L'antiracisme inclut les opinions, actions, mouvements et les politiques adoptées ou développée pour s'opposer au racisme. En général l'antiracisme promeut une société dans laquelle les individus ne subissent pas de discrimination sur la base de leur ethnie dont la définition peut varier. De par sa nature, l'antiracisme avance la vision que le racisme dans une société est à la fois pernicieux et socialement pénalisant et que des changements politiques, économiques et/ou sociaux sont nécessaires pour l'éradiquer.
La notion d'antiracisme, tout comme les acteurs de la lutte dite antiraciste, ont été critiqués par certains intellectuels notamment pour sa faiblesse conceptuelle, ses utilisations politiques, voire paradoxalement par la réintroduction de la notion de race au sein du débat national.
Histoire de l'antiracisme
Renaissance
En décembre 1511, le frère dominicain Antonio de Montesinos est le premier homme à condamner publiquement les administrateurs et les autorités espagnole d'Hispaniola pour leur « cruauté et tyrannie » envers les amérindiens réduits en esclavage. Ferdinand II d'Aragon promulgua les lois de Burgos en réponse. Cependant ces lois n'étaient que rarement appliquées et les Leyes Nuevas de 1542 ont dû être écrites afin de les faire réellement respecter. Parce que des personnes comme Bartolomé de las Casas posaient non seulement en question à la royauté mais aussi la papauté lors de la controverse de Valladolid si oui ou non les indiens étaient de vrais hommes qui desservaient le baptême, le pape Paul III répond avec la bulle pontificale Sublimis Deus en 1537 qui confirme que les indiens et les autres races étaient des hommes « s'ils étaient baptisés » et rendait hors la loi l'esclavage des indiens.
Antiracisme en France
En France, l'émergence de l'antiracisme a été lié aux actions suivantes :
Société des amis des Noirs qui luttait contre l'esclavage au début du **X siècle jusqu'à l'abolition de 1848,
Défense du capitaine Alfred Dreyfus,
Lutte contre le racisme pseudo-scientifique à la fin du **X siècle,
Mouvement anticolonialiste,
Principe de l'égalité des races en 1919,
Antiracisme contemporain, depuis l'émergence de la seconde génération (Les Français issus de l'immigration maghrébine et subsaharienne) au tournant des années 1970 et 1980 : Lutte contre les violences policières et les homicides racistes de 1975 au milieu des années 1980, Lutte contre le Front national et ses idées dans les années 1980 et 1990, Lutte contre les "quartiers-ghettos" à partir des années 1990, Lutte contre les discriminations raciales depuis la fin des années 1990, Luttes mémorielles à propos de la colonisation, des traites et de l'esclavage depuis 1998 et 2005.
Lutte contre les violences policières et les homicides racistes de 1975 au milieu des années 1980,
Lutte contre le Front national et ses idées dans les années 1980 et 1990,
Lutte contre les "quartiers-ghettos" à partir des années 1990,
Lutte contre les discriminations raciales depuis la fin des années 1990,
Luttes mémorielles à propos de la colonisation, des traites et de l'esclavage depuis 1998 et 2005.
Capacité à détecter les manifestations du racisme
Lutter contre le racisme implique que l'on sache le reconnaitre sous toutes ses formes. Peu de typologies publiées aident à cette détection. À défaut, on relève cependant celle publiée par le quotidien La Croix, qui liste les actes méritant réaction :
La diffamation à caractère raciste : emploi d'une expression qui renvoie à un fait précis susceptible de faire l'objet d'un débat contradictoire.
La provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, à caractère raciste : constituée dès lors que l'auteur des propos ou des écrits manifeste la volonté d'amener la(les) personne(s) ou le public auxquels elle s'adresse à des réactions d'animosité de principe contre une origine ethnique, une nationalité ou une religion déterminée. IL n'est pas nécessaire que la provocation ait donné lieu à des actes concrets de discrimination pour que le délit soit constitué.
Le négationnisme : négation ou minimisation d'un fait de l'histoire relatif à un crime contre l'humanité. En droit pénal français, à ce jour, seul le négationnisme relatif à l'extermination des juifs par les nazis est prévu et réprimé.
Les propos (écrits) ou le discours (oral): Dans la mesure où ils contiennent des éléments ou jugements racistes.
L'apologie des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité : propos de nature à inciter le public à porter un jugement de valeur qui promeut ou justifie un crime de guerre ou un crime contre l'humanité.
L'injure à caractère raciste : emploi d'une expression outrageante, terme de mépris ou invective racistes, « qui ne renferme l'imputation d'aucun fait. »
Évolution et diversité des conceptions et des actions de l'antiracisme
Positivement et dans son sens le plus général, l'antiracisme souhaite que tous puissent vivre dans une société plurielle, où nul n'aurait à souffrir de discrimination pour des raisons raciales.
Évolution des manifestations racistes
Selon Jean-Baptiste François, « les manifestations du rejet de l'autre ont évolué. Elles se fondent moins sur des critères biologiques que sur des aspects culturels ou religieux. Le racisme exprime davantage une peur de voir son identité remise en question par d'autres ».
Pour le sociologue Alain Mergier : « Plutôt que sous la forme d'une idéologie, le racisme émerge bien davantage dans les milieux fragilisés comme une réaction aux expériences de la vie quotidienne : des différences dans les habitudes alimentaires ou des coutumes peuvent aboutir à un rejet brutal d'autres catégories de personnes jugées comme incompatibles ».
Selon Christine Lazerges, Présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNDCH) : « Nous savons que les chiffres que nous récoltons ne sont que l'écume de la réalité. Globalement un ensemble de facteurs - la crise économique, l'insécurité sociale, ou encore la dé-diabolisation du FN - conduit à une chute du seuil de tolérance. On sent que le racisme “banalisé”, qui se traduit le plus souvent par un regard, un ricanement, un commentaire déplacé, peut très vite déraper. »
Diversité des analyses
L'antiracisme est divisé à propos de la "diversité" ou du multiculturalisme. Certaines associations revendiquent des discriminations positives, tandis que d'autres s'y opposent farouchement. Plus généralement, l'antiracisme n'est pas un courant uniforme, la notion de racisme est fluctuante, ainsi il e**ste donc autant d'antiracismes que de visions de ce qui est raciste :
refuser de reconnaître les différences (culturelles), ou au contraire considérer qu'il y a des différences (culturelles, raciales...),
refuser l'expression de spécificités culturelles ou religieuses, ou au contraire enfermer les individus dans leurs identités d'origine...
Pour Philippe Raynaud, l'antiracisme est pour la gauche, « à la fois un thème fédérateur et une source de divisions », car d'un côté l'antiracisme unit la gauche pour une cause jugée grande, à la manière de l'antifascisme, mais de l'autre il divise les partisans de l'universalisme républicain et ceux du multiculturalisme, il divise encore sur la place de l'Islam.
Diversité des programmes d'action
Pour œuvrer contre ce phénomène, beaucoup misent sur le milieu scolaire. Philippe Castel fait valoir que « dès la maternelle, l'enfant développe une compétence à distinguer les choses. C'est sans doute le moment le plus propice pour commencer à percevoir la différence sans en avoir peur ni la rejeter. »
Les mouvements antiracistes en France
Manifestation antiraciste à Paris en 2014.
En France, depuis la loi Pleven de 1972, les associations antiracistes peuvent se porter partie civile devant les juridictions pénales. Les plus connues sont SOS Racisme (9000 adhérents), Les Indivisibles, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP, 5000 adhérents), la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA, 5000 adhérents), la Ligue des droits de l'homme (LDH, 10 000 adhérents), l'United for Intercultural Action (UNITED) et l'AGRIF. Il e**ste aussi : le Mouvement de l'immigration et des banlieues, l'ACLEFEU, le Parti des indigènes de la République (PIR)...
La LICRA sous la présidence de Patrick Gaubert jusqu'en 2010 s'était focalisé sur la lutte contre l'antisémitisme, ce qui, selon Le Monde, avait réduit son influence médiatique. Idem pour le MRAP qui, selon la journaliste Elise Vincent, luttait beaucoup jusqu'en 2012 contre l'islamophobie. Le cas du racisme antiblanc, relativement rare par rapport aux plaintes contre les autres racismes, a longtemps divisé les associations antiracistes françaises. Alain Jakubowicz le nouveau président de la LICRA, « mesure que le vocable de racisme anti-Blancs est équivoque car ceux qui l'utilisent viennent souvent de l'extrême droite. Mais on n'est plus dans les années 1980. La société a changé, le mouvement antiraciste n'a pas suivi ces évolutions, et nous avons perdu en crédibilité.» La LICRA se porte partie civile pour la première fois en 2012 dans le cas d'une de ces affaires, soutenue par le MRAP. SOS Racisme considère que tous les racismes « tout court » doivent être combattus, la LDH considère que le racisme antiblanc n'e**ste pas car « ça va banaliser l'idée que tout le monde est raciste». Le PIR beaucoup plus radical pense que « les véritables racisés », sont les immigrés originaires des anciennes colonies françaises et leurs descendants .
Critiques
Des approches critiques de l'idéologie antiraciste ont été avancées :
Le politologue Alain de Benoist chef de file de la Nouvelle Droite cite le politologue et historien des idées néoconservateur Pierre-André Taguieff qui a proposé des analyses dans La Force du préjugé (1988) et dans plusieurs ouvrages ultérieurs. Benoist considère que Taguieff « n'a pas eu de mal à montrer les faiblesses intrinsèques de cet antiracisme humanitaire et médiatique, commémoratif, juvénile et lacrymal » et les faiblesses conceptuelles intrinsèques des associations antiracistes. Taguieff met selon lui en évidence les « contradictions idéologiques » de l'antiracisme, son « inefficacité dûment constatée » et dénonce sa « stratégie cynique d'occupation du terrain médiatique » et sa « méthode de "démonisation" de l'adversaire ».
À la suite de la Conférence de Durban II boycottée par plusieurs pays et où certaines délégations qualifient l'État israélien de raciste, le philosophe français Alain Finkielkraut dénonce l'antiracisme comme vecteur de la persécution et du fanatisme : « la persécution, le fanatisme contemporain ont une prédilection pour les atours de la lutte contre la discrimination et contre l'exclusion. On ne porte plus la croix gammée, on la colle sur ceux qu'on veut abattre. » Dans cette perspective, l'antiracisme a perdu sa nature de rejet du racisme et devient une rhétorique artificielle qui sert à cacher les turpitudes des pays du Tiers monde. Finkielkraut définie l'antiracisme comme « l'idéologie de notre temps » qui réduit la comple**té du monde pour ne dresser que « deux camps: les oppresseurs et les opprimés ». Il avance également que par un retournement historique l'antisémitisme « parle la langue de l'antiracisme ». C'est un argumentaire proche que reprend Gilles-William Goldnadel pour qui l'antiracisme « a favorisé l’émergence du communautarisme » en France et ses débordements.
Pascal Bruckner voit l'idéologie affichée par des régimes autoritaires - notamment à la tribune de l'ONU - être propagée sous les apparences de la lutte contre le racisme. Il condamne également un « pathos antiraciste » qui empêcherait d'analyser la situation présente de la France.
Pour le sociologue Paul Yonnet, l'antiracisme peut consister à remplacer la lutte des classes par la lutte des "races". Professant un différentialisme destructeur de l'assimilation culturelle, l'idéologie antiraciste provoquerait en retour une réaction identitaire dont l'extrême droite serait bénéficiaire. En conséquence l'antiracisme nourrirait pour lui le racisme. Étudiant l'histoire de l'antiracisme et notamment de SOS Racisme, Paul Yonnet condamne sévèrement le rôle joué par l'association qui, selon lui, a réintroduit la notion de race au cœur du débat national. Il conclut que la France est le seul pays où l'antiracisme a conquis l’appareil d’État et obtenu une telle influence dans les réseaux de pouvoir.
Philippe Raynaud critique la façon dont certaines formes d'antiracisme conduiraient à une réinterprétation intéressée de l'histoire de France et la nourriture du ressentiment dans une logique victimaire, qui trouverait en la personne de Dieudonné son porte-parole médiatique .
Bibliographie
Philippe Raynaud, L'extrême-gauche plurielle, La fracture coloniale (chap. 2), éditions Autrement, 2007.
Pierre-André Taguieff, La Force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles, coll. "Armillaire", éditions La Découverte, 1988 (ISBN 978-2707117199)
Paul Yonnet, Voyage au centre du malaise français. L'antiracisme et le roman national (coll. "Le Débat", éditions Gallimard : Paris), 1993.