Illustration du jeûne dans la culture occidentale : une assiette vide avec un verre d'eau.
Le jeûne est la privation, volontaire ou non, de nourriture, accompagnée ou pas d'une privation de boisson. Le jeûne met en marche des mécanismes d'adaptations physiologiques qui sont l'héritage du lent processus de l'évolution.
D'un point de vue médical, la période de jeûne commence à partir de la sixième heure après le dernier repas. Le jeûne fait partie intégrante de la pratique de religions (carême, ramadan).
Introduction
L'adaptation et la résistance au jeûne prolongé observée chez l'homme, mais également chez certains oiseaux (migrateurs, manchots), a été modelée par l'histoire de l'évolution.
La faculté de stocker des réserves avec un maximum d'efficacité, conjuguée à l'utilisation très efficiente de ces substrats, a permis à l’homme de survivre et même de se développer dans des conditions très peu favorables du point de vue alimentaire, ceci jusqu'à une période très récente de l'histoire en Europe, mais encore actuellement dans de nombreux pays en voie de développement.
La consommation de nourriture sous forme de repas réguliers, courante dans les pays développés, est récente. En effet, cette situation d'abondance permanente n'est possible que depuis quelques dizaines d'années et uniquement pour une fraction limitée de la population mondiale. Notre patrimoine génétique semble moins adapté à cette situation d'alimentation permanente qu'à celle du jeûne. Il est ainsi explicable que le corps rencontre des difficultés lorsqu'il ne jeûne pas, « notre évolution nous a destiné à résister au manque ».
Cependant une privation protéino-énergétique très prolongée entraîne une sensibilité aux infections liée à l'altération des défenses immunitaires, et peut finalement aboutir au décès. Classiquement, on considère qu'une réduction de 50 % de la masse protéique est incompatible avec la vie.
Le docteur Otto Buchinger a été le premier scientifique de l'Europe de l'Ouest à s'intéresser à ce sujet, bien qu'en URSS de nombreuses études scientifiques aient été conduites depuis quarante ans, n'ont jamais été traduites et sont restées méconnues en occident. Ces études auraient montré des améliorations remarquables dans certaines affections telles que le diabète sucré, la polyarthrite rhumatoïde et d'autres rhumatismes, l'hypertension artérielle (HTA), l'asthme, l'insuffisance cardiaque ou l'allergie. « Le jeûne stimulerait les forces curatives de l'organisme ».
Plus récemment, le professeur Valter D. Longo, biogérontologue a publié des recherches qui ont mis en évidence des effets spectaculaires dans le domaine de la cancérologie.
Les cures de jeûne sont remboursées dans certains pays, mais la recherche dans ce domaine bénéficie de peu de subventions. De plus ce type d'approche ne doit pas être considéré comme une solution à elle seule, mais elle est aussi « révélatrice de notre capacité à penser autrement ».
Physiopathologie
Physiologie du jeûne total
Structure du D-glucose.
Métabolisme.
Durant un jeûne total, seules les pertes hydriques sont compensées. Il n'y a pas d'absorption de nutriments capables d'être utilisés ou stockés. L'organisme utilise alors le glycogène du foie, le décompose et libère le glucose dans la circulation. La néoglucogenèse stimulée par le cortisol, est primordiale pour le maintien de la concentration normale de glucose dans le sang entre les repas. Cette concentration doit rester suffisante car le cerveau ne peut utiliser que le glucose pour son métabolisme, et il ne contient pas de glycogène.
Les lipides circulent sous forme d'acides gras libres, ils sont stockés sous forme de triglycérides dans le tissu adipeux, constituent 77 % du contenu total en énergie (en kilocalories), ce qui constitue environ deux mois d'énergie en stock. C'est le principal réservoir d'énergie, et la principale source d'énergie durant le jeûne.
Les protéines circulent sous forme d'acides aminés, sont stockés sous forme de muscle et constituent 22 % de l'énergie totale du corps (en équivalent en kilocalories). Source de glucose pour le cerveau pendant le jeûne, ils sont utilisés en dernier recours, une fois les autres stocks d'énergie épuisés. Ces stocks sont inutilisables en totalité car des anomalies mortelles apparaissent avant l'épuisement du stock.
L'insuline et le glucagon sont les principaux facteurs hormonaux dont dépendent les allers et retours entre l'anabolisme et le catabolisme, mais l'adrénaline, le cortisol et l'hormone de croissance sont également impliqués dans le métabolisme des nutriments.
Phases du jeûne total
Jeûne immédiat
Il se produit dès l'absence de prise alimentaire dans les douze heures suivant le dernier repas, habituellement entre le dernier repas du soir et le petit-déjeuner du lendemain. La sécrétion d'insuline diminue, tandis que celle de glucagon augmente. Ce jeu hormonal entraîne une stimulation de la lipolyse et de l'oxydation des acides gras, puis une cétogenèse. Afin de maintenir la glycémie, la glycogénolyse est stimulée, de manière exclusive.
Les trois phases du jeûne
Le jeûne est classiquement divisé en trois phases successives. Les phases I et II correspondent à la mise en place des mécanismes d'épargne protéique en rapport avec l'augmentation progressive et soutenue de l'utilisation des acides gras et des corps cétoniques comme substrats énergétiques.
La première phase est la « phase de jeûne court » correspondant à une absence de prise alimentaire d'une durée allant de douze heures à trois ou quatre jours. L'épuisement des réserves de glycogène entraîne une baisse de la glycémie indispensable au cerveau. La seule source de glucose de l'organisme devient la néoglucogenèse, qui fabrique du glucose à partir des acides aminés des protéines musculaires. Il est toutefois clair que cette situation ne peut perdurer, la fonte protéique étant trop rapide et incompatible avec une survie prolongée. Une adaptation visant cette fois-ci à économiser des protéines, et non plus seulement à fournir du glucose, va donc devoir entrer en jeu au cours du jeûne prolongé. Bien sûr la transition est progressive, et on assiste ainsi à une diminution régulière de la concentration du glucose, de son renouvellement ainsi que de la concentration plasmatique des acides aminés gluconéogéniques (acides aminés capables de fournir du glucose) ;
la seconde phase est le « jeûne prolongé ». Cette phase commence vers le 5 ou 7 jour de jeûne et peut durer plusieurs semaines. Cette phase se caractérise par une perte protéique beaucoup moins marquée (de l'ordre de 4 g d'azote/jour vers la 2 semaine) et stable. La principale modification est l'élévation importante de la concentration plasmatique des corps cétoniques. Du fait de cette élévation, le cerveau oxyde beaucoup moins de glucose, ce qui ne rend plus indispensable le maintien d'une intense gluconéogenèse hépatique et rénale à partir des acides aminés musculaires. Ceci entraîne une diminution de la protéolyse (en particulier la production de glutamine et d'alanine), et permet l'épargne protéique. La réduction de la protéolyse musculaire et la stabilité de la protéosynthèse permettent un maintien (ou une décroissance plus lente) de la masse protéique musculaire. Cette épargne protéique relative permet donc une survie prolongée. Son mécanisme reste cependant mystérieux ;
La phase III ou terminale (ou la limite de l'adaptation au jeûne) : cette phase terminale n’a été étudiée que chez l'animal et tout particulièrement chez le manchot empereur, notamment par Yvon Le Maho. Le passage à cette dernière phase du jeûne est marqué par un net contraste : les taux plasmatiques d'acides gras et de corps cétoniques s'effondrent, tandis que la glycémie s'élève, et le catabolisme protéique augmente de façon importante pour la néoglucogenèse. Le passage à cette troisième phase de jeûne avec augmentation de la mobilisation des protéines survient alors qu'il reste environ 20 % des réserves lipidiques, contredisant largement l'idée d'une phase irréversible. Néanmoins si cette troisième phase n'est pas irréversible, elle n'en est pas moins limitée à brève échéance.
C'est la consommation des protéines durant cette phase qui est responsable d'une forte morbidité et mortalité. Le cas particulier des animaux obèses a été étudié, et amène à des constations très surprenantes : ces animaux obèses n'entrent pas en phase terminale, ils gardent en permanence un comportement d'épargne protéique. « Du fait de leurs réserves lipidiques considérables, ils jeûnent beaucoup plus longtemps mais arrivent in fine à une déplétion protéique beaucoup plus marquée que chez les animaux maigres. À la fin du jeûne (décès), les animaux maigres ont perdu 98 % de leurs réserves lipidiques et 29 % de leurs protéines totales, tandis que les animaux obèses n'ont perdu « que » 82 % de leur réserve lipidique et 57 % de leurs protéines corporelles. Si les réserves lipidiques représentent le facteur limitant de la durée du jeûne chez le sujet mince, ce sont les réserves protéiques qui représentent le réel facteur limitant de la durée du jeûne chez l'obèse, l'observation des réserves lipidiques pouvant être particulièrement trompeuse ».
Limites et dangerosité
Un adulte de 1,70 m, pesant 70 kg, possède environ 15 kg de réserve de graisse, de quoi tenir, s'il est en bonne santé, une quarantaine de jours de jeûne. Mais au-delà, la poursuite du jeûne consomme les protéines du corps. L'organisme catabolyse certains acides aminés qui peuvent être convertis en glucose au cours de la néoglucogenèse pour approvisionner le cerveau. Or les protéines sont stockées dans les muscles (dont le cœur).
Un suivi médical est vital à partir de la 4 semaine, suivant l'état de santé, les conditions du jeûne et la nature des réserves au départ.
Comme en témoigne l'histoire de 9 détenus de la prison de Cork (Irlande) en 1920, dont le jeûne a duré 94 jours, l'organisme humain, jeune et en bonne santé, peut arriver à supporter un jeûne total (mais n'excluant pas la prise de liquides), non sans séquelles, pendant une période pouvant aller jusqu'à trois mois. Bobby Sands est mort à Belfast le 5 mai 1981 après avoir engagé une grève de la faim d'une durée de 66 jours. Exprimée en terme d'index de masse corporelle (IMC), une valeur inférieure à 12-13 kg⋅m est en principe synonyme de décès, bien que des récupérations aient été décrites chez des patients adultes jeunes dénutris présentant des index de masse corporelle de l'ordre de 8-9 kg·m. Un jeûne prolongé au-delà d'une certaine durée provoque immanquablement la mort. Cette durée varie selon les individus, et peut atteindre plus de 85 jours.
« Dans les limites définies (jeûne inférieur à trois semaines chez une personne de corpulence normale) le jeûne ne présente pas de danger. »
Expérience de jeûne alterné
Une expérience de jeûne alterné (un petit repas toutes les 12 heures ou toutes les 36 heures, sur 8 hommes et 8 femmes non obèses, pendant 22 jours) a montré :
une perte de poids de 4,1 % et de masse graisseuse de 2,5 % ;
la faim augmente le premier jour et reste forte ;
le métabolisme de base RMR et le quotient respiratoire (QR = CO2 produit / O2 consommé) sont restés stables 21 jours et le QR a diminué le 22 jour avec augmentation de l'oxydation du glucose de ≥15 G ;
le taux d'insuline a diminué de 57 % ;
le taux de ghréline n'a pas changé de manière significative ;
conclusions : la faim persistante indiquerait « l'improbabilité de continuer ce régime pendant des périodes prolongées. » « Ajouter un petit repas un jour de jeûne peut rendre cette approche à la restriction diététique plus acceptable. »
Modèles animaux
Les animaux malades, blessés ou en hibernation réduisent leurs apports en nourriture. Le jeûne est indispensable à la survie en cas de pénurie ou de famine. Les morses jeûnent en période de reproduction alors qu'ils défendent leur territoire et leurs femelles. Les poussins jeûnent sans boire trois jours après éclosion. Les homards jeûnent quand ils muent. Les manchots mâles, qui protègent leur œuf du froid en le portant sur leurs pieds, jeûnent jusqu'à l'éclosion des petits et la prise en charge de ceux-ci par leur compagne. Les animaux qui pratiquent l'hibernation jeûnent de facto pendant cette période de faible activité.
Pendant le jeûne des rats, l’intestin grêle évolue en quatre phases :
en quelques heures, phase 1, la perte de masse est due aux selles et à l’utilisation des réserves glucidiques ;
le début de jeûne ou le jeûne court, phase 2, atrophie l'épithélium et mobilise 75 % des réserves lipidiques, ce qui épargnerait les protéines. Les cellules prolifèrent et migrent moins. La perte de masse est constante ;
ensuite commence le jeûne prolongé, phase 3, les protéines fournissent une grande part de l'énergie et la synthèse protéique est réduite. Les cellules prolifèrent et migrent plus, et l’apoptose s'arrête (par baisse des cytokines et du facteur de transcription Cdx2). Le catabolisme protéique augmente. Les transporteurs actifs PepT1 et SGLT1 préparent la réalimentation. La perte de masse augmente brusquement ;
après réalimentation, phase 4, l’épithélium se restaure en 3 jours que le jeûne soit court ou long. La réalimentation stimule les transporteurs GLUT5, GLUT2 et FATP4 ;
l'épuisement critique des réserves énergétiques provoquerait l'optimisation de l’absorption des nutriments.
Une expérimentation, sur des rats, du type de jeûne « intermittent à long terme » (jeûnes de 3 jours avec reprise alimentaire progressive sur 3 jours, espacés de 48 jours, huit fois de suite) montrerait que ce type de jeûne favorise dans la graisse blanche (WAT) :
le dépôt de triacylglycérol dans les adipocytes, malgré l'apport calorique réduit ;
une expression accrue du gène FSP27, ainsi que de PPARγ2 et C/EBPα, et une augmentation de l'insuline ;
et que d'autres types de jeûnes n'ont pas cet effet : restriction calorique de 48 jours, ou un seul jeûne de 3 jours, avec ou sans reprise progressive de 3 jours. Des rats Zucker maigres et obèses ont été soumis à 14 heures de jeûne et à une exposition au froid de leurs tissus adipeux, ce qui montrerait que l'exposition au froid augmente l'expression de l'ATGL et améliore sa régulation par le jeûne dans le tissu adipeux des rats maigres. Chez les rats obèses, l'exposition au froid augmente aussi l'expression de l'ATGL mais ne parvient pas à améliorer sa régulation par le jeûne, ce qui pourrait contribuer à une difficulté accrue pour la mobilisation des lipides des rats maigres.
Neurologie et psychiatrie
Une synthèse d'études cliniques montre que le jeûne s'accompagne fréquemment d'un niveau accru de vigilance, d'une amélioration de l'humeur, d'un sentiment subjectif de bien-être, et parfois d'euphorie. Les améliorations de l'humeur, de la vigilance et un sentiment de tranquillité correspondent à un effet sur les symptômes dépressifs observable entre le second jour et le septième jours de jeûne.
Jeûne en médecine
Anesthésiologie et chirurgie
Un jeûne pré-anesthésique est nécessaire, tant avant une anesthésie locorégionale qu'avant une anesthésie générale non urgente. Il est rendu nécessaire, en raison du risque d'inhalation du liquide gastrique lors de la phase d'induction de l'anesthésie (syndrome de Mendelson), pouvant entraîner de nombreuses complications dont les pneumopathies d'inhalation.
Après une intervention chirurgicale, le jeûne peut être indiqué, soit en raison :
d'un ileus digestif (paralysie intestinale) pouvant avoir pour origine le geste chirurgical lui-même ou l'utilisation de certains médicaments ;
de la nécessité de protéger les sutures digestives jusqu'à cicatrisation.
Les travaux du P Henrik Kehlet autour de la récupération rapide après chirurgie ont montré que ce jeûne avant intervention ne doit pas être trop prolongé sous peine de majorer le stress physiologique préopératoire. Ainsi, les solides sont à présent acceptés jusqu'à 6 heures et les liquides clairs jusqu'à 2 heures avant l'intervention alors qu'autrefois on demandait classiquement au patient de « ne rien manger et boire après minuit » la veille de la chirurgie. De même, alors que le jeûne post-opératoire a longtemps été conseillé et pratiqué, il est maintenant prouvé que la reprise de l'alimentation le plus rapidement possible (quelques heures après l'intervention) facilite la reprise du transit et la réhabilitation physiologique de l'opéré.
Jeûne thérapeutique
Le jeûne thérapeutique est une pratique popularisée par le médecin Otto Buchinger au début du XX siècle en Europe de l'Ouest.
Des chercheurs en Union soviétique ont étudié les mécanismes du jeûne pendant plus de quarante ans et ont expérimenté le jeûne thérapeutique sur des dizaines de milliers de patients dans le cadre d'une politique nationale de santé publique, surtout développée en Sibérie. Tout cela est minutieusement décrit dans de nombreuses études, qui n'ont jamais été traduites et sont donc restées inconnues en Occident.
Valter Longo confronte le jeûne au cancer (chez la souris de laboratoire et des cellules isolées en culture) avec des résultats surprenants, et potentiellement révolutionnaires. Il déclare « J'ai récemment fait une présentation devant l'une des plus importantes compagnies pharmaceutiques au monde, et j'ai mis au défi les dirigeants de l'entreprise de mettre au point un cocktail de médicaments, pas un simple médicament mais un cocktail de médicaments, dont les effets seraient plus puissants que celui du jeûne. » Les recherches en Occident se poursuivent, la restriction calorique ou le jeûne n'ayant à l'heure actuelle pas d'indication médicale reconnue, surtout pour les personnes âgées. Aux États-Unis, le National Council Against Health Fraud (NCAHF) « met fermement en garde contre l'usage prolongé du jeûne à des fins de santé et pense qu'obliger des enfants à jeûner est une forme de mauvais traitement. »
Jeûne intermittent
Un nombre grandissant d'individus utilise des programmes basés sur le jeûne intermittent pour maigrir, en particulier au Royaume-Uni. Il s'agit d'un régime hypocalorique.
Jeûne religieux et philosophique
Le jeûne pour raisons médicales ou spirituelles est connu depuis l'Antiquité. Il en est fait mention dans le Mahâbhârata et les Upaniṣad.
Dans la Grèce antique, lorsque quelqu'un tombait malade et venait voir les prêtres du temple du dieu guérisseur Asclépios (Esculape pour les Romains), ces derniers, quand ils n'arrivaient pas à le guérir par les méthodes traditionnelles alors en usage, avaient parfois recours à une méthode expéditive. On exilait semble-t-il, le « malade » avec une bonne quantité d'eau douce (et sans aucune nourriture), durant une trentaine de jours, sur un rocher éloigné dans la mer ou ailleurs, où il était censé prier. Quand on allait le rechercher, on le réalimentait en douceur, et quelque temps plus tard, la santé revenait.
Le jeûne s'est particulièrement développé au Moyen-Orient et Asie du Sud-Est, avec l'islam, et en Occident avec la diffusion du christianisme.
Tradition juive
La religion juive recommande les jeûnes (Taanit) suivants : Yom Kippour, Tisha Beav (les seuls jeûnes mentionnés dans la Torah), le 17 Tammouz, le jeûne de Guedalia, le 10 Tevet, le jeûne des premiers-nés, le jeûne d'Esther, la plupart étant des jeûnes de deuil.
Christianisme
Église catholique et Église orthodoxe
Le jeûne est une pratique courante dans l'Église catholique et orthodoxe où il est considéré comme une pratique de pénitence qui permet de prendre conscience de ses manquements et de se rapprocher de Dieu (voir Matt IV 2 Lc IV 1-4). Il consiste en une privation volontaire de nourriture : lors d'un jour jeûné le fidèle ne fait qu'un seul repas de la journée (traditionnellement à midi), qu'il peut compléter par de légères collations le matin et le soir comme du pain et de l'eau ou encore une soupe.
Le jeûne est souvent associé à l'abstinence de viande, une autre pratique pénitentielle ; cependant ce sont deux pratiques différentes : certains jours sont consacrés au jeûne, d'autres à l'abstinence, et certains aux deux. Dans l'Église orthodoxe, comme dans l'Église catholique romaine, le jeûne est demandé aux personnes souhaitant recevoir la communion, cette pratique est appelée le jeûne eucharistique. Pour les catholiques, avant la réforme liturgique du concile Vatican II, le jeûne commençait la veille à partir de minuit jusqu'à la communion. Aujourd'hui, l'Église Catholique demande un jeûne d'une heure minimum avant de recevoir la communion. (Canon 919 du Nouveau Code de Droit canonique, 1983).
Haut Moyen Âge
Aux premiers siècles, la pratique du jeûne était assez différente et régionale. Ainsi, dans l'Histoire des Francs, l'évêque saint Grégoire de Tours († 594) précisait celle qui fut réglée par son prédécesseur Perpet de Tours († 490) :
« Depuis la Pentecôte, les mercredis et les vendredis jusqu'à la nativité de saint Jean. Depuis le premier septembre jusqu'au premier octobre, deux jeûnes par semaine. Depuis le premier octobre jusqu'à la mort de saint Martin [aussi], deux jeûnes par semaine. Depuis la mort de saint Martin jusqu'à la nativité du Seigneur, trois jeûnes par semaine. Depuis la nativité de saint Hilaire jusqu'à la mi-février, deux jeûnes par semaine. »
Le chapitre 41 de la règle de saint Benoît, fixée vers 530, se consacre aux repas et jeûne. Selon ce chapitre, celui-ci n'était pas le jeûne complet, en raison du travail manuel dont les abbayes avaient besoin. À savoir, il s'agissait du repas tardif. Tout comme la règle de Perpet de Tours, le mercredi et le vendredi étaient choisis pour ce sacrifice.
« ... Durant tout l'été, à partir de la Pentecôte [jusqu'aux ides de septembre], ils jeûneront la quatrième et la sixième férie jusqu'à l'heure de none [au lieu de sexte], s'ils n'ont pas de travaux dans les champs, ou si la chaleur excessive de l'été ne les incommode pas. ... Mais pendant le Carême, jusqu'à Pâques, c'est à l'heure de vêpres (c'est-à-dire, après cet office) qu'ils mangeront en ayant soin de disposer cette heure de vêpres en sorte que l'on n'ait point besoin de lumière pour le repas, mais que tout se termine encore à la clarté du jour [en Italie]. »
— Saint Benoît de Nursie († 547), chapitre XLI
Sous le règne de Charlemagne (entre VIII ‑ IX siècles), il semble que pendant la période de jeûne, ce souverain avançât son repas d'une heure, à savoir à 14 heures au lieu de none, et un évêque se serait scandalisé de ce léger relâchement. Une autre légende raconte que le premier capitulaire saxon édicté vers 785 prévît la peine de mort pour les Saxons ne respectant pas le précepte. Hors ces cas extrêmes, qu'il convient de replacer dans leur contexte, la violation du jeûne pouvait valoir de sévères pénitences.
De nos jours
Au regard du jeûne réservé aux fidèles catholiques, le code de droit canonique de 1983 précise ses détails [lire en ligne]. Selon ce code, le jeûne ecclésiastique ainsi que l'abstinence seront observés lors du mercredi des Cendres et du Vendredi saint (code 1251) en raison de « la volonté de réparer le péché et d'y renoncer » ainsi que de « la préparation à la rencontre de Pâques », à l'exception des fidèles ayant moins de 14 ans ainsi que ceux qui devancèrent 60 ans (code 1252). Pour ces derniers, l'abstinence est toujours recommandée (code 1252).
La raison pour laquelle les fidèles doivent exécuter le jeûne ecclésiastique au mercredi des Cendres est théologiquement exprimée :
« On ne fait pas pénitence le dimanche, célébration hebdomadaire de la Résurrection, même en Carême ; c'est pourquoi, pour combler le déficit de ces dimanches, on a anticipé le début du jeûne quadragésimal au mercredi des Cendres, mercredi qui précède le premier dimanche de carême. »
— Dom Robert Le Gall, Dictionnaire de liturgie, p. 54, Carême
Le vendredi est le jour consacré à l'abstinence et par extension au jeûne dans la semaine. Quelque peu tombée en désuétude, l'abstinence du vendredi a quasiment disparu. Chez les premiers chrétiens c'était un jour de jeûne total : les jeûnes du mercredi et du vendredi étaient obligatoires autrefois par une loi de l'Église et appelés « Jeûnes de station » ou « jeûne de none, » il y avait aussi le « demi-jeûne », le « Jeûne de Carême » (ou de la quadragésime) et le « Jeûne de superposition ».
Il existe le jeûne volontaire aussi, par exemple, la recommandation de sainte Thérèse de Lisieux surtout pendant le Carême, car en jeûnant, à savoir privé de nourriture, l'on reconnaît sa dépendance envers Dieu. Certes, l'exécution du jeûne durant quarante jours et quarante nuits était respectée non seulement par Moïse et Élie mais également par Jésus-Christ lui-même. C'est la raison pour laquelle, en conservant la règle monastique orientale, le jeûne quadragésimal auprès de l'Église orthodoxe est assez long avec toujours l'abstinence obligatoire concernant les viande et œuf, et que d'autres nourritures aussi sont partiellement interdites. Aux États-Unis, les derniers dimanches autorisés avant Pâques s'appellent symboliquement les Meatfare Sunday et Cheesefare Sunday, tout comme le premier sens du terme carnaval.
Toutefois, il est vrai que l'Évangile ouvrit une autre manière de cohérence entre Dieu et l'Église, pour ses disciples, en citant le festin messianique avec l'image de noces (Bible Segond 1910/Évangile selon Matthieu 9,14-15). Aussi la tradition de jeûne devint-elle, auprès de l'Église occidentale, une valeur relative qui peut être remplacée par d'autres abstinences, à l'exception du mercredi des Cendres et du Vendredi saint. En conséquence, la règle de saint Benoît, citée au-dessus, cherchait déjà au VI siècle son optimisation pour sauvegarder la force de communauté, mais de sorte que soit respectée la tradition du Carême, un seul repas au dernier moment de journée.
Sous influence de la mondialisation et « dans une culture marquée par la recherche du bien-être matériel », « de nos jours, la pratique de jeûne semble avoir perdu un peu de sa valeur spirituelle » prononça le pape Benoît XVI le 3 février 2009. Le pape théologien développa à nouveau la définition de cette ancienne tradition : « il est en premier lieu une thérapie pour soigner tous ce qui les empêche de se conformer à volonté de Dieu. », en soulignant qu'il s'agit d'une force afin de lutter contre le péché et notamment de ce qui est capable d'ouvrir le chemin vers le Seigneur dans le cœur. Lorsque le jeûne demeure volontaire, à la place de l'obligation simple, il s'agira donc d'une force. Sainte Thérèse de Lisieux, docteur de l'Église, était un témoin de la définition de Benoît XVI : « Au Carême de l'année dernière, je me trouvais plus forte que jamais, et cette force, malgré le jeûne que j'observais dans toute sa rigueur, se maintenait parfaitement jusqu'à Pâques, ... ».
les éléments baptismaux de la liturgie quadragésimale seront employés plus abondamment ; et certains, selon l'opportunité, seront restitués à partir de la tradition antérieure ;
on en dira autant des éléments pénitentiels. En ce qui concerne la catéchèse, on inculquera aux fidèles, en même temps que les conséquences sociales du péché, cette nature propre de la pénitence, qui déteste le péché, en tant qu'il est une offense à Dieu ; on ne passera pas sous le silence le rôle de l'Église dans l'action pénitentielle, et on insistera sur la prière pour les pécheurs.
Églises protestantes
Dans le protestantisme, le jeûne revêt généralement la forme d'une pratique individuelle. Le pasteur Christophe Deville, dans son ouvrage, définit le jeûne comme une signification à Dieu : « Seigneur, cette situation qui m’amène à genoux devant toi est plus importante que mes besoins normaux et quotidiens de nourriture ». Dans le jeûne, le croyant unit sa pensée à celle de Dieu ; du Dieu tout-puissant, éternel et omniscient pour mettre de côté, pour un temps, sa routine. Il prie et intercède pour des besoins d’importance vitale. La pratique d'un jour paroissial de jeûne et de prière, sans que la date choisie ait une signification particulière, est fréquente dans les Églises évangéliques. En Suisse, le jeûne fédéral et le jeûne genevois, hérités de la tradition calviniste, donnent lieu à des jours fériés légaux. Les Églises luthériennes, moraves, anglicanes et méthodistes retiennent la pratique du carême.
Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours
Les saints des derniers jours jeûnent chaque premier dimanche du mois, du samedi soir au dimanche soir ou du samedi midi au dimanche midi, au choix, en se passant de nourriture et de boisson et font un don de jeûne à l'Église, pour le bien-être des plus démunis, de la valeur des repas non consommés, ou davantage si le donateur le souhaite. En avril et en octobre, pour cause de conférence générale de l'Église, le jour de jeûne est reporté au deuxième dimanche du mois. Pour les saints des derniers jours, le jeûne est un commandement qui améliore la santé, enseigne la maîtrise de soi (Pr 16:32), fortifie la spiritualité, permet de bénir les pauvres et les nécessiteux. Les saints des derniers jours peuvent aussi jeûner à titre personnel à d'autres moments, lorsqu'ils en ressentent le désir ou le besoin spirituel. À la pratique du jeûne, ils associent celle de la prière (Luc 4:1-4; Esaïe 58:6-8). Il n'est pas demandé aux personnes de santé délicate ou aux jeunes enfants de jeûner.
Islam
Kaaba la nuit.
Dans l'islam, le jeûne, ou sawm (noté aussi parfois improprement "saoum"), a une signification relativement large. En effet on parle de jeûne comme d'un renoncement spirituel, ne se limitant donc pas seulement à l'arrêt de consommation de nourriture et de boisson. Il est recommandé au croyant de respecter un jeûne, le saoum, pendant le mois de ramadan principalement, et à d'autres dates également, ainsi qu'en tout temps, afin de développer sa spiritualité et développer sa crainte de Dieu. Le jeûne est aussi une période d'amélioration de remise en question de soi pour le croyant. Pendant le mois de ramadan, le jeûne est obligatoire. Par contre, il est seulement souhaitable pour certaines occasions tel que Achoura, le 10ème jour du mois de Moharem, le mois de chaabane (avant ramadan), 6 jours du mois chawal (après ramadan), les 13, 14 et 15 jours de chaque mois hégirien, les lundis et les jeudis. Il commence à l'aube (alfajr) et se termine au coucher du soleil (almaghrib). On doit s'abstenir, pendant ce laps de temps, de nourriture, de boisson, de tabac, d'alcool et de drogue (à noter que ces trois dernières interdiction sont permanentes, qu'en dire pendant le jeûne ?), de rapports sexuels. Sont exemptés les femmes enceintes, les malades sous traitements médicaux, les enfants prépubères, les voyageurs (si le voyage lui est pénible, aujourd'hui on parlera de long voyage), et les femmes en période de menstruations, mais un rattrapage est prévu pour tous les exemptés sauf les enfants. S'ils ne peuvent pas rattraper le jeûne ils doivent redistribuer une charité sous forme de nourriture aux pauvres selon le nombre de jours de ramadan déjeûnés.
Bahaïsme
Le jeûne (صَوم ṣawm) est l'un des rites majeurs de la foi bahá’íe, prescrit par Bahá’u’lláh dans le "Livre le Plus Saint" (Kitāb-i Aqdas). Avec la prière "obligatoire" (ṣalát), ils constituent les deux lois indispensables à la vie de l'âme, comme l'air et l'eau sont indispensables à la vie du corps. Négliger ces obligations entrave le développement spirituel, car elles sont comme des ailes pour s'élever vers Dieu selon Bahá'u'lláh :
« En vérité, nous avons tout exposé dans notre Livre, en signe de grâce pour ceux qui croient en Dieu, le Tout-Puissant, le Protecteur, l'Absolu. Et nous avons ordonné la prière prescrite et le jeûne afin que tous puissent par ces moyens se rapprocher de Dieu, le Tout-Puissant, le Bien-Aimé. Nous avons mis ces deux lois par écrit et nous avons expliqué chaque décret irrévocable. Nous avons interdit aux hommes de suivre ce qui peut les faire dévier de la Vérité et nous leur avons commandé d'observer ce qui les rapprochera du Tout-Puissant, Celui qui aime. Dis : observez les commandements de Dieu par amour de sa beauté et ne soyez pas de ceux qui marchent sur les pas des misérables et des insensés. (...) Celui qui n'accomplit ni bonnes actions ni actes de dévotion est comme un arbre qui ne porte pas de fruits, comme une action qui ne laisse pas de trace. Mais celui qui expérimente l'extase sacrée de l'adoration refusera d'échanger cette dernière ou toute autre louange à Dieu contre tout ce qui existe sur terre. Le jeûne et la prière prescrite sont les ailes de la vie humaine. Heureux qui s'élève, grâce à eux, jusqu'au ciel de l'amour de Dieu, le Seigneur de tous les mondes. (...) Soyez fermement attachés à la prière prescrite et au jeûne. La religion de Dieu est comme le ciel ; le jeûne en est le soleil et la prière prescrite, la lune. En vérité, ce sont les piliers de la religion par lesquels le juste est distingué du transgresseur. Nous prions Dieu, exalté et glorifié soit-il, de permettre généreusement à tous d'observer ce qu'il révéla dans son livre ancien. (...) Ne négligez pas la prière prescrite et le jeûne. Celui qui ne les observe pas n'est pas et ne sera jamais digne d'être accepté aux yeux de Dieu. Suivez la sagesse en toute circonstance. Certes, il ordonne à tous d'observer ce qui leur est et leur sera profitable. Il est, en vérité, Celui qui suffit, le Très-Haut. »
Pour les baha'is, le jeûne est surtout une période de méditation et de prière, durant laquelle ils s'efforcent de réorganiser leur vie et de régénérer leur énergie spirituelle. Sa signification et son but sont avant tout spirituels et des entorses involontaires aux règles du jeûne ne l'annulent pas. ’Abdu’l-Bahá dit :
« Le jeûne est un symbole. Jeûner signifie s'abstenir de tout désir. Le jeûne physique est le symbole de cette abstinence, c'est un rappel; tandis que l'on refrène l'appétit physique, il faut s'abstenir des convoitises personnelles et des désirs égoïstes. Mais se passer uniquement de nourriture n'a aucun effet sur l'esprit. C'est uniquement un symbole, un rappel. Autrement, cela n'a aucune importance. Jeûner pour atteindre le détachement ne signifie pas s'abstenir entièrement de nourriture. La règle d'or est: ni trop ni trop peu. La modération est nécessaire. Il existe une secte aux Indes dont les membres pratiquent l'abstinence à l'extrême, réduisant graduellement leur nourriture jusqu'à pouvoir s'en passer presque complètement. Mais leur intelligence en souffre. Un homme n'est pas capable de servir Dieu efficacement, tant matériellement que spirituellement, s'il est affaibli par le manque de nourriture. Il ne possède pas toute sa lucidité. »
La période du jeûne dure tous les ans 19 jours et coïncide avec le dernier mois de l'année baha'ie nommé « élévation, sublimité » (علاء = 'Alá'), du 2 au 20 mars inclus. Selon la prescription du Kitáb-i-Aqdas, elle est précédée par les jours de fête du Ayyám-i-Há' (ايام الهاء) et suivie par la fête du Nouvel An baha'i célébrant l'équinoxe de printemps (Naw-Rúz, en persan نوروز, le 21 mars). Durant ce jeûne, les baha'is s'abstiennent de manger, de boire et de fumer du lever au coucher du soleil, qu'il est permis de déterminer à l'aide d'horloges.
Ce jeûne ne concerne que les adultes en pleine santé. En sont exemptés :
les personnes âgées de moins de 15 ans ou de plus de 70 ans ;
les malades ;
les femmes au cours des menstruations, de la grossesse ou de l'allaitement ;
les voyageurs ;
les travailleurs de force.
Aucun rattrapage ni compensation ne sont prévus pour ceux qui sont exemptés, mais il leur est précisé « qu'il est louable et convenable de manger frugalement et en privé. »
Comme le mois Élévation s'achève à l'équinoxe de printemps, le jeûne a toujours lieu à la même saison (au printemps dans l'hémisphère nord et en automne dans l'hémisphère sud), sans excès de froid ni de chaleur préjudiciables, et lorsque la durée du jour et de la nuit sont à peu près équivalentes sur toute la terre.
Bouddhisme
Le Bouddha émacié après avoir subi d'intenses pratiques ascétiques (Gandhara, II siècle - III siècle, British Museum).
Le jeûne n'est pas pratiqué par les bouddhistes laïques car il est considéré comme un écart par rapport à la Voie du Milieu. Avant d'atteindre l'illumination, ou l'état d'éveil, le prince Siddhartha a pratiqué six années d'austérité stricte au cours desquelles il n'a consommé que très peu de nourriture. Par la suite, le prince Siddhartha a pratiqué l'ascèse avec plus de modération.
Certaines pratiques ascétiques de dhutanga incluent une limitation de la nourriture (pattapiṇḍika). Certains moines observent également une période de jeûne plus ou moins longue et stricte, souvent considérée comme favorable à la méditation.
Hindouisme
Le jeûne a un rôle important dans la religion hindoue. Les croyants observent différentes diètes selon leurs croyances personnelles et les coutumes locales.
Quelques exemples :
certains hindous jeûnent certains jours du mois comme Ekadasi (le 11 jour de chaque cycle lunaire) ou à Purnima (pleine lune) ;
certains jours de la semaine sont des jours de jeûne spécifiques aux croyances de chacun et à une divinité favorite ;
le jeudi est un jour de jeûne très répandu dans le Nord de l'Inde. Les fidèles portent des vêtements jaunes et des fleurs jaunes ;
jeûner durant les fêtes religieuses est assez commun. Par exemple, lors de Shivaratri ou durant les 9 jours de Navratri (2 fois par an, en avril et en octobre) avant Divālī. Karwa Chauth est une forme de jeûne respecté au Nord de l'Inde par les femmes mariées en faveur de la santé, de la prospérité et pour la longévité de la vie de leurs époux. Le jeûne est rompu après que l'épouse a aperçu la Lune au travers d'un voile après le coucher du Soleil.
Les types de jeûne sont divers. Si le jeûne est strictement respecté, la personne jeûnant n'absorbe aucune nourriture, ni solide, ni liquide, du coucher du soleil jusqu'à 48 minutes après le lever du soleil du jour. Jeûner peut également signifier se priver de certaines nourritures ou de se contenter d'un seul repas dans la journée. Dans tous les cas, on ne doit pas manger ou même toucher des produits issus d'animaux (œufs, viande, etc.) le jour du jeûne.
Théoriquement, pour l'hindouisme, celui qui jeûne, dans un esprit de dévotion envers la Divinité, se libère des péchés nés de dix millions de naissances antérieures ; mais, par exemple, pour la tradition vishnouïte, « celui qui mange lors de l'anniversaire du Seigneur Krishna (...) devient un vautour pour dix milliards de naissances, un porc pour cent naissances, un chien pour cent naissances et un chacal pour cent naissances ». Le jeûne a donc un rapport étroit avec la volonté ascétique dirigée vers le but ultime de se libérer du cycle des réincarnations (samsâra).
Selon le Mahatma Gandhi, le jeûne est indispensable comme préalable à la maîtrise de sa sexualité, à la réalisation du brahmacharya : on ne peut maintenir sa sexualité sous son contrôle si l'on est incapable de contrôler et dominer sa faim et l'organe du goût. Le jeûne peut être pratiqué jusqu'à la mort, par inanition infinie, pratique à la fois hindoue (explicitée dans les Lois de Manu, par exemple) et jaïne nommée Sallekhana. Vinoba Bhave, célèbre disciple gandhien, la pratiqua.
Dans le Yoga-Sûtra de Patanjali, au chapitre 3, sûtra 31, il y a possibilité de dissoudre toute sensation de faim et de soif par le samyama (concentration, méditation, enstase/samadhi) avec pour support le fond de la gorge (contemplation yogique facilitant ainsi tout jeûne).
Philosophie athée ou animiste
Dans une logique matérialiste proche du monisme, le jeûne modéré (15 jours à 3 semaines ou le demi-jeûne) a pour vocation d'améliorer la conscience du corps. Combiné avec des techniques méditatives, le jeûne permet de mieux ressentir l'effet positif ou négatif des pensées, actions ou projets sur notre corps et notre bien-être.
Dans les rites d'initiation des peuples d'Amérique du Nord la recherche de la vision (en) est une étape importante de l'entrée dans l'âge adulte. La vision qui révèle en particulier l'animal tutélaire s'obtient entre autres par le jeûne.
Jeûne politique
Jeûne international contre les essais nucléaires, Grenoble, 1990.
Le jeûne politique, appelé également jeûne de protestation ou grève de la faim, est un moyen de protestation non violent utilisé entre autres par Gandhi. Depuis le début du XX siècle, les jeûneurs politiques sont légion. Dès 1905, les suffragettes anglaises, incarcérées pour avoir revendiqué le droit de vote pour les femmes, ont fait la grève de la faim dans les prisons. La police tenta de les obliger à manger, mais cela ne les arrêtait guère. Le gouvernement répondit sans succès avec la loi dite « Chat et Souris » (Cat and Mouse Act, officiellement The Prisoners (Temporary Discharge for Ill Health) Act 1913) : quand une gréviste était trop faible, elle était relâchée puis réincarcérée une fois sa vie hors de danger.
Il a ensuite été utilisé par plusieurs personnalités en Europe, dont Lanza del Vasto, notamment pendant la guerre d'Algérie, pendant le concile Vatican II et la lutte des paysans du Larzac. Louis Lecoin a souvent utilisé cette méthode, qui a abouti à la reconnaissance du statut d'objecteur de conscience. Un épisode très dur a également eu lieu dans la lutte opposant les prisonniers irlandais de l'IRA provisoire ou assimilés au Royaume-Uni sous le gouvernement de Madame Thatcher, aboutissant à la mort de dix personnes en 1981, le plus célèbre étant Bobby Sands.
Il est aujourd'hui souvent utilisé par des réfugiés ou des déboutés du droit d'asile (par ex. à l'église Saint-Joseph à Paris à l'été 1991) pour forcer l'obtention d'un permis de séjour ; il est aussi pratiqué par des groupes désireux d'assurer une couverture médiatique à leurs idées ou de faire pression sur un gouvernement, un pouvoir. Il s'agit également d'une pratique dans le milieu carcéral, pour protester contre les conditions de détention.
En 1998, le Congrès de la jeunesse tibétaine organise une grève de la faim de six Tibétains à New Delhi du 10 mars au 15 mai qui avait pour objectif la réouverture par les Nations unies de la question tibétaine, la nomination d'un envoyé spécial et d'un rapporteur spécial de l'ONU pour le *****. Après 49 jours, le groupe composé de 6 personnes dont une femme âgée de 62 ans, fut évacué de force par la police indienne, le jour précédent la visite en Inde d’un chef de l'armée chinoise. C'est alors que Thubten Ngodup s'est immolé. Un deuxième groupe composé de cinq hommes devait prendre la suite le 28 avril. Mais au 18 jours, le TYC suspendait la grève de la faim après l'engagement de la Norvège, de la Pologne, de la Hongrie, du Costa Rica et de l'Union européenne d'intervenir auprès du gouvernement chinois et de l'ONU. Cet évènement inspire Les Guerriers de l'esprit, un film de Pierre Anglade.
Du 7 mars au 14 avril 2006, Jean Lassalle, député français des Pyrénées-Atlantiques, a suivi un jeûne de plusieurs semaines pour protester contre le risque de départ d'une entreprise japonaise dans sa circonscription vers une circonscription voisine ; il a cessé son jeûne contre les garanties que l'entreprise reste dans les lieux.
Le jeûne est le plus souvent seulement alimentaire (l'hydratation par boissons étant conservée), permettant des grèves de la faim prolongées.
L'attitude médicale est délicate et diverse, variant du forçage alimentaire par sonde gastrique à l'accompagnement en respectant les volontés du protestataire.
Grévistes de la faim célèbres
Mahatma Gandhi
Louis Lecoin
Holger Meins
Saïda Menebhi
Bobby Sands
Marcel Vervloesem
Omar Raddad
Jeûne et dérives sectaires
La pratique du jeûne est parfois soupçonnée de dérives. Le phénomène de l'inédie et certaines thèses, comme celle de Jasmuheen, ont conduit la MIVILUDES a des mises en garde. Georges Fenech déclare :
« Il y a un phénomène d'épuisement physique et donc d'épuisement et de faiblesse mentale à certains moments. Il n'y a plus de capacité de jugement ou de résistance face à des discours qui vont déraper, qui vont passer du simple jeûne à un discours plus doctrinal, plus idéologique. »
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Physiologie
Xavier Leverve et Jacques Cosnes, Traité de nutrition artificielle de l'adulte, Springer Editions; Édition : 2nd, 2001, 957 p. (ISBN 978-2287597381, %5B%5BFichier:Nuvola%20apps%20ksig%20horizonta.png|30px|link=|alt=Document%20utilisé%20pour%20la%20rédaction%20de%20l’article%5D%5D lire en ligne), « Chapitre 28 Physiologie du jeûne (B. Beaufrère, X. Leverve) », p. 322-333
Lauralee Sherwood et Alain Lockhart, Physiologie humaine, De Boeck; Édition, coll. « ANAT.PHYSIO », 2006, 629 p., broché (ISBN 978-2804149130, %5B%5BFichier:Nuvola%20apps%20ksig%20horizonta.png|30px|link=|alt=Document%20utilisé%20pour%20la%20rédaction%20de%20l’article%5D%5D lire en ligne), p. 563-5**
Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade, « Le jeûne, une nouvelle thérapie ? », Documentaire, Via Découvertes Production, 2011 (consulté le 8 avril 2012)
Hervé Guénard, Physiologie humaine, Pradel; Édition : 3e éd., 2001, 606 p., broché (ISBN 978-2913996045, lire en ligne)
Autres sources liées à la santé
Et si on s'arrêtait un peu de manger... de temps en temps, Bernard Clavière, Éd. Nature & Partage, 2008.
Retour à la santé par le jeûne, D Ed. Bertholet, Éd. Genillard, 1961, Lausanne.
(en) Fasting, D Earl W. Conroy, Ed. Aio Wira Centre, 1984, Auckland.
Comment revivre par le jeûne, D Lutzner, Éd. Terre vivante, 1984, Paris.
Régénération par le jeûne, Alain Saury, Éd. Dangles, 1978, Saint-Jean-de-Braye.
Le Jeûne, Herbert Shelton, Éd. Le courrier du livre, 1970, Paris.
La Bouffe ou la vie, D Yves Vivini, Éd. Le François, 1977, Paris.
L'Assiette Vitalité, Jean-Claude Rodet, Éd. Quebecor World, 2002, Montréal, (ISBN 2-980-65271-7).
Le Jeûne, doctorat de Michèle Plas, 1977, Clermont.
Jean-Claude Rodet, Cures et monodiètes, Saint-Sauveur (Qc) Canada, Marcel Broquet, coll. « Santé bien-être », 2012 (ISBN 978-2-923860-88-6), p. 218
Christian Tal Schaller, La pratique du jeûne holistique : vaincre la maladie, ouvrir la conscience, Éditions Vivez Soleil (Collection : La vie en poche), 2004 (ISBN 978-2880584443, lire en ligne)
Sources chrétiennes
Le Croyant et le jeûne, Christophe Deville, Éd. Scriptura, 2002, 23 p. (ISBN 978-2-914877-01-5)
La Grève de la faim, Johanna Siméant, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, (ISBN 978-2-7246-1104-5)
Les vies des saints, Adrien Baillet : histoire du Carême
Mœurs des israélites et des chrétiens, Claude Fleury, p. 82-86
Autres sources
(en) Jamsheed K. Choksy, « Fasting : I. Among Zoroastrians, Manicheans, and Bahais », Encyclopædia Iranica, Costa Mesa, Mazda, vol. 9, 1999 (lire en ligne)