Lors d'une élection, d'un référendum ou plus généralement d'une délibération, le comportement d’abstention correspond au fait de ne pas participer au vote : les personnes qui s'abstiennent sont qualifiées d'« abstentionnistes ».
Les motivations des abstentionnistes sont multiples et variées. En cas de fort niveau d'abstention la légitimité des décisions ou des résultats d'élections - bien qu'étant prises dans les formes légales - peut être fragilisée, sinon lorsque l'abstention atteint des taux importants, mise en doute par l'idée que la « majorité silencieuse » ne se serait pas exprimée par le vote.
Ne doivent pas être considérées comme « abstentionnistes » les personnes qui votent blanc ou nul. Leurs suffrages sont dits « non exprimés » et ne doivent pas être comptés dans les chiffres mesurant l'abstention.
Calcul du taux d'abstention
Cartogramme de l'abstention au premier tour des élections régionales françaises de 2015.
Le taux d'abstention peut être calculé de différentes manières :
En France, le ratio est établi en rapportant le nombre des citoyens s'étant abstenu lors d'un vote au nombre de ceux inscrits sur les listes électorales, à la date du scrutin.
Aux États-Unis, le ratio est calculé par rapport à tous les électeurs potentiels.
Statut légal de l'abstention
Pour les élections politiques en France, l'inscription sur les listes électorales correspond à un droit, mais aussi à un devoir : elle est en principe obligatoire (article L9 du Code électoral). Mais le défaut d'inscription n'est soumis à aucune sanction.
D'un point de vue légal, L'abstentionnisme - même important - n'a pas d'effet sur le résultat d'un scrutin public. Certains pays ont pensé prendre des dispositions constitutionnelles pour contrer l'abstention trop élevée (des taux de 70 % ou 80 % ont été évoqués) à des élections majeures, comme les législatives. Mais de fait, ces projets de lois n'ont jamais abouti.
Combat contre l'abstention
Les démocraties et les groupements politiques s'inquiètent des conséquences d'un taux d'abstention souvent relativement élevé dans les pays développés et s'efforcent de trouver les moyens de le réduire.
Une des solutions évoquées sur usenet est le vote négatif. Soit en même temps qu'un vote normal, soit en votant/désignant pour celui que l'on ne veut pas, celui qui a le moins de voix gagne.
Une autre méthode est de sanctionner l'abstention. La sanction financière est observée en Belgique depuis 1893, et donne des résultats concluants car elle lui permet d'avoir l'un des taux d'abstention parmi les plus bas d'Europe (environ 9 % pour les Élections européennes de 2004, pour 44 % en moyenne dans l'Union européenne). Des mesures similaires ont également été adoptées dans d'autres pays : Luxembourg, Pays-Bas, Italie, Danemark, Grèce, en Autriche, dans certains cantons suisses, mais aussi hors de l’Europe : Australie, Turquie, Costa Rica, Brésil, Argentine. Les votes blancs sont comptabilisés et remis au parti qui aura eu la majorité, ce qui augmente son résultat. L’obligation du vote réduit fortement le taux d’abstention, pourtant cette institution reste fort discutée. Ses opposants lui reprochent de ne pas prendre en compte les raisons poussant les électeurs à l’abstention. À cela, ses partisans répondent qu’ils peuvent se servir du vote blanc et qu’ils peuvent inscrire sur les bulletins ce qu’ils pensent des partis ou des personnalités en place, ce que font sans doute des électeurs.
D'autres méthodes existent, comme expliquer le fonctionnement des institutions politiques, ou encore débattre ouvertement des points de vue qui séparent les différents partis politiques. Dans les méthodes pour que les gens s'informent mieux, le système de vote par pondération, par classement des candidats, est souvent proposé, notamment la méthode d'élection Condorcet.
Une autre méthode proposée serait de donner réellement le pouvoir aux populations dans les choix politiques de leur vie, par le moyen du mandatement impératif plutôt que par la représentation majoritaire (qui ne donne finalement aucun pouvoir aux individus, seuls les intermédiaires politiques ayant un pouvoir de décision, une fois élus). La solution a l'avantage de rendre le pouvoir à la population qui peut ainsi elle-même s'auto-déterminer. Mais en France, le mandatement impératif est considéré comme nul par la Constitution de la V République.
Abstention comme acte politique
Dominique Reynie distingue deux formes d’abstention au sein de l’abstentionnisme systématique: l’abstentionnisme de l’indifférence, de la méfiance et l’abstentionnisme contestataire.
La première raison de l'absentéisme est le manque de confiance en soi, mais l’absentéisme est aussi provoqué par un manque de compétition politique et un surnombre de candidats dont les propositions sont trop proches. L'absentéisme varie également en fonction du caractère décisif de l'élection.
L'absentéisme est parfois un choix politique qui peut soit être un acte de rejet total ou partiel des « règles du jeu démocratique », soit un acte de rejet des acteurs politiques.
Résultats comparatif de l'élection fédérale canadienne de 2011, avec ou sans abstention (sans prise en compte des votes blanc et nul)
L'abstentionnisme est un acte politique pour des personnes considérant que le régime représentatif/parlementaire actuel n'est pas suffisant pour répondre aux voix de chaque individu composant la société, et propose cet acte politique de refus de l'élection pour ne pas cautionner ce système considéré injuste. En général, les militants politiques de l'abstentionnisme appellent cela abstention active, ceci pour se démarquer des abstentionnistes passifs. Ces abstentionnistes proposent parfois d'autres modes de fonctionnement politique de la société tel que le mandatement impératif ou la démocratie directe.
L'abstention due à la non reconnaissance du vote blanc
En France, jusqu’au 1 avril 2014 le vote blanc n'était pas reconnu par les institutions, ce qui pouvait pousser certains électeurs à l'abstention plutôt que de voir leur "non-choix" interprété comme un vote nul.
Bien que son statut ait changé, les votes blancs sont comptés a part des candidats : "Les bulletins blancs sont décomptés séparément et annexés au procès-verbal. Ils n'entrent pas en compte pour la détermination des suffrages exprimés, mais il en est fait spécialement mention dans les résultats des scrutins."
Cette mesure ne donne donc pas au scrutin blanc le même poids qu'un scrutin non-blanc.
L'abstention aujourd'hui
C'est généralement dans les démocraties libérales que l'on retrouve des taux d'abstention élevés. Le phénomène est croissant, et culmine aux élections européennes, pourtant les dernières à avoir été mises en place. Le déficit démocratique manifeste de l'Union européenne a conduit les populations à s'abstenir à un niveau de 60 %, ce qui pose la question de la légitimité des élus du parlement de Strasbourg.
En France
En France, le vote est obligatoire uniquement aux élections sénatoriales pour les grands électeurs (conseillers municipaux, généraux, régionaux et députés) qui se voient, en cas d’abstention, infliger une amende de 100 €.
En Belgique
Au Royaume de Belgique, le vote est obligatoire, mais l’abstentionnisme reste important, car les amendes ne sont pas effectives .
Par ailleurs, en Belgique, 90% des résidents des maisons de repos ne votent plus, l'une des raisons étant la mobilité réduite.
Au Québec
Au Québec, en période électorale, certains groupes d'extrême-gauche font explicitement campagne pour l'abstention. C'est le cas, par exemple, de l'Union communiste libertaire, qui diffuse un site internet à cet effet. Par ailleurs, il existe depuis le 9 avril 2009 une formation politique explicitement abstentionniste: le Parti nul. Le Parti nul milite afin que les personnes remettant en cause la légitimité du système parlementaire britannique ou n'ayant aucune confiance envers les autres formations politiques ne soient pas obligées de s'abstenir de voter ou de présenter un bulletin blanc ou de cocher en faveur de tous les candidats inscrits. Le Parti nul demande en effet qu'il y ait, lors des prochaines élections, une case "Aucune de ces réponses" ou "Abstention" sur les bulletins de vote afin que les électeurs puissent un jour manifester leur mécontentement, au lieu de voir leur suffrage être automatiquement rejeté par le Directeur général des élections.
Les causes de l'abstention
L'abstention volontaire
L’abstention involontaire
(Alain Lancelot distingue dans L’abstentionnisme électoral en France (1968) différents types d’abstentionnisme (et donc de causes).) Elle représente environ 10 % de l’abstention et se compose des :
« faux inscrits » qui représentent dans l'exemple de la France entre 4 et 5 % des inscrits
malades ou absents au moment du vote qui représentent 5,5 % des inscrits.
L’abstention par manque d’intégration sociale
Les jeunes électeurs, les électeurs les plus âgés, les chômeurs, les membres des milieux populaires ont tendance à s’abstenir davantage que les hommes, les adultes, les actifs, et les cadres supérieurs.
D’autres variables liées au territoire peuvent intervenir : dans l'exemple français, dans la Creuse, le Rhône-Alpes, le Bas-Rhin : les électeurs sont traditionnellement plus abstentionnistes. Le contexte social est également important : il y a plus de participation en milieu rural, moins de participation en banlieues urbaines. Les lignes clivantes relevées sont rural/urbain, et la perception du vote comme devoir civique et du vote comme droit.
L’abstention liée aux caractéristiques particulières de la consultation électorale
De nombreux facteurs agissent sur la mobilisation électorale :
l’enjeu institutionnel et politique de la consultation ;
la configuration de l’offre politique ;
la distance entre deux consultations ;
l’ampleur de la mobilisation des candidats ;
la médiatisation ;
la personnalisation.
Cette abstention stimule la création de nouveaux mouvements politiques, pour renverser cette consultation aristocratique et sporadique, et rendre au citoyen son pouvoir de démocrate.
L'effet de la télévision
En comparant la participation électorale par ville en fonction de la date d'introduction de la télévision aux États-Unis, l'économiste Matthew Gentzkow montre que l'introduction de la télévision a un fort effet sur la baisse de la participation électorale. Cet effet s'explique principalement par une baisse de la lecture des journaux et de l'écoute de la radio qui conduisent à une baisse des connaissances politiques.
Un signe de la crise de la démocratie représentative
La montée de l'abstentionnisme au cours des dernières années est considérée dans les commentaires politiques comme l’un des principaux signes d’une crise de la démocratie représentative. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est nécessaire, selon plusieurs experts en droit constitutionnel, de repenser les fondements et modalités de la représentation.
Documentaire radiophonique
« Le vote blanc des beurs. Citoyens à part entière, électeurs en colère », de Jean-Louis Rioual, mixage : Arnaud Forest. Ce reportage a été réalisé en novembre 2011 et diffusé sur « Arteradio.com » en collaboration avec « Médiapart ». Le documentaire se déroule à Vaulx-en-Velin, dans la banlieue est de Lyon. C'est le cinquième volet d'une série d'enquêtes de six épisodes sur l'abstention des jeunes des « quartiers populaires ». (21'30)
Conséquences de l'abstention
Des sondages en France laissent penser que l'abstention n'a pas de conséquence sur le résultat du premier tour d'une élection.