La stratégie est un « ensemble d'actions coordonnées, d'opérations habiles, de manœuvres en vue d'atteindre un but précis ».
Elle concerne divers domaines tels l'art militaire, la politique, la politique économique, les entreprises en management et en marketing, la philosophie marxiste, la diplomatie, les jeux de stratégie comme les échecs, le jeu de go ou le poker , etc.
Dans son approche économique, elle est l'ensemble des méthodes qui maximisent dans un univers conflictuel ou concurrentiel — c'est-à-dire face à un rival, un opposant, un adversaire, un concurrent ou un ennemi — les chances d'atteindre un objectif donné malgré les actions de l'autre.
Étymologie et utilisation du mot
Le mot stratégie dérive du grec (stratos signifie « armée », ageîn signifie « conduire »).
Emplois abusifs
Le mot « stratégie » et le qualificatif « stratégique » sont parfois appliqués de façon abusive à différents domaines ou notions. Ils sont ainsi souvent utilisés dans des situations où d'autres termes — plus modestes et plus spécifiques — tels que « politique », « idée », « concept », « plan », « alliance » ou « tactique » seraient en réalité plus appropriés.
L'élaboration d'une action, notamment dans les activités économiques (d'entreprise, commerciales, industrielles, ou financières, etc.) ne relève pas systématiquement et forcément d'un niveau de réflexion ou d'une démarche « stratégiques ».
Au jeu d'échecs, on ne peut minimiser l'importance et le rôle spécifiques de la composante tactique dans la stratégie échiquéenne.
Il est également parfois fait état de « stratégies d'apprentissage » (en didactique) ou de « stratégies de communication » alors qu'il serait plus judicieux et plus exact de parler de « méthodes » ou de « techniques » d'apprentissage et de communication.
Parallèle entre les stratégies militaire et d'entreprise
Le parallèle entre la stratégie militaire et la stratégie d'entreprise — initié conceptuellement par Carl von Clausewitz dans son De la guerre et par Théodule Ribot son livre sur l'Imagination — a été reprise de façon méthodique en 1969 par Fernand Boucquerel dans son livre Management. Politique-Stratégie-Technique..
La transposition est difficile pour plusieurs raisons.
La « guerre » entre les entreprises est médiatisée par les consommateurs ou les clients (le marché). Ce sont eux qui, in fine, décident et non pas le sort des armes.
La « guerre » entre les entreprises se déroule sur plusieurs niveaux (corporate, business, produit). La guerre terrestre entre belligérants aussi, mais ce ne sont pas les mêmes.
Les démarches stratégiques d'entreprises ne sont pas concurrentielles (c'est-à-dire ne tiennent pas compte des stratégies potentielles futures des concurrents), alors que les démarches stratégiques militaires le sont toujours.
Militaire Niveau Niveau Entreprise Répartition et déploiement des forces armées Stratégie Stratégie Portefeuille géostratégique d'activités Théâtre d'opération Campagne Manœuvre Art opératif Tactique grande tactique Champ de bataille Bataille Tactique Opérationnel Segment de marché Stratégie produit
Enjeux de la réflexion
Stratégie et anticipation
Horizons et scénarios
L'établissement d'une stratégie exige :
d'une part, l'estimation de probabilités de réalisation des éventualités susceptibles d'être retenues ;
d'autre part, l'adoption d'une règle ou d'un indicateur de préférence permettant de classer les résultats escomptés par la mise en œuvre de différents scénarios.
Notions d'importance et d'urgence
Les responsables dans les organisations sont toujours confrontés à un certain nombre de tâches à accomplir. Ces tâches sont plus ou moins urgentes ou importantes. Les responsables commenceront toujours par les tâches urgentes et importantes, et délaisseront presque toujours les tâches qui ne sont ni urgentes, ni importantes. Les tâches urgentes et non importantes doivent faire l'objet d'une délégation de pouvoirs. Les tâches importantes et non urgentes sont le domaine de la réflexion stratégique : On n'est pas à une journée près pour s'y attaquer, et il y a toujours de bonnes raisons pour les repousser.
Stratégie et la théorie des jeux
Dans la théorie des jeux, une stratégie désigne un processus de conduite de la décision.
Choix et tactique
1855. La charge de la Brigade légère à Balaclava illustrant le niveau tactique.
Par héritage de la terminologie militaire (qui fait la différence entre « gagner la guerre », « remporter une campagne » et « gagner une bataille ») et par extension, les termes ont une portée distincte :
la stratégie vise un objectif global et à plus long terme (équivalent civil de gagner la « guerre ») ;
l'art opératif et les opérations visent à aborder la bataille en position favorable ;
la tactique vise un enjeu plus local et limité dans le temps (équivalent civil de gagner une « bataille »).
Ainsi, l'art de combiner les moyens et les ressources en fonction des contingences, relève de trois niveaux de responsabilité distincts avec une terminologie différente en stratégie militaire et en stratégie d'entreprise.
Stratégie militaire Stratégie d'entreprise Le niveau stratégique (chef d'état et Chef d'État-Major des armées) Le niveau stratégique, soit le plus haut niveau de l'organisation (par exemple : conseil d'administration ou direction générale) Le niveau opératif (général d'armée ou de corps d'armée) Le niveau tactique, décliné et porté par l'encadrement supérieur de l'organisation (par exemple : comité de direction) Le niveau tactique (général de division ou de brigade) Le niveau opérationnel, qui est celui de l'entité ou du service local, engagé dans une action particulière (par exemple : atelier de production)
Stratégie, programmation et planification
La stratégie consiste à la définition d'actions cohérentes intervenant selon une logique séquentielle pour réaliser ou pour atteindre un ou des objectifs. Elle se traduit ensuite, au niveau opérationnel en plans d'actions par domaines et par périodes, y compris éventuellement des plans alternatifs utilisables en cas d'évènements changeant fortement la situation.
Le plan est l'œuvre qui découle d'un raisonnement linéaire qui privilégie la tension entre objectifs et contraintes. Il s'agit d'atteindre les objectifs tout de suite en éliminant tous les obstacles par la contrainte.
Le raisonnement stratégique est de nature plus complexe : il intègre les ressources dans les données du problème car le fait de disposer ou non des ressources suffisantes peut conditionner fortement la définition des objectifs. La « bonne » stratégie ne peut évacuer a priori la question des ressources : elle peut conduire en effet à renoncer à des objectifs pressentis comme « irréalistes » ou du moins à les reformuler.
Une réflexion pertinente sur les ressources porte sur les vertus de ce qui existe et sur les moyens d'en tirer parti. Elle consiste en la valorisation et la mobilisation des ressources humaines, la fertilisation des réussites et des innovations, l'optimisation de l'emploi des capacités financières et des moyens matériels, la saisie de toutes les occasions et de toute conjoncture favorable, avec la minimisation des coûts et l'économie des énergies. Quant aux contraintes et aux obstacles, on essaye de les aménager, de les contourner, et mieux encore, de les transformer en ressources.
Domaines d'application
Diplomatie
En diplomatie, les termes de plan, de doctrine, de principes, de charte, d'engagement, de protocole ou de feuille de route sont souvent préférés pour désigner les lignes directrices des relations internationales, dans un domaine donné ou le cadre plus général d'une politique internationale.
Développement durable
La politique économique se réfère au concept de stratégie de développement. Si une telle stratégie veut englober toutes les dimensions de la société civile (exigences des parties prenantes, analyse du contexte de l'entreprise, prise de responsabilité, perception précoce et conscience face aux risques…), elle ne peut se limiter aux aspects strictement économiques de la stratégie, mais doit au contraire intégrer les aspects environnementaux et sociaux dans une vision globale de la gouvernance de type développement durable.
Guerre
Terrain ancien et privilégié de la réflexion et de l'application stratégique.
La stratégie militaire est dans une acception restrictive la — continuation de la politique extérieure d'un état par un autre moyen que le diplomatie — . Il est dans une perception moins dévoyée, la combinaison planifiée et anticipée de forces militaires qu'elles soient terrestres, navales et aériennes, de renseignement ou de maîtrise des espaces stratosphériques ou cybernétiques en vue de l'obtention d'un effet tactique propre à soumettre l'adversaire à une paix forcée. Elle pense donc l'usage de la force militaire.
Management d'entreprise
Définitions
La stratégie est généralement appréhendée comme la manière dont l’organisation investit des ressources au mieux de ses avantages compétitifs et de la finalité qu’elle poursuit compte tenu des changements attendus dans son environnement. En tant qu'approche globale, cette responsabilité et cette tâche sont attribuées à la direction générale.
Diversités des définitions
Chaque auteur présente sa définition de la stratégie d'entreprise. Par exemple :
Pour Alfred Chandler (1960), elle consistait à déterminer les objectifs et les buts fondamentaux à long terme d’une organisation puis à choisir les modes d’action et d’allocation des ressources qui permettront d’atteindre ces buts et objectifs. En d’autres termes, c’est mettre en place les actions et d'allouer les ressources nécessaires pour atteindre les dites finalités. Elle comporte de ce fait deux phases à savoir premièrement la fixation d’objectifs. La seconde phase est donc la détermination des ressources et des moyens. Elle est donc un concept qui est fait partie du quotidien du manager et qui induit une action permanente.
Pour Tregoe & Zimmerman (1980), la stratégie d'une entreprise est ce qu'elle veut être afin de survivre et comment elle va faire pour y arriver.
Henry Mintzberg (1999), quant à lui l'a appréhendée comme un plan, un modèle, une position, une perspective et un stratagème. La stratégie est traduite par les questions suivantes. Que produire ? Comment réaliser cette production ? Avec quels moyens le faire ?
A. Derray, A. Lusseault (2001), y voient l’art d'organiser et de coordonner un ensemble d'opérations pour parvenir à un but.
Pour Laurence Lehmann- Ortega et al. (2013), elle consiste à choisir ses activités et à allouer ses ressources de manière à atteindre un niveau de performance durablement supérieur à celui de ses concurrents dans ces activités, dans le but de créer de la valeur pour ses actionnaires.
Pour Frédéric Le Roy, la stratégie d'entreprise est le fait de se fixer des objectifs en fonction de la configuration de l'environnement et des ressources disponibles dans l'organisation puis à allouer ces ressources afin d'obtenir un avantage concurrentiel durable et défendable.
Les trois niveaux de la stratégie d'entreprise
Selon Gerry Johnson et Kevin Scholes trois niveaux méritent d'être distingués :
La stratégie d'entreprise
La stratégie d'entreprise est le processus, la démarche ou l'ensemble des méthodologies (matrice d'analyse stratégique, etc.) qui permet d'élaborer un portefeuille d'activité et d'allouer à long terme des ressources à des secteurs d'activité géostratégiques assurant la pérennité de l'entreprise et la rémunération des actionnaires avec le maximum de chances de succès.
Elle concerne « l'entreprise dans sa globalité. Elle a pour but de répondre aux attentes des actionnaires, et des autres parties prenantes en augmentant la valeur des différentes composantes de l'entreprise ».
La stratégie par domaine d'activité
Les stratégies opérationnelles
Elles déterminent « comment les différentes composantes de l'organisation ( ressources, procédés, savoir-faire des individus...) répondent effectivement aux orientations stratégiques définies au niveau global et au niveau de chacun des domaines d'activité » .
Marketing
Poker
Annexe
Notes et références
↑ Définitions lexicographiques et étymologiques de « stratégie » du Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
↑ Sinon, il s'agit d'un « plan ».
↑ Voir : André Beaufre, Carl von Clausewitz, Bruce Henderson, fondateur du BCG, Michael Porter, John von Neumann, Thomas Schelling, etc.
↑ Professeur au CPA devenu HEC Executive Education
↑ « Peut-on appliquer les arts politiques et militaires au gouvernement et à la conduite des entreprises, cellules économiques de combat ? », pp. 38-53, et « De la stratégie » et « De la tactique », pp. 142-202.
↑ Raymond Aron, « Le Marketing de combat », Forum IFG, 1980.
↑ Operation, FM-105, College of Defence
↑ François Collé, le guide stratégique du responsable d'entreprise, réaffirmer les priorités, faire évoluer le management des hommes, maîtriser les techniques financières, L. du Mesnil éditeur
↑ Pour paraphraser Carl von Clauswitz
↑ A. Chandler, Stratégies et structures de L'entreprise, Paris, Organisation, 19**.
↑ Benjamin Tregoe, John Zimmerman, Top Management Strategy. What It Is and How to Make It Work, Simon & Schuster, 1980, p. 17.
↑ Mintzberg, The strategy process, Harlow : Pearson Education Limited, 1999.
↑ Analyse stratégique, p. 86 éd. Ellipses, mai 2001.
↑ Laurence Lehmann- Ortega, Frédéric Le Roy, Bernard Garrette, Pierre Dussauge, Rodolphe Durand, « Stratégie, business strategy et corporate strategy », dans : Strategor. Toute la stratégie d'entreprise, 6 édition, Dunod, 2013, p. 7.
↑ Frédéric Le Roy, Les stratégies de l'entreprise, 4 édition, Dunod, 2012, p. 5
↑ Stratégique, op.cit.
Bibliographie
Jean Baudrillard, Les stratégies fatales, livre poche, 1986.
Michel Collon et co., La stratégie du chaos, Asbl, 2012
Stratégie militaire
Carl von Clausewitz, De la guerre (1843) , Éditions Ivrea.
Antoine de Jomini, Précis de l'art de la guerre, Champ libre.
1980
Edward Luttwak, Le paradoxe de la stratégie, Odile Jacob, 1989.
Basil Lidell-Hart, Stratégie.
2000
Hervé Coutau-Bégarie : Traité de stratégie, Economica, 2005.
2010
André Beaufre (Général), Introduction à la stratégie (1963), Fayard/Pluriel, 2012.
Stratégie militaire et stratégie d'entreprise
1960
Fernand Bouquerel, Management. Politique - Stratégie - Tactique, Dunod, 1969.
1970
Peter Linnert, Clausewitz et le management, Éditions d'Organisation, 1972.
1990
Gil Fiévet (Général), De la stratégie militaire à la stratégie d'entreprise, InterEditions, 1992.
Gil Fiévet (Général), De la stratégie militaire. L'expérience militaire au service de l'entreprise, InterEditions, 1993.
Frédéric Le Roy, Stratégie militaire et management stratégique des entreprises, Économica, 1999.
2000
Roula Chebab, Stratégie militaire et stratégie d'entreprise, Faculté de gestion et de management, 32 p. (lire en ligne)
Stéphane Chalmin, Gagner une guerre aujourd'hui, Economica, 2013.
Stratégie d'entreprise
1960
Alfred Chandler, Stratégies et structures de L'entreprise, Paris, Organisation 19**.
1980
(en) Benjamin Tregoe, John Zimmerman, Top Management Strategy. What It Is and How to Make It Work, Simon & Schuster, 1980.
(en) Henry Mintzberg, « The Strategy Concept I: Five Ps for Strategy », California Management Review, automne 1987, p. 11-24.
(en) Bruce Henderson, The Origin of Strategy, Harvard Business Review, novembre 1989 (présentation en ligne)
1990
Patrick Joffre, Gestion stratégique, EMS, 1992.
Michael Porter, Choix stratégiques et concurrence. Techniques d'analyse des secteurs et de la concurrence dans l'industrie (1982), Économica, 1999.
(en) Henry Mintzberg, Quinn, etc., The strategy process, Pearson Education, 1999.
2000
Alain Derray, Alain Lusseault, Analyse stratégique, Ellipses, 2001. (p. 86)
(en) Henry Mintzberg, Joseph B. Lampel, James Brian Quinn, Sumantra Ghoshal, The Strategy Process. Concepts, Context, Cases (4th Edition), Prentice Hall, 2002.
Michael Porter, L'avantage concurrentiel. Comment devancer ses concurrents et maintenir son avance (1986), Dunod, 2003.
Depuis 2011
Gerry Johnson, Kevan Scholes, Richard Whittington, Frédéric Fréry, Stratégique, 9 ed., Pearson, 2011.
Olivier Meier, Diagnostic stratégique, 4 éd., Dunod, 2015.
Frédéric Le Roy, Les stratégies de l'entreprise, 4 édition, Dunod, 2012.
Laurence Lehmann-Ortega, Frédéric Le Roy, Bernard Garrette, Pierre Dussauge, Rodolphe Durand, Strategor. Toute la stratégie d'entreprise, 6 édition, Dunod, 2013.
Guy Sallat, Décider en stratège la voie de la performance, L'harmattan, 2013.
Stratégie et théorie des jeux
John von Neuman, Oskar Morgenstern, Théorie des jeux et comportements économiques (1953), Université des Sciences Sociales de Toulouse, 1977.
John McDonald, Strategy in Poker, Business & War (1950), Norton, 1996.
Articles connexes
Stratégie en général
Art de la guerre
Niveaux de la stratégie
Stratégie militaire
Art opératif
Chef d'État-Major des armées
Géopolitique
Géostratégie
Guerre
Instituts d'études stratégiques
Stratégie militaire
Stratégie d'entreprise
Business model
Business plan
Conseil en stratégie
Culture stratégique
Doctrine
Entreprise
Géoéconomie
Intelligence économique
Management stratégique
Plan stratégique
Planification stratégique
Politique
Stratégie du bord de l'abîme
Stratégie de communication
Stratégie du dauphin
Stratégie d'entreprise
Stratégies génériques de Porter
Stratégie marketing
Stratégie de niche
Tactique
Théorie des jeux et jeux de stratégie et divers
Jeux de stratégie
Poker
Stratégie au poker
Stratégie (technique de combat)
Théorie des jeux
Portail du management
Portail des entreprises
Portail de l’histoire militaire