La pastourelle est un genre poétique du Moyen Âge. Poème chanté, composé de strophes ou laisses assonancées en nombre variable, il met en scène, en alternant dialogues et parties narratives, une tentative de séduction d'une jeune bergère par un chevalier. La scène peut se terminer par un refus, éventuellement suivi d'un viol, ou par une acceptation. Parfois, la bergère, en butte aux instances du chevalier, appelle à l'aide le paysan qu'elle aime, qui met en fuite le poursuivant.
Les pastourelles en général se déroulent dans une atmosphère printanière et érotique. Décrivant des amours charnelles et bucoliques, elles prennent le contre-pied de l'amour courtois.
Définition
Michel Zink la définit ainsi, reprenant la définition du troubadour Vidal de Bezaudun : « La requête d'amour d'un chevalier à une bergère, l'échange de propos moqueurs et piquants et le dénouement, favorable ou non au séducteur, raconté sur le mode plaisant par le chevalier lui-même ». Les auteurs médiévaux la considèrent d'ailleurs comme un genre satirique.
Traditionnellement, on en distingue deux types :
Le type le plus fréquent, celui décrivant la rencontre amoureuse, entre le poète et la bergère.
Le type « objectif », qui présente une scène champêtre, où le poète se mêle à des bergers et des bergères qui font la fête, se querellent, batifolent, se réconcilient.
Historique
La fonction de la pastourelle dans la poésie lyrique du Moyen Âge semble être d'exprimer le désir charnel masculin, la bergère (une femme de basse extraction, réputée facile) étant réduite à un pur objet érotique. Si le chevalier utilise le langage de la séduction et le vocabulaire de la fin'amor, il en détourne les règles, puisque l'aspect brutal de son désir, qu'il assouvit en forçant la femme si elle n'est pas consentante, contredit son discours. Genre plus aristocratique que réellement rustique, la pastourelle réfléchit probablement les aspirations secrètes d'une chevalerie parfois lasse de la préciosité des Cours d'amour.
Les Trouvères, qui flattaient ainsi les désirs de leurs seigneurs, ont emprunté leurs thèmes aux poètes provençaux. Car les pastourelles ont d'abord été composées en langue d'oc, entre le milieu du XII et la fin du XIII siècle, par des troubadours très connus comme Marcabru, Gui d'Ussel, Giraut de Bornelh, Cadenet, Serveri de Gérone, ou moins célèbres, comme Johan Estève, Guillem d'Autpolh, Gavaudan, Joyos de Tholoza ou Guiraut d'Espanha pour qui elle semble avoir été autant un divertissement qu'un exercice de versification.
Forme poétique
Folio CCCLX du Chansonnier C, (BnF f. f. 856)
Ce n'est pas un poème à forme fixe, le nombre et la forme des couplets restant libres (entre 6 et 30). La pastourelle a donc pu être, suivant les siècles, les régions, etc. :
une pièce savante de poésie pastorale dont la forme s'apparente au Chant Royal du XIV siècle, à la différence que le vers utilisé est l'octosyllabe. En outre le refrain est facultatif.
un petit poème médiéval, parfois anonyme, prenant pour thème l'amour d'une bergère. Il est conçu, en général sous forme de dialogue entre la jeune pastourelle, qui se défend, et un galant chevalier qui fait miroiter à ses yeux des cadeaux dignes d'une dame (comme des gants, une ceinture, un bandeau) pour obtenir ses faveurs.
Étant une chanson « à l'air agréable et gai, un peu sautant et vif », la pastourelle a donné naissance à une figure de contredanse. C'était la quatrième du quadrille ordinaire.
Un exemple de pastourelle
Début de L'autrier, jost'una sebissa, de Marcabru, présente dans huit manuscrits, dont le Chansonnier C. Le poème est composé de septains d'octosyllabes, deux couplets successifs utilisant les mêmes rimes, selon la structure aaabaab, puis cccbccb pour les deux suivants, etc.
L'autrier, jost'una sebissa Trobei pastora mestissa, De joy et de sen massissa ; E fon filha de vilana : Cap'e gonel'e pelissa Vest e camiza treslissa, Sotlars e caussas de lana. Ves leis vinc per la planissa : « Toza, fi m'eu, res faitissa, Dol ai gran del ven que.us fissa ». « Senher, so dis la vilana, Merce Deu e ma noyrissa, Pauc m'o pretz si.l vens m'erissa Qu'alegreta sui e sana ». « Toza, fi.m eu, causa pia, Destoutz me suy de la via Per fa a vos companhia, Quar aitals toza vilana No pot ses plazen paria Pastorgar tanta bestia En aital luec, tan soldana ! » « Don, dis ela, qui que.m sia, Ben conosc sen o folia ; » [...] L'autre jour, près d'une haie, je trouvai une pauvre bergère pleine de gaieté et d'esprit ; elle était fille de vilaine : d'une cape, d'une gonelle (robe longue) et d'une pelisse, vêtue, avec chemise de treillis, souliers et chausses de laine. Vers elle je vins dans la plaine : « Jouvencelle, dis-je, aimable objet, j'ai grand deuil que le vent vous pique ». « Seigneur, dit la vilaine, merci à Dieu et ma nourrice, peu me chaut que le vent me décoiffe car je suis joyeuse et en bonne santé ». « Jouvencelle, lui dis-je, charmante créature, je me suis détourné du chemin pour vous tenir compagnie ; une vilaine aussi jeunette que vous ne peut, sans un aimable compagnon paître tant de bétail en pareil endroit, toute seule ! » « Maître, dit-elle, qui que je sois, Je sais reconnaître bon sens et folie ; » [...] Le troubadour Marcabru
Les « chansons de bergères »
La pastourelle entre dans le genre plus vaste de la poésie pastorale ou poésie bucolique, pratiquée dès l'Antiquité, comme les Idylles de Théocrite ou de Virgile, et, plus près de nous, de la « chanson de bergère », qui peut d'ailleurs être aussi immorale et grivoise que la pastourelle.
Il existe une centaine de chansons traditionnelles (avec d'innombrables variantes) contenant des éléments champêtres et une tentative de séduction d'une jeune fille. Mais dans la plupart des cas, l'aventure est racontée par la bergère elle-même et non par le poète-chevalier. Le galant n'est pas toujours de haut rang, même s'il attend de la bergère une « récompense », un baiser en général. Ce sont des chansons à danser, à double entente souvent, avec une version adulte grivoise et une version enfant édulcorée comme la bien connue Il était une bergère des rondes enfantines.