L'ermite ou l'anachorète est une personne (le plus souvent un moine) qui a fait le choix d'une vie spirituelle dans la solitude et le recueillement. Les ermites étaient à l'origine appelés anachorètes (du grec ancien : ἀναχωρέω), l'anachorétisme (ou érémitisme) étant l'opposé du cénobitisme.
L'ermite partage le plus souvent sa vie entre la prière, la méditation, l'ascèse et le travail. Dans l'isolement volontaire, il est à la recherche ou à l'écoute de vérités supérieures ou de principes essentiels. L'expérience érémitique, dans sa composante spirituelle, s'approche souvent du mysticisme.
Origines de l'érémitisme chrétien
Selon le point de vue religieux, l'érémitisme est une forme d'ascétisme qui est déjà pratiqué dans l'Inde antique avec le Vanaprastha (ermite forestier) et le Shramana (moine errant).
La fin des grandes persécutions contre les chrétiens, sous Constantin, marque également la fin de la voie royale pour accéder à la sainteté, à savoir le martyre. Sans que le phénomène soit réduit à cette explication, elle n'est pas étrangère au développement de l'érémitisme chrétien, nouveau moyen pour les âmes d'élites d'accéder à la sainteté. Ces anachorètes (du grec anakhôrein, se retirer) s'infligent de rudes privations afin de lutter contre les tentations. Le premier ermite connu de la chrétienté est Saint Paul Ermite (229-342) et non pas Antoine le Grand (vers 250-356), Égyptien aisé qui vers l'âge de 20 ans part s'établir dans le désert de Haute-Égypte, dans la région de Thèbes. Il est popularisé dès sa mort par Athanase d'Alexandrie (saint Athanase) qui écrit le récit de sa vie et de nombreux ermites suivent son exemple dès la fin du III siècle en se retirant dans le désert. On appelle les plus connus d'entre eux les Pères du désert. Le stylite est un anachorète pratiquant une ascèse extrême au sommet d'une ruine ou d'une colonne.
Érémitisme médiéval
Naissent différents ordres érémitiques :
Au XII siècle Guillaume de Conchamp fonda l'abbaye de Fontdouce avec un ermite dénommé Aimar, monastère bénédictin dans lequel il se retira.
On trouve en 1130 un petit groupe d'ermites au hameau de Boscodon (actuel département des Hautes-Alpes, près d'Embrun), sur les terres du seigneur Guillaume de Montmirail. On ignore d'où ils venaient (peut-être de l'ermitage d'Oulx, en Piémont ?). Ils y construisent (ou ils y trouvent?) une toute petite chapelle dédiée à saint Marcellin, premier évêque d'Embrun, ainsi qu'un petit ermitage au Lavercq, en Ubaye. Bientôt (1142) ils seront rejoints et absorbés (probablement comme convers) par des moines venus de Chalais (Isère), qui construiront l'abbaye Notre-Dame de Boscodon. La chapelle Saint-Marcellin deviendra une sorte de crypte de la nouvelle abbatiale.
Reclus, recluses et recluseries
Perceval à la Recluserie, illustration d'un manuscrit de Poitiers du XV siècle, Bibliothèque nationale de France.
Par idéal religieux, le reclus, ou la recluse (car historiquement les recluses furent plus nombreuses que les reclus) s'enferme dans une cellule et choisit d'y vivre, pour un temps déterminé ou pour la vie, sans jamais en sortir. Il se nourrit de ce qu'on veut bien lui apporter.
De la Renaissance à nos jours
L'érémitisme connut un renouveau à la fin des guerres de religion en France. Les plus célèbres ermites étaient ceux du Mont-Valérien et de la forêt de Sénart. Ces communautés existèrent jusqu'à la Révolution française (cf. les travaux de J. Sainsaulieu). Au XX siècle Charles de Foucauld a vécu en ermite à Tamanrasset tout en ayant de nombreux contacts avec la population locale.
Pour les chrétiens, l'ermite recherche la solitude et le silence pour mieux trouver Dieu, faire la vérité sur lui-même et lutter contre les tentations, à l'image du Christ qui s'est plusieurs fois retiré dans le désert pour prier.
Église d'Orient
L'Église d'Orient ne connait que le monachisme. Entre moines et fidèles, il y a une différence d'intensité mais non de nature, les conseils évangéliques s'adressant à tous. Il arrive ainsi que des fidèles se retirent de la vie sociale (provisoirement ou en permanence) pour se consacrer entièrement à la vie spirituelle de façon solitaire. En Russie ils sont appelés poustinikki ou poustinik, ce qui signifie ermite. La poustinia (ermitage du poustinik) est toujours ouverte aux gens qui désirent rencontrer l'ermite. En cas de besoin, celui-ci aidera volontiers les gens de la communauté, car il ne s'est pas retiré pour lui seul mais pour toute l'humanité. Le poustinik qui revient à la vie civile est reçu avec joie et attention car il fait part aux autres des fruits de sa rencontre avec Dieu dans la solitude.
Les moines athonites se retirent pour prier seuls dans des ermitages du mont Athos face à la mer, Karoulia.
Moine gyrovague
Le moine gyrovague (du latin ecclésiastique gyrovagus), que l'on peut rapprocher de l'ermite, est un moine errant et mendiant. À l'origine il s'agit de moines errants grecs qui vivaient d'aumônes et n'avaient pas de demeure fixe. On retrouve cette tradition du moine errant encore présente en Inde, avec les sadhus ou moines shivaïtes, qui inspirent à la fois respect et crainte auprès de la population ; ces hommes ont parfois délaissé une situation confortable par esprit de renoncement, vivent d'aumônes, dorment au bord des routes, se déplacent pour de longs pèlerinages et s'adonnent à de sévères austérités. Tous les 12 ans, en quatre endroits et à des dates différentes, les sadhus convergent de toute l'Inde vers l'un des plus grands rassemblements spirituels sur terre, la maha kumbh mela.
Anachorètes en Asie
Lachen Gomchen Rinpoché
L'ermitage pour raison religieuse de 5, 10 ans, voire plus, est monnaie courante en Asie. Il est également quasiment obligatoire pour les grands lamas du bouddhisme tibétain. La branche des Kagyu (une des quatre branches du bouddhisme tibétain) n'attribue le terme de Lama qu'après deux retraites, pas forcément consécutives, de 3 ans, 3 mois et 3 jours.
Les anachorètes, Lamas, gomtchén (sorcier - si bouddhiste, souvent formé à la grande école de « Gyud ») se retirent souvent dans des grottes himalayennes, en haute altitude et difficiles d'accès (voir Dieux et démons des solitudes tibétaines - Alexandra David Neel).
Érémitisme en France
Les ermites recherchent généralement l'anonymat et la solitude plus compatibles avec leur vocation et propices au recueillement. Il est ainsi difficile de connaître leur nombre. Cependant, un recensement informel récent estime qu'il se trouve dans l'Église catholique de France 200 à 300 ermites (hommes ou femmes) vivant sous la responsabilité directe d'un évêque. Pendant l'été 2015, le magazine hebdomadaire Famille Chrétienne propose toute une série de reportages sur les ermites en allant à leur rencontre et publiant chaque semaine un nouveau reportage.
Dans le protestantisme français, le pasteur Daniel Bourguet, de l’Église réformée de France, prieur de la Fraternité spirituelle des Veilleurs, vit en ermite aux abords des Abeillères, maison d'accueil spirituel de la Fraternité, à Saint-Jean-du-Gard.
Il existe également des ermites non attachés directement à une religion, comme Alain Carcenac, dont le squelette a été découvert dans une grotte le samedi 11 janvier 2014.