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词典释义:
rationalisme
时间: 2024-03-06 10:37:10
[rasjɔnalism]

n.m.【哲学】唯理主义, 理性主义

词典释义
n.m.
【哲学】唯理主义, 理性主义
近义、反义、派生词
反义词:
empirisme,  mystification
联想词
matérialisme 唯物主义,唯物论; idéalisme 唯心主义,唯心论; libéralisme 自由主张; modernisme 现代性; pragmatisme 实用主义; humanisme 人道主义; individualisme 个人主义; rationalité 理性; conservatisme 保守主义,守旧; classicisme 古典主义; marxisme 马克思主义;
短语搭配

Le rationalisme croit la rationalité du monde.理性主义相信社会的合理性。

原声例句

Il faut pas oublier que la France est le pays du philosophe René Descartes, le père du rationalisme.

不应该忘记法国是哲学家以及理性主义之父,René Descartes的祖国。

[innerFrench]

Vous avez peut-être entendu parler d'un des pères du rationalisme moderne, René Descartes, et si oui vous savez sûrement qu'il était français.

[我的频道]

Le projet critique est sans solution, sans remède, sinon celui d'ajouter au mal, de poursuivre jusqu'à la débilité le travail de répétition, de trame, de rationalisme.

[Un podcast, une œuvre]

例句库

Il s'agit fondamentalement d'une question de volonté politique et de rationalisme éclairé, et de la décision d'agir avec des intérêts compatibles et une compassion commune.

从根本上就是一个关于政治意愿、公认的理性和基于一致的利益和共享的同情而行动的承诺问题。

Il se développe en France sous la Restauration et la monarchie de Juillet, par réaction contre la régularité classique jugée trop rigide et le rationalisme philosophique des siècles antérieurs.

它生长于1830年间法国复辟和七月王朝期间,反对前几个世纪过于僵化的经典主义规则和理性主义哲学。

Alors que la mondialisation progresse et que le rationalisme fondé sur l'économie prévaut, nous devrions accorder une attention particulière à la tâche de sensibilisation à la diversité culturelle, privilégier la nature particulière des divers pays et régions et préserver le patrimoine culturel et historique.

随着全球化的进展和侧重经济的理性主义占上风,我们应特别注意提高对文化多样性的认识这一任务,呵护各国和各地区的特殊性,并保存历史和文化遗产。

C'est pourquoi la culture que la Tunisie ambitionne pour promouvoir la construction renouvelée de la modernité est une culture qui prend ses racines dans son patrimoine civilisationnel authentique et particulièrement dans le legs de l'Ijtihad éclairé et du rationalisme arabo-islamique, tout en étant ouvert sur l'humain en général.

突尼斯说,文化多样性,以及能促进相互学习和相互丰富的表达人类属性的多种途径,决不能成为发展一种基于进步、和平与人类团结一致的价值观的障碍。

法语百科

Le rationalisme est la doctrine qui pose la raison discursive comme seule source possible de toute connaissance réelle. Autrement dit, le réel ne serait connaissable qu'en vertu d'une explication par la raison déterminante, suffisante et nécessaire. Ainsi, le rationalisme s'entend de toute doctrine qui attribue à la seule raison humaine la capacité de connaître et d'établir la vérité.

Dans son acception classique, il s'agit de postuler que le raisonnement consiste à déterminer que certains effets résultent de certaines causes, uniquement à partir de principes logiques ; à la manière dont les théorèmes mathématiques résultent des hypothèses admises au départ. De plus, et en particulier, les principes logiques eux-mêmes utilisés dans le raisonnement ont été connus par déduction.

Précisions terminologiques

On trouve couramment et identiquement les expressions de « rationalisme moderne » ou de « rationalisme classique » pour désigner le rationalisme tel qu’il se formule de Descartes à Leibniz, correspondant à peu près à ce que l’on peut appeler depuis Kant le « rationalisme dogmatique » :

Le rationalisme est dogmatique, lorsque la raison, considérée comme seule source déterminante de la connaissance, et par ses seuls principes a priori, prétend atteindre la vérité, particulièrement dans le domaine métaphysique.

L'expression « rationalisme moderne » vise à le situer dans l’histoire de la pensée conformément à la terminologie d’usage (la période moderne commençant au XVI siècle, après la période du Moyen Âge) et le distinguant du statut de la raison dans la philosophie antique, tel qu’on le trouve chez Platon et Aristote par exemple.

L'expression « rationalisme classique » vise à le distinguer d’un rationalisme élargi et renouvelé, « modernisé », par la critique kantienne et l’apport des sciences expérimentales : « rationalisme critique » pour Kant et Karl Popper, « rationalisme appliqué » chez Gaston Bachelard…

On trouve également l’expression « rationalisme continental » pour le distinguer et l’opposer à l’empirisme anglo-saxon (Hobbes, Locke, Hume, etc.).

Nous suivrons ici une terminologie distinguant un rationalisme moderne (de Descartes à Leibniz), d’un rationalisme critique pour désigner généralement le rationalisme kantien et post-kantien, indépendamment des nuances, parfois sensibles, dont il se compose.

Le mot de rationalisme fut également utilisé avant la Renaissance, et pendant le Moyen Âge : il s'agissait alors de rationalisme en théologie.

Le rationalisme moderne

L’attitude intellectuelle visant à placer la raison et les procédures rationnelles comme sources de la connaissance remonte à la Grèce antique, lorsque sous le nom de logos (qui signifie à l'origine discours), elle se détache de la pensée mythique et, à partir des sciences, donne naissance à la philosophie.

Platon ne voit dans la sensibilité qu’une pseudo connaissance ne donnant accès qu’à la réalité sensible, matérielle et changeante du monde. Se fier à l’expérience sensible, c’est être comme des prisonniers enfermés dans une caverne qui prennent les ombres qui défilent sur la paroi faiblement éclairée, pour la réalité même. « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre », fait-il graver au fronton de son école : l’exercice des mathématiques nous apprend à nous détacher de nos sens et à exercer notre seule raison, préalable nécessaire à la dialectique philosophique. La connaissance du réel est connaissance des Idées ou essences, réalités intelligibles et immuables, et cette connaissance est rationnelle. Il y a en ce sens un rationalisme platonicien.

Aristote, au contraire, appuie sa philosophie sur l'observation concrète de la nature (physis), et pose les bases:

de la logique formelle, dans son Organon (nous l'appellerions aujourd'hui logique générale),

de ce que l'on appela par la suite la métaphysique (au-delà de la physis, c'est-à-dire au-delà de la nature),

de l'éthique (éthique à Nicomaque).

Mais ce n’est pas l’usage de la raison, ni sa revendication, qui suffit à définir le rationalisme comme doctrine. Celle-ci se constitue et se systématise à la fin de la Renaissance, dans les conditions spécifiques de la redécouverte de l’héritage antique, et de la mathématisation de la physique.

Le rationalisme moderne repose sur le postulat métaphysique selon lequel les principes qui sous-tendent la réalité sont identiques aux lois de la raison elle-même. Ainsi en est-il du principe de raison déterminante (ou de raison suffisante) que Leibniz, dans les Essais de théodicée (1710), formule de la manière suivante :

« C’est que jamais rien n’arrive, sans qu’il y ait une cause ou du moins une raison déterminante, c’est-à-dire quelque chose qui puisse servir à rendre raison a priori, pourquoi cela est existant plutôt que non existant, et pourquoi cela est ainsi plutôt que de toute autre façon. »

S’il n’est rien qui ne soit ni n’arrive sans cause, il n’est rien dès lors qui ne soit, en droit, intelligible et explicable par la raison. Dans le cadre de l’onto-théologie, cette identité de la pensée et de l’être trouve sa justification ultime en Dieu, créateur du monde et de ses lois d’une part, de la raison humaine et de ses principes d’autre part. Ce en quoi le rationalisme ainsi compris s'accomplit pleinement dans l'idéalisme philosophique, auquel Hegel donnera sa forme la plus systématique, dans la formule : « ce qui est rationnel est effectif, et ce qui est effectif est rationnel » (Préface des Principes de la philosophie du droit).

Il en résulte que la raison, contenant des principes universels et des idées a priori exprimant des vérités éternelles, est immuable et identique en chaque homme. C’est en ce sens que Descartes, dans le Discours de la méthode, écrit : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée », précisant que « la puissance de bien juger et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes. »

Du point de vue de l’origine de nos connaissances, le rationalisme est traditionnellement opposé à l’empirisme, à l’irrationalisme, et à la révélation :

Rationalisme et empirisme

Selon l’empirisme, l’expérience est la source de toutes nos connaissances. Comme l'explique John Locke dans l’Essai sur l’entendement humain de 1690 :

« Supposons que l’esprit soit, comme on dit, du papier blanc (tabula rasa), vierge de tout caractère, sans aucune idée. Comment se fait-il qu’il en soit pourvu ? D’où tire-t-il cet immense fonds que l’imagination affairée et limitée de l’homme dessine en lui avec une variété presque infinie ? D’où puise-t-il ce matériau de la raison et de la connaissance ? Je répondrai d’un seul mot : de l’expérience ; en elle, toute notre connaissance se fonde et trouve en dernière instance sa source. »

Cette expérience, c’est celle de nos sens externes, qui nous permet par exemple de former l’idée de couleur, mais aussi celle de notre pensée en acte, par laquelle nous sommes capables de former l’idée de pensée, ou de raisonnement.

Une telle position conduit à une dévalorisation de la raison : une idée n’est, aux yeux de David Hume, qu’une « copie d’une impression analogue », de sorte que « tout ce pouvoir créateur de l’esprit n’est rien de plus que la faculté de combiner, transposer, diminuer les matériaux que nous fournissent les sens et l’expérience » (Enquête sur l’entendement humain, 1748), combinaisons qu’il opère selon des relations de ressemblance ou de contiguïté. Du point de vue de l’empirisme donc, « il n’est rien dans l’intellect qui n’ait été d’abord dans la sensibilité », ce à quoi Leibniz rétorquera « sauf l’intellect lui-même ».

Le rationalisme postule, en effet, l’existence en la raison de principes logiques universels (principe du tiers exclu, principe de raison suffisante) et d’idées a priori, c’est-à-dire indépendantes de l’expérience et précédant toute expérience. Ainsi Descartes admet-il l'existence d'idées a priori et innées telles que l'idée d'infini, de temps, de nombre, ou l'idée même de Dieu qui est « comme la marque de l’ouvrier sur son ouvrage », idées simples et premières, sans lesquelles l’expérience sensible nous resterait inintelligible : « je considère qu’il y a en nous certaines notions primitives, qui sont comme des originaux, sur le patron desquels nous formons toutes nos autres connaissances » (Lettre à Elisabeth du 21 mai 1643).

Aux yeux du rationalisme, en effet, l’expérience sensible ne saurait donner de connaissance véritable. Platon déjà en dénonçait le caractère fluctuant et relatif, qui ne nous montre qu’un jeu d’ombres inconsistant, et Descartes, dans la première Méditation métaphysique, le caractère trompeur :

« Tout ce que j’ai reçu jusqu’à présent pour le plus vrai et assuré, je l’ai appris des sens ou par les sens : or j’ai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs, et il est de la prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés. »

Le rationalisme, cependant, nous le verrons plus bas sous sa forme critique, ne répudie pas l’expérience sensible mais la soumet à des formes a priori qui la rendent possible et en organisent le donné.

Rationalisme et irrationalisme

Il faut entendre ici par irrationalisme la référence à toute expérience ou toute faculté autre que la raison et n’obéissant pas à ses lois, supposée donner une connaissance plus profonde et plus authentique des phénomènes et des êtres, et laissant place à une frange d’ineffable, de mystère, ou d’inexplicable. Le rationalisme s’oppose en ce sens au mysticisme, à la magie, à l’occultisme, au sentimentalisme, au paranormal ou encore à la superstition. Seuls font autorité les processus rationnels : évidence intellectuelle, démonstration, raisonnement. C’est au sentimentalisme romantique que s’en prend Hegel dans la préface à la Phénoménologie de l'esprit, lorsqu’il évoque cette prétendue philosophie qui « par l’absence de concept se donne pour une pensée intuitive et poétique, jette sur le marché des combinaisons fantaisistes, d’une fantaisie seulement désorganisée par la pensée – fantastiqueries qui ne sont ni chair, ni poisson, ni poésie, ni philosophie ». Celui qui prétend toucher la vérité dans l’expérience ineffable du sentiment intime se condamne au silence et à la solitude de l’incommunicabilité ; « en d’autres termes, il foule aux pieds la racine de l’humanité ».

Rationalisme et révélation

D’un point de vue théologique, le rationalisme met en avant la lumière naturelle de la raison par opposition à la connaissance révélée que constitue la foi. Contre le fidéisme, il demande que les articles de la foi et les Écritures elles-mêmes soient soumis à l’examen rationnel.

Spinoza, dans le Traité théologico-politique, développe une lecture critique de l’Ancien Testament. Descartes, dans la préface « aux Doyens et docteurs de la faculté de théologie de Paris » qui précède les Méditations métaphysiques, affirme que « tout ce qui se peut savoir de Dieu peut être montré par des raisons qu’il n’est pas besoin de chercher ailleurs que dans nous-mêmes, et que notre esprit seul est capable de nous fournir ». Selon lui en effet, parallèlement à la théologie révélée, la seule raison nous permet de démontrer l'existence de Dieu par l'argument ontologique, de sorte que l’existence de Dieu découle nécessairement de son essence, comme il découle nécessairement de l’essence du triangle que la somme de ses angles égale deux angles droits.

Ainsi, pour Descartes, la recherche de la vérité peut se faire par la raison seule, sans la lumière de la foi (les Principes de la philosophie). Le cogito ergo sum postule que l'homme est une substance intelligente qui peut accéder à la vérité.

Le rationalisme critique

Le rationalisme critique, issu de l’entreprise kantienne, peut se caractériser par trois traits :

Le renoncement à ses prétentions dogmatiques et métaphysiques.

L’intégration de l’expérience au sein d’une dialectique expérimentale.

La reconnaissance par la raison elle-même de ses limites et de son historicité.

La synthèse kantienne

Le développement de la physique expérimentale moderne, à la fin de la Renaissance, avec les figures majeures de Galilée, Torricelli, et Newton, va peu à peu conduire à une révision du statut de la raison dans ses relations avec l’expérience. « Hypotheses non fingo », « je ne forge pas d’hypothèses », déclare Newton : la science de la nature réclame l’observation des faits, et ne peut découler de seuls principes a priori. Kant, très attentif à cette question, en prend acte dans la Critique de la raison pure. Il y distingue trois facultés :

La sensibilité ou faculté des intuitions empiriques, par laquelle quelque chose nous est donné.

L’entendement ou faculté des concepts. Les catégories pures de l’entendement sont les règles qui nous permettent d’organiser a priori l’expérience, par exemple la relation de causalité.

« Aucune de ces deux propriétés n’est préférable à l’autre. Sans la sensibilité, nul objet ne nous serait donné et sans l’entendement nul ne serait pensé (…) De leur union seule peut sortir la connaissance. »

Connaître, c’est donc appliquer des concepts à des intuitions, de telle sorte que « des pensées sans contenu sont vides, des intuitions sans concepts, aveugles ».

La raison ou faculté des Idées. Une Idée ne pouvant correspondre à aucun objet donné dans l’expérience (Dieu, l’immortalité de l’âme, la liberté), de tels objets suprasensibles ne peuvent donc être objets de connaissance au sens défini plus haut.

On peut par conséquent estimer que Kant opère la synthèse entre l’empirisme et le rationalisme, en donnant droit à l’un comme à l’autre. Mais cette synthèse s’opère en réalité dans le sens d’un rationalisme critique :

« Que toute notre connaissance commence avec l’expérience, cela ne soulève aucun doute (…) Mais si toute notre connaissance débute avec l’expérience, cela ne prouve pas qu’elle dérive toute de l’expérience. »

Le donné empirique en effet, donné certes irréductible à la raison, ne peut être organisé et donner lieu à une connaissance qu’à travers les formes a priori de notre esprit :

formes a priori de la sensibilité elle-même, que sont l’espace et le temps,

catégories pures de l’entendement qui constituent pour ainsi dire la structure logique inhérente à notre esprit, structure dans laquelle nous mettons en forme les données issues de la sensibilité pour en opérer la synthèse, et dont dérivent toutes les fonctions logiques de nos jugements. (Pour le tableau complet des catégories, voir l’article Critique de la raison pure)

Si bien que la réalité en soi nous reste à jamais inconnaissable : nous n’avons accès qu’à une réalité phénoménale.

Si donc Kant se détourne du postulat cartésien des idées simples et innées constitutives d’une connaissance pure indépendante de l’expérience (dogmatisme), c’est pour leur substituer les catégories pures de l’entendement qui sont la condition de possibilité de toute expérience possible.

L’abandon des prétentions métaphysiques

En conséquence de la critique kantienne, prétendre connaître des objets suprasensibles relève d’un usage illégitime de la raison. Ainsi se trouvent invalidées les tentatives de démonstration rationnelle de l’existence de Dieu : contre l’argument ontologique de Saint Anselme et de Descartes, Kant explique que du simple concept de Dieu, on ne peut en déduire analytiquement l’existence. « J’ai donc dû supprimer le savoir pour lui substituer la croyance. »

C’en est fini des prétentions métaphysiques et du dogmatisme de la raison. Dans les années 1830, Auguste Comte, en son Cours de philosophie positive, décrit en ces termes l’état positif, ou scientifique, auquel est enfin parvenue l’intelligence :

« Enfin, dans l’état positif, l’esprit humain, reconnaissant l’impossibilité d’obtenir des notions absolues, renonce à chercher l’origine et la destination de l’univers, et à connaître les causes intimes des phénomènes, pour s’attacher uniquement à découvrir, par l’usage bien combiné du raisonnement et de l’observation, leurs lois effectives, c’est-à-dire leurs relations invariables de succession et de similitude. »

Il s’agit désormais de comprendre comment un phénomène se produit. Les faits observables sont liés par des lois qui en expriment seulement les relations constantes.

C’est dans cette perspective qu’en 1964, E. Kahane, dans son Dictionnaire rationaliste, peut le définir de la manière suivante : « Le rationalisme comporte explicitement l'hostilité à toute métaphysique, le refus de tout inconnaissable a priori, et l'exclusion de tout autre mode allégué de connaissance, tel que la révélation, l'intuition réduite à elle seule, etc. »

La dialectique expérimentale

Loin d’exclure l’expérience, le rationalisme kantien en fait l’une des deux sources de nos connaissances et réconcilie en ce sens rationalisme et empirisme. Mais il convient de préciser ce que l’on entend dès lors par « expérience » :

Elle ne saurait consister, comme le croirait un empirisme naïf, en un fait brut, en une vérité du réel se donnant à nous dans l’évidence du constat immédiat. Sans la médiation de la raison en effet, l’expérience resterait muette et ne saurait rien nous enseigner. Les faits ne parlent pas d’eux-mêmes. Kant – il faut encore ici l’évoquer – y insiste longuement dans la Critique de la Raison Pure :

« [Les physiciens] comprirent que la raison ne voit que ce qu’elle produit elle-même d’après ses propres plans et qu’elle doit prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements, suivant des lois immuables, qu’elle doit obliger la nature à répondre à ses questions et ne pas se laisser conduire pour ainsi dire en laisse par elle ; car autrement, faites au hasard et sans aucun plan tracé d’avance, nos observations ne se rattacheraient point à une loi nécessaire, chose que la raison demande et dont elle a besoin. Il faut donc que la raison se présente à la nature tenant, d’une main, ses principes qui seuls peuvent donner aux phénomènes concordants entre eux l’autorité de lois, et de l’autre, l’expérimentation qu’elle a imaginée d’après ces principes, pour être instruite par elle, il est vrai, mais non pas comme un écolier qui se laisse dire tout ce qui plaît au maître, mais, au contraire, comme un juge en fonctions qui force les témoins à répondre aux questions qu’il leur pose. »

Ainsi, si vous forcez ou dressez un tigre à sauter au travers d'anneaux enflammés, vous pourrez en conclure tranquillement : « Le tigre est un animal qui saute au travers d'anneaux enflammés. »

Ce qui nous est ainsi schématiquement tracé, c’est la démarche de la science expérimentale telle qu’elle se dessine depuis Galilée :

Observation rigoureuse d’un phénomène que l’on cherche à expliquer

Formulation d’une hypothèse, qui est un énoncé que l’on peut soumettre à un test

Expérimentation, par l’élaboration d’un montage permettant d’éprouver la validité de l’hypothèse.

De la même façon qu’un « homme d’expérience » est non seulement un homme qui a vécu, mais un homme qui a su réfléchir à ce vécu pour en tirer des leçons, l’expérience pour le savant n’a de sens qu’en fonction de problèmes qu’il cherche à résoudre, et d’hypothèses rationnelles qu’il élabore à cette fin. Gaston Bachelard, dans Le nouvel esprit scientifique, l’explique en ces termes :

« (…) une expérience ne peut être une expérience bien faite que si elle est complète, ce qui n’arrive que pour l’expérience précédée d’un projet bien étudié à partir d’une théorie achevée (…) Les enseignements de la réalité ne valent qu’autant qu’ils suggèrent des réalisations rationnelles. »

Le dispositif expérimental, effectué en laboratoire, est rationnellement planifié et construit par le chercheur, en fonction des hypothèses qu’il veut tester. Il nécessite un appareillage complexe, qui est lui-même le résultat d’un effort théorique antérieur. Comme le précise Bachelard (op. cité) :

« (…) il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan des instruments. Or les instruments ne sont que des théories matérialisées. Il en sort des phénomènes qui portent de toutes parts la marque théorique. »

D’où l’expression, par ce même philosophe, de « rationalisme appliqué». L’expérience en laboratoire n’est donc pas le réel à l’état brut, mais un réel reconstruit et sélectif, dans lequel la vérité s’élabore à travers un ensemble d’opérations et de procédures rationnelles qui corrigent notre approche naïve et spontanée. « Rien n’est donné, tout est construit. » Se dessine en ce sens une dialectique expérimentale, un dialogue et une collaboration entre l’expérience et la raison, ouvrant la voie, selon l’expression de Bachelard, à une « épistémologie non cartésienne ».

Historicité de la raison

Avec la Phénoménologie de l'esprit, Hegel mettait en avant l’historicité d’une raison qui développe ses formes à travers l’histoire du monde. Comme le fait observer Gilles Gaston Granger, « la grande découverte hégélienne, c’est le caractère historique de la raison », et cette prise de conscience de l’historicité détermine le rationalisme contemporain. À une conception fixiste de la raison, telle qu’elle apparaît encore dans les catégories de l’entendement dont Kant entendait dresser une fois pour toutes le tableau complet, s’oppose désormais une conception dynamique de la raison, toujours liée au contexte historique et épistémologique dans lequel elle se déploie.

Bachelard, en introduisant dans La formation de l’esprit scientifique (1938) la notion d’obstacle épistémologique, veut montrer une pensée rationnelle en prise à des « crises de croissance » :

« C’est dans l’acte même de connaître, intimement, qu’apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. C’est là que nous montrerons des causes de stagnation et même de régression, c’est là que nous décèlerons des causes d’inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques. »

Les conquêtes progressives du rationalisme se font dès lors contre la raison elle-même, de sorte qu’« en revenant sur un passé d’erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel. » Passé d’erreurs : généralisation hâtive de la connaissance, habitudes verbales, pragmatisme, substantialisation, réalisme naïf qui sont autant d’obstacles que la science dresse face à elle-même. « Préciser, rectifier, diversifier, ce sont là des types de pensées dynamiques qui s’évadent de la certitude et de l’unité et qui trouvent dans les systèmes homogènes plus d’obstacles que d’impulsions. » L’esprit rationnel, dans le cadre des sciences, doit être un esprit critique toujours en alerte devant ses propres facteurs d’inertie, toujours prompt à remettre en question ses propres conquêtes. « Reste ensuite la tâche la plus difficile : mettre la culture scientifique en état de mobilisation permanente, remplacer le savoir fermé et statique par une connaissance ouverte et dynamique, dialectiser toutes les variables expérimentales, donner enfin à la raison des raisons d’évoluer. »

Dans un même ordre d’idées, Karl Popper, dans La logique de la découverte scientifique, tente de montrer que le caractère d’une théorie scientifique tient à sa réfutabilité. On ne peut en effet, à partir d’expériences singulières, aussi nombreuses soient-elles, conclure à l’universalité d’une loi. Mais on peut la tester : il suffit de montrer une seule observation contraire à un énoncé universel pour être certain que cet énoncé est faux. Le vrai n’est donc pas la simple réciproque du faux, de sorte qu’on ne peut vérifier une hypothèse, mais seulement essayer de l'infirmer. Une théorie ne sera dès lors tenue pour vraie qu’autant qu’elle résistera aux tests expérimentaux pour la mettre en échec. C’est dire par conséquent que la science progresse par réfutations et expérimentation : rien n’est définitif, la vérité est toujours provisoire.

La raison n’est plus conçue comme un système clos et rigide de principes déterminés a priori, mais bien comme une réalité plastique et dynamique, comme un processus constructif, dont témoigne l’histoire même de la connaissance. Ce que l’on considère comme étant une explication rationnelle dépend donc étroitement du contexte historique dans lequel elle est formulée, de l’état des connaissances, et de l’évolution des techniques d’observation et d’expérimentation. Le concept de probabilité, par exemple, introduit dans les modèles complexes de la science des particules, ou celui de modèle local, ne pouvaient intervenir à titre d’explication rationnelle dans le cadre de la physique galiléenne ou newtonienne. Comme le précise Gilles Gaston Granger : « Ainsi la science progresse-t-elle par dépassements successifs des formes périmées de la raison (…) L’irrationalité véritable apparaît donc plutôt comme une régression vers des formes anachroniques de l’explication. »

Tel se veut le rationalisme critique, élargi : un rationalisme débarrassé de ses préjugés métaphysiques, intimement mêlé au développement des sciences, qui se construit par dépassement de ses propres formes historiques, et issu d’une conception dynamique de la raison.

Point de vue chrétien

Encyclique Fides et ratio de Jean-Paul II du 14 septembre 1998, sur les rapports entre la Foi et la Raison.

Le syllabus de Pie IX condamnait certains aspects du rationalisme, lorsque trop radical.

Point de vue artistique

Il existe un courant architectural rationaliste (voir Architecture rationaliste).

Bibliographie

René Descartes, Discours de la Méthode, 1637.

René Descartes, Méditations sur la philosophie première, 1641.

Baruch Spinoza, Traité théologico-politique, 1670.

Gottfried Wilhelm Leibniz, Nouveaux Essais sur l'entendement humain, 1705.

Emmanuel Kant, Critique de la Raison pure, 1781, seconde édition 1787.

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, La Phénoménologie de l'Esprit, 1807.

Auguste Comte, Cours de philosophie positive, 1830-1842.

Gaston Bachelard, Le nouvel esprit scientifique, 1934.

Gaston Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, 1938.

Karl Popper, La Logique de la découverte scientifique, 1934, ed. française Payot,

中文百科

理性主义、欧洲理性主义(Rationalism)是创建在承认人的理性可以作为知识来源的理论基础上的一种哲学方法,高于并独立于感官感知。理性主义(不列颠群岛理性主义)最早的发源地是在英国(不列颠群岛),一般认为是随着发源于英国的启蒙运动以法国为重镇在欧陆(欧洲大陆)发展,然后在包含法国在内的欧洲大陆各地继续发扬光大,最后在笛卡儿的思想出现以后而产生的一套理论,17-18世纪间主要在欧洲各地例如在欧洲大陆以及冰岛和爱尔兰跟英国(苏格兰和英格兰还有威尔斯等英伦三岛的地区也就是不列颠群岛的地区)得以传播。同时代相对的另一种哲学方法经验主义被称为欧洲大陆经验主义(欧陆经验主义),它认为人类的想法来源于经验,所以知识可能除了数学以外主要来源于经验。这里主要关注的是人类的知识来源以及证实我们所知的一种手段。

理性指能够识别、判断、评估实践理由以及使人的行为符合特定目的等方面的智能。理性通过论点与具有说服力的论据发现真理,通过符合逻辑的推理而非依靠表象而获得结论,意见和行动的理由。

理性主义及经验主义并非由当时的哲学家,而是后人作出了区分。事实上,有时两者之间的区分并不像人们所说的那幺显着。三位主要的理性主义者都认同经验科学的重要性,并且他们在研究方法及形而上学的理论上更接近笛卡儿而不是斯宾诺莎(Baruch Spinoza)和莱布尼兹(Gottfried Leibnitz)。尽管这种区分在着书立作时很有必要,他们在哲学本身来说不是非常有用。

典型的理性主义者认为,人类首先本能地掌握一些基本原则,如几何法则,随后可以依据这些推理出其余知识。最典型的持这种观点的是斯宾诺莎及莱布尼兹,在他们试图解决由笛卡儿提出的认知及形而上学问题的过程中,他们使理性主义的基本方法得以发展。斯宾诺莎及莱布尼兹都认为原则上所有知识(包括科学知识)可以通过单纯的推理得到,另一方面他们也承认现实中除了数学之外人类不能做到单纯用推理得到别的知识。

笛卡儿的理论相对来说更接近柏拉图,他认为只有一些永恒真理(包括数学以及科学的认知及形而上学基础)可以单纯靠推理得到,其余的知识需要借助生活经验以及必要的科学手段。更准确地说笛卡儿是一位重视形而上学的理性主义者,是一位重视科学的经验主义者。

康德开始时是一位理性主义者,但是经过休谟(David Hume)的“将他从沉睡中唤醒”的著作(《人类理解研究》)的熏陶,他成了理性主义者以及经验主义者的综合体。

现在理性主义表达一种人类行为应该由理性所支配的观点(这种观点被欧洲所有的理性主义者以及所有的经验主义者所认同)。

泰勒斯

哲学在本质上是理性的学问。古希腊第一位哲学家泰勒斯首创理性主义精神,推导出过许多几何定理,借助经验观察和理性思维来解释世界。他宣布的“水是万物的始基”即是一个理性判断,但他对万物始基的探索却仍然在理性和感性之间徘徊。

苏格拉底

苏格拉底(Socrates)坚定相信任何人都不能认识世界,他们第一个需要认识自己。并且唯一的模式是用理性。苏格拉底没写他的任何想法,但是他在与其他人的讨论过程中,通常先问一问题,与其讨论者则给一个答案。苏格拉底于是继续问问题,直到全部冲突被解决,或者直到讨论者承认他不知道答案(他的大多数讨论以此结束)。苏格拉底没声称知道答案,但是关键地并且合理地接近问题的能力并不因此而隐没。

对理性主义的批判

唯理主义是哈耶克(Frederich von Hayek)经常使用的概念,主要用以指代过分强调理性的经济学等社会科学流派。哈耶克作为奥地利学派的一员,秉承了苏格兰启蒙运动对理性的认识,认为在一定历史时期下的理性是有限度的,对于基于自生自发秩序长时间进化生成的各种结构人类难以替代自生秩序来总体设计和规划生活。如果片面强调人的理性,而忽视实际,必然导向听起来美妙,却不可实行的乌托邦。认为人可以获知如总需求的具体数值,计算出精确的社会总供给,从而编制生产计划,废除市场、实行计划经济,就是一个典型的唯理主义结论。哈耶克认为,以计划经济、政府干预为代表的社会主义思潮唯理主义者诱发下的理性过度膨胀的必然结果,对于理性主义的膨胀哈耶克称之为“致命的自负”。双方曾在二十世纪初进行多次论战。波普尔则是批判理性主义的创始人,主张对理性应该采取批判的态度,认为普遍有效的科学理论并不来自经验归纳,科学理论是通过不断的证伪、否定、批判而向前发展的。

法法词典

rationalisme nom commun - masculin ( rationalismes )

  • 1. philosophie attitude de pensée qui prône l'usage de la raison dans l'activité de connaissance

    le rationalisme et l'empirisme

  • 2. confiance exclusive en la raison [Remarque d'usage: parfois péjoratif]

    les tenants d'un rationalisme étroit

  • 3. philosophie doctrine selon laquelle la totalité de ce qui existe a sa raison d'être et fait partie du monde intelligible

    le rationalisme matérialiste

  • 4. courant architectural du premier tiers du XXe siècle fondé notamment sur une construction dépouillée d'ornements et libérée du passé académique

    les volumes purs et les grandes surfaces vitrées emblématiques du rationalisme

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