La flétrissure est une peine afflictive et infamante d’Ancien Régime, consistant en une marque au fer rouge sur le condamné. Le caractère infamant tenait en partie au marquage en place publique. La flétrissure était plus grave que le blâme, l’amende honorable, l’exposition publique et le fouet, mais se situait en dessous de la mutilation, des galères, du bannissement et de la question. Son caractère permanent lui donnait un caractère stigmatisant recherché par les juridictions.
Le fer servant à marquer les condamnés prend en France la forme d’une fleur de lys puis en 1724 d'une triple lettre (flétrissure lettrée : V pour voleur, M pour mendiant récidiviste et GAL pour galérien). Cette peine est abolie par l'article 2 du décret du 26 septembre 1791 puis rétablie par Napoléon Bonaparte. L'article 20 du Code pénal de 1810 prévoit la flétrissure au fer brûlant en place publique sur l'épaule droite : les condamnés sont marqués de l'empreinte des lettres T. P. pour travaux forcés à perpétuité, de la lettre T pour travaux forcés à temps ou de la lettre D pour les déportés. La lettre F est ajoutée à l'empreinte pour les faussaires, la lettre V pour les voleurs et le numéro du département où siège la Cour criminelle qui a rendu le jugement.
L'identification des criminels a toujours été une préoccupation des services de police. Bien avant les fiches signalétiques modernes, les moyens de répertorier les marginaux, hors-la-loi et d'une manière générale toute personne mise au ban de la société, que cette exclusion soit une volonté de l'individu lui-même ou le fait d'une condition particulière, un code de marques extrêmement recherché, sorte de crécelles visuelles, fut mis en place dès l’Antiquité.
Prostitution
Fleurdelysage
L'exemple le plus parlant, à ce titre, est celui des prostituées, dont le statut n'a cessé de glisser entre des frontières incertaines, du légal au toléré, du toléré au réprouvé et du réprouvé à l'illégal. Très tôt, au Moyen Âge et jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, la répression s'abat sur la prostitution. Poursuivies, condamnées puis marquées, au nom de considérations religieuses, les femmes convaincues de « crime de putanisme » se voient affligées, non seulement d'une pièce de vêtement rayée jaune et rouge en bordure de leur robe, dénotant le déshonneur légal (rayure insultante qui fut, au reste, tout aussi valable pour tous les métiers et conditions considérés comme infamants : acteurs, saltimbanques, bouffons, idiots du village,etc) que de flétrissure corporelle.
En 1485, les filles publiques ont le nez coupé et sont marquées d'un P sur le front, le bras ou la fesse. Leurs maquerelles subissent le même supplice et sont identifiées de la lettre « M » aux mêmes endroits, assortie d'une fleur de lys Le roi français Charles IX les met hors-la-loi par édit royal : « Que toutes filles de joie et femmes publiques deslogent de nostre dite cour, dans ledit temps, sous peine de fouet et de la marque (…) » A la mutilation s'ajoute l'humiliation publique : sous Louis XIV, filles à soldats et maquerelles sont promenées à travers la ville sur un âne et fustigées publiquement, parfois portant un écriteau dénonçant leur condition en termes rien moins que châtiés (ainsi le cas de Marie-Jeanne Deduyer condamnée à Brest en 1713).
Marque de propriété
La marque qui punit et condamne à l'opprobre n'est certes pas l'apanage du pouvoir officiel. Les lois du Milieu sont tout aussi dures à l'égard de celles que les criminels veulent humilier, châtier mais principalement identifier de façon indélébile. Les souteneurs ont fréquemment immatriculé les femmes qu'ils prostituaient du nom de leurs maîtres, et ce dans les bas-fonds de l'Europe entière.
Arméniennes réfugiées en Syrie
Un article de 1930 dénonce cette pratique subie par des Arméniennes réfugiées en Syrie, afin de les reconnaître rapidement et de les empêcher de reprendre leur liberté.
« Elles sont vendues de traitant à traitant et marquées par leurs maîtres successifs. Les marques changent selon le désir du maître ou suivant son origine kurde ou arabe. Tantôt le tatoueur dessine des losanges, tantôt des croix, des points, des étoiles, des quartiers de lune. Les endroits tatoués sont en général les plus visibles (mains, front, joues, cou ou lèvres) mais les seins, le ventre sont aussi touchés ».
Que ce soit en Syrie ou ailleurs, les prostituées désireuses de se libérer du joug de leur « protecteur » risquent de subir des représailles : la célèbre « croix des vaches » punit celles qui ont « manqué » à la loi du Milieu, autrement dit qui ont trahi. Cette Croix-des-vaches, tracée sur les joues au couteau, au rasoir et même à l'aide d'un morceau de sucre (pour retarder la cicatrisation) est conçue pour défigurer celle qui la porte, mais plus encore l'exclut en la désignant comme traître.
Seconde Guerre mondiale
Pire encore que la « justice » légale ou celle en cours dans le Milieu, le jugement populaire est impitoyable, rapide et même expéditif, notamment lors de l'épuration qui eut lieu en France en 1944. S'éloignant du milieu de la prostitution, toutes les femmes suspectées d'avoir eu des relations coupables avec l'occupant – et d'une manière générale, tous ceux, hommes compris, accusés de collaboration – sont tatoués, scarifiés, brûlés au fer suivant le gré de l'imagination des justiciers improvisés. Nombre sont tondu(e)s devant la foule en colère. Un témoin de Sarlat note que « Nues jusqu'à la ceinture, une croix gammée douloureusement tatouée sur la poitrine, elles sont promenée à travers la ville ».
Autre flétrissure de sinistre mémoire, les Feld-Hure (littéralement, putains de campagne), la Division de la joie destinée au repos des officiers nazis en camps de concentration. Ces femmes, outre le traumatisme du numéro tatoué sur l'avant-bras et du crâne rasé, sont marquées à vie, sur la poitrine, de cette appellation.