Polygamie dans le monde Pays autorisant la polygynie en 2015.
La polygamie désigne la situation dans laquelle un individu dispose au même moment de plusieurs partenaires sexuels. Pour une femme ayant plusieurs hommes, on parle également de polyandrie ; pour un homme ayant plusieurs femmes, de polygynie. Quand deux ou plusieurs hommes ont une relation sexuelle exclusive avec deux ou plusieurs femmes, on parle de polygynandrie.
La polygamie est plus spécifiquement associée à l'homme. Selon les démographes et les ethnologues, près de 85 % des sociétés connues et étudiées sont polygames « de droit » et, parmi elles, seulement 1 % polyandriques. Néanmoins, au sein des sociétés majoritairement polygyniques, de 60 à 80 % des foyers sont monogames « de fait » (et non « de droit »).
La polygamie est à distinguer des mariages de groupes, forme de polyamour impliquant plusieurs partenaires de chaque sexe, et de la bigamie, situation dans laquelle une personne contracte plusieurs mariages séparément, sans avoir juridiquement obtenu la dissolution du précédent ou sans que les deux conjoints soient au courant de cette situation.
En sciences humaines, le terme « polygamie » est souvent employé par abus de langage pour désigner la polygynie. Dans de nombreux pays, ce terme n'est pas ou peu employé.
Terminologie
Le terme est formé à partir de deux mots grecs, « polus » qui signifie « plusieurs » et « ****s », signifiant « mariage ».
Pour cette raison, le terme peut désigner indifféremment le fait d'avoir plusieurs maris ou plusieurs femmes. Les termes « polyandrie » et « polygynie » sont donc étymologiquement et sémantiquement incorrects, mais sont de plus en plus usités pour discriminer les deux pratiques.
La polygamie s'oppose à la monogamie. Dans le cas précis de deux conjoints simultanés, il s'agit d'une bigamie.
Polygamie dans le monde
De nombreux pays tolèrent la polygynie sans l'encourager ouvertement. C'est le cas non seulement de la totalité des pays à forte population musulmane, à l'exception de la Turquie (interdiction en 1926) et de la Tunisie (interdiction en 1957), mais également de quelques pays animistes africains. Quelques États autorisent aussi la polyandrie.
Selon Jacques Attali (Amours. Histoires des relations entre les hommes et les femmes, 2007), « la polygynie est encore autorisée - ou tolérée - aujourd'hui, dans des pays représentant près du tiers de la population de la planète. Seulement 10 % des hommes y ont plusieurs femmes, essentiellement les plus riches ».
La polygamie est une pratique mal perçue en Occident au point que de nombreux États la reconnaissent comme un délit. La polygamie est aussi critiquée dans les groupes dans lesquels elle est pratiquée.
Polygamie en France
Il est en droit français impossible de se marier ou de conclure un pacte civil de solidarité (PACS) avec plusieurs partenaires. L'ordonnance de 1945 modifiée par Charles Pasqua interdit la délivrance de titre de séjour aux étrangers en situation de polygamie depuis 1993.
L'institut Montaigne a publié en novembre 2009 une note intitulée La polygamie en France : une fatalité ? et rédigée par Sonia Imloul, présidente de l'association Respect 93 et membre du Conseil économique, social et environnemental. La note propose la mise en œuvre d'outils de mesure statistique (INSEE et INED) afin de quantifier le phénomène polygame en France, ainsi qu'une orientation des politiques publiques en faveur de l'aide à la « décohabitation » et à la réinsertion des acteurs desdites unions, qu'ils soient hommes ou femmes, avec ou sans enfants.
Polygamie en Belgique
La polygamie est interdite en Belgique. Mais le 26 juin 2008, un arrêt de la Cour constitutionnelle interdit toute discrimination envers les enfants sur base de la polygamie. Les enfants ne sont en effet « pas responsables de la situation maritale de leurs parents » mais le législateur a le loisir de « limiter le rassemblement familial » des personnes « dont le mariage est contraire à l'ordre public belge et à celui d'autres pays membres de l'Union européenne ».
Polygamie au Canada
La polygamie a été confirmée comme illégale au Canada fin 2011 par la Cour Suprême de la Colombie-Britannique. La liberté de religion ne vient pas légaliser cette pratique dont il est jugé qu'elle « cause un tort considérable aux femmes, aux enfants et à l'institution canadienne du mariage ». Ainsi, les gens de cette province pratiquant la polygamie sont susceptibles de poursuites criminelles.
Polygamie et religion
Judaïsme
La Torah permet explicitement la polygamie (mais à de nombreuses conditions) bien que celle-ci n'y soit pas présentée comme un mode de vie idéal et n'y soit pas du tout encouragée. On peut effectivement y trouver plusieurs cas célèbres de polygynie tels que ceux d'Avraham (Abraham), de Yaakov (Jacob) ou plus tard du roi Shlomo (Salomon) qui aura 700 épouses (dans les Prophètes). À l'inverse, on y trouve les cas d'autres personnages emblématiques tel que celui du second patriarche Yitzhak (Isaac) ou celui de Moshé (Moïse) lui-même, qui n'auront tous deux qu'une seule femme. La polygamie sera officiellement interdite pour les Juifs ashkénazes au XI siècle par Rabbenu Gershom, l'un des pères de la tradition rabbinique ashkénaze. Cette interdiction est, à présent, également adoptée par la grande majorité des Juifs séfarades.
Christianisme
La conception du mariage selon Jésus est celle-ci : "C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair. Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint.…" Cela signifie que le mariage chrétien concerne un homme et une femme, pour toute la vie. En effet, la répudiation était une pratique autorisée chez les juifs, mais elle a été réprouvée par Jésus.
Montesquieu nous apprend que l'Empereur romain Valentinien II autorisa, par un édit, les sujets de l'Empire à se marier avec plusieurs femmes. Mais c'est à relativiser car il était adepte de l'arianisme, qui fut qualifié d'hérésie ensuite.
Ce n'est qu'au Moyen Âge qu'elle sera définitivement interdite dans le monde catholique par la constitution de Grégoire XIII en 1585 .
Dans le christianisme catholique et orthodoxe, le mariage est monogamique, suivant ses interprétations des références citées.
L'Église catholique romaine, branche la plus importante du christianisme, prône l'abstinence avant le mariage, et la fidélité dans celui-ci. De plus, elle ne reconnait pas le divorce civil mais peut statuer sur une reconnaissance de nullité du sacrement de mariage en cas d'empêchement grave de l'un des époux, prouvant que le mariage en question est légitimement invalide. De nos jours elle interdit formellement la polygamie. Quand le conjoint meurt, le survivant peut se remarier.
Les églises relevant du protestantisme et de l'évangélisme représentent ensemble une grande partie des Chrétiens qui soutiennent la pratique de la monogamie.
Les mormons
Les mormons pratiquèrent la polygynie jusqu'en 18** (sous le nom de « mariage plural »). Après cette date, elle continua à être pratiquée uniquement par des groupes minoritaires exclus du mormonisme comme l'Église fondamentaliste de Jésus-Christ des saints des derniers jours apparue au XX siècle.
Islam
Dans l'islam, la polygynie est licite à certaines conditions avec toutefois différentes restrictions dont le paiement de dots, l'obligation de subvenir au besoin des épouses et enfants, et un maximum de quatre épouses simultanément. Le prophète Mahomet était polygame et a été marié à 13 femmes, bien que pas simultanément. La polygynie n'est pas spécifiquement encouragée et le Coran n'a fait qu'imposer des conditions supplémentaires par rapport aux pratiques antérieures. Les foyers monogyniques sont majoritaires et cette tendance s'accentue, probablement par une lecture plus stricte du verset 4.129 mais aussi probablement à la suite des luttes antipolygyniques menées par les associations et mouvements féministes dans les sociétés musulmanes contemporaines.
Hindouisme
L'hindouisme (qui est une culture où différentes religions-philosophies cohabitent) n'interdit pas la polygamie, sans pour autant dévaloriser la monogamie (elle est fêtée dans le Rāmāyaṇa) ; rien n'est imposé ; selon le Kâmasûtra, « on doit se servir du Kâmasûtra lorsque la passion est légère, et doit être cultivée, mais lorsque la roue de l'amour tourne, il n'y a plus de règles ni de prescriptions à suivre »...
Ainsi, dans le Mahâbhârata, Krishna épouse Roukmini-Lakshmi, la fille du roi des Vidarbha, et s'installe ensuite dans une vie fastueuse avec ses 16 000 femmes et ses 80 000 enfants. La polygamie est possible chez les Brahmanes (ceux qui ont le savoir sacré) et encouragé chez les Kshatriya (ceux qui sont rois ou défenseurs actifs des Brahmanes, des vaches, des créatures et des valeurs védiques).
Évolutions, tendance
L'ONU demande à ses états membres de légiférer pour interdire la polygamie, qui a de graves conséquences pour les femmes et les enfants. " Tant la Commission des droits de l’homme que le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ont estimé que les mariages polygames constituaient une discrimination à l’égard des femmes et ont recommandé de les interdire."
Selon les données anthropologiques disponibles, environ 85 % des sociétés humaines passées ont permis aux hommes d'avoir plus d'une épouse par un mariage polygame. On pourrait empiriquement penser que l'accroissement de la richesse des « élites » devraient favoriser encore plus les mariages polygames. Or, la tendance est contraire : le mariage monogame s'est propagé à travers l'Europe, et plus récemment dans le monde, même chez les « élites », alors même que les écarts de richesse ont grandi.
Peter Richerson et son équipe (de l'université UC Davis en Californie) ont utilisé les données criminologiques disponibles pour comparer sociétés polygames et monogames. Elles laissent penser que les cultures monogames connaissent moins de viol, d'enlèvement, assassinat et maltraitance d'enfants, et d'autres crimes que les sociétés polygames. Comparativement, selon cette étude, l'institutionnalisation du mariage ou couple monogame semble apporter plus d'avantages nets pour la société. Une explication proposée par les auteurs est que, dans les sociétés polygames, de nombreux hommes sont contraints au célibat et laissés pour compte, avec moins d'espoir de pouvoir vivre avec une femme. Ils seraient alors plus susceptibles de violence et de comportements asociaux ; Peter Richerson pose l'hypothèse que la monogamie institutionnalisée est associée à un modèle culturel mieux adapté au monde moderne, réduisant la compétition intr****uelle chez les jeunes, et réduisant par suite le taux de criminalité (dont en termes de viol, assassinat, agression, vol et la fraude, ou de certains abus personnels), tout en diminuant les écarts d'âge entre conjoints, la fertilité et l'inégalité des sexes et en déplaçant les efforts des hommes de la recherche d'une épouse vers plus d'investissement paternel, et une meilleure productivité économique. Peter Richerson estime qu'en augmentant le degré de parenté au sein des ménages, la monogamie normative réduit les conflits intra-ménage, et conduisant à moins de négligence envers les enfants, moins d'abus, de morts accidentelles et d'homicides. Cette hypothèse a été testée en utilisant les lignes convergentes d'éléments de preuve de l'ensemble des sciences humaines.