Assassinat de Wat Tyler par Walworth sous l'œil de Richard II, et le même Richard II s'adressant à la foule en lui mentant au sujet du meurtre. Wat Tyler revendiquait l'abolition du servage lors de la révolte des paysans, en Grande-Bretagne en 1381.
Le servage, du latin servus, « esclave », est défini par la convention relative à l'abolition de l'esclavage des Nations unies comme la « condition de quiconque est tenu par la loi, la coutume ou un accord, de vivre et de travailler sur une terre appartenant à une autre personne et de fournir à cette autre personne, contre rémunération ou gratuitement, certains services déterminés, sans pouvoir changer sa condition ».
Le servage désigne à partir du Moyen Âge la condition des paysans attachés à un manse servile, terre qu'ils cultivent et ne peuvent quitter.
Différence avec l'esclavage
Esclaves et serfs du sixième au douzième siècle : illustrations recueillies par H. de Vielcastel, de documents originaux dispersés dans les grandes bibliothèques européennes.
Le servage (du latin servus = serviteur ou esclave), est une institution caractérisant l'organisation socio-économique du Moyen Âge et qui subsiste en Russie jusqu'au milieu du XIX siècle et au ***** jusqu'en 1959. Sa différence avec l'esclavage provient du statut juridique du serf, il n'est pas assimilé à une chose comme l'était l'esclave, mais il ne dispose pas de la personnalité juridique.
Les serfs sont une classe de travailleurs agricoles. Ils doivent résider et travailler dans un endroit, et cultiver la terre, propriété de leur seigneur, lequel peut être un noble, un dignitaire ecclésiastique ou une institution religieuse comme un monastère. De ce fait, le serf est juridiquement considéré non pas comme une « chose », un « bien meuble », mais comme une « personne », liée par un contrat (une obligation) à une autre personne. Les serfs cultivent les terres de leur seigneur (la « réserve seigneuriale »). En contrepartie, ils sont autorisés à travailler un lopin de terre (leur « tenure ») pour nourrir leur famille et subvenir à leurs besoins.
À partir du XIII siècle, les serfs sont soumis de plus en plus à une taxe arbitraire appelée taille, qui devient annuelle à partir de 1439. Les seigneurs ont le droit de mainmorte, en vertu duquel les serfs ne peuvent pas transmettre leurs biens. En échange, le seigneur protège le serf des brigands et lui doit son assistance alimentaire. Ainsi, le serf n'appartient pas à son seigneur, mais est attaché à la terre (souvent un fief, dont le propriétaire ultime est plus haut dans la chaîne de vassalité), la contrepartie étant qu'il ne peut être chassé de cette terre, puisqu'il ne fait qu'un avec elle ; en outre, il possède des biens, peut exercer une action et témoigner en justice, peut contracter (mariages, contrats de vente) plus ou moins librement (le plus souvent entre serfs).
Sa condition de servage pouvait elle-même faire l'objet d'un contrat. Mais s'il n'est pas nécessairement complètement dénué de droit d'héritage, celui-ci est dans tous les cas fortement limité, en particulier par l'échute : en l'absence d'héritier direct, ses biens reviennent à son seigneur lors de son décès. Ce qui lie le serf à son seigneur se trouve à la base de la pyramide féodale. Cette fidélité, comme tout lien féodal, a une contrepartie : le seigneur lui doit protection.
Le christianisme s'opposait en général à ce que des chrétiens appartiennent à d'autres chrétiens, ce qui n'a pas empêché l'institution du servage d'exister dans les terres dominées par le christianisme. Certains, comme Alcuin, conseiller de Charlemagne à la tête de l'Académie palatine, ou Raban Maur, autre artisan important de la « Renaissance carolingienne », considéraient l'esclavage et le servage comme légitimes ; d'autres, tels l'évêque Jonas d'Orléans ou Agobard de Lyon pensaient qu'on devait traiter un esclave de la même façon qu'un homme libre ; de façon marginale, Smaragde, l'abbé de Saint-Mihiel, réclamait jusqu'à l'abrogation de l'esclavage.
Selon l'historien Paul Allard (1913), le servage, d'origine romaine, aurait coexisté un temps avec l'esclavage, étant lié de très près avec le colonat. Au IV siècle, une loi de Valentinien et Gratien aurait renforcé l'institution du colonat, en interdisant aux propriétaires de vendre des esclaves ruraux sans les terres cultivées par eux.
Contrairement aux serfs, les esclaves sont la propriété privée d'un maître. En effet, les esclaves sont des outils vivants aux yeux des maîtres. Ce ne sont pas des personnes mais des biens meubles, comparables aux animaux domestiques, ils sont traités comme ceux-ci. À la ville et dans les campagnes, dans les ateliers, sur les navires, aux champs, les esclaves féminins ainsi que masculins, exclus du peuple, figuraient parmi les instruments de production. Là où le travail n'était pas imposé par la nécessité, l'esclavage n'existait pas : on tuait les prisonniers de guerre. Les esclaves peuvent être achetés, vendus, négociés ou offerts en cadeau…
L'Église, opposée à l'esclavage et propriétaire de nombreuses terres disposant de serfs, aurait alors accordé à ces derniers, un certain nombre de droits, notamment ceux relatifs à l'héritage et au mariage. À la fin du XIX et au début du XX siècle, un débat opposait toutefois Ernest Renan et Ettore Cicotti (it) d'un côté, et Paul Allard de l'autre, au sujet des serfs de l'Église : les premiers pensaient que les serfs de l'Église obtenaient moins facilement la liberté que les autres, tandis qu'Allard affirmait que le principe d'inaliénabilité, issu du droit canon, pouvait être assoupli, et qu'on ne pouvait déduire du Concile d'Épaone (417) que les esclaves ou les serfs des monastères ne pouvaient être affranchis. Selon P. Allard (1913), le Polyptyque d'Irminon, inventaire de biens rédigé au IX siècle par l'abbé de Saint-Germain-des-Prés, montre une grande variété des statuts de serfs dans l'Église. Mais c'est, selon lui, saint Benoît d'Aniane, moine bénédictin du VIII- IX siècle, qui marque une rupture, en refusant que son monastère, fondé en 807, possède des serfs.
Servage personnel ou servage réel
Servage personnel
Dans le servage personnel, c'est la personne qui a le statut de serf, indépendamment de son activité ou de sa profession. Le serf est attaché à une terre qu'il doit exploiter soit à son propre compte, plus rarement au compte de son seigneur. Il est soumis à l'obligation juridique d'y rester, et doit accepter son nouveau seigneur quand cette terre est léguée ou vendue. Ce statut est héréditaire.
Pour devenir libre, le serf devait acheter sa « franchise », ou alors s'enfuir. En effet, le seigneur avait « droit de suite », lequel l’autorisait à poursuivre celui qui était en fuite de son domaine, et des accords d’« entrecours » par lesquels les seigneurs s’engageaient à se livrer mutuellement les fugitifs. Toutefois, à partir du X siècle, l'Église crée avec le roi et les comtes des terres de refuges ou sauvetés qui permettent ceux qui s'y installent de s'affranchir des effets du droit de suite et les rend ainsi libres, eux et leurs familles. C'est le développement du nombre des sauvetés, des villefranches puis des bastides qui fera disparaître complètement le servage.
Le servage personnel avait entièrement disparu en France avant le XIV siècle.
Servage réel
Dans le servage réel, le servage est un droit réel, ou plutôt une restriction des droits attachés à un domaine foncier, en particulier le droit d'aliéner. Ils se transmettent avec la propriété de celle-ci. Un homme libre qui acquiert une tenure servile devient serf. En plus de certaines servitudes, ce droit réel consistait essentiellement dans le fait de ne pas pouvoir vendre sa terre ou sa maison à un tiers, ni la léguer à son successeur. À la mort du serf, tous ses biens immeubles revenaient au seigneur qui, presque toujours, les concédait à nouveau à ses enfants capables de lui succéder. Le servage réel était plus connu sous l'appellation de mainmorte ou d'aubaine. Les terres non libres, ou de mainmortes, étaient aussi appelées « précaires » et correspondaient au statut de louage qui a été généralisé après la Révolution par le Code civil de 1804. Celui qui était serf à titre réel avait exactement les mêmes droits civils et politiques qu'un homme libre.
Servage et exploitation
Succédant à l'esclavage, le servage, dans l'analyse marxiste, représente l'une des trois formes d'exploitation du travail avec l'esclavage précisément et le salariat. Au niveau général, l'exploitation désigne le fait qu'une personne travaille gratuitement pour une autre. Ce travail gratuit peut prendre des formes simples, comme dans l'esclavage, ou complexes. Au niveau du servage, le serf se voit contraint de travailler gratuitement sur les terres du seigneur et de lui donner en nature une partie de sa récolte. Pour indiquer ce travail gratuit on dit qu'il est soumis à la taille et à la corvée seigneuriale : entretien du château, des douves ou des bois.
Variances et persistance
Les spécificités du servage ont grandement varié à travers les époques et les régions. En certains pays, le servage était mixte, fusionné avec (ou en échange) des corvées ou des taxes. En temps de guerre, il fournissait le plus fort de l'effectif militaire.
Asie
Chine et *****
Plusieurs manuscrits découverts dans les grottes de Mogao à Dunhuang) dans le Gansu concernent l'esclavage ou le servage sous les Tang et au X siècle.
Des observateurs occidentaux comme le journaliste militaire britannique Edmund Candler, qui séjourna dans la capitale tibétaine en 1904, l'alpiniste autrichien Heinrich Harrer qui vécut à Lhassa dans la deuxième moitié des années 1940, Robert W. Ford, un Britannique employé par le gouvernement tibétain comme opérateur radio dans la ville de Chamdo, dans le Kham, à la fin des années 1940, témoignent dans leurs écrits de l'existence d'un système féodal fondé sur le servage dans ce pays. Ce système de servage a été décrit par divers tibétologues, dont l'Américain Melvyn Goldstein ou le Chinois Yuan Sha. Cependant, selon Goldstein, le système politique tibétain du XX siècle ne peut être catégorisé comme étant féodal car le ***** était alors une sorte d'État centralisé. Geoffrey Samuel, spécialiste de l'étude des religions, estime pour sa part que le *****, même au début du XX siècle, n'était pas constitué d’un seul État, mais plutôt de plusieurs districts, et que le système juridique de Lhassa, avec ses droits fiscaux et de propriété terrienne, ne s'est pas étendu à l’ensemble du pays.
Selon le sociologue chinois Rong Ma, avant 1959, la société tibétaine se divisait en deux grands groupes, d'une part les abbés et les nobles, d'autre part les mi-ser, répartis en trois sous-groupes :
les tre-ba, serfs attachés de façon héréditaire au domaine d'un monastère ou d'une famille noble; outre un lopin personnel, ils travaillaient la terre du seigneur (la réserve) gratuitement et fournissaient divers services (corvées) au seigneur ou au gouvernement;
les du-jung, au statut de serfs héréditaires mais qui, moyennant une redevance et la fourniture de corvées à leur seigneur d'origine, pouvaient louer de la terre ou s'embaucher auprès d'un tre-ba;
les nangsan, domestiques attachés de façon héréditaire à un manoir et ayant le statut d'esclaves.
Selon Rong Ma, à la différence des paysans tibétains, les paysans Han étaient juridiquement libres. Même lorsqu'ils étaient très pauvres et avaient à payer un loyer élevé pour la terre qu'ils prenaient en bail au seigneur, même lorsqu'ils vivaient dans des conditions effroyables, il y avait une différence de taille entre ces derniers et leurs homologues tibétains : s'ils ne louaient pas de terre à un seigneur, ils n'étaient pas tenus de payer quoi que ce soit à ce dernier, et ils étaient libres de s'en aller. Aucun paysan Han ne souhaitait s'installer au ***** pour se retrouver serf : il n'en existe aucun exemple dans la littérature. L'absence de migration interne d'agriculteurs Han au ***** explique la grande homogénéité ethnique au *****.
Dans une conversation avec Thomas Laird, le 14 dalaï-lama affirme que, selon des personnes ayant voyagé en Chine et au ***** dans les années 1940, les paysans tibétains étaient bien plus riches que leurs homologues chinois et qu'ils étaient dans une certaine mesure à l'abri de la famine alors que pauvreté et disette étaient monnaie courante en Chine. Il ajoute que les rapports entre serfs et maître en Chine étaient bien pires qu'au ***** car du fait de la lutte des classes après la révolution les serfs étaient animés d'une grande haine contre les seigneurs alors qu'au ***** la majorité des serfs avaient essayé de protéger les propriétaires.
À partir de 1959, après avoir réprimé ce qu'il qualifie de révolte de l'ancienne classe privilégiée de l'ancien *****, le gouvernement communiste déclare avoir mis en place au ***** une série de réformes, notamment l'abolition du servage. Selon l'encyclopédie Larousse en ligne, parmi les réformes sociales et économiques entreprises au ***** ou Xizang à l'instigation de Pékin figure une réforme agraire qui dépossède les grands propriétaires et libère les serfs, encore nombreux sous le régime des lamas.
Une controverse existe sur la terminologie à employer pour définir le statut et les conditions de vie de cette partie de la population. Le débat est devenu un argument politique dans la confrontation entre la République populaire de Chine et le Gouvernement tibétain en exil ainsi qu'un sujet de discussion pour quelques universitaires sur la notion même de servage, au sens occidental, dans le cadre de l'ancien *****. Selon Katia Buffetrille, tibétologue et ethnologue à l'École pratique des hautes études, le terme de « serfs », appliqué aux paysans, est contesté par certains tibétologues, qui préfèrent celui de « gens du commun » ou « sujets ». Katia Buffetrile indique que les paysans étaient « héréditairement liés à la terre » et devaient des taxes essentiellement sous forme de travail dont celui de la terre. Les taxes et corvées concernaient les familles et non pas les individus.
Bhoutan
Au Bhoutan, le roi Jigme Dorji Wangchuck abolit, en 1956, le servage et l'esclavage, décréta l'interdiction de toutes les appellations péjoratives associées aux serfs, réorganisa la propriété terrienne en distribuant les terres des grands propriétaires et des institutions monastiques.
Népal
Dans les zones tibétaines du Népal, les serfs furent émancipés dans les années 1960. Le journaliste Thomas Laird a enquêté sur les anciens serfs du Mustang, région où les seigneurs possédaient les terres, les maisons des serfs et régissaient tous les aspects de la vie de ces derniers.
Europe
France
En France, le servage a fortement diminué avec l'essor économique de la fin du Moyen Âge qui permit aux serfs de racheter leur liberté, l'esclavage de traite ayant disparu au milieu du XI siècle et le servage étant progressivement remplacé par l'ordre des laboratores qui offre librement son travail en échange de garanties assurant des moyens élémentaires d'existence. Un acte d'affranchissement, appelé « lettres de manumission » leur est remis.
Le servage personnel avait disparu après la guerre de Cent Ans, car le manque de main-d'œuvre (la Grande Peste à elle seule a emporté entre 1/4 et 1/3 de la population) a favorisé la concurrence entre nobles et le débauchage des serfs. À cette époque, les nobles du voisinage proposaient aux serfs de racheter leur contrat pour venir s'installer librement sur leurs nombreuses terres en friche, ce qui obligeait le noble local à faire de même pour conserver son personnel. Plus généralement, les autorités ecclésiastiques et royales créaient des sauvetés, des villefranches et accordaient des lettres de franchises à des villes existantes, afin d'attirer et de fixer sur leur territoire toute la population servile ou mécontente de son sort. En Aquitaine, on voit les rois de France et d'Angleterre faire assaut de concurrence en créant une multitude de bastides dotées du plus grand nombre de privilèges et d'exemptions fiscales pour attirer la population.
Par ordonnance du 8 août 1779 Louis XVI abolit le servage (c'est-à-dire la « servitude personnelle et réelle ») sur les domaines royaux de France. Refusant l'abolition sans distinction de la servitude personnelle, il abolit toutefois dans tout le royaume le « droit de suite », et affranchit tous les « main-mortables [les serfs] des domaines du roi », ainsi que les « hommes de corps », les « mortaillables » et les « taillables » [d'où vient l'expression « taillable et corvéable à merci »]. Cette ordonnance avait été favorisée par l'intervention de Voltaire, qui avait plaidé en 1778 la cause des serfs du Mont-Jura et de l'abbaye de Saint-Claude. L'ordonnance de Louis XVI montre qu'« excepté certains cas », les serfs étaient privés du droit d'héritage. Il autorise en outre les titulaires de domaines engagés qui se croiraient « lésés » par cette réforme à remettre au roi les domaines concernés en échange de contreparties financières. Afin de favoriser l'imitation de son acte royal d'affranchissement des serfs dans les domaines royaux, l'ordonnance précise que « considérant bien moins ces affranchissements comme une aliénation, que comme un retour au droit naturel, nous avons exempté ces sortes d'actes [d'affranchissement] des formalités et des taxes auxquelles l'antique sévérité des maximes féodales les avaient assujettis ».
Néanmoins, l'ordonnance ne fut guère appliquée, car il aurait fallu que le roi rachète aux propriétaires supérieurs des terres en mainmorte la valeur patrimoniale de ce droit qui revenait à rendre tous les fermiers des abbayes propriétaires du domaine qu'ils exploitaient.
À la veille de la Révolution, le vrai servage, c'est-à-dire le servage personnel, avait complètement disparu depuis plus de cinq siècles, sauf dans les îles d'Amérique où il existait des esclaves régis par le statut du Code noir. L'abolition des privilèges lors de la célèbre nuit du 4 août 1789 n'a donc eu aucun effet sur l'abolition du servage.
En métropole, le servage qui subsistait était un servage réel qui consistait dans la persistance de terres qui étaient détenues en mainmorte ou en précaires. Autrement dit, leur possesseur ne pouvait pas les aliéner en les vendant ou en les léguant à leurs enfants. Le plus souvent, les biens fonciers, terres ou maisons, étaient détenus en censive, c'est-à-dire comme une propriété héréditaire avec la charge de payer au seigneur une redevance fixe annuelle assez modique et inchangée depuis le XIII siècle. Les terres ou les maisons sous statut servile étaient l'équivalent des censives, sauf qu'elles étaient inaliénables, comme actuellement pour un locataire qui ne peut pas revendre son titre d'occupation ou sous-louer.
Lors de la vente des biens nationaux, c'est l'ancien statut de servage réel, rebaptisé « louage d'ouvrage » puis fermage, qui a été préféré et généralisé en 1801 par le Code civil des Français : l'ancien seigneur ayant été remplacé par un bourgeois propriétaire et l'ancien censitaire par un locataire libre, c'est-à-dire précaire.
Un exemple précis : l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés au IX siècle
Le Polyptyque d'Irminon, inventaire des domaines de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés effectué au IX siècle, aurait compté 600 esclaves selon Bathild Bouniol (1872), et aucun selon Paul Allard (1913). Bouniol affirme que 10 000 personnes, « hommes libres, colons, lides (demi-serfs), serfs et esclaves » y vivaient. Allard compte, quant à lui, et à partir du même document, 120 ménages tenus en servitude sur 2 800 environ.
Selon Bathild Bouniol :
« Les sujets de l'abbaye n'avaient pas à se plaindre de leur condition, relativement heureuse, car comme le dit très bien l'écrivain déjà cité (Gabourg : Histoire de Paris, t. 1) : « Alors que l'Église exerçait sur le pauvre une autorité pleine de mansuétude et disputait le terrain aux envahissements de la force brutale et du sabre, cette grande puissance territoriale attestait, quoiqu'on puisse dire, un incontestable progrès social. L'Église, en effet, assurait seule aux masses un peu de sécurité et de paix ; elle stipulait pour le faible et pour l'opprimé, et ne cessait de transformer l'esclavage en servage, le servage en colonat. »
Pologne et Lituanie
En Pologne-Lituanie, existait le statut de serf-paysan. Ainsi, sur les domaines seigneuriaux, le nombre de jours de servage dans la semaine était limité et variable avec les époques, allant d'un jour ou moins d'un jour à six jours. Le reste du temps, le cultivateur pouvait s'occuper de son lopin personnel. Or, le temps seigneurial eut toujours tendance à s'alourdir : par exemple, si au XIII siècle, ce temps n'était que de quelques jours dans l'année, au XIV siècle d'un jour par semaine, il était de quatre jours par semaine au XVII siècle et de six au XVIII siècle. En principe, le septième jour étant consacré au repos, le serf-paysan ne pouvait plus cultiver son lopin personnel.
En revanche, le nombre de jours de servage ne fut jamais limité sur le domaine royal.
Royaume-Uni
Le Parlement d'Angleterre adopta en 1259 les Provisions de Westminster, qui comprennent les premières dispositions légales relatives à la mainmorte. En 1381, la Révolte des paysans, lors de la guerre de Cent Ans, qui voit les serfs s'emparer de Londres afin de réclamer l'abolition du servage, est écrasée. Celui-ci perdura, et n'a été définitivement aboli en Angleterre en 1574, par Élisabeth I, et en Écosse par George III, à la fin du XVIII siècle.
Saint-Empire romain germanique
Le droit allemand distinguait, le « serf passif » et le « serf réel ». Mais seul, le « serf réel » possédaient des droits sociaux et/ ou politiques à l'instar des hommes libres.
Ainsi, le « serf passif » travaillait sur la réserve d’un seigneur, et était donc obligé de payer, outre les charges au seigneur, un impôt public, la Bede ou le Schatzung ; alors que le « serf réel » ne travaillait pas sur la réserve d’un seigneur, mais exploitait les terres de la ferme sous toute sortes de baux (louage, métayage, fermage, etc.). Le grand juriste allemand Justus Möser (Osnabrück, 1720– 1794) s'est constamment attaché dans ses écrits, non littéraires, à définir, et si possible développer, les capacités politiques et sociales liées à ces deux formes de servage.
Scandinavie
Le servage est étroitement lié au féodalisme et en Scandinavie (Finlande, Norvège et Suède) où le féodalisme ne fut jamais vraiment établi, le servage n'a jamais réellement existé.
Cependant en Suède, une forme de contrat proche du servage a existé entre le XVIII siècle et jusqu'en 1945, le statare.
Russie
Dans l'Empire russe, le servage généralisé, touchant des millions de personnes (les « âmes »), a duré du début du XVII siècle jusqu'en 1861. Lors de son abolition par Alexandre II le 19 février 1861, on estimait à 40 % de la population le nombre de serfs. En 1785, un rapport remis à Catherine II de Russie précise que : « Les effectifs de l’armée russe sont de 500 000 hommes avec 9 % de nobles, 3 % de bourgeois et 50 % de serfs ; le reste de soldats ».
Dates d'émancipation des serfs dans différents pays et régions
XII siècle : Duché de Normandie, Duché de Bretagne
1746 : Valachie : 1746
1749 : Moldavie : 1749
1771 : Savoie : 19 décembre 1771
1779 : France : 8 août 1779 : Louis XVI abolit le servage sur les domaines royaux, (1789)
1781 : Autriche. Première abolition : 1 novembre 1781, (1848)
1781 : Bohême. Première abolition : 1 novembre 1781, (1848)
1783 : Bade : 23 juillet 1783
1788 : Danemark : 20 juin 1788
1789 : France : 3 novembre 1789, (1779)
1798 : Suisse : 4 mai 1798
1804 : Schleswig-Holstein : 19 décembre 1804
1807 : Duché de Varsovie (Pologne) : 22 juillet 1807
1807 : Prusse : 9 octobre 1807 (1811-1823)
1807 : Mecklembourg : octobre 1807, (1820)
1808 : Bavière : 31 août 1808
1812 : Nassau : 1 septembre 1812
1816 : Estonie (Empire russe) : 23 mars 1816
1817 : Courlande (Empire russe) : 25 août 1817
1817 : Wurtemberg : 18 novembre 1817
1819 : Livonie (Empire russe) : 26 mars 1819
1820 : Mecklembourg : Abolition effective en 1820), (1807)
1823 : Prusse : Abolition effective en 1811-1823, (1807)
1831 : Hanovre : 1831
1832 : Saxe : 17 mars 1832
1846 : Tunisie : Le bey Ahmed I abolit l'esclavage le 29 avril 1846
1848 : Hongrie. Première abolition : 11 avril 1848
1848 : Croatie : 8 mai 1848
1848 : Autriche. Deuxième abolition : 7 septembre 1848, (1781)
1848 : Bohême. Deuxième abolition : 1848, (1781)
1853 : Hongrie. Deuxième abolition : 2 mars 1853
1858 : Bulgarie : 1858 : de jure par l’Empire ottoman, (1880)
1861 : Russie : 19 février 1861
1862 : Tonga : 1862
1880 : Bulgarie : de facto en 1880, (1858 de jure)
1918 : Bosnie-Herzégovine : 1918
1923 : Afghanistan : 1923
1956 : Bhoutan : 1956
1959 : Région autonome du ***** : 28 mars 1959
Bibliographie
Freedman (Paul), Bourin (Monique) dir., Forms of Servitude in Northern and Central Europe. Decline, ********** and Expansion, Brepols, 2005.
Dominique Barthélémy, article « serf » dans Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, PUF, 1 édition, 2002, (ISBN 2130530575), p. 1325-1327