的Religion)源自古罗马时代的拉丁语「Religio」。古希腊人虽有表达对神的敬畏、虔诚及与之相关的戒律礼仪,却未形成宗教的特定概念。古罗马哲学家西塞罗在其著作《论神之本性》中使用过「Relegere」(意为反复诵读、默想)或「Religere」(意为重视、小心考虑),可见他当时认为在神的敬拜上需集中注意,又需严肃认真。另外古罗马神学家奥古斯丁在《论真宗教》及《论灵魂的数量》皆用过「Religare」,代表人、神与灵魂间的重新结合,以人神联盟说明人与神之间的密切关系。奥古斯丁又在《订正》及《上帝之城》中使用「Re-eligere」来表示人在信仰上的重新抉择及决断,人需要靠重新考虑和选择与神修好。故Religio一词在拉丁语的原意应为人对神圣的信仰、义务和崇拜,以及神人之间的结合修好。由此可见,「Religio」与近代西方宗教概念有关连却不等同,中世纪欧洲人不会用Religio称呼伊斯兰等异教(Paganism),今日英语Religion可指基督教及其他任何宗教。

宗教的定义

宗教有着各种各样的定义,多数定义试图在很多极端的解释和无意义表述中找到平衡。有人认为应用形式和理论去定义它,也有人更强调经验、感性、直觉和伦理的因素。 东西方也因历史背景的不同而存在理解差异,宗教是一个翻译辞汇,冯友兰指出:「有其自己的意义,不能在中文中看见一个有教字的东西就认为是宗教」。取「以供奉神灵的宗庙为教导方式」意,关键是「作为祭祀场所的“宗”,而非作为中国式人文主义印痕之祭祀目的的“教”。」 社会学家和人类学家倾向于把宗教看作是一个抽象的观念、含义。这种抽象的概念是基于自身文化发展而创建起来的。 现代知名僧人释净空对宗教的定义是--「宗」具有:主要的、重要的、尊崇的三种意义。「教」具有:教育、教学、教化三重含义。 《宗教百科全书》中,宗教的定义是这样的: In summary, it may be said that almost every known culture involves the religious in the above sense of a depth dimension in cultural experiences at all levels—a push, whether ill-defined or conscious, toward some sort of ultimacy and transcendence that will provide norms and power for the rest of life. When more or less distinct patterns of behaviour are built around this depth dimension in a culture, this structure constitutes religion in its historically recognizable form. Religion is the organization of life around the depth dimensions of experience—varied in form, completeness, and clarity in accordance with the environing culture." 翻译:总的来说,每个已知的文化中都包含了或多或少的宗教信仰,它们或明了或令人疑惑得试图完美解释这个世界。当某些行为典范在特定的一个文化中得到确立时,它就将在这个文化中打下深深的历史烙印。即便宗教在形式、完整度、可信度等等都应不同文化而不同,但人在社会中还是不可避免要受到宗教影响。 以下是西方各宗教学家对宗教所下的定义: 宗教学家 对「宗教」的诠释 门辛 人与神圣真实体验深刻的相遇、受神圣存在性影响之人的相应行为 缪勒 人对于无限存在物的渴求、信仰和爱慕 泰勒 对灵性存在的信仰 弗雷泽 人对能够指导和控制自然与人生进程的超人力量的迎合、讨好和信奉 施密特 人对超世而具有人格之力的知或觉 海勒尔 人与神圣的交往、相通和结合,是对神圣的生动经历 范·德·列乌 人与神秘力量的独特关系 奥托 对超自然之神圣的体验,表现为人对神圣既敬畏而向往的感情交织 施莱尔马赫 宗教是人对神的绝对依赖感 蒂利希 宗教是人的终极关切

宗教的元素

观念的类型 灵魂观念 神灵观念 神性观念

灵魂观念

神灵观念

神性观念

宗教经验的类型 敬畏感 依赖感 惊异感 罪恶感 获救感 神秘感

敬畏感

依赖感

惊异感

罪恶感

获救感

神秘感

获得经验的类型 宗教理论 宗教道德 药物应用 宗教修习

宗教理论

宗教道德

药物应用

宗教修习

巫术

禁忌

祈祷

献祭

忏悔

宗教的起源

宗教源于准宗教现象,产生于原始宗教以前,为现今所知人类意识活动最早的形态之一,有一定程度的宗教因素,但当无超自然体的概念,对于客体尚未神化、无敬拜求告之念,一切全靠幻想,认为某些行动可影响某些现象或事物,如法术巫术、针刺木刻人形、佩戴玉石等。 旧石器时代洞穴壁画的野兽图像遍布被利器刺伤之痕迹,多认为是行法术以增加狩猎命中率。而尼安德特人、山顶洞人等的墓葬中,都发现尸骨上撒满红粉及砂石,可能是以血色物行法术,以求死者死后安稳或再生。当宗教及神灵观念形成,巫术法术多成为宗教的附属行动。研究宗教起源的学科为宗教人类学,主要理论为万物有灵论、前万物有灵论、巫术论、原始一神论、功能论、神话结构学说及语言疾病学说,前四者属进化论学派,后三者属文化圈学派。 万物有灵论 万物有灵论由英国考古学家爱德华·伯内特·泰勒提出,认为原始人在形成宗教前先有「万物有灵」之概念,人在对影子、倒影、回声、呼吸、睡眠中觉得人的物质身体之内有一种非物质的东西,使人具有生命,而当中以梦境的感受影响最大,当这种未知的东西离开身体时,身体便丧失活动能力,呼吸也停止,泰勒称这种未知的东西为Anima。原始人推龋一切生长或活动之东西,甚如日月皆有Anima,然而近代宗教学家认为原始人未具这种抽象的推理能力,也未发现任何考古实证。 前万物有灵论 前万物有灵论又称「物活论」,是马雷特对万物有灵论的修正,他认为原始人在产生「万物有灵」之概念之时,先具备一种概念,就是认为整个世界是活的,故世界每件东西也是活的,并非以各物皆具有自己的独立灵魂为前提,然而也未发现任何考古实证。 巫术论 巫术论由弗雷泽提出,他认为人类精神是由巫术发展到宗教,再到科学。巫术是一种准宗教现象。原始人认为巫术可控制自然,原因不外乎是接触律或相似律,即认为取得某东西的一部分作法可影响该物之全部,又或认为对该物之相似物作法可影响该物,但当人类不相信这种虚拟力量时,则转移为对超自然存在物的抚慰和慈悲。 语言疾病学说 语言疾病学说(a disease of language)由德国哲学家马克斯·缪勒提出,他认为古代印欧语言抽象词汇少,当中某些概念性词汇必须赋予人格化的联系,否则就无法运用。诸神最初只是自然现象的名字,后来从词汇中人格化,造成实在感,神话由此诞生。这样,引起敬畏的对象逐渐被语言所掩盖,并由于隐喻行为而最终与直接的知觉相分离。 原始一神论 原始一神论由施米特提出,他认为在最古老的文化中普遍有最上神的存在,可见于北美极地民族、俾格米人及澳洲东南土着,故一神论才是人类最古老的宗教观,至上神的形象是来自神的最初启示,往后的宗教发展呈退化趋势,被诸神论及鬼灵精怪所掩盖。 功能论 功能论最先由英国人类学家马林**斯基所提出,亦为一系列之后的功能学派理论的总称,他认为宗教仪式和巫术行为等是为满足个体的心理需要,减缓生活压力,提供积极的生活态度以面对生死考验,也保护部落的传统和价值观,这些功能主要分为生物性、精神性及规范性三方面。 神话结构学说 神话结构学说由法国人类学家李维史陀提出,他认为世界上不同的地方的原始人类的心灵皆有共同结构,皆欲解释世界上的事,这种共相是发展出一套又一套神话的原动力。

宗教的批判

宗教理智论 宗教理智论是以理智、逻辑去探讨宗教,它就像一把双刃剑,可反教也可护教。 反教者观点以罗素词锋最为突出,首先,他认为如果万物都有起因,那上帝也应不例外,而宗教所说的第一起因根本是无逻辑可言。第二他认为科学带有某程度的随机性,今天我们得知量子力学、混沌理论也有一定程度的不可测性,这表明自然法则很可能非出自决定一切的上帝之手,而仅仅是不断变化的科学的暂时结论。另外,他又认为神学家充满了「人择原理」的不合理期望,神学家认为世界之所以是这个样子,是为了让人们生存,这种比方无疑等于说人长出高高的鼻子是为了架眼镜的道理一样,将结果变为原因,罗素认为人类的出现只是自然进化的一个产物,如果上帝是创造者,为何创造了法西斯党或这么多****?他又认为,如果是非标准取决于上帝的话,那上帝本身就不应该有至善性可言,如果相信上帝是至善,那么就不得不承认是非标准由上帝以外的东西去下判断,这种两难,亦令有神论者为之结舌。 斯温伯恩是著名的理性论护教者,他主要从「为什么存在最普遍的自然定律」着手,他强调很多人忽略宇宙一开始不存在,或一直处于混沌状态的可能都是非常大的,因此这种高度秩序的宇宙是令人惊讶的、超出科学的,而这并非由于科学落后未能解释,而是科学的本质必终于某种终极的自然定律及物质结构。这种「终极」的其中一个可能解释是一神论,因为在一神论中上帝肯定有能力做到这点,秩序性除令宇宙更美好外,还可让人控制自然,改变自然以生存。进化论观点在这个问题中是不可能优于设计论的,因为我们不免要问到进化这种法则到底是从何而来呢?这令我们要么不作解释,要么从假设中作出解释,即以一神论假设作出合理解释。 对于以上两种从科学、理性去解释宗教的理性论(对立论及相关论),保罗·田立克认为太多人把宗教看成是一种只有低级证据而依赖宗教权威的知识,但他必须厘清宗教与科学有着本质上的分别(分离论),用科学去反教或护教皆是无谓的,因为两者所寻求的真理在不同的意域,理应分而治之,科学只可与另一科学相争,宗教也只可与另一宗教相争。他认为诸如量子力学测不准理论一推出,马上就有人用来证明创世论、神迹说、自由说是可笑的。争执得最烈的是进化论,反对者只拘泥于圣经的字面意义,把创世描述科学化,歪曲信仰。 宗教情感论 宗教情感论旨在表明宗教的本质与意义非体现于理智的活动和成果,是一种直觉「无限者」、「神圣者」而生之绝对、无条件的依存感。施莱尔马赫认为以科学理性或道德伦理去批判宗教是肤浅的,科学讲求勾勒世界的实在性,以同相、规律性去推演事实的必然性,而道德则从人自己出发,发展出一种责任体系,靠终极权威下命令认为什么该做不该做。宗教有自己一套,总的来说,宗教是「绝对的依存感」。透过直觉有限的活动,对我们面对那些不可见的、永恒的满怀崇敬,一旦直觉宇宙,则认识自己之渺小而感谦卑,从而唤起「对无限的情感」。奥托指出宗教经典以大量词汇描述神性,当转达之概念越明确令人越倾向对宗教作出理性认定,然而宗教是「无理性的」(the non-rational,注意:并非「非理性」the irrational)。我们只借用词汇来断定主体的属性,然而这无限的主体又是不能单靠它们来领会的,他指出这最高的被直觉者——「神圣者」——必须排除任何道德因素,这个「神秘者」令人产生「畏惧感」、「崇高感」及「活力感」。 情感论甫一推出即受到逻辑上的质疑,施莱尔马赫暗指没有情感的宗教体验是谈不上信仰、宗教,换言之宗教情感可证明信仰。可是别忘记如果宗教是「无理性」的,为什么宗教情感可以以因果逻辑去证明信仰?一旦承认这种证明,即承认宗教包含理智成分,它就必受理智论批判。虽然奥托表明宗教体验只能看作是「解画的一种代替物」去接近宗教,是描述终极时人类以表意符号硬堆出来的最接近语言,但这亦无可避免表示当中有某些概念是能够描述宗教经验的。当代学者更有研究指出情感需依赖于认识或概念,当中有理性的元素,而非情感论者提出之「无理性」。另一宗教学家潘能伯格批评情感论者将宗教沦为个人经验,宗教只是各人自己对无限情感的主观,而这种主观却没有任何约束力。 宗教意志论 宗教意志论起于帕斯卡,由威廉·詹姆士承之。总括来说,信仰轮不到我们用理智去选择信与不信,而是分析风险作出赌注,可用「信仰的赌注」这五字来作结。前提是信仰上帝是一项「真正的抉择」,詹姆斯对真正的抉择定义为「有生命力的、不可回避的、有重大价值的」,在目前我们正反两方皆各有论据,在可见将来也不见得有人能完全支持或推翻神存在的命题,因此我们并不可委身理智而犹豫不决,因避免谬误而丧失好处,而这也大有可能令上帝不悦,而信与不信可看成是人生一场重大的赌注,如果相信有上帝的存在,赌赢了可获得一切,若赌输了也不会失去什么,然而若不信有上帝的存在,赌赢了只是情感上的胜利,而赌输却将失去来生的盼望。 关于意志论的观点,罗素批评意志论为「功利、主观」,第一,詹姆斯只一厢情愿认为信仰宗教可得到永生盼望,可是在这命题上他没有去证实过,有可能信神反而要下地狱也说不定。另外,对虔诚的宗教徒来说,神是确切存在的,就如历史上有过***这样的一个人,正统的宗教徒会认为「我信上帝,故我有福」,而非詹姆斯所说的「如果信上帝,你就会幸福」。意志论将宗教的超越感、神圣抹掉、要求绝对委身的教徒变为功利的现代商人,只会令人变得只信好处,不探真实。 宗教终极论 人类普遍认可整个宇宙必定是同一于一个最终极的根源,因此正如普遍认为的国家终将消亡一样,宗教作为一种人类社会中有形的存在,也应该会消亡于终极的包容性和同一性之中。

宗教的对话

由于信息发达、宗教自由,加上社会经济再非自给自足,全球一体化实行,地球村逐渐形成。宗教间的对话不只是自我生存、宣扬正道的需要,也是免却灾难冲突的方法,无论是教会间、还是各宗教间,越来越多人提出要站出来对话,当中各宗教有其自我立场,分别为排他论、多元论及兼并论。 排他论 排他论者主张众多宗教中只有一种是绝对真实的,其余的皆为谬误,排他论者在真理问题上有一种绝对化的观点,而这也是宗教的本性,如果某宗教不是唯一的「真理」,那么它就不值得信仰,事实上任何一个教徒只要它表示对自己的宗教忠心,就自然产生了一种内在的排他性。排他论是大多数一神论宗教的正统立场,它们只认为自己的神才是真神,只有委身于该宗教才可得到拯救,其他的宗教被视为非真实。当这种排他性排除其他种族时成为种族主义、或是排除其他异教徒而成为封闭宗教,在人类可知历史上有多次因此类意识形态的排他而起之大型争斗。 基督新教是典型的排他论宗教,但基督宗教的部分派系也提出「普世拯救论」。因此这就成了一个两难的问题。另外,基督新教强调「信者得救」,造成反排他论者认为这只是一种狭隘的拯救观,这并非至善至美的神该有的。 但是,近代人类进入和平的理性对话时期,人们扬弃过去的宗教狂热,基督教义回归这种自我内在的排他过程,不可出于外力强迫,主要解释为每个人在信仰认识追求时,慢慢自由地抉择出放弃对父母、祖父母、祖先的跪拜仪式,仅跪拜相对关系上最源头的对象(神),也放弃跪拜山、石、猫、狗、阴灵、塑像、自我及其它书册纪载的贤灵。但仍然时时纪念亲人祖先、爱护大自然、缅怀先贤先烈,只是程度上有较为适当明确的远近亲疏差异。 多元论 多元论者主张世界各大信仰虽十分不同,但这只是我们称之为神或上帝在生活中同等有效的理解、体验和回应方式。希克认为各宗教就像「瞎子摸象」的道理,我们不能断定那一种宗教才是真的,因为真相很可能永没法被完全证实,各宗教只是「不同的灯,相同的光」。 然而反多元论者认为这根本破坏了宗教的本质,如果承认其他宗教也是对的,那各宗教教义、圣典就欠缺了独一性。瞎子摸象非共享一终极实体的不同面,而是全都错了,尾巴怎么也不可能代表象。除非有人能说出整个象的实体,否则各宗教站出来对话,只是一对瞎子乱说,与其说全部都有理,不如说全部都错。另外,反多元论者认为要求基督教徒与佛教徒谈话,又要与不可知论者、无神论者取得共识是不切实际的,这只是一大堆盲人乱说一通,与象的形态越来越远。 兼并论 兼并论站在排他论与多元论之间,它一方面认为上帝只得一个,却又把其他宗教看成是「合法的宗教」,神给予各宗教救赎的启示,只是其他宗教在接受神的恩典时夹杂着因文化差异而出现的偏差,他们所表达的并不如某一宗教般正统,其他宗教只是一些「无名的教徒」,他们接受了部分正确却部分错误的观念,正统的教徒就是要去纠正他们。 反兼并论者认为这种论调将兼并论放在一个很不利的位置,因为若其他宗教接受启示并不完善也可得到神恩典救赎,那为什么还要说服他们信正统宗教?而「无名的教徒」更是放诸四海皆准的说话,既然大家都有神的恩典,那一种宗教才是真正的宗教?那一种才是无名的宗教?这种隐含的排他性也使得兼并论者两头不讨好。

宗教的影响

宗教艺术

宗教文学

宗教绘画

宗教建筑

宗教戏剧

宗教舞蹈

宗教美术

宗教服饰

世界主要宗教

基督教:天主教、新教、普世圣公宗、东正教、科普特教会

伊斯兰教:逊尼派、什叶派

佛教:汉传佛教、南传佛教、****、日本佛教

印度教

道教

锡克教

犹太教

耆那教

儒教

神道教

天道教

琐罗亚斯德教

摩尼教

威卡教

新兴宗教:耶稣基督后期圣徒教会、耶和华见证人、巴哈伊

关于儒教是否是宗教的争论

儒教是否是宗教,存在不同的意见。一般而言,正如道教是宗教而道家则不被认为是宗教一样,儒家、儒学不被认为是一种宗教,而对儒教则存在不同的看法,有些人认为不是宗教,有些人认为是宗教,这主要取决于对儒教含义的理解和对宗教含义的理解。在印尼等地,儒教(孔教)被视为宗教。无论争论如何,不可否认,存在以宗教形式存在的儒教(孔教),如在**,有中国儒教会,在印尼,有孔教会。 会有这层矛盾灰色地代,主要原因导源于民间尊崇祖先(灵)的普遍习俗,如同神格化的武庙主祀岳飞或是后期的关公,欲加于圣贤孔子之上,实际上是一种崇拜的僭越行为,而这个僭越正是孔子生前著书所大加驳斥的,他自我定位为只尽**的师道传承,排斥依附政治、排斥自然、鬼神的探讨,订立读书人的重心在于修身、齐家以礼教巩固早期人文科学的范畴,提高群体学术水准为平天下的终极目标。

法法词典

religion nom commun - féminin ( religions )

  • 1. religion croyance en une force ou en des forces surnaturelles souveraines perpétuée par un ensemble de rites et de dogmes Synonyme: culte

    les religions monothéistes et polythéistes • religion révélée

religion nom commun - féminin ; singulier

  • 1. religion adhésion à un culte, à ses rites et à ses dogmes Synonyme: piété

    s'éloigner de la religion

  • 2. sentiment intangible et intime Synonyme: culte

    avoir la religion de la famille

  • 3. obligation stricte choisie ou imposée

    pas de tabac, c'est contraire à ma religion

  • 4. religion service du culte et de ses rites

    les hommes de religion

  • 5. religion pratique du culte

    la religion du croyant préoccupé de son seul salut

entrer en religion locution verbale

  • 1. se faire moine ou religieuse de couvent

    entrer en littérature comme on entre en religion

相关推荐

poulain n.m. 1. (不满30个月的)马,马驹子;马的毛皮 2. 培养的新手 3. poulain (de chargement) (搬桶用的)梯形滑道 4. poulain de charge 〔船〕护舷木 5. 〔船〕(船下水前船台上的)撑柱

Cf 参考,参照

envier v. t. 羡慕; 嫉妒, [古]想望, 想获得:常见用法 法语 助 手

contrepoint n. m. 对位法, 对位法作品; 配合主题, 对位主题

dégourdir v. t. 1. 使不再麻木:2. [引]把…热一热:3. [转]使变得活跃, 使变得机灵, 使变的聪明伶俐se dégourdir v. pr. 1. 使自己活动一:2. 变得活跃, 变得机灵, 变得聪明伶俐常见用法

fugacité n.f. 1. 〈书〉短暂,转即逝 2. 逸性,逸变

poivré poivré, ea.1. 加, 用调味;味 2. 〈转义〉辣;放肆, 淫秽

accompagnement n.m.1. 陪同, 伴随;陪同人员, 随从人员2. 〈转义〉伴随物;附属物 3. 【烹饪】配菜 4. 【音乐】伴奏, 伴奏部分 5. 【军事】 6. (重病人或长期卧床病人的)陪护;陪伴常见用法

centupler v. t.乘以一, 使增加到倍:

collé collé (être) adj. 考试不及格 point collé 胶合接头