La marée est la variation de la hauteur du niveau des mers et des océans, causée par l'effet conjugué des forces de gravitation dues à la Lune et au Soleil, et de la force d'inertie due à la révolution de la Terre autour du centre de gravité du système Terre-Lune.
Lors de la pleine lune et de la nouvelle lune, c'est-à-dire lorsque la Terre, la Lune et le Soleil sont sensiblement dans le même axe (on parle de syzygie), l'influence des corps célestes s'additionne et les marées sont de plus grande amplitude (vives-eaux). Au contraire, lors du premier et du dernier quartiers, lorsque les trois corps sont en quadrature, l'amplitude est plus faible (mortes-eaux).
Le courant de marée montante se nomme flux ou flot, le courant de marée descendante se nomme reflux ou jusant.
Selon l'endroit de la Terre, le cycle du flux et du reflux peut avoir lieu une fois (marée diurne) ou deux fois par jour (marée semi-diurne) ou encore être de type mixte.
Le niveau le plus élevé atteint par la mer au cours d'un cycle de marée est appelé pleine mer (ou couramment « marée haute »). Par opposition, le niveau le plus bas se nomme basse mer (ou « marée basse »). Lorsque la mer a atteint son niveau le plus haut ou le plus bas et semble ne plus progresser , on dit que la mer est «étale» . Parler de « marée haute » et de « marée basse » est ce qui est le plus courant, bien que le mot marée désigne normalement un mouvement.
Les marées les plus faibles de l'année se produisent normalement aux solstices d'hiver et d'été, les plus fortes aux équinoxes de printemps et d'automne.
Ce mouvement de marée n'est pas limité aux eaux, mais affecte toute la croûte terrestre (on parle de « marées crustales »), bien que dans une moindre mesure. Par conséquent, ce que nous percevons sur les côtes est en fait la différence entre la marée crustale et la marée océanique. Plus généralement, les objets célestes sont l'objet de forces de marée à proximité d'autres corps (Io, satellite rapproché de Jupiter, est soumis à des forces de marée colossales).
Marée basse devant le port de Saint-Hélier à Jersey. Marée haute devant le port de Saint-Hélier à Jersey.
Cap Sizun, marée montante de coefficient 115, accélérée 600 fois.
Origine
Les marées sont dues à la déformation des océans par les forces d'attraction de la Terre et des corps célestes les plus influents (la Lune et le Soleil), ainsi que de l'effet de la force centripète due à la rotation de la Terre autour du barycentre Terre-Lune. Il s'exprime de façon différente en chaque point du globe, en raison de nombreux effets additionnels : inertie du déplacement de l'eau, effets induits par la marée elle-même et les déformations terrestres, propagation des ondes différentes induites par des facteurs tels que la force de Coriolis, la taille et la forme des bassins (ouverts ou fermés, profond ou pas), etc.
Phénomène physique
Théorie de la marée
Mécanisme des marées :
A. Syzygie ; B. Quadrature
1. Soleil ; 2. Terre ; 3. Lune
4. Direction de l'attraction par le Soleil
5. Direction de l'attraction par la Lune.
Selon la loi universelle de la gravitation, les masses liquides des mers et des océans sont attirées par les objets célestes les plus influents : la Terre, la Lune et le Soleil. En particulier, le point le plus proche de la Lune est plus attiré que le point à l'opposé. Une première composante de la force de marée résulte donc de la différence d'attraction entre celle de la Terre et de celle de la Lune, selon le barycentre Terre-Lune.
Le même phénomène existe pour l'ensemble des astres, et en particulier pour le Soleil, qui, bien qu'éloigné de la Terre, exerce une forte influence en raison de sa masse élevée.
D'autre part, la Terre tourne autour du barycentre du système Terre-Lune, ce qui soumet les objets situés à sa surface à une force centrifuge. De façon simplifiée, la marée résulte donc de la combinaison de ces deux forces :
la force résiduelle résultant de la combinaison des différentes forces d'attraction ;
une force centrifuge due à la rotation du système Terre-Lune .
C'est la combinaison de ces deux facteurs qui explique la présence de deux « bourrelets d'eau » de part et d'autre de la Terre selon l'axe Terre-Lune.
Il s'ensuit une déformation de la surface des mers, mais aussi des sols, qui diffère donc de ce qu'elle serait sans la présence de la Lune et du Soleil.
Pour la mer, on peut comparer cette déformation à une énorme vague qui serait de forme régulière si les fonds des océans « étaient réguliers et s'il n'y avait pas de côtes ».
Il convient d'ajouter que la rotation diurne de la Terre sur elle-même n'est pas à l'origine physique — au sens strict — du phénomène de marée. En revanche, elle participe au phénomène en ce que la rotation vient localement moduler l'effet de la marée, un même lieu du globe voyant un potentiel générateur variant dans le temps du fait de la combinaison du mouvement de rotation et des mouvements relatifs des corps perturbateurs par rapport à la Terre.
Le potentiel générateur
La présence de la Lune et du Soleil est à l'origine de forces de gravitation qui produisent les marées.
La force génératrice de la marée dérive d'un potentiel lié à la distance de la Terre à la Lune, soit environ 380 000 km, alors que le rayon de la Terre est environ 6 400 km. La Terre peut donc être représentée par un point matériel placé au centre de notre globe et affecté de toute la masse terrestre. Cependant l'attraction que subit une particule en un point quelconque du globe diffère en amplitude.
Représentation schématique du système Terre-Lune utilisée pour décrire le potentiel générateur.
Notons Π {\displaystyle \Pi } le potentiel dont dérive la force génératrice de la marée. Dans un repère géocentrique on écrit ce potentiel appliqué à un point P de la surface du globe, affecté des coordonnées ( a , λ , ϕ ) {\displaystyle (a,\lambda ,\phi )} sous la forme :
(eq : 1.1)
avec :
G {\displaystyle G} la constante de gravitation
M L u n e {\displaystyle M_{Lune}} la masse du corps céleste perturbateur
d {\displaystyle d} la distance entre le point P ( a , λ , ϕ ) {\displaystyle P_{(a,\lambda ,\phi )}} et le centre du corps céleste perturbateur
R L u n e {\displaystyle R_{Lune}} la distance entre le centre de la Terre et celui du corps céleste perturbateur
a {\displaystyle a} le rayon de la Terre
ψ {\displaystyle \psi } l'angle zénithal du corps céleste perturbateur au point P ( a , λ , ϕ ) {\displaystyle P_{(a,\lambda ,\phi )}}
On peut exprimer d {\displaystyle d} en fonction de a {\displaystyle a} , R L u n e {\displaystyle R_{Lune}} et ψ {\displaystyle \psi } par la relation issue du théorème d'Al Kashi (voir figure représentation Terre - Lune) :
(eq : 1.2)
si on exprime 1/d, l'équation précédente (eq 1.2) devient :
(eq : 1.3)
La Lune et le Soleil sont les seuls corps célestes dont l'influence est notable dans la génération des marées sur la Terre, l'un en raison de sa proximité, l'autre en raison de sa masse.
Le terme
vaut environ
pour la Lune et
pour le Soleil. On peut donc estimer que :
Il devient donc possible, avec cette supposition de décomposer (eq 1.3) sous la forme d'une série en a / R L u n e {\displaystyle a/R_{Lune}} à l'aide de polynômes de Legendre.
avec les polynômes de Legendre définis par :
P 0 ( cos ψ ) = 1 {\displaystyle P_{0}^{}(\cos \psi )=1}
P 1 ( cos ψ ) = cos ψ {\displaystyle P_{1}^{}(\cos \psi )=\cos \psi }
P 2 ( cos ψ ) = 3 2 cos 2 ψ − 1 2 {\displaystyle P_{2}^{}(\cos \psi )={\frac {3}{2}}\cos ^{2}\psi \lambda _{Lune})} de 2 π {\displaystyle 2\pi } (rotation de la Terre en 1 jour), il décrit donc une fonction semi-diurne.
Le terme sin ( 2 ϕ L u n e ) sin ( 2 ϕ P ) cos ( λ P − λ L u n e ) {\displaystyle \sin(2\phi _{Lune})\sin(2\phi _{P})\cos(\lambda _{P\lambda _{Lune}^{})} n'effectue qu'une période lors d'une rotation, il décrit donc une formule diurne.
Enfin le terme ( 1 − 3 sin 2 ϕ L u n e ) ( 1 − 3 sin 2 ϕ P ) {\displaystyle (1-3\sin ^{2}\phi _{Lune})(1-3\sin ^{2}\phi _{P}^{})} ne dépend pas de la longitude mais uniquement de la latitude du corps céleste et du point de mesure, ce terme varie en fonction du mouvement de déclinaison du corps céleste (période >> {\displaystyle >>} 24 h), il décrit donc une fonction longue période.
En 1883, il a effectué ce précédent calcul et a extrait 59 termes solaires et 32 termes lunaires. Ce travail est repris par Doodson qui a déduit près de 400 termes et plus récemment par bien d'autres chercheurs notamment Schureman en 1958.
La syzygie du Soleil et de la Lune (autrement dit, la nouvelle ou pleine lune). Cela se produit essentiellement lorsque la longitude du Soleil et de la Lune sont voisines ou voisines de l'opposition l'une de l'autre, soit deux fois par mois. Précisément, la période de ce phénomène est 14,7652944 jours, moitié de la durée que l'on qualifie de mois lunaire synodique.
Le passage du Soleil au nœud lunaire, c'est-à-dire le passage du Soleil dans le plan de l'orbite lunaire : celui-ci se produit deux fois par an (à la régression du nœud près), et détermine les « saisons à éclipse » (ce sont pendant celles-ci que les éclipses de Soleil ou de Lune se produisent). Les marées sont alors plus importantes en syzygie (voir le point précédent) en raison du meilleur alignement Terre-Lune-Soleil. La période précise est 173,310038 jours, moitié de la durée que l'on qualifie d'année draconitique. Le passage du Soleil au nœud lunaire s'est par exemple produit le 25 janvier 2000, le 16 juillet 2000, le 5 janvier 2001, le 28 juin 2001 (plus précisément, cela sont les dates de coïncidence des longitudes moyennes ; notamment, le calcul des anomalies est omis ; mais on reconnaît le voisinage de l'éclipse de Lune du 9 janvier 2001 et de l'éclipse de Soleil du 21 juin 2001). Comme on le constate, ces dates sont actuellement proches des solstices mais évoluent rapidement dans l'année au cours du temps.
La période précise est 182,621095 jours, la moitié d'une année tropique. Le phénomène des marées d’équinoxes n’a rien à voir avec l’alignement Lune-Terre-Soleil, qui a lieu toutes les deux semaines à la pleine lune et à la nouvelle lune et se réalise d’autant mieux lorsqu’il coïncide avec le cycle draconitique de 173 jours (Éclipse#Principes mécaniques). Le Soleil se trouve au-dessus de l’Équateur lors des équinoxes, alors qu’il est au-dessus du tropique du Cancer lors du solstice de juin et au-dessus du tropique du Capricorne lors du solstice de décembre. Rappelons que l’effet de marée d’un astre est maximal au point de la Terre se trouvant le plus proche de cet astre et au point se trouvant le plus éloigné. Aux moments des solstices, un des points où l’effet de marée du Soleil est maximal se trouvera en permanence sur le tropique du Cancer, pendant que l’autre se trouvera aux antipodes, sur le tropique du Capricorne. Chaque point se trouvant sur un des deux tropiques sera donc soumis à un effet de marée maximal du Soleil une seule fois par jour (on parle d’onde diurne). Au moment des équinoxes, ces deux points seront en permanence sur l’Équateur. Chaque point de l’équateur sera donc soumis à un effet de marée maximal du Soleil deux fois par jour (on parle d’onde semi-diurne). À ce moment-là, le terme diurne s'annule dans le calcul des marées, et le terme semi-diurne est maximal.
Le passage de la Lune au périgée, moment auquel les forces de marée exercées par la Lune sont donc les plus importantes. À la différence du nœud lunaire, qui régresse sur l'écliptique, le périgée, lui, avance. Le temps entre deux passages de la Lune au périgée est le mois anomalistique, de 27,5545499 jours. Le calcul de la position du périgée lunaire est soumis à énormément de perturbations.
Le passage de la Terre au périhélie, moment auquel les forces de marée exercées par le Soleil sont donc les plus importantes. Le périhélie terrestre progresse sur l'écliptique ; cela dit, la majeure partie (environ 5/6) de cette progression est en réalité due à la régression (« précession ») de l'équinoxe par rapport aux étoiles fixes. Le temps séparant deux passages de la Terre au périhélie est l'année anomalistique de 365,259636 jours. Il se produit actuellement le 3 janvier de l'année.
Autres facteurs influant sur les marées
Pour la Terre, seule la Lune et le Soleil ont des impacts significatifs, qui s'additionnent ou se contrarient selon les positions respectives de la Terre, de la Lune et du Soleil, et de leur inclinaison. En fait, la Lune est beaucoup plus proche de la Terre que le Soleil, mais a aussi une masse beaucoup plus petite, de telle sorte que leurs attractions sont d'ordres de grandeur comparables : celle du Soleil est environ la moitié de celle de la Lune. Les autres corps célestes possèdent un rapport masse/distance trop faible pour que leur influence soit sensible.
Cette attraction combinée de la Lune et du Soleil est cependant perturbée ou même parfois contrariée par d'autres phénomènes physiques comme l'inertie des masses d'eau, la forme des côtes, les courants marins, la profondeur des mers, ou encore le sens du vent local.
De plus, un cycle long s’établit aussi sur une période de 18,6 ans durant lequel le niveau moyen des pleines mers augmente de 3 % par an durant 9 ans, puis diminue de 3 % durant 9 ans, et ainsi de suite. Ce cycle exacerbe puis diminue les effets de la montée des océans induite par le réchauffement climatique Selon l'IRD de France, là où l'amplitude des marées est naturellement forte (exemple : baie du Mont Saint-Michel) ce cycle contribuera dans les années 2008-2015 proportionnellement plus à l'élévation du niveau de la pleine mer, ou des grandes marées hautes que le seul réchauffement climatique (jusqu'à + 50 cm, c'est-à-dire 20 fois l'expansion thermique de l'océan consécutive au réchauffement climatique global). Inversement de 2015 à 2025 la phase décroissante de ce cycle devrait conduire à un ralentissement apparent du phénomène de montée de l'océan, et probablement de l'érosion du trait de côte qui lui est généralement lié.
Les courants marins
La Terre se déplace au cours de sa circonvolution entre deux lignes de circonférence formant une couronne dont l'écartement est le diamètre de la Terre, environ 12 756 km. Cela nous amène à constater que la circonférence intérieure est plus courte que l'extérieure. Cette différence se traduit par 80 150 km en 1 an soit environ 220 km par jour et un peu plus de 9 km/h qui correspond à la différence de vitesse de déplacement dans l'espace entre l'intérieur et extérieur de la couronne, soit la face midi et la face minuit de notre globe terrestre. Cette différence est à l’origine des courants marins à contresens de la rotation le long de l'équateur.
L'inertie
C'est une force qui s'oppose au mouvement d'une masse que l'on veut déplacer (augmentation de vitesse) ou arrêter (diminution de vitesse). Plus la masse est grande, plus l'inertie sera importante. C'est le cas de la masse d'eau de tous les océans du globe, qui tente de contrarier les mouvements auxquels elle est soumise par attraction combinée de la Lune et du Soleil.
Il y a généralement deux cycles de marée par jour (il y a des exceptions) dont les instants de haute mer et de basse mer varient avec la Lune (attraction prépondérante).
La marée se manifeste essentiellement sur les côtes maritimes, où la mer monte ou se retire suivant un cycle lié, d'une part à la rotation de la Terre et à sa révolution autour du Soleil, d'autre part à la rotation de la Lune autour de la Terre. Ce cycle complet (marée basse et marée haute) dure environ 12 heures 25 minutes.
L'effet piston
Lorsque les côtes se resserrent en entonnoir, comme dans le fond de certaines baies (baie du Mont-Saint-Michel, baie de Fundy, etc.) il y a amplification de la hauteur des marées qui peuvent dépasser 14 mètres entre les basses eaux et les hautes eaux par effet de résonance. Il s'y produit aussi un retard horaire progressif comme en Manche de l'entrée à Dunkerque, ou dans l'estuaire du fleuve Saint-Laurent au Canada. Les mers intracontinentales et intérieures sont peu sujettes aux marées car les masses d'eau et les distances entre les côtes concernées sont beaucoup plus faibles que dans les océans. Pour les mers partiellement ouvertes, tout dépend de l'ouverture par rapport au volume propre: en Méditerranée, l'étroitesse du détroit de Gibraltar empêche remplissage ou vidage conséquent , alors que dans le golfe du Morbihan, la marée génère des courants violents.
Les marées terrestres
La Terre subit aussi l'influence des marées, puisque les plaques du manteau terrestre, bien que solides, sont élastiques et déformables, et de ce fait se déplacent comme le niveau des océans. À Paris, aux heures qui correspondraient à une marée haute, le niveau terrestre est ainsi plus éloigné du centre de la Terre d'environ 30 centimètres en comparaison avec une position par rapport à la Lune correspondant à une marée basse. Les marées terrestres, combinées à l'auto-gravitation de la masse océanique, tendent d'autre part à réduire le marnage en pleine mer (correspondant à la marée d'équilibre) d'environ 30%.
Historique de l'étude des facteurs causaux des marées
De l'antiquité au VI siècle
Dans l'Antiquité, le phénomène de marée est remarqué par Hérodote dans la mer Rouge, et les Grecs avaient également noté les courants capricieux de certains détroits méditerranéens. Ils prirent pleinement conscience du phénomène en s'aventurant en dehors de la Méditerranée, au IV siècle av. J.-C. (Pythéas en Atlantique, Alexandre le Grand en Inde). Un lien avec la position de la Lune est proposé par le même Pythéas, celui-ci se fondant sur ses propres observations ainsi que sur celles des Celtes de la côte Atlantique.
Platon pensait que les marées étaient provoquées par des oscillations de la Terre. Mais les observations les plus précises sont effectuées par Posidonios au I siècle av. J.-C. à Cadix. Il décrit trois phénomènes périodiques liées aux marées : les deux marées quotidiennes, correspondant aux deux culminations (inférieure et supérieure) de la Lune ; la période semi-mensuelle correspondant aux syzygies avec le Soleil ; la période semi-annuelle correspondant aux marées d'équinoxe. Il évalue correctement le décalage entre le passage de la Lune et le soulèvement des eaux.
Posidonios voit dans ce phénomène la manifestation d'une sympathie, d'une attirance des flots pour la Lune réputée humide. Cicéron, Pline l'Ancien, Strabon, Ptolémée affirment que le phénomène des marées dépend des cours de la Lune et du Soleil.
Du VII au XVIII siècle
Au VII siècle, avec Augustin Erigène, les termes de morte-eau (ledo) et de vive-eau (malina) et leur corrélation avec les phases de la Lune apparaissent pour la première fois.
Au VIII siècle, Bède le Vénérable approfondit les observations de Posidonios et étudie les variations des marées d'un point à l'autre de la côte anglaise. Il est le premier à « affirmer l'existence et la constance, en chaque lieu, d'un retard de la marée sur l'heure lunaire » : l'établissement du port. Il constate que « des vents favorables ou contraires peuvent avancer ou retarder les heures du flux et du reflux... ».
Au IX siècle, l'astronome perse Albumasar décrit de façon détaillée dans son Introductorium magnum ad Astronomiam les corrélations entre marée et Lune.
Toutefois, si l'explication par l'attirance a la faveur des astrologues et des médecins pour qui la Lune est l'astre humide par excellence, elle n'est pas reçue par les disciples d'Aristote qui limitent à la lumière et au mouvement l'action des astres sur la Terre.
À partir du XIV siècle, se développe la théorie aimantique des marées qui compare l'action de la Lune sur les eaux de la mer à l'action de l'aimant sur le fer.
C'est aux médecins et astrologues du XVI siècle qu'il faut attribuer l'idée de décomposer la marée totale en deux marées de même nature, l'une produite par la Lune, l'autre par le Soleil.
Au XVII siècle, Kepler adopte le concept d’une force d’attraction de la Lune, de nature magnétique, qui engendrerait le phénomène des marées. Galilée se moque de la position de Kepler quant à l'attraction lunaire et explique le flux et le reflux de l’océan par les actions qu‘engendrent la rotation de la Terre. Malgré les objections, Galilée considère prouver le mouvement de la Terre par cette explication.
La théorie de la gravitation de Newton permit de revenir à l'influence lunaire et solaire, fondée sur des principes scientifiques. Cette théorie fut largement adoptée au cours du XVIII siècle, même si, au début du XIX siècle, Bernardin de Saint-Pierre tenta de persuader l'Académie des sciences française que ce n'était pas la Lune mais la fonte (alternée avec le gel nocturne) des glaciers qui provoquait les marées. Poussant jusqu'au bout son raisonnement, il justifiait la grande amplitude des marées d'équinoxe par l'action conjuguée des glaciers arctiques et antarctiques.
Marnage
Le marnage est, pour un jour donné et dans un intervalle pleine mer - basse mer, la différence de hauteur d'eau entre le niveau de la pleine mer et celui de la basse mer (exemple : marnage de 6,0 m). Le marnage varie continuellement. La zone alternativement couverte et découverte par la mer, limitée par ces deux niveaux lorsqu'ils sont à leur maximum, est appelée l'estran ou zone de marnage, ou encore « zone de balancement des marées ».
Le marnage est parfois confondu avec l'amplitude de marée, mais cette dernière expression est tantôt assimilée à l’expression anglaise tidal range désignant le marnage, tantôt assimilée à l’expression tide amplitude désignant le demi-marnage (différence de hauteur d'eau à pleine mer ou à basse mer avec celle de la mi-marée).
Coefficient de marées
Il s'exprime en centièmes et varie de 20 à 120, et indique la force de la marée. Le coefficient moyen est 70.
Les grandes marées ou marées de vives-eaux se produisent lorsque la Lune et le Soleil se trouvent en conjonction ou opposition (on parle de syzygie) par rapport à la Terre (situation de pleine ou de nouvelle lune) : leurs forces d'attraction s'ajoutent. Ce phénomène explique que les plus grandes marées (marées d'équinoxes ) ont lieu lors de la première syzygie qui suit l'équinoxe (21 mars et 21 septembre).
Inversement, les marées sont faibles (marées de mortes-eaux) lorsque la Lune est à 90° de l'axe Soleil-Terre (situation de premier ou dernier quartier). De même, les plus faibles ont lieu aux alentours des solstices d'été et d'hiver (21 juin et 21 décembre).
-
C = 20, définit la plus faible marée possible
-
C = 45, définit une morte-eau moyenne
-
C = 70, définit la séparation entre vive-eau et morte-eau
-
C = 95, définit une vive-eau moyenne
-
C = 100, définit une vive-eau équinoxiale moyenne
-
C = 120, définit la plus forte marée possible
Si U est, en un lieu donné, le demi-marnage de la plus forte marée de vive-eau survenant après une syzygie équinoxiale moyenne (C = 100), alors la hauteur d'eau (h) à la pleine mer d'une marée de coefficient (C) est environ :
- hpm = (1,2 + C) × U
-
de même la hauteur d'eau à la basse mer sera approximativement : hbm = (1,2 − C) × U
Note :
Dans ces deux précédentes formules, le coefficient C ne doit pas être exprimé en centièmes. C variant de 20 à 120, dans ces formules il prendra les valeurs de 0,2 à 1,2.
U est également appelé unité de hauteur du lieu considéré.
Exemple pratique : la hauteur d'eau à pleine mer en un lieu où l'unité de hauteur U = 5,50 m, lorsque le coefficient C = 95 sera approximativement : hpm = (1,2 + 0,95) × 5,50 = 11,825 m. De même la hauteur d'eau à basse mer sera hbm = (1,2 − 0,95 ) × 5,50 = 1,375 m.
Classement des composantes de la marée
Harmoniques principales de la marée océanique
Nom |
Cause |
Période |
Amplitude |
Semi-diurnes |
|
|
|
M2 |
Principale lunaire |
12 h 25 min |
100 % |
S2 |
Principale solaire |
12 h 00 min |
46,5 % |
N2 |
Majeure lunaire elliptique |
12 h 40 min |
19,1 % |
K2 |
Déclinaison luni-solaire |
11 h 58 min |
12,6 % |
Diurnes |
|
|
|
O1 |
Principale lunaire |
25 h 49 min |
41,5 % |
K1 |
Déclinaison luni-solaire |
23 h 56 min |
58,4 % |
P1 |
Principale solaire |
24 h 04 min |
19,3 % |
Q1 |
Majeure lunaire elliptique |
26 h 52 min |
7,9 % |
Lieux de marées remarquables
Les couleurs indiquent la composante M2 des marées. Deux lignes cotidales diffèrent d'une heure. Les centres sont les points amphidromiques.
Au Canada : dans la baie d'Ungava, le marnage peut atteindre 17 voire 20 mètres et dans la baie de Fundy, 18,5 m. Ces baies sont les deux endroits où les marées les plus importantes au monde ont lieu et, selon les sources, on attribue à l'une ou à l'autre le record de marnage. Viennent ensuite Puerto Gallegos en Argentine (16,8 m), l'estuaire de la Severn en Angleterre (16,5 m), la baie de Frobisher au Canada (16,3 m) et la baie du Mont-Saint-Michel en France (15 m).
En Grande-Bretagne : le canal de Bristol, avec 15 m de marnage.
En France : jusqu'à 15 m de marnage dans la baie du Mont-Saint-Michel en Normandie, où il est traditionnellement dit que « la mer monte à la vitesse d'un cheval au galop » et entoure alors le Mont-Saint-Michel. Il est possible d'observer cet important marnage à Granville et plus largement le niveau de la mer pour ce site, entre autres, à partir du site des réseaux de référence des observations marégraphiques REFMAR.
En Norvège : le Saltstraumen, remplissant un fjord de 400 millions de mètres cubes.
En Australie-Occidentale : les Horizontal Falls, dans la région du Kimberley, avec 10 m de marnage environ.
À Pondichéry (Inde) et dans certains ports du Viêt Nam, où il n'y a qu'une seule marée par jour.
Les modèles de marées
Caractéristique de l'onde de marée
L'attraction de la Lune et du Soleil crée une onde de marée qui, en se propageant, crée le phénomène de marée. La vitesse de propagation est élevée dans les eaux profondes (400 nœuds en Atlantique, soit environ 200 mètres par seconde), beaucoup plus faible dans les eaux peu profondes (30 nœuds en Manche, soit environ 15 mètres par seconde). Cette vitesse détermine le décalage des horaires de pleine mer en différents lieux.
De plus, la marée subit un retard par rapport aux situations astrales ; on parle d'âge de la marée. Sur les côtes françaises, elle vaut environ 36 heures. À Brest, on verra donc les grandes marées 36 heures après la pleine lune. Cette notion d'âge de la marée ne doit pas être confondue avec le temps de propagation de l'onde de marée décrite au paragraphe précédent.
L'ampleur et la périodicité de la marée dépendent du lieu : ils sont déterminés par de nombreux facteurs dont la taille du bassin maritime, sa profondeur, le profil des fonds marins, l'existence de bras de mer, la latitude, etc. Dans certaines mers, comme la Méditerranée, tous ces facteurs sont à l'origine d'une marée tellement faible qu'elle peut être négligée. Ailleurs les marées peuvent atteindre 15 mètres de marnage.
Selon la latitude du lieu et la morphologie de sa côte (caractéristiques ci-avant), on distingue des marées de quatre types :
Régime de marée semi-diurne : deux pleines mers et deux basses mers ont lieu chaque jour lunaire (24 h 50 min), cas typique des côtes atlantiques européennes avec des amplitudes similaires ;
Régime de marée semi-diurne à inégalité diurne : régime similaire au précédent mais les hauteurs des pleines mers et des basses mers consécutives ont des amplitudes différentes (océan Indien) ;
Régime de marée diurne : régime plutôt rare dans lequel on observe une pleine mer et une basse mer par jour (golfes du Mexique, de Finlande, mer Baltique, mers d'Indochine) ;
Régime marée mixte : au cours de la lunaison, succession de marées marquant une transition progressive entre le type diurne et le type à inégalité diurne (côtes de l'océan Pacifique, mer Égée, mer Adriatique).
La marée en France métropolitaine
Elle est du type « semi-diurne », avec une période moyenne de 12 heures 25 minutes. Il y a donc un décalage chaque jour des heures de basse et pleine mer.
Le marnage est très variable. Celui-ci peut atteindre 14 mètres dans la baie du mont Saint-Michel lors des grandes marées, et être seulement quelques dizaines de centimètres en Méditerranée en mortes-eaux.