Représentation du diable selon Dante Alighieri.
Le Diable (en latin : diabolus, du grec διάβολος / diábolos, issu du verbe διαβάλλω / diabállô, signifiant « celui qui divise » ou « qui désunit » ou encore « qui détruit ») est un nom propre général personnifiant l'esprit du Mal (aussi appelé Lucifer ou Satan dans la Bible). Le mot peut aussi être un nom commun désignant des personnages mythologiques malfaisants, un ou des diables, avec une minuscule.
Dans le Manichéisme, le « mal » est à égalité avec le principe du « bien », l'un et l'autre correspondant à dieu. Dans la tradition judéo-chrétienne, le « mal » et le « bien » ne sont pas égaux : les anges déchus étaient des créatures de Dieu qui n'ont pas été créés mauvais mais ont chu en se voulant les égaux de Dieu et en le rejetant ; eux et leur chef appelé « le Diable » tentent de répandre le mal en agissant auprès des hommes par la tentation. Ce faisant, le Diable a rejeté le bien et il est à l'origine du mal : « Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fonds ; car il est menteur et le père du mensonge » (Jean chapitre 8 verset 44).
À l'origine du mal, esprit du mal dans le monde, il est représenté sous un aspect qui varie entre l'homme et l'animal réel ou imaginaire (ours, bouc, dragon, rapace, etc.), le plus souvent aux traits hideux et repoussants.
L'existence d'une entité représentant la personnification du mal sous tous ses aspects et combinant les fonctions de maître de l'inframonde, destructeur du cosmos et responsable des pires aspects de l'humanité semble être apparue avec le monothéisme. L'élaboration de cette figure originale emprunte néanmoins aux religions polythéistes pratiquées au Moyen-Orient et aux influences desquelles les auteurs de la Bible furent soumis.
Personnifications du Mal dans les religions polythéistes
Hâpy.
Il semble que la notion de division de puissance en une force du bien et une du mal soit relativement récente dans l’histoire des croyances. Dans les cultes plus primitifs, le bien et le mal sont tous deux issus de la même déité, puisque celle-ci était considérée comme contenant tout ce qui existe. La même déité était donc à la fois capable de bien et de mal. Un exemple en est donné par la déesse à tête de lionne de l’Égypte antique Sekhmet qui détruisit l’humanité (sur ordre de Rê) mais était aussi vénérée pour son pouvoir de protection et de guérison. On peut aussi citer Loki, dieu scandinave qui tua vicieusement Balder, mais qui sauva le domaine des dieux Aesirs de la géante Skadi.
Dans les religions primitives, chaque clan ou tribu possédait son dieu avec tous ces attributs, cause du bien et du mal qui arrive aux hommes. Le polythéisme est considéré, dans cette argumentation, comme un rapprochement des divers clans, chacun possédant sa propre divinité. L’union du dieu mâle et d’un dieu femelle reflète l’union réussie et égalitaire de deux clans. Lorsqu’au cours du rapprochement de deux clans une divinité en remplace une autre pacifiquement, elle est alors décrite comme ayant été engendrée par l’ancien dieu : elle est le fils ou la fille de ce dieu alors déchu et dont le culte devient secondaire. Enfin, et c’est là que l’origine du principe du mal personnifié pourrait résider, lorsqu'un clan est belliqueusement conquis, la déité du clan se voit attribuer tous les principes mauvais et était considérée par les conquérants comme la source de tout le mal et, par conséquent, devenait source de peur et de crainte. Un exemple de cette théorie est donné par l’évolution du culte de Seth (Setekh) dans l’Égypte antique au profit de celui d’Horus, voir paragraphe ci-dessous consacré à l'Égypte.
La plupart des religions précédant le christianisme intègrent un ou plusieurs dieux incarnant le mal, qui par certains aspects rappellent le Diable des religions monothéistes. Contrairement à la vision chrétienne cependant, ces divinités ont généralement un double visage et parallèlement à leur dimension malveillante, sont l'objet d'un culte pour leurs aspects positifs. Elles ne sont en outre fréquemment la cause que d'une des facettes du mal et de ses manifestations.
Mésopotamie
La religion mésopotamienne est l'une des premières à représenter l'univers comme le champ de bataille de l'affrontement cosmique entre le bien et le mal. L'épopée de Gilgamesh, le plus ancien texte connu, marque déjà la première apparition d'un personnage diabolique dans la figure de Huwawa. Ce géant monstrueux garde la forêt de cèdres dans laquelle Gilgamesh veut couper le bois qui manque à son peuple. Gilgamesh occit le monstre mais n'en retire aucune gloire et se voit au contraire puni par Enlil, seigneur du ciel et roi des dieux. Huwawa au-delà de ses aspects terrifiants (« son rugissement est comme celui d'une tempête, sa bouche est le feu et son souffle est la mort ») représente en effet une force naturelle au caractère sacré.
Perse
Zarathoustra bouleverse la religion perse (le mazdéisme) en remplaçant les dieux existants par deux entités, l'une bénéfique, Ahura Mazda, dieu de la lumière apportant l'ordre, l'autre Ahriman ou Angra Mainyu, présidant aux forces destructrices. Cependant, Ahriman est subordonné à Ahura Mazda. Cette interprétation donne au dieu bienveillant le rôle de juge ultime qui laisse les démons tenter l'humanité et n'intervient qu'en dernier recours pour empêcher la victoire du mal.
Égypte
Anubis, le seigneur de la nécropole
Les Égyptiens n'avaient pas à proprement parler de Diable dans leur panthéon. Le mal pourrait être associé à Seth qui découpa son frère Osiris. Pour ce qui est de l'au-delà ; la tradition voulait que la déesse Maath pèse le cœur des morts à l'aide de la plume de la vérité. Si l'homme avait des choses à se reprocher alors le cœur était plus lourd que la plume et le condamné finissait avalé par une hideuse créature mélangeant hippopotame, lion, serpent et se retrouvait alors selon leurs croyance dans le néant. Anubis, souvent considéré a tort comme le diable égyptien n'avait d'autre rôle que de guider les morts et de veiller sur la nécropole où étaient admis les gens jugés dignes d'y rester. Pour les peuples de Basse Égypte, Seth était un dieu bienveillant, rôle occupé par Horus (et Osiris) en Haute Égypte. Lors de l’unification de la haute et de la basse Égypte, Horus et Seth devinrent, dans un premier temps, frères, et furent vénérés comme un dieu bifide Hâpy, puis, le temps aidant, Seth fut considéré comme inférieur à Horus pour finalement personnifier la source de tout mal, le Satan de l’ancienne Égypte. Seth fut fréquemment représenté comme un serpent noir, un porc noir ou encore par un homme aux cheveux roux (les mots rouges et désert - la basse Égypte où Seth était vénéré est désertique - sont très proches l’un de l’autre en hiéroglyphique égyptien). On trouve un point de vue intéressant sur la confrontation d'Horus et de Seth dans " la magie d'Hénok ", en particulier dans la quatrième partie. Hiramash y avance l'idée que Seth était le dieu de la Volonté, représentant l'époque matriarcale de l'Humanité, tandis qu'Horus était le dieu de l'Amour, représentant l'époque patriarcale qui aurait suivi. Horus aurait, selon cet auteur, évincé Seth pour installer un règne de puissance, prétextant l'Amour pour se détourner de la sexualité et des forces de la Terre ; Seth est alors "requalifié en Diable" par Horus le vainqueur, et par conséquent tout ce qui est féminin sera désormais considéré comme au mieux inférieur, au pire diabolique. Toujours selon cette hypothèse, le règne d'Horus marquerait le début des grandes institutions, des États et des polices dans le monde entier.
Canaan
Grèce
Haut-relief de Pan, connu comme « satyre della Valle », près du théâtre de Pompée.
Si la distinction entre le bien et le mal est parfois diffuse, de nombreuses déités présentant deux facettes, l'une bienveillante et l'autre malveillante, Hésiode affirme néanmoins que les mauvaises actions sont punies par les dieux qui confient aux Érinyes la tâche de tourmenter ceux qui vont contre les lois du cosmos. C'est avec Platon qu'apparaît une distinction plus claire entre l'aspiration au monde des idées et la tentation de céder aux besoins matériels (une opposition inspirée notamment par le combat de Zeus et Dionysos contre les Titans).
Si la Grèce antique est le berceau de la philosophie, les philosophes grecs ont cependant eu une faible influence sur la vision anthropomorphique que leurs contemporains, dans toutes les strates de la société, avaient des dieux et expliquaient encore par des travers très humains les vicissitudes de leur existence.
La mythologie grecque a marqué la représentation du démon dans le christianisme médiéval, en particulier à travers Hermès (le messager des dieux est en effet également le dieu des voleurs et celui qui mène les morts dans l'infra-monde) mais surtout son fils, Pan. Celui-ci transmettra en effet au diable cinq de ses traits de caractère les plus reconnaissables : les sabots, les cornes, le bouc, les pattes velues et l'odeur pestilentielle. Satan héritera en outre de sa dimension de personnification de l'érotisme. En particulier, sous l'influence d'Augustin d'Hippone et d'autres Pères de l'Église qui voient dans la recherche effrénée de l'érotisme un obstacle à la vie de l'âme, les artistes se tourneront vers Pan comme source d'inspiration pour la représentation d'un démon qui en faisant paraître les séductions terrestres comme des absolus, détourne de la vie spirituelle.
Le Diable dans les religions monothéistes
Un ange déchu du Paradis, par Gustave Doré.
D'un point de vue théologique, le diable est considéré comme un ange révolté contre Dieu, déchu et précipité en enfer (sur terre), qui pousse les humains à faire le mal. Si certaines traditions considèrent que le mal vient aussi de Dieu, et que le diable n'est qu'un de ses aspects ou de ses agents, la plupart lui donnent une dimension autonome. Dans ce cas, selon certains, Dieu laisse dans une certaine mesure le champ libre au diable, tout en conservant la possibilité de le réenchaîner, alors que pour les Manichéens la lutte entre ces deux forces ne peut être arbitrée que par l'Homme.
Judaïsme
Le judaïsme est monothéiste. Dieu est adoré pour sa bonté et redouté pour sa colère ; il est unique, transcendant, omnipotent et éternel : « Je forme la lumière et je crée les ténèbres, je fais le bonheur et je crée le malheur : c'est moi, le Seigneur, qui fais tout cela. » Le concept de Diable est associé dans la Bible à trois figures : le Serpent de la Genèse, l'ange déchu évoqué par les Psaumes, Isaïe et Ézéchiel ; le Satan évoqué par le Livre de Job et le Premier livre des chroniques.
Le Serpent
Dans la Genèse, un serpent, doué de parole et résidant dans le jardin d'Éden, séduit la première femme, Ève, l'incitant à manger du Fruit défendu de l'Arbre de la connaissance du bien et du mal, ce qui entraînera l'expulsion du jardin d’Éden, et vaudra au Serpent d'être maudit, de marcher sur le ventre (il n'était donc pas apode), et de manger de la poussière tous les jours de sa vie. De plus, sa postérité et celle de la femme se livreront une guerre constante, on lui écrasera la tête, il leur blessera le talon (Gen. 3:14-15).
Le Nahash n'est pas nommé ni identifié à Satan dans le Livre de la Genèse, ni à une divinité comme dans les autres systèmes de croyance, quoiqu'il apparaisse comme un des rares animaux du Pentateuque à pouvoir parler. Le mot que la Bible emploie pour « rusé » (עַרְם / 'eirom) est très proche de l'adjectif « nu » (עָרוּם / 'aroum).
Les anges déchus
Le Psaume 82, préfigurant la descente aux enfers de Satan, indique : « Dieu s'est dressé dans l'assemblée divine, au milieu des dieux, il juge : [...] Je le déclare, vous êtes des dieux, vous êtes tous des fils du Très-Haut, pourtant vous mourrez comme les hommes, vous tomberez tout comme les princes. »
Le Livre d'Isaïe contient un passage qui a été interprété comme une mention de la chute de l'ange rebelle : « Te voilà tombé du ciel, Astre brillant, fils de l'aurore ! Tu es abattu à terre, Toi, le vainqueur des nations ! Tu disais en ton cœur : Je monterai au ciel, J'élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu ; Je m'assiérai sur la montagne de l'assemblée, A l'extrémité du septentrion ; Je monterai sur le sommet des nues, Je serai semblable au Très Haut. Mais tu as été précipité dans le séjour des morts, dans les profondeurs de la fosse. » La raison de la chute semble résider dans un orgueil et une volonté de s'égaler à Dieu et cette opinion a prévalu dans la tradition chrétienne. Ce passage du livre d'Isaïe pourrait faire référence au roi déchu de Babylone, ce que semble clairement confirmer la suite (Isaïe 14, 4).
Le Livre d'Ezéchiel fait également référence à un ange déchu, un « chérubin protecteur » : « Je t'avais installé, et tu y étais, sur la sainte montagne de Dieu [...] et ce jusqu'à ce qu'on trouve de l'injustice en toi. »
Par la suite, cette autonomie sera reprise et développée mais hors du canon biblique, dans la littérature apocryphe et les croyances populaires. Ainsi, le Livre d'Hénoch en particulier décrit la corruption des anges gardiens, séduits par les « filles de la terre ». Cette version présente dans le texte éthiopien, cohabite avec celle d'un autre texte plus récent appelé le livre d'Hénoch slave, qui présente l'ambition de défier Dieu en se plaçant sur un pied d'égalité comme l'origine de la chute de Lucifer. Cette littérature établit donc un lien entre le démon et la sexualité, ainsi qu'avec les femmes qui sera largement repris et amplifié au Moyen Âge, bien que ces passages ne soient pas inclus dans le canon de l'Ancien Testament juif ou chrétien.
Satan
Après l'exil et la réduction en esclavage à Babylone au VI siècle av. J.-C., les Juifs s'interrogent sur leur statut de peuple élu. L'incompréhension des Juifs qui peinent à accepter leurs propres péchés comme seule justification des fléaux qui s'abattent sur eux amène à des développements théologiques dont on retrouve la trace principalement dans le Livre de Job. Ce passage marque en effet la première apparition explicite de Satan. Littéralement « adversaire » ou quelqu'un qui s'oppose, le personnage apparaît plusieurs fois dans l'Ancien Testament et peut-être traduit de différentes manières en fonction du contexte ; le Livre de Job est néanmoins la première apparition nominative, explicite (on ne parle plus de "serpent" par exemple) de celui-ci. Il y a apparaît comme un tourmenteur de l'humanité, personnifiée pour l'occasion par Job, un tourmenteur que Dieu ne laisse agir que dans les limites de ce que l'humanité peut supporter et pour rendre volontaire son choix de Dieu. En effet, Satan, soutient à Yahvé que la fidélité de Job n'est que le résultat des bontés qui lui ont été accordées et que si sa foi était mise à l'épreuve, sa loyauté ne durerait pas. Satan se voit donc accorder par Dieu la liberté de faire le mal dans le seul but de tester la sincérité de la foi de Job. Alors le Seigneur dit à l'Adversaire : « Soit! Il est en ton pouvoir ; respecte seulement sa vie ». Cependant, malgré toutes les épreuves, Job ne renie pas son dieu : « Sorti nu du ventre de ma mère, nu j'y retournerai. Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté : Que le nom du Seigneur soit béni. » L'essentiel du texte du Livre de Job est constitué par le dialogue avec ses quatre amis au cours duquel Job exprime la détresse de l'humanité face à une adversité qu'elle ne parvient pas à s'expliquer. Ce texte est fondamental dans la compréhension du personnage de Satan dans la tradition judéo-chrétienne. Il y est nominativement mis en scène et s'il n'a pas le statut d'égal de Dieu, il a son autonomie.
Dans le premier livre des Chroniques, le mot śāṭān apparaît à la forme indéfinie et c'est le seul endroit dans la Bible hébraïque où cette forme désigne peut-être un nom propre (« Satan ») et pas un nom commun (« un satan »). Ce passage indique que c'est Satan qui a incité David à recenser le peuple. Dans le passage parallèle du premier livre de Samuel, c'est pourtant Yahweh qui est à l'origine de ce recensement. Différentes explications ont été proposées pour expliquer ce transfert de responsabilité de Yahweh à Satan. Lorsque l'auteur des Chroniques retravaille le livre de Samuel, il a pu vouloir exonérer Yahweh d'un acte manifestement condamnable. Une autre explication y voit une réflexion sur l'origine du mal dans la littérature biblique tardive. La littérature ancienne, dont Samuel, ne connaît qu'une seule cause dans l'histoire humaine : Yahweh. Le Chroniste semble proposer un nouveau développement en introduisant une cause secondaire, Satan.
Christianisme
illustration du Codex Gigas (XIII siècle), lui valant le surnom de « bible du démon ».
Saint Augustin et le diable, Michael Pacher (env. 1471).
Vitrail de la Sainte Chapelle.
Tête de diable sculptée (abbaye de Sénanque).
Nouveau Testament
Les évangiles synoptiques font une place prédominante à l'affrontement entre Jésus et le démon. Des premières confrontations dans le désert jusqu'à la bataille finale sur le mont Calvaire, ils se présentent comme le récit d'une bataille entre le bien et le mal. Jésus mène bataille pour le bien en exorcisant le démon, illustrant ainsi une représentation du monde terrestre aux mains de forces démoniaques responsables de tout le mal. C'est probablement dans Jean que ce dualisme est le plus marqué : « Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui. Lorsqu’il profère le mensonge, il parle de son propre fonds ; car il est menteur et le père du mensonge. » Les propos de Jésus faisant régulièrement état du libre arbitre de l'homme qui doit prouver sa vertu en choisissant de renoncer au péché auquel le diable incite pour gagner sa place au paradis.
À l'époque de la rédaction du Nouveau Testament, le canon de la Bible n'est pas fixé et la littérature apocryphe juive est largement répandue, Il n'est donc pas étonnant que l'on retrouve une influence de celle-ci dans les Évangiles. Certains prétendent noter une convergence entre la vision du bien et du mal des Évangiles et la pensée de Platon : la distinction entre le corps (associé à la tentation, au péché et donc au démon) et l'esprit (l'âme, à l'origine de la vertu salvatrice) constitue l'une des caractéristiques distinctives les plus marquantes de la vision du bien et du mal dans les Évangiles. Les apôtres semblent en outre convaincus de l'imminence de l'avènement du Royaume de Dieu et placent donc un accent particulier sur la purification de l'âme dans cette perspective. En particulier pour Paul, Satan apparaît dans ce contexte comme l'adversaire de l'humanité au sens de l'Ancien Testament, une approche que l'on retrouve surtout dans ses épîtres : « Pour nous, frères, après avoir été quelque temps séparés de vous, de corps mais non de cœur, nous avons eu d’autant plus ardemment le vif désir de vous voir. Aussi voulions-nous aller vers vous, du moins moi Paul, une et même deux fois ; mais Satan nous en a empêchés. »
Le livre de l'Apocalypse, attribué à l'évangéliste Jean, expose la vision la plus saisissante du diable, et on y trouve l'unique récit d'un affrontement cosmique de la Bible (chapitre 12). Le démon y prend l'aspect du monstre le plus effrayant : « un autre signe parut encore dans le ciel ; et voici, c'était un grand dragon rouge, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes. Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, et les jetait sur la terre. » Il y est également fait mention du nombre de la Bête qui vaut 666. Ce passage est généralement interprété comme faisant allusion au Diable, il existe toutefois d'autres interprétations.
Tentateur des hommes
Héritier du Judaïsme, le Christianisme reprend l'idée du Diable personne et non notion ; une personne qui agit, et non seulement sur le plan moral par la tentation des fidèles, mais qui agit dans le monde et le séduit pour le séduire et l'amener contre les fidèles de Dieu : les Égyptiens contre Israël, l'Empire romain contre les premiers Chrétiens. La Vérité ne pouvant que séduire dans la pensée chrétienne, les persécutions ne peuvent s'expliquer que par l'action du démon, venir de ses mensonges. L'Empire romain, premier persécuteur est donc naturellement le premier à se voir qualifier de légion du démon.
Cette vision se généralise progressivement pour s'étendre à toutes les divisions qui apparaissent au sein même de l'Église : le diable, le diviseur, est considéré comme à l'origine des disputes et des hérésies. Alors que le canon de la Bible n'est pas encore fixé et que les apôtres et leurs successeurs débattent encore de la nature de l'enseignement du Christ, l'accusation d'hérésie est fréquente et sous-entend une inspiration démoniaque ; les errements des autres chrétiens ne pouvant s'expliquer que par l'intervention du « prince des menteurs ». Considérer le Diable comme le responsable des divisions entre Chrétiens, comme l'inspirateur des croyances hérétiques et des rites qui en découlent amène peu à peu à accuser les gnostiques, puis les bogomils et les cathares de pratiquer des rites volontairement sataniques.
Cependant, le Christianisme considère que si le diable est souvent à l'œuvre, il ne l'est que par le biais des hommes qui demeurent responsables de leurs actes : le premier concile de Braga dans son canon 8, déclare qu'il ne peut être à l'origine des catastrophes naturelles. Le Christianisme refuse également de voir en lui le pendant mauvais de Dieu et s'oppose en cela à la vision dualiste, héritée du Zoroastrisme, des gnostiques, bogomils et cathares. Pour ces derniers le diable occupe une position clef puisqu'il est considéré non seulement comme le maître du monde matériel dans lequel l'humanité se débat (Dieu étant le maître du monde spirituel) mais comme son créateur, alors que pour le judéo-christianisme, Dieu est créateur du ciel et de la terre : les choses matérielles sont donc bonnes par nature, seul leur usage peut être mauvais.
Chef des anges déchus
Selon l'enseignement du catéchisme de l'Église catholique romaine, les anges furent tous créés par Dieu pour être bons mais certains devinrent mauvais et se retournèrent contre leur créateur. Après s'être rebellé contre Dieu par orgueil, l'ange déchu mentionné par Isaïe et Ézéchiel, fut assimilé au Diable, identifié également au Serpent de la Genèse et au Satan du Livre de Job. Satan, est le roi des « démons » qui sont les anciens anges qui, avec lui, se sont révoltés et ont chuté, devenant les ennemis de l'humanité et de Dieu.
Les anges n'ayant pas besoin de la foi puisqu'ils ont déjà la connaissance de toutes les choses célestes, leur rébellion contre Dieu constitue un acte impardonnable.
Inspirateur des autres religions
Alors que la chrétienté cherche à s'étendre au-delà des frontières de l'ancien Empire romain et est confrontée à de nombreuses et diverses croyances païennes, les divinités locales sont assimilées au diable : il faut attendre Vatican II pour voir considérer les autres religions comme la marque d'une recherche de la Vérité digne de respect, même lorsqu'elles portent atteinte à la dignité de l'homme, cette atteinte étant due à l'ignorance plus qu'à un choix délibéré.
Quand l'extension de Islam prend de l'ampleur et s'étend jusqu'en Europe, la menace est vue comme inspirée du démon. Les préparatifs de ces expéditions donnent lieu par ailleurs à des persécutions populaires contre les Juifs (diabolisés par la vindicte populaire car ils refusent de payer l'impôt levé spécialement pour la Croisade) ce qui suscite les protestations du Pape.
Représentations
Les symboles associés au Diable.
Parler du diable est une chose familière et commune aux Chrétiens. Sa nature et ses pouvoirs sont définis peu à peu et si les théologiens débattent de ces questions sur le plan spirituel, la masse des croyants conserve une vision très imagée du démon. Le Malin est généralement représenté comme une figure humaine dégénérée plus que comme un monstre surnaturel. Sur le plan profane, les contes populaires qui le mettent en scène font de lui un adversaire sans grand pouvoir et aisément trompé. Ses représentations sont d'ailleurs quasi inexistantes avant le VI siècle (sa première représentation connue figure dans une église de Ravenne, sous les traits d'un beau jeune homme, un ange bleu assis à la droite de Dieu).
À partir du Haut Moyen Âge, l’iconographie chrétienne représente le diable comme un être anthropomorphe effrayant, velu, avec des cornes, des griffes et les caractéristiques du bouc (cornes, pieds et queue fourchue), représentations qui proviendraient du folklore de l'incube, du dieu romain Pan ou encore des satyres. Cette iconographie ne devient vraiment courante et accessible qu'avec les églises romanes dont la statuaire et les vitraux donnent corps au démon décrit dans les Historiæ du moine Raoul Glaber qui est le premier, au début du XI siècle, à décrire le diable issu d'un de ses songes comme un être de petite taille, la peau ridée, un visage difforme, le crâne allongé avec un museau de chien et des oreilles hérissées, une barbe de bouc, des griffes, les cheveux sales et raides, les dents d’un chien, une bosse sur le dos, les fesses pendantes, les vêtements malpropres.
Le diable sort de la sphère des théologiens et des monastères au XII siècle, les croyances populaires opérant un syncrétisme entre des forces surnaturelles païennes et des éléments chrétiens de base, aussi le diable prend-il des apparences innombrables.
La représentation du diable de plus en plus gros et bestial à partir du XII siècle traduit la volonté des Églises catholique et protestante d’éduquer la population par la peur (notion de l’ordre et intervention du démon lorsque les lois sont transgressées), par le biais de la littérature notamment (telle la démonologie qui se développe au XV siècle ou la littérature des livres du diable (de) en Allemagne à partir des années 1545), mais, malgré la diffusion des ouvrages, cette pédagogie touche peu les masses populaires. Cette religion de la peur ne devient efficace qu'à partir du XVI siècle et atteint son apogée au XVII siècle, comme en attestent l'œuvre sur les homélies dominicales de l'évêque Jean-Pierre Camus, les histoires des almanachs ou les faits divers relatés dans les « canards sanglants ». La multiplicité des représentations folkloriques du diable fait que la pédagogie de la peur décline à partir du siècle des Lumières qui voit les philosophes combattre l'Obscurantisme religieux.
Par la suite, la représentation du Diable s'humanise, suscitant l'empathie des artistes qui le représentent, voyant en lui la face sombre des pulsions de l'Homme.
À partir du XIX siècle, apparaissent les symboles les plus courants associés au Diable :
Les croix renversées ;
Le pentagramme (voir ci-dessus Dans la chrétienté) ;
Le serpent et les bêtes à cornes (bouc, etc.) ;
Le triangle noir, symbole de la haine.
La déchristianisation au XIXetXX siècles s'accompagne d'une régression de l'image terrifiante du diable, même si celui-ci peut réapparaître sous la forme de pratiques telles que le satanisme, le spiritisme ou la parapsychologie.
Islam
Dans la religion musulmane, le diable est appelé « Šayṭān » (arabe : شيطان) dont le nom propre est Iblis. Lorsqu'Allah (Dieu) créa le premier homme nommé « Adam », Il demanda à tous les anges de se prosterner devant lui, mais Iblis (qui est un jinn et non pas un ange) refusa, prétendant que lui qui a été créé de feu ne se prosternerait pas devant un être créé d'argile. Il s'est donc enflé d'orgueil et c'est ainsi de par son arrogance et le refus d'obéir à Dieu qu'il fut maudit. Iblis, dans son orgueil demanda alors à Dieu par défiance de lui accorder un délai (le laisser vivre jusqu'à la fin du monde) pour égarer les hommes (qu'il hait) du droit chemin. Allah lui accorda ce délai. Adam et sa femme furent placés au paradis ; Allah leur accorda de jouir de tout ce qui s'y trouvait, seul un arbre leur était défendu. Iblis les induisit en erreur, en leur faisant croire qu'Allah leur interdisait l'arbre en question car manger de celui-ci les transformerait en anges (créatures de lumière). Le couple céda à la tentation et Allah les fit descendre sur Terre. Dans la religion islamique, exactement comme dans le christianisme et le judaïsme, la responsabilité de la chute n'est pas attribuée à Ève seule. Il est simplement dit que le Démon les tenta. Quand le mot « satan » est utilisé comme nom propre, il s'agit du chef des démons, Iblis. Iblis fait partie des jinns, créatures de feu qui ont, comme les hommes en islam, le libre-arbitre. Alors que les anges sont des créatures de l'ordre de la lumière, les djinns seraient des créatures de l'ordre du feu antérieures à la création d'Adam.
« Sourate XV-27 : Quant aux Djinns,
nous les avions créés, auparavant,
d'un feu d'une chaleur ardente. »
Iblis s'est enflé d'orgueil et il déteste les humains. Il a des enfants qui sont des démons à son service, ils ne peuvent vivre autant que lui. Iblis et ses acolytes n'ont de cesse d'égarer les hommes depuis la nuit des temps par tous les moyens imaginables ; Iblis circonvient les humains en leur présentant le Mal sous des apparences trompeuses, il les jette dans l'aberration et suscite toutes les formes de mécréances.
Psychanalyse
Au début du XX siècle, Sigmund Freud apporte un nouvel éclairage à la figure du diable et tente la première approche scientifique des cas de "possession". En étudiant dans Une névrose démoniaque au XVII siècle un cas de supposée possession démoniaque en pleine chasse aux sorcières, il suggère que les accusations portées expriment en fait le refoulement des pulsions sexuelles que la morale de l'époque réprouve particulièrement. Freud explique que "le diable n'est pas autre chose que l'incarnation des pulsions anales érotiques refoulées".
Cette interprétation s'inscrit dans le cadre de la théorie qu'il développe selon laquelle les névroses trouvent leur origine dans des désirs sexuels inassouvis. Selon Freud, le diable représente en fait une figure patriarcale et incarne la peur et la défiance vis-à-vis du père, tandis que Dieu en représente l'affection et l'influence protectrice. Dans ce cadre, la religion est vue comme une création psychique permettant à l'individu d'accepter le monde qui l'entoure ainsi que sa propre condition mortelle. Le démon est intégré à l'individu comme faisant partie de son inconscient, luttant à son insu contre sa propre volonté. Jung conteste cette conception en affirmant la consubstantialité du bien et du mal, aussi indissociables que la lumière et l'ombre. Dieu et le diable ne se réduisent donc pas à des métaphores mais constituent des mythes.
Médias
Aspect et noms
La représentation la plus classique est celle d'un personnage rouge (vert dans l'iconographie plus ancienne) associé aux flammes, avec une tête humaine et des cornes, un trident, des membres inférieurs d'un bouc et une longue queue. On le retrouve également sous plusieurs noms :
L'Adversaire
Asmodée
Astaroth
Azazel
Balazs
Belzébuth
Iblis ou Shaytan
Legion
Lucifer
Le Cornu
le démon
le Malin
le Maufé
Mastéma
Méphistophélès (en quelque sorte son messager)
Satan (latin : Satanast)
Semiasas
Sheitan
Woland (son nom dans Le Maître et Marguerite)
On utilise également l'interjection « Diantre ! », euphémisme de diable.
Dans les arts
L'Enfer de Dante
Le Paradis perdu de Milton
Faust de Goethe
Le pacte avec le Diable, thème récurrent dans la littérature
Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov
Le Diable de Marina Tsvetaïeva
Le Psychopompe, album de Gabriel Delmas
La Comédie du diable d'Honoré de Balzac
Le Diable à Paris (Jules Hetzel, George Sand, Paul Gavarni, Honoré de Balzac, Alfred de Musset)
Les mystères du Moyen Âge
Films : avec 848 représentations au cinéma, il est le personnage le plus fréquent devant le Père Noël (819), Jésus Christ (354), Dieu (351), Napoléon (337) et Adolf Hitler (335) voir Catégorie:Diable au cinéma