Le violoncelle est un instrument à cordes frottées (mises en vibration par l'action de l'archet) ou pincées (le pizzicato) de la famille des violons, qui compte aussi l'alto et la contrebasse. Il se joue assis et tenu entre les jambes ; il repose maintenant sur une pique escamotable, mais fut longtemps joué posé entre les jambes, sur les mollets ou sur la poitrine.
Ses quatre cordes sont accordées en quintes : do, sol, ré et la (du grave vers l'aigu), comme pour l'alto. Le violoncelle est accordé une octave en dessous de ce dernier, soit une douzième (une octave plus une quinte) en dessous du violon. C'est l'un des instruments ayant la tessiture la plus grande. Sa gamme de fréquences fondamentales va approximativement de 65 Hz à 1 000 Hz (voire 2 000 Hz dans certaines œuvres virtuoses). On dit souvent que c'est l'instrument le plus proche de la voix humaine.
Violoncelle
L’école de lutherie de Crémone.
Invention
Le violoncelle est un instrument de la famille du violon. Cette dernière s'est constituée en Italie au cours du XVI siècle dans le prolongement des instruments du type rebec et lira (Lira da braccio et Lirone) dont elle conserve les accords en quinte, la forme gothique tardive mais pas les bourdons. Vers 1530, La basse de violon, instrument apparenté au violoncelle est un instrument plus petit qu'il ne l'est aujourd'hui, doté de trois cordes et accordé une quinte au-dessous du violon (contre une quinte et une octave aujourd'hui). En 1550, une quatrième corde (grave) est ajoutée et l'accord revu. La taille du corps de l'instrument (hors manche) augmente jusqu'à 80 à 85 centimètres (la taille actuelle est d'environ 76 centimètres). Cette taille fut la limite: au-delà, la technique de main gauche, à une époque où le démanché apparaît seulement, devenait trop ardue. Les luthiers commencent alors à fabriquer de plus petites basses de violons et beaucoup de basses de violon furent retaillées; le violoncelle (viol-one-cello) est donc un grand (suffixe -one) violon réduit (suffixe -cello).
Si l'on suit l'interprétation courante, la famille des violons (violon, alto et violoncelle) est fixée dans sa forme actuelle par Andrea Amati (v. 1505/1510-1577), luthier de Crémone. C'est dans cette ville importante pour la musique occidentale que le violoncelle et toute sa famille prennent leur forme définitive, dans les ateliers de Niccolò Amati - descendant du précédent -, du célèbre Antonio Stradivari (Crémone **- 17 décembre 1737) - probable élève de Niccolò -, de l'original Bartolomeo Giuseppe Guarneri (1698-1744) - élève de Stradivari surnommé Guarnerius del Gésu. Cette école italienne fixe les formes et rayonne dans toute l'Europe, au travers du compagnonnage : Jacob Stainer (1621-1683), maître de la lutherie austro-hongroise, fut un probable camarade de Stradivari chez Amati. François Médard, élève de Stradivari, rentre chez lui, à Mirecourt, une fois ses études achevées.
La conquête
Madame Henriette de France à la « basse de viole ».
Cette naissance prestigieuse, pourtant, n'assure pas une réputation immédiate au violoncelle. La concurrence qui l'oppose à la basse de viole de gambe est serrée. En effet, la viole de gambe (elle aussi dérivant du « rebab », introduit en Espagne par les Maures vers le VIII siècle) connaît son heure de gloire en Italie depuis que le noble valencien Roderic de Borja (devenu Rodrigo Borgia en Italie), futur Alexandre VI, amena de nombreux violistes à Rome. Le violoncelle est fort discret au XVII siècle et le XVIII siècle est un siècle de coexistence dans la littérature pour ensemble ou dans les œuvres solistiques.
Certains compositeurs, Purcell, Marin Marais ou François Couperin, ne s'habituent pas à l'instrument, et prennent bien garde de préciser dans leurs œuvres qu'elles sont destinées à la « basse de viole » et non au violoncelle. Mais à la fin du XVIII siècle, la basse de viole est supplantée définitivement; en effet, les virtuoses du violoncelle parviennent à convaincre leurs contemporains de ses qualités de timbre et de virtuosité, et des œuvres majeures font sa renommée, en particulier les six Suites pour Violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach qui visitent en profondeur les capacités polyphoniques rares de l'instrument.
On met souvent cette lutte en parallèle de celle des classes: les viola da gamba, famille des violes, étaient considérées comme des instruments plus nobles que ceux de la famille des viola da braccio, nos instruments à cordes modernes, plus vulgaires pour les contemporains du XVI siècle. Sans doute faut-il compter les évolutions sociales du XVIII siècle au nombre des raisons du succès de cette deuxième famille. Pendant la Révolution française et après, les violes, sans doute jugées trop aristocratiques, furent transformées en violoncelles, violons et altos.
L'éclosion
En tant que substitut à la viole de basse, le violoncelle est d'abord confiné aux rôles d'accompagnement. Jusqu'à la fin du XVIII siècle, instrument moins trapu qu'aujourd'hui, le violoncelle seconde le clavecin et complète la « basse continue » qui fonde les bases de l'harmonie dans les œuvres musicales baroques. Le son est plus confidentiel, plus feutré que celui des instruments modernes.
Pourtant l'instrument commença à s'imposer. Antonio Vivaldi (1678-1741) lui dédia 27 concertos et 11 sonates avec basse continue ; Luigi Boccherini (1734-1805), violoncelliste virtuose, le dota de concertos pour violoncelle.
Surtout, la technique évolue:
La virtuosité commence au XVIII siècle : les positions du pouce sont inventées, le violoncelliste Francesco Alborea ("Franciscello", 1691-1739), étant l'un des premiers à les avoir fait connaître. Les deux sonates qu'on lui attribue utilisent le ré4, de nombreuses doubles cordes, et accords arpégés.
Les frères Duport, Jean-Pierre et Jean-Louis (virtuose éponyme du Stradivarius que possédait Rostropovitch), œuvrent un peu plus tard dans le XVIII siècle. Les sonates de Jean-Pierre, l'aîné, atteignent le la5. Jean-Louis, est l'auteur d'un ouvrage théorique, Essai sur le doigté (1806), qui jette les bases du doigté moderne du violoncelle.
Les violoncellistes deviennent des virtuoses, et tiennent à le faire savoir. On connaît des œuvres, parfois majeures comme nous allons le voir, qui ont eu pour but de mettre en valeur ces nouvelles possibilités techniques.
La partie soliste du Concerto en ré majeur de Haydn n'a pu être écrite que par un violoncelliste: on dit souvent que le violoncelliste Antonín Kraft aurait esquissé l'œuvre de Haydn qui l'aurait ensuite complétée (au XIX siècle, Gevaert l’a retouchée et y a ajouté l’orchestration)
Le même type de collaboration est suggérée pour le Concerto pour violoncelle en si mineur (1895) de Dvořák, entre le compositeur et son collègue de récital aux États-Unis, le violoncelliste Hanuš Wihan.
Le miracle romantique
La période romantique —le XIX siècle— va être particulièrement profitable au violoncelle. Johannes Brahms, Robert Schumann, Édouard Lalo, Camille Saint-Saëns, Antonín Dvořák, Jacques Offenbach (qui jouait magnifiquement bien du violoncelle), Ludwig van Beethoven, Felix Mendelssohn écrivirent des pièces pour violoncelle et piano ou des concertos mémorables (voir ci-dessous : répertoire).
À cette époque, les dimensions de l'instrument ne changent plus. Son timbre devient éclatant, et sa puissance sonore, limitée lorsqu'il était instrument d'accompagnement, augmente, d'une part pour permettre aux compositeurs d'utiliser de plus grands orchestres ou des techniques d'orchestration plus ambitieuses, et d'autre part pour répondre aux nouvelles exigences des salles de concerts de plus en plus grandes.
La période romantique est également un passage important dans la technique du violoncelle. En effet, de nombreux compositeurs (violoncellistes eux-mêmes) écrivent traités et méthodes pour leurs élèves. Les musiciens ayant alors publié des études pour le violoncelle sont entre autres, Sébastien Lee, David Popper, Friedrich Dotzauer, Jean-Louis Duport et Bernhard Romberg.
Détail d’un violoncelle. Dans la section Cordes de cet article on peut deviner la marque et modèle des cordes en "lisant" les codes de couleur des bouts de corde attachés au cordier.
L'instrument moderne
Au XX siècle, l'instrument fait presque jeu égal avec le violon. Rares sont les compositeurs majeurs dont le catalogue des œuvres ne contienne pas de pièces pour violoncelle.
Les compositeurs français, parmi lesquels Gabriel Fauré, Maurice Ravel ou Claude Debussy en font grand usage dans leur musique de chambre.
Les compositeurs modernes Paul Hindemith, Serge Prokofiev, Dmitri Chostakovitch, Dmitri Kabalevski, Benjamin Britten, Henri Dutilleux, Bohuslav Martinů, Olivier Messiaen, Heitor Villa Lobos, Hans Werner Henze, György Ligeti, Frank Martin, Krzysztof Penderecki, Heinrich Sutermeister, Witold Lutoslawski, Peter Mieg, Norbert Moret, etc. explorèrent davantage les capacités du violoncelle, et ce grâce, entre autres, à l'influence majeure de Mstislav Rostropovitch, meilleur ambassadeur de son instrument et qui a créé plus de cent cinquante œuvres. La qualité des interprètes s'améliorant, l'éventail technique mis en œuvre explose (voir la sonate pour violoncelle seul de Zoltán Kodály).
La musique contemporaine a exploré de nouveaux modes de jeu au violoncelle, notamment la compositrice finlandaise Kaija Saariaho, qui outre une œuvre abondante pour l'instrument a développé de nouvelles sonorités, avec surtout un travail sur la texture. Ces nouvelles techniques incluent bien sûr des dispositifs électroniques qui permettent de modifier en temps réel le son produit par l'instrumentiste, mais aussi de nouvelles techniques de jeu virtuoses, notamment des variations de pression et d'inclinaison de l'archet qui produisent un son extrêmement rugueux. On peut par exemple citer les œuvres pour violoncelle seul de Iannis Xenakis (Nomos Alpha, Kottos)