Illustration de Cerbère par Gustave Doré dans Divine Comédie de Dante.
Dans la mythologie grecque, Cerbère (en grec ancien Κέρϐερος / Kérberos) est le chien à trois têtes gardant l'entrée des Enfers. Il empêchait ainsi ceux passant le Styx de pouvoir s'enfuir.
On le trouve dans de nombreuses œuvres de la littérature grecque et romaine antique, ainsi que dans l'art et l'architecture, aussi bien moderne qu'ancienne.
Comme pour la plupart des créatures de la mythologie classique, la description et le contexte entourant le Cerbère diffèrent selon les œuvres, la principale différence étant le nombre de têtes, généralement trois, mais aussi cinquante selon Hésiode ou cent chez Horace.
Mythe
Cerbère au pied d'Hadès, le dieu du monde souterrain. Statue romaine en marbre, vers 180 av. J.-C. (Musée archéologique d'Héraklion, Crète).
Cerbère était le fils d'Échidna, au corps de serpent et au visage de femme, et de Typhon. Son frère est Orthos, chien bicéphale chargé de la garde du bétail de Géryon. Il serait également le frère de l'Hydre de Lerne, du lion de Némée et de la Chimère. La description courante de Cerbère dans la mythologie grecque et l'art veulent qu'il ait trois têtes, une crinière de serpents similaire aux cheveux de Méduse et une queue de dragon. Dans la plupart des œuvres, les trois têtes voient et représentent respectivement le passé, le présent et le futur ; d'autres sources suggèrent qu'elles représentent plutôt la naissance, la jeunesse et la vieillesse. Chacune des têtes n'aurait d'appétit que pour la viande vivante et autorise donc les esprits des morts à entrer dans le monde souterrain, mais les empêche d'en sortir. Cerbère fut toujours utilisé comme le fidèle gardien d'Hadès, gardant les portes donnant sur le monde souterrain.
Il était enchaîné à l'entrée des Enfers et terrorisait les morts eux-mêmes qui devaient l'apaiser en lui apportant le gâteau de miel qu'on avait placé dans leur tombe en même temps que l'obole pour Charon déposée dans la bouche. Mais Cerbère était aussi terrible pour les vivants qui essayaient de forcer la porte des Enfers comme Pirithoos et Thésée, qui cherchaient à enlever Perséphone. Psyché qui était venue chercher la boîte à cosmétique de Perséphone sur l'ordre d'Aphrodite l'endormit avec un gâteau trempé dans du vin drogué. Énée fit de même avec un gâteau soporifique préparé par la Sibylle.
Plusieurs héros parviennent à déjouer sa vigilance, voire à le vaincre. Orphée, décidé à sortir des Enfers sa femme Eurydice, morte d’une morsure de vipère, parvient à le charmer en chantant et en jouant de sa lyre. Hercule réussit à le faire dans les douze travaux d'Hercule (voir en dessous).
Les douze travaux d'Hercule
Cerbère à côté d'Hadès, dans une encyclopédie allemande du XIX siècle.
Eurysthée, roi de l'Argolide, donne comme dernière tâche à Hercule la capture de Cerbère vivant. Hercule se rend alors à Éleusis, afin d'être initié aux mystères d'Éleusis, pour pouvoir entrer et sortir du monde souterrain vivant, et s'absoudre au passage pour avoir tué des centaures. Il trouve l'entrée du monde souterrain à Taenarum, et est aidé par Athéna puis Hermès pour traverser respectivement dans un sens et dans l'autre. Il passe Charon avec l'aide de Hestia.
En passant dans le monde souterrain, Hercule libère Thésée, mais la terre tremble lorsqu'il essaye de libérer Pirithoos et il doit donc le laisser sur place. Ils avaient été emprisonnés par Hadès, liés magiquement à un banc pour avoir essayé de kidnapper Perséphone : la magie était si forte que lorsque Hercule libéra Thésée, des morceaux de ses cuisses restèrent sur le banc, ce qui explique pourquoi ses descendants ont les cuisses maigres.
Hercule rencontre enfin Hadès et lui demande la permission d'amener Cerbère à la surface, ce à quoi Hadès consent si Hercule parvient à maîtriser la bête sans arme, ce qu'il réussit ; il écrabouille la bête pour n'en faire qu'un petit chiot et le hisse sur son dos, le traînant hors du monde des Enfers à travers une caverne du Péloponnèse. Il l’amène à Eurysthée, qui en fut si effrayé qu'il demanda à Hercule de le ramener au monde souterrain. De passage à Mycènes, le monstre contamine de sa salive empoisonnée des plantes, que les sorcières utiliseront ensuite pour leurs propriétés maléfiques.
Dans les arts
Figure 730 de Baumeister's Denkmäler des klassichen Alterthums, volume 1. Hercule traîne un Cerbère à deux têtes hors de l'Enfer par une chaîne passée par les mâchoires d'une des têtes.
Héraclès, Cerbère et Eurysthée, hydrie à figures noires, v. 525 av. J.-C., musée du Louvre (E 701).
De nombreuses références à Cerbère se trouvent dans l'art antique grec et romain : dans des sites archéologiques, on trouve des statues et des morceaux de l'architecture inspirés par la mythologie de cette créature.
La description dans l'art ancien de Cerbère ne fait cependant pas autant autorité que celle de la littérature, où les poètes et linguistes de l'ancienne Grèce et de Rome se mirent essentiellement d'accord sur son aspect physique à l'exception notable de la Théogonie d'Hésiode où il compte alors cinquante têtes. Sa représentation dans les arts classiques montre principalement le motif récurrent des serpents, mais diffère sur le nombre des têtes. Une statue dans la Galerie Borghèse à Rome le montre avec trois têtes au côté d'Hadès, tandis qu'une sculpture en bronze montrant les douze travaux d'Hercule montre un Cerbère bicéphale.
Les critiques classiques ont identifié l'une des œuvres sur Cerbère comme la « plus imaginative », celle-ci étant un vase de Laconie fabriqué vers -560, dans lequel Cerbère est montré avec trois têtes et des rangées de serpents couvrant son corps et ses têtes.
Interprétations
Il y a eu de nombreuses tentatives visant à expliquer la description de Cerbère. Parmi elles, le philosophe grec Héraclite proposa la suivante : Cerbère était en fait un chien normal, bien que massif, qui avait deux chiots jamais bien loin de leur père, et les artistes auraient inclus ces deux chiots dans leurs travaux de sorte à ce qu'ils soient en fait des têtes supplémentaires. Les historiens classiques ont rejeté cette thèse comme étant une fable.