Un évêque au Moyen Âge, dalle représentant l'évêque de Laon
Un évêque est celui qui a autorité apostolique sur une Église chrétienne particulière. Les évêques assument à ce titre la succession des apôtres qui les ont établis à la tête d'une communauté chrétienne d'un territoire défini. Dans le langage juridique du droit canonique catholique il est appelé ordinaire local . Chaque évêque d'aujourd'hui a été ordonné par un ou plusieurs évêques issus d'une chaîne d'ordonnateurs qui, théoriquement, remonte dans le temps jusqu'à un des apôtres du Christ. C'est ce qu'on appelle dans l'Église catholique la succession apostolique.
La fonction épiscopale existe dans l'Église orthodoxe, l'Église catholique, les Églises orthodoxes orientales, dans l'Église anglicane, elle est également connue dans certaines Églises protestantes (luthériennes notamment).
Étymologie
Le mot « évêque » provient du mot gallo-roman *EPISCU, forme raccourcie du mot latin episcopus, lui-même adapté du grec Eπίσκοπος / episkopos qui veut dire littéralement « surveillant » ou « superviseur », c'est-à-dire modérateur, tuteur, responsable d'une organisation ou d'une communauté. Le mot est plusieurs fois utilisé dans les lettres de saint Paul.
Avant le christianisme, le terme était utilisé pour désigner toutes sortes d'administrateurs (ce mot est la meilleure traduction) dans les domaines civil, financier, militaire, judiciaire. Dans l'Église luthérienne, on garde le souvenir de cette étymologie en nommant les évêques des « inspecteurs ecclésiastiques ».
Aux premiers siècles
La première attestation de la structure hiérarchique de la communauté chrétienne est la Première lettre aux Corinthiens de Clément Ier écrite aux alentours de 95.
La plus ancienne organisation de l'Église de Jérusalem ressemble à celle des synagogues juives, mais elle a un conseil ou un collège de prêtres ordonnés, le presbytérium. Le terme de prêtre ne se distingue pas encore à cette époque de celui de « surveillant » (en grec Eπίσκοπος / episkopos), le pouvoir au sein de ces premières communautés chrétiennes étant dévolu aux apôtres ou à leurs délégués. Le ministère épiscopal naît dans le courant du II siècle qui voit progressivement la figure de l'évêque présider ce presbytérium : les premiers episkopoi sont élus par les membres de l'Eκκλησία / ekklêsia, l'assemblée des fidèles (clergé et peuple de la ville, avec en plus les évêques suburbicaires pour l'élection de l'évêque de Rome), à la manière dont une association élit aujourd'hui ses dirigeants. Le dimanche qui suit, le nouvel évêque élu à vie est consacré comme évêque par l'ensemble des évêques de la province, au moyen de l'imposition des mains, au sein de la synaxe eucharistique. L’évêque n’est alors que le premier entre ses égaux, le primus inter pares, ce n'est qu'à partir de Victor Ier à la fin du II siècle que s'affirme la volonté des évêques de Rome d'imposer un magister moral sur les autres évêques. À partir du V siècle, le corps électoral se restreint aux grands laïcs et au clergé local. Dans les premiers temps, l'évêque est l'administrateur d'une paroisse, plutôt que d'un 'diocèse'. Le Nouveau Testament n'est alors pas encore complété, les évêques sont les héritiers d'une tradition orale : l'autorité d'un évêque ne découle pas de la Bible, mais de sa connexion aussi ténue soit-elle aux apôtres. Les évêques des métropoles se posent comme plus importants que ceux de villes plus petites, se réclamant aussi de liens plus directs avec les apôtres. L'évêque est alors comme aujourd'hui le premier des ministres d'une église locale et, au sein d'un collège d'un ensemble épiscopal, le successeur des apôtres.
La succession apostolique
Ce qu'on appelle la succession apostolique consiste en la consécration d'un nouvel évêque par un, ou plusieurs évêques, eux-mêmes validement consacrés. Le concile de Nicée a précisé qu'il fallait la présence d'au moins trois évêques. Mais en cas de nécessité, la présence d'un seul suffit. Cette règle est appliquée par les catholiques, les orthodoxes et d'une façon générale, par l'Église anglicane quoique les deux précédents dénient à cette dernière la validité de ladite succession, tout comme aux nestoriens.
Dans l'Église catholique
Évêque catholique : Gerhard Müller, évêque de Ratisbonne
Crosseron d'évêque, Italie du XIII siècle, musée du Louvre
Théologie de l'épiscopat dans le catholicisme
Dans la théologie de l'épiscopat on peut distinguer trois éléments constitutifs, de droit divin, de la fonction épiscopale, et tous les trois également d'origine apostolique :
la titulature attribuée par l'élection, ou la désignation canonique, qui investit du droit au siège ;
le pouvoir d'ordre, conféré par l'imposition des mains, ou ordination épiscopale, qui alloue les pouvoirs sacramentels ;
la juridiction, assumée au moment de la prise de possession du siège, ou investiture, qui confère l'autorité spirituelle et administrative immédiate sur une portion donnée du peuple de Dieu, l'Église particulière : diocèse, ou éparchie, ou patriarcat, ou même l'ensemble de l'Église universelle (dans le cas précis du pontife romain).
Ces trois éléments, normalement unis et coordonnés l'un à l'autre, peuvent être accidentellement disjoints. La titulature et la juridiction peuvent varier, en cas de démission, ou de mutation de siège, par exemple. Le pouvoir d'ordre est donné pour toujours : sacerdos in aeternum.
La titulature et la juridiction sont distinctes pour chaque évêque ; ce sont elles qui constituent la hiérarchie ecclésiastique. Le pouvoir d'ordre, quant à lui, est unique et identique pour tous les évêques. Il fonde ce qu'on appelle la collégialité épiscopale. Tous trois, titulature, pouvoir d'ordre et juridiction, sont une participation au sacerdoce du Christ, unique vrai prêtre et pasteur.
Attributs de l'évêque
Exemple d'Anneau pastoral portant le chrisme
Éléments communs des armoiries des évêques
L'évêque dans l'église catholique se reconnait à différents attributs :
Il porte une croix pectorale et un "anneau pastoral" (anneau épiscopal) ;
Son costume ecclésiastique (ou livrée) est violet ;
Il porte une mitre lors des cérémonies liturgiques ;
Il dispose d'une crosse symbole de sa fonction de pasteur ;
Il se choisit une devise épiscopale ;
Il a des armoiries composées d'un écu propre à chaque évêque entouré d'ornements extérieurs communs à tous les évêques: un « chapeau » dont la couleur dépend du grade du clerc rouge pour les cardinaux, violet pour les évêques et archevêques, vert pour les évêques assistants au trône pontifical et noir pour les chanoines sous l'Ancien Régime « accompagné d'une cordelière dont le nombre de houppes et la couleur varient de même en fonction du grade du clerc six, dix ou quinze. L'écu est posé sur une croix de procession à une traverse. ».
Nomination et consécration
Dans l'Église catholique, les évêques sont nommés par le pape, à partir de listes transmises à Rome par le nonce apostolique, établies par les évêques d'une même province ou même région ecclésiastique. Chaque évêque a le droit de faire des propositions.
Dans le passé, la désignation des évêques a souvent donné lieu à des luttes entre les pouvoirs politiques et l'Église romaine, par exemple la fameuse querelle des Investitures, au XI siècle, entre les papes et les empereurs romains germaniques.
De nos jours, les évêques sont nommés par le Saint-Siège, cette règle connaissant des exceptions, comme en France pour l'évêque aux armées qui est fonctionnaire, et pour l'archevêque de Strasbourg et l'évêque de Metz, qui sont nommés formellement par le Président de la République française, (cf. Concordat en Alsace-Moselle pour plus de détails) et quelques diocèses de Suisse. D'autre part, dans les Églises orientales catholiques, les évêques des Églises patriarcales et archiépiscopales majeures sont désignés par le synode ou par le patriarche.
Dans l'Église orthodoxe
Théologie de l'épiscopat dans l'orthodoxie
L'évêque occupe le degré suprême de la hiérarchie ecclésiastique. Il est le successeur des apôtres qui préside à l'eucharistie. Il est l'icône du Christ et le pasteur d'une église particulière dont il porte le nom dans sa titulature. Il est le surveillant et le responsable de la doctrine et de l'enseignement de ses ouailles. Il veille à la communion à l'intérieur de son église et à la communion de son église avec les autres églises orthodoxes. Seuls les hiéromoines (moines prêtres) accèdent à l'épiscopat. Il en découle que les évêques orthodoxes sont astreints non seulement au célibat mais aussi au monachisme, contrairement aux prêtres orthodoxes qui peuvent être mariés s'ils l'étaient déjà avant leur ordination diaconale. L'évêque orthodoxe n'est pas "responsable d'une portion du peuple de Dieu" selon la formule du catholicisme. Il est, par la grâce de son épiscopat et par la sainte eucharistie qu'il préside ou qui est célébrée en son nom, celui qui a le pouvoir sacramentel de transformer en Église le troupeau de fidèles qui se rassemble autour de lui.
Un évêque peut porter différents titres
Primat, s'il préside une église autocéphale ou autonome.
Pape, Patriarche, Catholicos ou Maphrien les plus hauts titres honorifiques de primat.
Archevêque, s'il est primat, ou s'il préside une province.
Métropolite, s'il occupe un siège à la tête d'une province importante (usage russe) ou s'il occupe n'importe quel siège comme titulaire (usage grec).
Cathigoumène, s'il est supérieur d'un monastère.
Auxiliaire, s'il assiste un titulaire.
Chorévêque, s'il est auxiliaire tout en portant comme titre le nom d'une localité du diocèse (usage chypriote).
Les vêtements de l'évêque orthodoxe
Les vêtements de l'évêque célébrant à l'autel :
Le sakkos, l'ample tunique impériale garnie de grelots.
Sur les icônes cependant, les évêques ne portent pas le sakkos mais la chasuble traditionnelle. Si cette chasuble est ornée de croix foncées sur fond clair, on l'appelle le polystavrio.
L'omophore, grande écharpe de laine qui est pliée autour de la tête et retombe devant et derrière. Elle symbolise la brebis perdue que le Christ porte sur ses épaules. Elle est le symbole même de l'épiscopat.
La Panaghia, un médaillon pectoral représentant la Mère de Dieu, du Signe.
Les évêques honorés d'un titre honorifique portent en plus une croix pectorale et une aigle bicéphale.
La crosse épiscopale est un bâton surmonté d'une croisette entourée de deux figures de serpents affrontés qui symbolisent la prudence et la sagesse.
La mitre épiscopale est une couronne en dôme.
Il est accompagné de deux sous-diacres portant chacun un chandelier, l'un à trois branches, l'autre à deux. Ce sont les symboles de la foi orthodoxe, en la Trinité et dans les deux natures du Christ.
La tenue solennelle de l'évêque présidant au chœur :
Il est revêtu de la mandia, traîne violette ornée de bandes rouges et blanches.
Les vêtements de l'évêque en tenue de ville :
Il est habillé en moine avec son kalimaphion surmonté d'un voile.
Il porte son médaillon pectoral avec éventuellement la croix et l'aigle.
Il a un bâton pastoral.
Dans les Églises anglicanes
Les Églises anglicanes (certaines sont appelées "épiscopaliennes") ont conservé l'épiscopat, qui fait partie de leur héritage d'avant la décision d'Henri VIII. L'ordination sacramentale à vie par trois évêques, la conservation de la succession apostolique (souvent dite "historique") et les devoirs et responsabilités de l'évêque suivent les grandes lignes de l'épiscopat catholique et orthodoxe. Les évêques sont, soit nommés, soit élus, suivant les us et coutumes de chacune des trente-huit "provinces" (églises nationales) de la Communion anglicane. Les femmes sont considérées comme idoines à l'épiscopat dans trois provinces (Nouvelle-Zélande, Canada, États-Unis), mais seulement 11 des quelque 850 évêques anglicans dans le monde sont des femmes. En décembre 2014, l'église anglicane d'Angleterre nomme à son tour une femme évêque.
À part ce développement récent, considéré comme une pierre d'achoppement, l'Anglican-Roman Catholic International Consultation ou Commission internationale anglicane-catholique romaine a conclu que la théologie et la pratique de l'épiscopat des deux Églises sont identiques.
Cependant, comme le pape Léon XIII l'a explicitement déclaré dans sa Bulle Apostolicae Curae de 1896, l'Église catholique considère que ces ordinations sont invalides. Cette position théologique est confirmée par le Cardinal Ratzinger, futur pape Benoît XVI, dans sa note doctrinale qui accompagne le Motu proprio Ad tuendam fidem du 18 mai 1998, et qui confirme (§ 11, vers la fin) que cette vérité fait partie des vérités "du second alinéa" (cf. canon 750 §2), tranchées de façon définitive et devant être tenues par tous. À la suite de la Bulle de 1896, des évêques anglicans se sont fait réordonner par des évêques ordonnés de façon certainement valide mais qui n'étaient pas en communion avec Rome (orthodoxes, etc.).
Enfin, la Constitution apostolique Anglicanorum Coetibus de 2009 prévoit des dispositions pour les anglicans qui voudraient revenir à l'Église catholique. Les prêtres et évêques anglicans pourront être ordonnés ; si un ancien évêque anglican est marié, il pourra être ordonné prêtre catholique, mais il pourra bénéficier de certains privilèges : port des insignes épiscopaux, participation à la Conférence épiscopale avec le rang d'"évêque émérite".
Les vêtements à l'autel sont semblables à ceux des évêques catholiques. Au chœur, pourtant, les évêques anglicans portent des vêtements très particuliers:
La soutane violette,
Le "rochet", comme une aube mais avec des manches très larges resserrées aux poignets,
Le "chimère", une espèce de chape légère, noir ou rouge,
"L'écharpe" ou "tippet", comme une étole noire très longue,
Croix pectorale, anneau, crosse.
Dans les Églises protestantes
Dans le protestantisme (au sens strict, Irvingiens exceptés), seules certaines Églises luthériennes, méthodistes et quelques rares Églises réformées) connaissent un ministère épiscopal personnel, qui est une fonction de l'Église et non un ordre sacramentel. Les luthériens français désignent cette fonction par le terme d'inspecteur ecclésiastique. A noter que dans les pays scandinaves, la succession apostolique historique a été conservée puisque les diocèses catholiques sont devenus luthériens en bloc lors de la Réforme.
Ces églises connaissent un épiscopat féminin, comme elles connaissent les ministères féminins. Ces fonctions sont électives, c'est-à-dire démocratiques ; le suffrage des fidèles s'exerçant soit directement au premier degré, soit au second degré. Dans la plupart des confessions protestantes acceptant le ministère épiscopal, la continuité apostolique est généralement entendue comme signifiant la fidélité à l'enseignement apostolique - une succession spirituelle donc, et non historique.
Dans les autres Églises protestantes, au niveau de l'Église locale, le ministère épiscopal est celui des pasteurs (traditionnellement élus), et collégialement des anciens. Le consistoire, ou conseil presbytéral est élu par l'assemblée générale qui élit aussi, dans le système presbytéro-synodal, un certain nombre de délégués au synode. Au niveau d'une union nationale, le ministère d'unité est assuré par les synodes et conseils élus par eux, avec parfois une forte concentration sur la personne de leur président. À défaut, il l'est par la collégialité des pasteurs.
Dans l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours (mormons)
Dans l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, l'Évêque est un homme devant détenir la prêtrise de Melchisédek et avoir été ordonné et mis à part en tant que Grand Prêtre. Il est choisi parmi les membres de la paroisse (instance locale). Il est appelé à cet office par la Présidence de Pieu. (instance régionale). La durée de cet appel est d'environ 5 ans, jusqu'au moment de sa relève par la Présidence de Pieu.
Un évêque 'saint des derniers jours' est marié et mari d'une seule femme (Bible 1 Timothée 3:1-7 ). Il administre à titre bénévole, en parallèle de ses activités professionnelles et familiales, les affaires temporelles et spirituelles de la paroisse. Il ne porte aucune tenue spécifique à sa charge.