Cette affiche de propagande américaine datant de la Seconde Guerre mondiale, et visant à susciter l'achat d'obligations pour financer l'effort de guerre fait surgir des évocations très fortes : l'envahisseur japonais qui attaque la nation des États-Unis y est présenté comme un prédateur sexuel assaillant une demoiselle en détresse.
La propagande est un ensemble d'actions et de moyens psychologiques mise en oeuvre pour propager et faire prévaloir une doctrine, une idée, une opinion et susciter une décision. Exercées sur une population, afin de l'influencer et l'endoctriner. Elle se distingue de la publicité par son objet, la promotion de produits commerciaux. Néanmoins, la publicité utilise des techniques similaires à celles utilisés pour faire de la propagande . Les liens entre propagande et publicité sont largement discutés.
La propagande est étudiée scientifiquement à partir du XX siècle en psychologie ( particulièrement en psychologie sociale) et en communication ( notamment concernant les médias de masse).
Histoire du terme propagande
Lors du discours du palais des sports de Berlin du 18 février 1943, Goebbels exhorte le peuple à suivre la voie de la guerre totale. Les banderoles indiquent « guerre totale - guerre la plus courte ».
En latin (médiéval), propaganda est l'adjectif verbal de propagare signifiant littéralement « ce qui doit être propagé ». Cette forme latine se retrouve par exemple dans « agenda » « ce qui doit être fait ».
En 1622, peu de temps après le début de la Guerre de Trente Ans, le pape Grégoire XV fonde la Congregatio de Propaganda Fide (« Congrégation pour la propagation de la foi »), un comité de cardinaux chargé d´observer la propagation du christianisme par les missionnaires envoyés dans les pays à évangéliser.
Ce terme prend une connotation péjorative au cours du XX siècle, partiellement d'abord à la suite de la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle les États engagés dans le conflit avaient abusé du contrôle de l'information et du « bourrage de crâne », définitivement et universellement après le second conflit mondial et la défaite des États totalitaires qui persistaient jusque-là à utiliser le terme. Ainsi, le fait que, sous le Troisième Reich, Joseph Goebbels disposait d'une fonction de « ministre de la propagande » n'a pas manqué, au lendemain de la défaite, de contribuer à renforcer l'image négative du terme.
Syndicats et partis politiques continuent cependant jusqu'à la fin des années 1970 à faire figurer dans leurs organigrammes des sections « propagande » jusqu'à ce que l'expression communication politique remplace un terme devenu extrêmement négatif car intimement lié dans l'opinion à la notion de totalitarisme.
Typologie des propagandes
Propagandes politique, économique, religieuse, militaire
La propagande poursuit des objectifs variés qui peuvent être politique, économique, religieux ou militaire. Elle cherche à aiguiller les espérances de l'opinion publique, à modifier les actions des personnes ciblées (la censure peut participer des modalités de la propagande en supprimant les informations que le pouvoir souhaite ne pas divulguer). Dans sa forme la plus dure, elle façonne la connaissance des personnes par n'importe quel moyen dont la diversion ou la confusion.
Lors d'une guerre, la propagande est utilisée pour déshumaniser l'ennemi et susciter la haine, en contrôlant la représentation que s'en fait l'opinion publique. Cela peut inclure des accusations mensongères comme de la diffamation.
Pour les militaires, la propagande peut être classée selon sa source : - la « propagande blanche » provient d'une source ouvertement identifiée. - la « propagande noire » provient d'une source soi-disant amicale, mais en réalité hostile. - la « propagande grise » provient d'une source soi-disant neutre, mais en réalité hostile.
Propagande sociologique
La propagande a beaucoup évolué avec la naissance de la guerre psychologique dans laquelle elle trouve des prolongements. En 1962, Jacques Ellul distingue deux types de propagande : la propagande politique, très ancienne et dont on connait globalement aujourd'hui les modes de fonctionnement, et un nouveau type de propagande, la propagande sociologique :
« La première (celle des gouvernements, partis et groupes de pression) se distingue de la seconde qui, moins visible, se rapproche de la socialisation, que l’on peut définir elle-même comme "processus d’inculcation des normes et valeurs dominantes par lequel une société intègre ses membres". Ellul oppose le caractère direct, délibéré et coercitif de la propagande politique (que l’on trouve en priorité dans les régimes totalitaires) au caractère "plus vaste", "plus incertain", idéologique, "diffus", inconscient et spontané, de la propagande sociologique. Celle-ci, que l’on répugne à désigner sous le terme de propagande dans nos démocraties pluralistes, agit "en douceur", par "imprégnation". Il s’exprime par la publicité, le cinéma commercial, les relations publiques, la technique en général, l’éducation scolaire, les services sociaux... En partie non intentionnelle, cette propagande repose sur ces activités multiples qui agissent de façon concordante comme un ensemble pour inculquer un certain mode de vie. »
Aperçu historique sur la propagande politique
Civilisations antiques
Réplique moderne du milliaire d'Antonin le Pieux (151), La Haye.
La propagande politique se retrouve dans les civilisations antiques, que ce soit par le discours ou les mythes : en 351 av. J.-C., Démosthène compose sa première Philippique : avec les Philippiques et les Olynthiennes, Démosthène présente Philippe comme un barbare et un ivrogne. Cette image de propagande sera prise comme une réalité jusqu'au XIX siècle. Pendant le Haut-Empire de Rome, le culte impérial était un des moyens de la propagande impériale. Parmi les supports matériels utilisés, les pièces de monnaie et les bornes routières. Les empereurs romains faisaient dresser le long des chaussées des bornes de près de deux mètres de haut, qui portaient leur titulature officielle. Lors d'une fouille de sauvetage faite en 1997 à Wateringse Veld, un quartier de La Haye, on a trouvé quatre de ces bornes, chacune d’elle placée sous l'autorité d’un empereur différent.
Paul Veyne a cependant montré que cette « propagande architecturale » avait davantage à voir avec la manifestation du faste monarchique qu'avec une action de propagande stricto sensu, que les empereurs avaient moins besoin de convaincre les peuples que de simplement affirmer leur rang.
Napoléon I
Napoléon joue de son physique pour être reconnu de tous : son bicorne, sa redingote, son physique reconnaissable de tous avec sa main sur l'estomac, son regard froid et décidé. Il est aussi connu sous le surnom du petit caporal. Il est adoré de ses hommes parce qu'il est au front avec eux et qu'il se met à leur niveau.
Napoléon fit un usage important de la propagande pour conquérir le pouvoir puis le consolider. Dès sa campagne d'Italie, alors qu'il n'était que le général Bonaparte, il usa de l'influence des Bulletins de l'Armée d'Italie. Par exemple, il se fit représenter lors de la bataille du Pont d'Arcole tenant un drapeau à la main (thème reproduit à des milliers d'exemplaires). Il étendit ensuite ce système de propagande une fois qu'il eut conquis le pouvoir, avec les « Bulletins de la Grande Armée ». Il utilise la presse et modifie les faits en sa faveur ou pour glorifier ses hommes comme dans le titre Journal de Bonaparte et des hommes vertueux. Les tableaux de Gros et de David, les affiches de l'époque, les chansons et beaucoup plus tard le Mémorial de Sainte-Hélène ont aussi participé à l'élaboration de la légende dorée de Bonaparte.
Napoléon met en circulation des pièces de monnaie à son effigie. Il est représenté à l'antique comme Jules César : profil et coupe de cheveux à l'antique et laurier (symbole de victoire). Les pièces de monnaie sont manipulées par tous et font circuler son image de grand général, comparable à Jules César. Comme autre symbole, il utilise l'aigle, symbole de puissance. Napoléon met en place des cérémonies grandioses où il faut être. Une contre-propagande, mise en place par les Anglais, le dénigre mais finalement le sert puisque même ses ennemis parlent de lui. Après sa mort, les témoignages de ses généraux, les souvenirs vendus en sa mémoire par les marchands ambulants contribuent à forger sa légende en tant qu'icône de l'histoire de France.
Naissance de la propagande politique moderne
Affiche de propagande développant le style naïf de l'imagerie d'Épinal au profit de la politique de l'Estado Novo brésilien développée par le président Getúlio Vargas pendant les années 30.
Slogan dans une manifestation anti-guerre antérieure à l'attaque de Pearl Harbor, tel que représenté dans le film de propagande Why We Fight (1942), destiné à retourner l'opinion publique sur ce sujet.
Au XIX siècle l’industrialisation provoque la concentration nouvelle d’une importante main d’œuvre ouvrière qui bientôt cherche à faire entendre sa voix. Le socialisme en se structurant adopte le vocabulaire de la religion, et appelle « doctrine » le discours politique et « propagande » les méthodes de sa diffusion au sein de la population ouvrière. Les leaders du mouvement socialiste cherchent à provoquer chez les ouvriers une prise de conscience de leur situation afin de les amener à l'action collective. Au tournant du siècle, le pouvoir doit composer avec cette nouvelle classe et c’est dans ce contexte qu'est théorisée une « psychologie des foules », ouvrage dans lequel Gustave Le Bon esquisse les bases de la manipulation des masses.
L'ère de la propagande politique moderne
Première Guerre mondiale
Des techniques de propagande ont été codifiées et appliquées la première fois d'une façon scientifique par l'essayiste Walter Lippmann et le conseil en relation publique Edward Bernays (neveu de Sigmund Freud) au début du XX siècle.
Pendant la Première Guerre mondiale, Lippman et Bernays furent engagés par le président des États-Unis Woodrow Wilson pour faire basculer une opinion américaine traditionnellement isolationniste vers l'interventionnisme. Pour cela, il fit appel aux Comités pour l'information du public (Committee on Public Information) dirigés par le journaliste George Creel, « privatisant » ainsi la propagande de guerre.
La campagne de propagande de Creel, Lippman et Bernays effectuée pendant six mois fut si intense que l'hystérie anti-allemande générée a impressionné l'industrie américaine, qui découvrait tout à coup les immenses ressources que l'on pouvait déployer pour influencer l'opinion publique d'un pays entier. Bernays a inventé les termes d’esprit de groupe et d’ingénierie du consentement, des concepts importants en propagande appliquée.
Les britanniques de leur côté avaient créé le Bureau de la Propagande de Guerre en septembre 1914 qui recrutait des célébrités littéraires. Lord Ponsonby, un aristocrate anglais, socialiste et pacifiste, résuma ainsi les méthodes utilisées pendant le conflit (y compris par son propre pays) :
Il faut faire croire
que notre camp ne veut pas la guerre
que l’adversaire en est responsable
qu’il est moralement condamnable
que la guerre a de nobles buts
que l’ennemi commet des atrocités délibérées (pas nous)
qu’il subit bien plus de pertes que nous
que Dieu est avec nous
que le monde de l’art et de la culture approuve notre combat
que l’ennemi utilise des armes illicites (pas nous)
que ceux qui doutent des neuf premiers points sont soit des traitres, soit des victimes des mensonges adverses (car l’ennemi, contrairement à nous qui informons, fait de la propagande).
L'historienne Anne Morelli a montré que cette grille pouvait s'appliquer encore aux conflits de la fin du XX siècle. Certains soulignent aussi son adéquation avec des conflits très actuels (voir plus bas).
Les relations publiques, dont usent les États et les entreprises, s'inspirent directement des travaux de Lippman et Bernays. Dans la première moitié du XX siècle, Bernays et Lippmann ont eux-mêmes dirigé une société florissante de relations publiques.
Entre-deux-guerres
Les nazis ont largement employé des techniques de propagande pour la prise de pouvoir de Hitler (journée de Potsdam qui précéda de peu la loi des pleins pouvoirs). Le futur dictateur fut appuyé en ce sens par Joseph Goebbels.
La Seconde Guerre mondiale a été le théâtre d'une propagande constante, utilisée comme arme de guerre, par les nazis, mais aussi par les Alliés. Mussolini avait avant eux compris son importance dès les années 1920, sur la base de ses propres contributions au journal Il Popolo d'Italia ; ainsi il avait créé le Minculpop (ministère de la Culture populaire) qui fonctionna comme outil de propagande à partir de 1925.
La propagande mussolinienne et fasciste
Mussolini parvient au pouvoir en 1922 après la Marche sur Rome et comprend très vite le rôle de la publicité moderne et de l'instrumentalisation des médias à des fins politiques ; en cela, il est le continuateur de l'écrivain et aventurier Gabriele d'Annunzio, qui fut un habile propagandiste nationaliste durant la Première Guerre mondiale mais mit également son talent et sa notoriété au service de nombreuses réclames (notamment pour des fabricants de vermouth et autres spiritueux). Le décorum fasciste (chemises noires, salut « romain » cris de ralliement, théâtralisation de la politique) est directement emprunté aux Arditi (miliciens) de d'Annunzio lors de l'éphémère occupation de Fiume en 1920.
Culte de la personnalité
Le culte de la personnalité et la mise en scène de Mussolini, qualifié de termes ronflants (« Homme providentiel », « surhomme fasciste », « Grande Nocchiere » - « Grand timonier », etc.) utilisent tous les vecteurs de communication : presse écrite, actualités cinématographiques, affiches, peintures murales, sculpture et peinture (une grande partie des peintres de l'école futuriste de Marinetti, comme Thayaht (Ernesto Michahelles) mettent leur talent au service du régime fasciste) mais aussi imagerie populaire comme les cartes postales qui mettent en scène le Duce selon des centaines de déclinaisons (au volant d'une voiture de course, aux commandes d'un avion, à cheval, en compagnie du roi Victor Emmanuel ou en compagnie d'ouvriers - dans ce dernier cas, il s'agit de policiers déguisés, affublés d'un bleu de travail et d'une casquette -, à la moissonneuse batteuse ou sur un tracteur Fiat durant la « bataille du blé », inaugurant ou posant la première pierre d'un bâtiment, etc.).
Contrôle des médias
La presse écrite, la radiodiffusion et le cinéma sont instrumentalisés grâce à l'instauration du ministère de la Culture populaire (dit MinCulPop en abrégé) confié à des hommes « sûrs » (Dino Alfieri, Alessandro Pavolini, Fernando Mezzasomma). Ce ministère a la haute main sur toute l'information et se livre à une véritable réécriture de la réalité à travers ses célèbres directives (plaisamment appelées veline - papiers vélins - dans les milieux journalistiques).
Ces veline ont une incroyable variété de domaines d'intervention qui dépasse largement celui de la politique au sens strict et visent à donner une image idéalisée de l'Italie fasciste et de son dictateur. Leur caractère maniaque, outré et souvent ridicule fut un sujet de plaisanteries voilées durant toute la période fasciste.
Récupération du sport à des fins politiques
La propagande fasciste s'est fait une spécialité de récupérer à son profit les succès italiens dans le domaine sportif, en particulier dans les sports mécaniques, envisagés comme symbole de progrès technique et d'industrialisation d'une nation en voie de développement accéléré.
Lorsque le pilote motocycliste Omobono Tenni remporte le célèbre Grand Prix britannique 1937 (le très dangereux Tourist Trophy, sur le circuit de l'île de Man) aux commandes d'une Moto Guzzi, battant la fine fleur des machines et des pilotes britanniques, le journal Motociclismo salue son exploit par un titre dithyrambique : « L'athlète fasciste OmobonoTenni a vaincu les Anglais » .
Les records de vitesse aériens dans la Coupe Schneider (De Bernardi et Agello, sur hydravions Macchi Castoldi) , les traversées aériennes transatlantiques en escadrille d' Italo Balbo, sur les célèbres hydravions-catamarans Savoia Marchetti type S55, les victoires motonautiques du comte Theo Rossi di Montelera (richissime héritier de la firme Martini et Rossi) aux États-Unis, devant le redoutable pilote constructeur Gar Wood et dans la course Pavie-Venise, les exploits des écuries automobiles Alfa-Romeo, Lancia, puis Ferrari et de leurs pilotes (Tazio Nuvolari, Achille Varzi), la conquête du Hales Trophy récompensant le Ruban Bleu de la traversée de l'Atlantique par le paquebot Rex sont autant d'occasions de pavoiser pour la presse du régime fasciste.
Toutefois ces victoires et ces records sont l'arbre qui cache la forêt d'une industrie encore balbutiante : ainsi l'industrie aéronautique italienne produit à l'unité quelques engins de record de classe internationale mais est incapable de fabriquer en quantités véritablement industrielles des avions de chasse monoplans modernes, et l'armée de l'air en fera l'amère expérience une fois la guerre déclarée.
Assez rapidement, c'est le mouvement sportif tout entier, supposé incarner un idéal de courage et de virilité, qui est mis au service du fascisme, qu'il s'agisse du sport de masse incarné par les organisations de jeunesse et de sport corporatif (Balillas, Avanguardisti, Jeunesses Fascistes, Œuvre du Doppolavoro) ou qu'il s'agisse du sport d'élite et de haut niveau, chapeauté par le CONI (Comité olympique), à la tête duquel Mussolini a placé un « godillot » qui lui est entièrement dévoué, Achille Starace, également secrétaire national du Parti fasciste.
Cette instrumentalisation du sport se retrouvera de façon plus exacerbée encore dans l'Allemagne hitlérienne, mais aussi en URSS et aux États-Unis dans le contexte de la Guerre froide.
Cinéma et fascisme
L'implication très importante de la politique fasciste dans le domaine du cinéma est également très caractéristique : le festival du cinéma (Mostra) de Venise crée en 1932 et les célèbres studios de Cinecitta, inaugurés par Mussolini en 1937 sont des créations directes du régime fasciste, qui veut promouvoir une culture populaire purement nationale et combattre l'influence des films américains.
Le cinéma italien de l'époque exalte le régime à travers des films de pure propagande comme Camicia Nera (Giovacchino Forzano, 1933) mais aussi, de façon indirecte à travers des « péplums », qui sont l'équivalent italien des westerns américains et visent à accréditer l'idée que le régime fasciste, qui a des visées impérialistes en Érythrée et en Abyssinie, a restauré la gloire passée de l'Empire romain.
Les actualités cinématographiques (moyen d' information les plus moderne avant l'avènement de la télévision), entièrement à la dévotion du régime. sont dotées de moyens très importants (création de L'Istituto Luce dès 1924).
L'architecture propagande
Sans qu'on puisse parler d'un style architectural fasciste à proprement parler, la période des vingt années du fascisme, au cours de laquelle on a beaucoup bâti en Italie (gares, aéroports, villes nouvelles comme Littoria - rebaptisée Latina après la guerre -, stades, immeubles d'habitation, casernes, usines, musées, etc.) a donné l'occasion à toute une génération d'architectes, souvent novateurs, de se mettre au service d'un régime pour lequel la mise en scène des chantiers (créateurs d'emploi) et l'inauguration de bâtiments au style « moderniste » était autant d' opportunités de glorifier le fascisme.
L'exemple le plus caractéristique est la création des sièges régionaux du Parti fasciste (Casa del fascio) construits dans toutes les capitales provinciales italiennes au cours des années 1920 et 1930.
La Casa del fascio de Côme, par l'architecte Giuseppe Terragni (aujourd'hui utilisée comme immeuble administratif de la douane) est souvent citée comme un exemple remarquable de l'architecture rationaliste.
L'histoire mise au service du régime
La période de l'Empire romain a été abondamment revisitée par le régime fasciste, à l'occasion de la restauration et de la mise en valeur des ruines de l'époque romaine, le but étant d'exalter l'entreprise guerrière, expansionniste et coloniale du régime mussolinien (en réalité de dimension plutôt limitée) en proclamant que l'Italie fasciste avait retrouvé la grandeur impériale du temps de Jules César .
Une des entreprises les plus caractéristiques de cette instrumentalisation de l'archéologie a été la récupération des galères de l'empereur Caligula coulées dans le lac de Nemi, qui a nécessité d'énormes moyens technologiques pour assécher le lac, récupérer les navires antiques (de plus de 70 m de long) et les abriter dans un grand hangar - musée spécialement construit à cet effet.
Le choix fait par les promoteurs de cette entreprise d'incorporer des officiers de la Royal Navy britannique à l'équipe d'experts navals chargée d'évaluer les navires antiques (qui se révélèrent bien plus avancés techniquement que ce qui était communément admis) n'était évidemment pas neutre : à cette époque l'Italie fasciste se dotait d'une marine de guerre pléthorique, capable, sur le papier du moins, de renverser l'équilibre des forces navales en Méditerranée.
La période de la Renaissance italienne (le Quattrocento) et du Risorgimento (la mise en place de l'Italie unifiée en tant qu'État-nation dans la seconde moitié du XIX siècle) ont été également abondamment utilisées par la propagande fasciste.
La propagande soviétique
L'URSS, surtout sous Staline (1924-1953), régime totalitaire, a utilisé tous les moyens de propagande disponibles à l'époque :
Les affiches et le photomontage vantant l'industrialisation, la planification et la collectivisation des terres. Publicités et affiches de recrutement dans l'Armée rouge.
Statistiques de productions de céréales truquées durant la famine des années 1930.
Manifestations « spontanées » et grandes parades comme celles de 1935 à Moscou, la parade des « pionniers » en 1930, les défilés sur la Place Rouge à Moscou le 1 mai et le 7 novembre…
Les retouches des photographies (éliminations de Léon Trotski, Khalatov, Kamenev...), ainsi que des falsifications de faits dans les encyclopédies, les publications ou les manuels scolaires. L'histoire était fréquemment réécrite, les événements du passé modifiés de telle sorte que les actions des autorités soviétiques soient toujours dépeintes positivement.
Endoctrinement de la jeunesse dans les écoles et les organisations (les Octobriens (jeunes de 8 à 10 ans), les Pionniers (de 10 à 14-15 ans) et les Komsomols (de 14 à 25 ans)).
Utilisation de la presse, de la radio et de la télévision.
Les éloges panégyriques de Rashimov dans la presse (Gazette rouge de Léningrad, Pravda...)
Le cinéma, en influençant les films du cinéaste Sergueï Eisenstein : Octobre, qui relate les événements d'octobre 1917, dont le scénario fut modifié sur ordre de Staline, ou encore La Chute de Berlin de Mikhaïl Tchiaoureli dans lequel Staline est présenté comme le vainqueur génial de la Seconde Guerre mondiale.
La peinture officielle du réalisme soviétique avec Plastov, Romas, Toidze, Guerassimov ou Boris Vladimirski.
La vénération du stakhanovisme.
Gravures d'affiches de l'entre-deux-guerres des années 1930 avec des artistes tels que Victor Deni, Alexandre Deïneka, Gustave Kloutsis, N. Vatolina ou après guerre avec Kukryniksy.
Image originale des leaders soviétiques prise en 1919 sur la Place Rouge lors du second anniversaire de la révolution d'Octobre.
Image retouchée, Trotsky (lunettes et casquette) et Kamenev (en haut à gauche) ont disparu.
Staline et Nikolaï Iejov.
Image censurée ; Nikolaï Iejov est « gommé » après son exécution.
Berlin-Est, premier mai 1953.
Voir aussi l'article Agitprop.
Propagande nazie
Propagande américaine soulignant l'hostilité des nazis envers la Bible
La propagande nazie faisait partie des attributions du Ministère du Reich à l'Éducation du peuple et à la Propagande, dirigé par Joseph Goebbels. Le parti nazi avait lui aussi son officine de promotion : le « Reichspropagandaleitung der NSDAP ». C'est en partie grâce à l'utilisation d'une propagande massive que les nazis ont pu faire adhérer une grande partie de la population allemande à leur programme.
La guerre froide
Affiche de propagande de Corée du Nord sur la destruction annoncée du croiseur USS Baltimore par quatre torpilleurs durant la guerre de Corée alors que ce navire n'a pas participé à ce conflit et a été en service jusqu'en 1956 et démoli à Portland en 1972. Ce type de mensonge concernant les pertes infligées à l'ennemi est relativement courant en temps de guerre.
Les États-Unis et l'Union soviétique ont tous deux utilisé intensivement la propagande pendant la guerre froide. Les deux camps ont employé les médias de masse (cinéma, télévision et radio) pour influencer leurs propres citoyens et les nations du Tiers-Monde.
Le gouvernement américain a ainsi lancé la station de radio Voice of America (voix de l'Amérique). Celle-ci pratique ce que les Américains appellent de la « diplomatie publique », une communication destinée aux populations et destinée à donner une image favorable des États-Unis et de leur système (une idée qui fut redécouverte après les attentats du 11 septembre 2001 ). Des radios soutenues en partie par la CIA ont diffusé de la propagande « grise » dans les nouvelles et les programmes de divertissement en Europe de l'Est et en Union soviétique. La radio officielle du gouvernement de l'Union soviétique, quant à elle, a diffusé de la propagande « blanche ». Les deux camps ont également diffusé de la propagande « noire » aux heures de crise.
Un des écrivains qui a le mieux décrit les mécanismes de propagande fut George Orwell. Bien que ne vivant pas en Union soviétique, les personnages évoluent dans des régimes totalitaires où le langage est constamment corrompu par des manipulations politiques. Ces romans ont été employés explicitement pour la propagande. La CIA a, par exemple, secrètement commandé un film d'animation adaptant la Ferme des animaux dans les années 1950. C'était aller à l'encontre de la volonté d'Orwell qui dénonçait clairement la propagande dans son livre 1984.
Propagande en rapport avec les États-Unis
Affaire des couveuses au Koweït
En 1990, une jeune femme, témoigne, les larmes aux yeux, devant le Congrès américain, qu'elle a assisté à des atrocités au Koweït, et notamment qu'elle a vu les soldats irakiens tirer sur des bébés et leur enlever les couveuses. L'identité de la femme est gardée secrète au motif de sa protection. On donna un nombre de centaines de bébés. En fait, l'histoire était inventée. Mais elle fut répétée par George H. W. Bush et servit à justifier l'entrée en guerre contre l'Irak. La jeune femme était la fille de l'ambassadeur du Koweït à Washington. La campagne de relation publique dans son ensemble fut commandée à la compagnie Hill & Knowlton pour la somme de 10 millions de dollars par l'association Citizens for a Free Kuwait.
Guerre en Afghanistan
Affiche américaine mettant à profit le sentiment antijaponais dans le cadre des campagnes du Pacifique.
Le sauvetage de Jessica Lynch, mené par les Special Forces en pleine couverture médiatique de l'opération liberté irakienne, fut décrié comme un show hollywoodien visant à atteindre l'opinion publique via le téléspectateur en développant la thématique média de la demoiselle en détresse. Cette photo émane des services de presse de l'USCENTCOM.
Dans l'invasion de l'Afghanistan par les États-Unis en 2001, la tactique psychologique d'opérations a été utilisée pour démoraliser les Talibans et pour gagner les sympathies de la population afghane. Au moins 6 avions commando EC-130E ont été utilisés pour bloquer les transmissions par radio locales et pour transmettre des messages de propagande de remplacement. Des feuillets ont été également lâchés dans l'ensemble de l'Afghanistan, offrant des récompenses pour Oussama Ben Laden et d'autres individus, dépeignant les Américains comme amis de l'Afghanistan et soulignant divers aspects négatifs du Taliban. Un autre montre une image de Mohammed Omar à travers un viseur de fusil avec les mots « Nous vous regardons ».
Guerre en Irak
Durant l'invasion de l'Irak en 2003, le ministre de l'information irakien Mohammed Said al-Sahhaf a à plusieurs reprises clamé que les forces irakiennes gagneraient décisivement chaque bataille. Même lors du renversement du gouvernement irakien à Bagdad, il a maintenu que les États-Unis seraient bientôt défaits, en contradiction avec les médias internationaux. Cela décrédibilisa sa position.
En novembre 2005, divers médias, y compris le Chicago Tribune et le Los Angeles Times rapportèrent que les Forces armées des États-Unis avaient manipulé des nouvelles rapportées dans des médias irakiens dans un effort de jeter une lumière favorable sur ses actions tout en démoralisant l'insurrection. Le Lieutenant Col. Barry Johnson, un porte-parole militaire en Irak, déclara que le programme était « une partie importante dans la mission de rapporter de fausses nouvelles aux insurgés », alors qu'un porte-parole du secrétaire à la défense Donald H. Rumsfeld disait que les allégations de la manipulation étaient préoccupantes si elles se révélaient vraies. Le département de la défense a depuis confirmé l'existence du programme. Plus récemment, le New York Times a publié un article concernant la façon dont le Pentagone a commencé à employer des entrepreneurs avec peu d'expérience dans le journalisme ou les relations publiques pour écrire des articles dans la presse irakienne. Ces articles sont habituellement écrits par des soldats des États-Unis sans attribution ou sont attribués à une organisation inexistante appelée « le centre international de l'information. » L’implantation d’histoires de propagande dans les journaux avait déjà été faite par les alliés et les puissances centrales durant la Première Guerre mondiale et par l'Axe et les alliés durant la seconde.
Le journaliste David Barstow a obtenu le prix Pulitzer de journalisme d'enquête 2009 pour deux articles paru dans le New York Times décrivant les liens entre les militaires invités sur les plateaux des chaînes de télévision et le Pentagone. Ces experts militaires étaient présentés comme de simples analystes mais servaient en fait d'agent de propagande pour justifier la guerre en Irak. Les mêmes articles dénoncent par ailleurs que tous ces analystes avaient des conflits d'intérêts puisqu'ils bénéficiaient d'avantages de la part de compagnies et entreprises qui tiraient bénéfice de la politique qu'ils défendaient à l'écran.
Voir aussi Voice of America pendant la guerre du Viêt Nam.
Techniques de propagande
Satire électorale : la propagande politique - peinture de style rococo, de William Hogarth. Angleterre, années 1750
Les techniques de propagande ont cours dans les démocraties depuis la Première Guerre mondiale mais aujourd'hui la propagande s'exerce sous le nom de « communication politique » ou relations publiques. Dans une dictature, la conservation du pouvoir est assurée par des moyens coercitifs alors que dans une démocratie, les moyens de conquête ou de conservation du pouvoir sont fondés sur la persuasion. Le pouvoir médiatique prime alors sur le pouvoir militaire. D'après un paradoxe formulé par Hume, dans une démocratie, l'armée est beaucoup moins puissante que dans une dictature. Pour maintenir leur pouvoir, les dirigeants élus ont donc encore plus besoin d'une propagande efficace qu'un pouvoir dictatorial. En effet, une répression policière excessive pourrait conduire à une défaite électorale.
Edward S. Herman et Noam Chomsky ont proposé un « modèle de propagande », qu'ils ont testé empiriquement aux États-Unis. Leur méthode consiste, sur un grand nombre d'articles de presse d'origine diverses mais portant sur des sujets comparables, à quantifier l'influence de quatre facteurs pouvant modifier l'information : le groupe de presse, les annonceurs publicitaires, les fournisseurs d'information (agences gouvernementales) et l'idéologie dominante.
Les principaux aspects de la propagande dans une démocratie sont d'après leur recensement les suivants :
influence médiatique : radio, télévision, presse, publicité, internet.
confusion volontaire : justification de la vente d'un produit par des principes éthiques, ou inversement, promotion d'une opération humanitaire en usant des techniques de communication des entreprises privées.
valorisation sémantique : « solidarité » par exemple.
manipulation de l'opinion publique à l'aide de statistiques ou de sondages biaisés.
falsification de l'image : retouches vidéo, fausses images.
auto-censure des rédactions.
informations partiales
campagnes de diabolisations
Dans les pays démocratiques, la propagande reste donc diffuse et variée. C'est le constat qu'a également fait le psycho-sociologue Jean-Léon Beauvois dans Les illusions libérales paru en 2005. Il constate à la fois que le mot « propagande » est devenu durant la seconde moitié du XX siècle un mot à connotation fortement négative et que parallèlement les démocraties ne peuvent se passer d’actions persuasives (ou de débats) sous peine de sombrer dans une forme de totalitarisme tranquille. Le pouvoir, ou les différents pouvoirs, cherchent selon lui une forme de propagande qui soit démocratiquement acceptable et qui ait bien pour effet, comme les propagandes traditionnelles, noires, blanches ou grises des militaires, de propager des idées, valeurs et croyances dans une population. Le concept de « propagande glauque » qu'il propose rend compte de cette double exigence : il s’agit d’une activité de propagation se réalisant au moyen d’influences inconscientes comme celles que décrivent les sciences psychologiques (psychologie cognitive notamment). Cette propagande réalise en faveur de certaines opinions et valeurs des effets connus et étudiés dans les situations expérimentales : effet d’amorçage (priming), de simple exposition, de conditionnement évaluatif, de modelage (modeling). Par exemple, le fait de présenter régulièrement des services publics qui marchent bien comme des « entreprises » et leur directeur comme de « vrais » chefs d’entreprise, apprend par modelage à la population à ne plus les envisager avec les attributs des services publics. Une particularité de cette forme de propagande est qu’elle peut se réaliser de façon non délibérée. Toujours selon Beauvois, elle est particulièrement active dans les démocraties libérales où les médias sont la propriété de quelques grands groupes industriels et financiers comme le décrivent entre autres Chomsky et Herman. Il insiste sur le fait que ce type de propagande est la caractéristique d’un système médiatique non pluraliste dans lequel des journalistes peuvent continuer cependant à affirmer et afficher leur déontologie.
Des soldats américains diffusent un message par haut-parleur et distribuent des prospectus dans le cadre d'une opération psychologique à Al Kut en Irak, le 2 mai 2003
Les propagandistes emploient des arguments qui, bien que parfois convaincants, ne sont pas nécessairement justes. Un certain nombre de méthodes, inspirées notamment de la psychologie sociale, sont employées pour créer des messages persuasifs, mais faux. Plusieurs de ces techniques de manipulation rhétorique relèvent du sophisme et jouent sur les biais cognitifs. D'autres techniques ressortent davantage de la manipulation émotionnelle.
Il a fallu beaucoup de temps pour analyser les canaux par lesquels les messages de propagande font leur effet. Si ce travail est important, il est clair que les stratégies de diffusion de l'information ne deviennent des stratégies de propagande qu'à partir du moment où elles diffusent effectivement des messages de propagande. L'identification de ces messages de propagande est donc un prérequis nécessaire. Nous proposons ci-dessous quelques techniques classiques, dont la plupart reposent sur une bonne utilisation de l'émotivité de l'auditoire.
La fabrication de faux documents : retouche photo tendancieuse, montage cinématographique tendancieux, etc.
La peur : un public qui a peur est en situation de réceptivité passive, et admet plus facilement l'idée qu'on veut lui inculquer. Par exemple, Joseph Goebbels a exploité l'ouvrage de Theodore Kaufman, homme d'affaires et écrivain de confession juive, « l'Allemagne doit périr ! » (« peu importe que cet Allemand soit catholique, protestant, nazi, antinazi, communiste, socialiste, démocrate, etc., qu'il soit de Bohème, d'Autriche, de Prusse, d'Alsace-Lorraine, tous doivent y passer », citation issue de L'Allemagne doit périr, livre publié en 1941 à New York), pour affirmer que les Alliés ont pour but l'extermination du peuple allemand.
Appel à l'autorité : l'appel à l'autorité consiste à citer des personnages importants pour soutenir une idée, un argument, ou une ligne de conduite.
Témoignage : les témoignages sont des mentions, dans ou hors du contexte, particulièrement cités pour soutenir ou rejeter une politique, une action, un programme, ou une personnalité donnée. La réputation (ou le rôle : expert, figure publique respectée, etc.) de l'individu est aussi exploitée. Les témoignages marquent du sceau de la respectabilité le message de propagande.
Effet moutonnier : cet appel tente de persuader l'auditoire d'adopter une idée en insinuant qu'un mouvement de masse irrésistible est déjà engagé ailleurs pour cette idée. Comme tout le monde préfère être dans le camp des vainqueurs que dans la minorité qui sera écrasée, cette technique permet de préparer l'auditoire à suivre le propagandiste.
Redéfinition : consiste à redéfinir des mots ou à falsifier l'histoire de façon partisane.
Obtenir la désapprobation : cette technique consiste à suggérer qu'une idée ou une action est adoptée par un groupe adverse, pour que l'auditoire désapprouve cette idée ou cette action sans vraiment l'étudier. Ainsi, si un groupe qui soutient une politique est mené à croire que les personnes indésirables, subversives, ou méprisables la soutiennent également, les membres du groupe sont plus enclins à changer d'avis.
Généralités éblouissantes et mots vertueux : les généralités peuvent provoquer une émotion intense dans l'auditoire. Par exemple, faire appel à l'amour de la patrie, au désir de paix, à la liberté, à la gloire, à la justice, à l'honneur, à la pureté, etc., permet de tuer l'esprit critique de l'auditoire. Même si ces mots et ces expressions sont des concepts dont les définitions varient selon les individus, leur connotation est toujours favorable. De sorte que, par association, les concepts et les programmes du propagandiste seront perçus comme tout aussi grandioses, bons, souhaitables et vertueux.
Imprécision intentionnelle : il s'agit de rapporter des faits en les déformant ou de citer des statistiques sans en indiquer les sources. L'intention est de donner au discours un contenu d'apparence scientifique, sans permettre d'analyser sa validité ou son applicabilité. Ces imprécisions peuvent se glisser dans le système juridique, sous forme d'un droit mou, poussant à la communication en vue d'obtenir des informations, tout en influençant l'opinion publique.
Transfert : cette technique sert à projeter les qualités positives ou négatives d'une personne, d'une entité, d'un objet ou d'une valeur (un individu, un groupe, une organisation, une nation, un patriotisme, etc.) sur un tiers, afin de rendre cette seconde entité plus (ou moins) acceptable. Cette technique est utilisée, par exemple, pour transférer le blâme d'un camp à l'autre, lors d'un conflit. Elle évoque une réponse émotive qui stimule la cible pour qu'elle s'identifie avec l'autorité reconnue.
Simplification exagérée : ce sont des généralités employées pour fournir des réponses simples à des problèmes sociaux, politiques, économiques, ou militaires complexes.
Quidam : pour gagner la confiance de son auditoire, le propagandiste emploie le niveau de langage et les manières (vêtements, gestes) d'une personne ordinaire. Par projection, l'auditoire est aussitôt plus enclin à accepter les positions du propagandiste, puisque celui-ci lui ressemble.
Stéréotyper ou étiqueter : cette technique utilise les préjugés et les stéréotypes de l'auditoire pour le pousser à rejeter l'objet de la campagne de propagande.
Bouc émissaire : en jetant l'anathème sur un individu ou un groupe d'individus, accusés à tort d'être responsables d'un problème réel (ou supposé), le propagandiste peut éviter de parler des vrais responsables, et n'a pas à approfondir le problème lui-même.
Slogans : un slogan est une brève expression, facile à mémoriser et donc à reconnaître, qui permet de laisser une trace dans tous les esprits.
Glissement sémantique : technique consistant à remplacer une expression par une autre afin de la décharger de tout contenu émotionnel et de la vider de son sens (euphémisme). Le glissement sémantique peut à l'inverse renforcer la force expressive pour mieux émouvoir l'auditoire. Exemples : « communauté internationale » à la place de « occidentaux », « frappe aérienne » à la place de « bombardement », « dommages collatéraux » à la place de « victimes civiles », « libéralisme » à la place de « capital illimité », « solidarité » à la place d'« impôt », « pédagogie préventive » à la place de « répression policière », « vidéo protection » à la place de « vidéo surveillance », « intervention humanitaire préventive » à la place d'« intervention militaire ».
Ces méthodes ont été analysées pendant l'entre-deux-guerres par un groupe de scientifiques américains regroupés autour de l'Institut pour l'analyse de la propagande (Institute for Propaganda Analysis) afin d'apprendre au public à déceler les techniques de la propagande en temps de guerre ou en temps de paix et à s'en préserver. Un des membres de l’Ipa, Clyde Miller synthétisait en parlant de quatre leviers :
Levier d’adhésion (virtue device) faire accepter une personne, une idée ou un parti comme « bon » en l’associant à des mots ou symboles «bons »
Levier de rejet (poison device) : l’opération inverse avec des symboles du mal ou de valeurs détestées.
Levier d’autorité (testimonial device) : récupérer le prestige d’un homme ou d’une institution ou exagérer la valeur exemplaire d’un cas pour faire approuver ou rejeter.
Levier de conformité (together device) qui fait appel au poids de la masse des partisans ou à l’appartenance à une entité supérieure, Nation, Église pour obtenir l’adhésion.
Ce schéma théorique n’est pas d’un raffinement extrême, mais il décrit assez bien une pratique quotidienne.
Là aussi on comparera avec une grille des années 1950 exposée par J. M. Domenach. Pour lui, la propagande suppose :
la simplification et le choix d’un ennemi unique ;
le grossissement et la défiguration des faits (ce qui ne signifie pas le mensonge systématique : moins la propagande risque d’être démentie et le trucage démontré, plus elle est efficace) ;
l’orchestration dans la répétition des thèmes principaux ;
la « transfusion » qui est l’emploi des mythes préexistants et affects collectifs mobilisés au service de la cause ;
Le principe d’unanimité et de contagion : la pression conformiste du groupe sur l’individu.