Le David de Michel-Ange, « magnification du nu viril ».
Selon le Nouveau Petit Robert de la langue française 2007, la virilité est : « Ensemble des caractéristiques physiques et sexuelles de l'homme. »
La virilité désigne :
les caractéristiques physiques de l'homme adulte, au sens biologique; le comportement sexuel de l'homme, en particulier sa vigueur et sa capacité de procréer (en ce sens, il peut désigner directement le membre viril) ; les caractères moraux de l'homme, en tant que genre sexuel, qui lui sont culturellement associés.
Cette définition de la virilité recoupe celle de la masculinité (à l'instar des anglo-saxons et de leurs études sur la masculinité (en)) alors que l'histoire culturelle différencie la masculinité comme l'ensemble des caractères propres à l'homme de la virilité comme la construction culturelle des attributions du masculin.
- La perception de la virilité comme vertu, est en soi un jugement de valeur, qui consiste à associer au genre masculin des qualités comme la force ou le courage. Dans les sociétés qui la valorisent, comme les sociétés patriarcales, cette association est au principe du développement de la personnalité masculine, et seule permet de la structurer de façon socialement satisfaisante.
Aujourd'hui, principalement en Occident, un tel modèle est remis en cause par les mouvements féministes qui y voient un système oppresseur, qui ne correspondrait plus à la vie des hommes modernes, comme en témoigne le titre de chanson : « la femme est l'avenir de l'homme », qui pastiche discrètement « L'homme est l'avenir de l'homme », citation de Karl Marx comme de Francis Ponge. Cette remise en cause constitue une source de tensions entre les individus ayant intégré le modèle traditionnel et ceux qui adoptent une attitude progressiste.
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Le développement de cet article donne une vision occidentale du sujet.
Étymologie
À côté du terme générique homo (l'être humain, terme qui s'applique donc aux femmes et aux hommes : homo sum - je suis un homme, dans le sens un être humain), le terme vir désigne le mâle (dérivant lui-même du sanskrit vira signifiant : « héros », « fort »), avec les spécificités qu'on lui attribuait par opposition à femina, la femme (radical indo-européen : dheH1, allaiter, enfanter), terme auquel se rattachent des termes comme filius (fils), felicitas (bonheur), ou encore felix (fécond, heureux). Ce terme, vir, est lié au mot virtus (vir-tus), qui signifie, non pas la vertu au sens moderne, mais l'ensemble des qualités qui « font la valeur de l'homme moralement et physiquement » : les mérites, les talents, la vigueur et la bravoure.
Histoire
L'histoire de la virilité est appréhendée par l'histoire culturelle, notamment l'histoire du corps et de ses représentations. Selon Jean-Jacques Courtine, professeur à la Sorbonne, le sentiment de virilité s'est historiquement construit sur trois valeurs, la force physique, puis le courage, l'héroïsme guerrier, la masculinité hégémonique (en) et enfin la puissance sexuelle.
Sens antique : modèle du guerrier
La représentation de la virilité considérée comme vertu morale (discernée avec la notion d’andréas) se combine avec une exaltation de la force physique particulièrement valorisée dans les sociétés militaires : chez les Grecs comme chez les Romains, la virilité est également associée à la maturité, la vigueur, le don de soi jusqu'au sacrifice, la puissance sexuelle, aussi bien sur les femmes considérées par Aristote comme un « mâle imparfait » devant rester cantonné au gynécée, que sur les jeunes hommes : chez Socrate, le rituel initiatique de la sodomie du garçon le fait accéder à la virilité. C'est dans ce contexte de guerrier héroïque que les Spartes distinguent les hommes « vrais » et les « trembleurs » qui ont cédé lors d'un combat et perdu leur virilité. Cet idéal est représenté dans les Arts, au même titre que la féminité. Comme tout idéal inatteignable, il est menacé : dès l'Antiquité apparaît le sentiment d’une crise de la virilité. Homère dans l’Iliade s'inquiète de la « faiblesse » des nouvelles générations, Aristophane décrète « Nous dégénérons », Suétone raconte dans sa Vie des douze Césars que Jules César s'épilait tout le corps à la cire et en particulier le visage. Les barbares, tout en continuant à privilégier la virilité guerrière, refusent le modèle romain de l'adultère pour qui le pater familias pouvait avoir des relations sexuelles avec l’amica (la maîtresse), l’ancilla (la servante) et le minister (domestique) ou le modèle grec dans lequel un homme marié peut demander à son ami qui fait montre de puissance virile de faire un enfant à son épouse. Dans le monde romain, les vies de Régulus et de Mucius Scaevola seront cités comme modèles de vertus viriles.
Sens médiéval et à l'époque moderne : modèle du chevalier et du courtisan
Au Moyen Âge : la virilité s'incarne dans le chevalier à cheval et dans le courtisan. La Renaissance du XII siècle évacue le mythe faisant du chevalier un être brute mais plutôt comme un homme goûtant les manifestations littéraires et l'amour courtois. La domination virile manifeste un peu plus de retenue et s’exprime désormais dans une relation hétérosexuelle plus respectueuse et dans l'élégance du vêtement, tels les Mignons d'Henri III se fardant, se poudrant, portant des perruques, boucles d’oreille ou de grandes fraises. Raillés par le peuple, ces gentilshommes considérés comme efféminés gardent un attribut viril, la braguette rembourrée et colorée et se manifeste par le courage dans les tournois ou les duels. Néanmoins à l'époque moderne, Montaigne manifeste une nouvelle crise du sentiment de virilité : alors que le courtisan viril doit danser avec sa compagne ou se bat avec une épée, le philosophe déplore dans ses Essais le recul de la force « des vaillances et des vigueurs », considérant que ces épées sont des armes de femme. Il privilégie le « sauvage » viril au courtisan efféminé.
Au XVIII siècle : remise en cause
Au siècle des Lumières, les philosophes contestent leurs aînés, la puissance patriarcale virile étant assimilée à celle d'un tyran : la virilité comme domination de l'homme sur l'homme est remise en cause. Cette rupture n'existe pas quant à la domination sexuelle de l'homme sur la femme : la virilité des libertins, comme celle de l'homme du peuple, restent de la prédation sur la femme ou une domination sans retenue au sein du foyer. Les femmes commencent à s'affirmer dans les salons littéraires, bien qu'elles y demeurent une infime minorité.
Au XIX siècle : apogée
La virilité se manifeste dans les professions symbolisant l'ordre et la hiérarchie (soldat, conscrit, policier), chez certains ouvriers (cheminot, sidérurgiste, mineur sont mis en valeur dans la littérature, plutôt que l'employé de bureau ou l'ouvrier du travail à la chaîne chez qui la bureaucratisation ou le machinisme ne réclament plus la force virile), chez le jeune homme allant au collège, pensionnat, séminaire ou se réunissant dans la salle de garde, chez l'homme allant au café, au bordel, à la salle d’armes, la société de chasse, la réunion politique, au fumoir ou dans des clubs privés, ces « lieux de l'entre-soi masculin » selon l'historien André Rauch. La révolution industrielle voit l'homme viril dominer grâce à la technologie le colonisé, la nature, la machine à vapeur remplaçant le cheval des siècles précédents. Le combat viril persiste dans le duel.
Depuis le XX siècle à aujourd'hui : déclin
Les guerres mondiales et le développement du chômage achèvent le mythe de l'homme viril défendant et pourvoyant aux besoins de son foyer. La femme cantonnée au foyer s'émancipe avec le développement des grands magasins ou en s'habillant en garçonne, les homosexuels ou les Juifs sont accusés de la perte de la fierté virile. Bien qu'en déclin, la virilité se manifeste comme un retour du refoulé archaïque dans certaines résurgences (nazisme, fascisme), persiste dans des domaines comme le sport (rugby à XV avec ses « contacts virils », free fight), des simulacres de virilité (simulacre de la force physique : bodybuilding ; simulacre de la séduction : Chippendales ; simulacre de combat : catch ; simulacre de la sexualité : pornographie), le machisme, le sexisme, l'antiféminisme ou dans l'inégalité homme-femme malgré l'obtention du droit de vote ou la contraception.
Bien que le spectre de la dévirilisation rejaillisse parfois, la virilité comme symbole de misogynie et de phallocentrisme disparaît progressivement au profit de la masculinité ou du masculinisme alors que les études de genre se développent.
Représentation
La virilité est transcendée dans les représentations diverses des types masculins (demi-dieux, héros, nobles, etc.) mises en avant par les civilisations ayant contribué historiquement à la formation de l'Occident, alors que la féminité ne faisait pas l'objet d'une telle adulation : la femme et l'image de la femme qui lui est associée représentent des allégories ou d'autres vertus idéales, mais rarement la féminité en elle-même, ou une personnification telle qu'une héroïne.
Traits associés à la virilité
Dans ce contexte, la virilité est associée à la puissance et la robustesse, ce qui tend à identifier les hommes à leurs capacités physiques et aux aptitudes psychologiques qui en découleraient (courage, énergie, etc.), tandis que la féminité est alors conçue comme un ensemble de caractères physiques et physiologiques opposés, associés à des traits psychologiques qui en découleraient : chaque genre étant censé détenir l'une des deux dimensions constitutives de l'être humain.
La virilité, selon les sociétés, est associée à la force et au courage, à la résolution et à la constance, au respect de soi et au sens de l'honneur, etc. On l'attribue généralement aux hommes, quelquefois à certaines femmes, tantôt de manière positive (exemples de Romaines admirées pour leur constance et leur fermeté dans une société où il arrivait que les mères dussent éduquer leurs fils aux vertus militaires), tantôt de manière péjorative (une vir-ago : une femme qui a des qualités d'homme, viriles, morales et physiques - allure, taille ; le sens littéraire n'est pas nécessairement péjoratif, mais le terme signifie habituellement : femme autoritaire, harpie, mégère).
Comme la féminité, la virilité a ses qualités et ses défauts : la vertu étant pour les Anciens un idéal de mesure (cf. Aristote), ou une conformité à un ordre naturel (cf. stoïcisme), les déviances relatives à la virilité étaient dans l'Antiquité perçues de deux manières, suivant qu'il y avait excès ou défaut. La virilité par excès : la violence et l'agressivité inappropriée, le manque de subtilité dans la pensée, la vanité masculine de dominer, d'être le plus fort, etc., l'incapacité de reconnaître ses erreurs, surtout devant une femme, et le refus d'admettre quelque aspect que ce soit de sa personnalité qui pourrait être « faible » (absence de pitié, d'indulgence, dureté inhumaine, etc.). L'excès de virilité rapproche, dans l'esprit des Anciens, l'homme de la brute et de la bête. S'il y a au contraire défaut, l'homme étant alors qualifié d'efféminé ; c'est le cas par exemple chez les Grecs, qui considèrent la virilité comme une plénitude opposée à l’« imperfection » féminine ou à la Renaissance, par exemple les Mignons d'Henri III raillés par le peuple.
Une crise de la masculinité ?
Une crise de la virilité - qui serait la conséquence des progrès de la condition féminine – est régulièrement avancée dans les travaux universitaires et dans les médias.