Un canular est une mystification perpétrée dans l'intention de tromper ou de faire réagir celui qui en est la cible. Sa forme peut être une nouvelle fantaisiste, une farce, une blague ou une action, un propos qui a pour but d'abuser de la crédulité de quelqu'un.
Certains artistes et publicitaires utilisent le canular comme moyen de promotion ou d'expression, exploitant la charge affective liée à la fausse nouvelle, qui se répand alors comme une rumeur, et attire les crédules ou les curieux en attisant leurs émotions.
Certains canulars peuvent fort bien ne pas être considérés comme tels par ceux qui les prennent au sérieux : adeptes de « l'holmésologie » (vouée à l'étude du personnage de fiction Sherlock Holmes), habitués des prédictions de Nostradamus, victimes de l'affaire des avions renifleurs, etc.
La diffusion de fausses informations de nature à porter atteinte à l'honneur d'une personne ou d'un groupe s'apparente à de la diffamation, sanctionnée pénalement. Certaines escroqueries se rapprochent du canular par leur énormité ; ainsi, en 1925, Victor Lustig fit croire à la mise en vente de la tour Eiffel pour toucher des commissions.
Étymologie
Le mot vient probablement du latin canula, « petit roseau », qui a donné le terme médical canule, désignant un petit tuyau servant à introduire un liquide dans le corps, généralement par l'anus. Le mot a donné le verbe « canuler », signifiant « importuner, ennuyer ».
À la fin du XIX siècle, les élèves de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm forgent à partir de ce verbe le mot pseudo-latin canularium, désignant une farce jouée aux dépens de quelqu'un, une sorte de bizutage intellectuel. Au début du XX siècle, le mot est attesté, dans le jargon normalien, sous la forme abrégée canular. Il s'est depuis répandu dans la langue courante.
Exemples de canulars
Farces et blagues
Un dahu.
Le dahu, un animal imaginaire, dont la chasse était organisée dans certaines communautés villageoises aux dépens des naïfs et des visiteurs de passage.
En 1913, dans une compétition imitée de celle qui élisait un Prince des poètes, Jules Romains fit élire au titre de « Prince des penseurs » le fou littéraire Jean-Pierre Brisset ; cette élection a encore été commémorée en 2013.
Le 30 octobre 1938, durant la dramatique radio La Guerre des mondes, Orson Welles fit croire aux Américains que leur pays était attaqué par les Martiens.
La Caméra invisible, avec Jacques Legras.
Les blagues téléphoniques de Francis Blanche.
La quête au bénéfice de la famille du Soldat inconnu.
En 2004, le magazine internet Xbox Mag commenta la sortie repoussée du jeu Dead or Alive en disant ironiquement que « la nouvelle a provoqué un drame au pays du soleil levant : 147 otakus se sont suicidés en gobant des poches de silicone pour protester contre ce report de la part de Tecmo » (le silicone fait allusion aux seins des héroïnes du jeu). « L'information » fut utilisée par le journal Libération, puis dans le journal télévisé de France 2 ; les deux médias présentèrent ensuite des démentis.
Impostures
Les participants au canular du Dreadnought.
En 1906, à Köpenick (aujourd'hui un quartier de Berlin), le cordonnier Wilhelm Voigt s'habilla en capitaine du 1 régiment d'infanterie de la garde prussienne et subjugua toute l'administration locale. Le canular dura une journée, jusqu'à ce que le commandant de la garnison découvre que le maire était aux arrêts. L'histoire reste célèbre en Allemagne (et a donné le mot Köpenickiade), car elle montre que l'uniforme fascine bien des gens.
En 1910, lors du canular du Dreadnought, la romancière Virginia Woolf et quelques amis se déguisèrent en princes d'Abyssinie afin de visiter le navire amiral de la Royal Navy.
En 1910, la toile Et le soleil s'endormit sur l'Adriatique fut présentée comme l'œuvre du peintre Boronali, alors qu'il s'agissait d'une peinture réalisée par un âne avec un pinceau attaché à la queue (Boronali est l'anagramme d'Aliboron, nom donné à l'animal dans Les Voleurs et l'âne, une des fables de La Fontaine).
En décembre 1977, l'étudiant en droit Didier Piganeau se fit inviter au sacre de Bokassa I à Bangui, en Centrafrique. Didier 1 était censé régner sur le royaume de Basoche, à Poitiers, comprenant quelques bistrots et de franches rigolades.
En septembre 2005, l'imitateur Gérald Dahan se fit passer pour Jacques Chirac, alors Président de la République française, et demanda à Raymond Domenech et Zinédine Zidane de mettre la main sur le cœur lors de La Marseillaise précédant le match France–Irlande.
Militantisme
Le faux Soir du 9 novembre 1943.
En 1929, des députés de gauche reçurent un appel leur demandant d'intervenir en faveur des malheureux Poldèves opprimés. La lettre était signée : Lineczi, Stantoff, Lamidaëff ; derrière ces patronymes à consonance slave, on pouvait lire « l'inexistant » et « l'ami d'AF » (l'Action française). Si ce canular avait pour but de ridiculiser la représentation républicaine, et la gauche anticléricale notamment, Alain Mellet reconnait que « la pêche eût été aussi poissonneuse dans les rang de la droite républicaine. »
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, des résistants belges préparèrent une édition pirate du quotidien Le Soir, qui rendait compte des retraites de l'armée allemande, magnifiait l'aviation alliée, et faisait prononcer à Hitler la phrase désabusée attribuée à l'empereur d'Allemagne « Je n'ai pas voulu cela ». Rapidement, l'occupant s'efforça de confisquer les exemplaires du « faux Soir » ; la Gestapo finit par identifier les auteurs du canular, qui furent condamnés à mort ou envoyés dans des camps dont ils ne revinrent pas.
Depuis le début des années 2000, The Yes Men piègent organismes internationaux, entreprises, et hommes politiques pour dénoncer le libéralisme par la caricature.
Mystifications
En 1891, Louis Baudry de Saunier introduit, dans son Histoire générale de la vélocipédie, une « machine à courir », le célérifère, censément inventé en 1790 par un Français, et qu’il présente comme l’ancêtre de la draisienne, laquelle a été réellement inventée par un Allemand en 1817. Des musées fabriqueront des copies du célérifère afin de les exposer, se basant sur les plans fictifs conçus par Louis de Saunier. La supercherie ne sera découverte que dans la deuxième moitié du XXe siècle.
En 1913, des députés furent priés de célébrer le centenaire d'Hégésippe Simon, respectable « éducateur de la démocratie », mais personnage parfaitement imaginaire. Une cérémonie devant avoir lieu dans le village de Poil (Nièvre), certains s'excusèrent de ne pouvoir « être à Poil » ce jour-là.
En 1948, le biochimiste et écrivain de science-fiction Isaac Asimov publia un article sur les « propriétés endochroniques de la thiotimoline resublimée », produit imaginaire aux propriétés loufoques.
En 1952, les Cahiers de Le Golif, dit Borgnefesse, capitaine de la flibuste, publiés par Gustave Alaux, furent présentés par Albert t'Serstevens comme étant les authentiques mémoires d'un capitaine de la flibuste, découverts dans une vieille malle à la suite des bombardements de Saint-Malo en 1944. Cette œuvre de fiction est si réussie que Patrick Poivre d'Arvor cite l'ouvrage dans la bibliographie de son livre Pirates et Corsaires.
En 1996, le physicien Alan Sokal publia dans la revue Social Text l'article Transgressing the Boundaries: Toward a Transformative Hermeneutics of Quantum Gravity, destiné à faire apparaître un manque de sérieux dans la vérification des articles soumis.
En octobre 2006, Canal+ diffusa un documentaire consacré à un chanteur fictif : Que reste-t-il de Chris Conty ? L'opération fut étayée par une biographie inventée de toutes pièces, des témoignages de personnes connues, des sites web, et des médias complices du canular.
Le 13 décembre 2006, à une heure de grande écoute, la RTBF annonça, au cours de l'émission Bye Bye Belgium, que la Flandre avait fait sécession et que la Belgique n'existait plus.
Faux et escroqueries
En 1861, le faussaire Vrain-Lucas vendit au mathématicien Michel Chasles des prétendues correspondances entre Pascal et Newton, Vercingétorix et Jules César, Jésus et Marie-Madeleine.
Le 19 mai 2006, le journaliste Amir Taheri publia, dans le National Post, un article où il prétendait que le parlement iranien avait voté une loi obligeant les minorités religieuses, dont les Juifs, à porter un signe distinctif ; le journal canadien publia un démenti le 24 mai 2006.