Un contrat est un accord de volonté en vue de créer une ou des obligations juridiques. C'est un engagement volontaire, formel ou informel, seul ou entre plusieurs parties et reconnu par le droit.
Engagement volontaire, le contrat naît d’un accord assumé et accepté. Selon la classification du code civil, il diffère ainsi des autres obligations, comme celles issues des délits civils, des quasi-délits, des quasi-contrats, ou de la loi. Formel ou informel, le contrat n’est pas soumis, sauf exceptions, à des exigences de forme. Cette liberté est le corollaire de l’autonomie des volontés. Au moins deux parties sont liées par le contrat, ce qui distingue le contrat d’un simple engagement individuel ou d’un droit réel, comme la propriété. Reconnu par le droit, le contrat diffère ainsi de la promesse qui ne nécessite pas de consécration officielle.
En droit, le contrat est le principal acte juridique qui fonde la théorie des obligations. Les parties sont ceux qui peuvent en exiger un certain produit ou prestation. Elles sont dénommées créancier et débiteur. Les ayants droit sont ceux qui ont acquis un droit du créancier ou du débiteur. Les tiers sont des personnes qui n'étaient ni présentes ni représentées lors de la naissance du contrat et qui ne sont pas les ayants droit. Les dispositions d'un contrat sont appelées clauses ou stipulations.
Essence du contrat
Le contrat fait l’objet d’une première théorisation avec le droit romain qui perdure de nos jours. Elle se trouve aux Institutes de Justinien (III, 13, pr.) : « l'obligation est un lien de droit par lequel nous sommes tenus nécessairement de payer quelque chose à quelqu'un selon le droit de notre cité. » Ainsi, le contrat n’est pas un droit immédiat et absolu, mais un lien entre personnes. La grande force de cette théorie étant de faire entrer le consensualisme dans le droit.
À l’origine du contrat : le consensualisme
Au V siècle, l’Empire byzantin connaît une longue période de prospérité économique et commerciale. Afin de faciliter les relations d’affaires, le droit romain renonce au formalisme contractuel et permet alors au contrat de se former sur la base du consentement des parties : les contractants disposent ainsi d’une grande liberté pour déclarer leur volonté. Ce principe caractérise aujourd’hui le droit civil.
Le principe du consensualisme admet comme équivalents chaque mode d'expression de la volonté (oral, écrit, gestuel) voire l’absence d’expression matérielle, via le contrat tacite. Ainsi, les parties sont obligées par le seul échange des consentements et à cet instant. « De ce point de vue, le consensualisme présente toutes les vertus libérales et morales. (…) le consentement seul oblige, et parce qu'il oblige, celui qui a donné son consentement ne pourra s'y soustraire en prétextant qu'une solennité fait défaut. »
Cette idée du respect de la parole donnée sans forme est le fruit du développement du christianisme.
Théorie libérale du contrat : l’autonomie de la volonté
Du Contrat social de Rousseau.
À côté de ce fondement moral, le contrat nait également d’une conception libérale de l’économie : la liberté permet aux intérêts particuliers de s’équilibrer réciproquement et elle est le meilleur moyen de satisfaire l'intérêt général, fait lui-même de la somme des intérêts particuliers.
Parallèlement, à partir du XVIII siècle, se développe la philosophie humaniste : l'homme est réputé être libre par nature, la société s’est formée par sa volonté, par contrat social. La Déclaration des droits de 1789 proclame ainsi que la loi elle-même « est l'expression de la volonté générale ». Pour Kant, il y a autonomie de la volonté si la volonté est déterminée par la seule loi morale, et hétéronomie si elle est déterminée par le principe du bonheur (le désir matériel). Cette influence sur le code civil de 1804 a parfois été nuancée, Kant étant peu connu en France en 1804 en comparaison avec les travaux des juristes français des XVIIetXVIII siècles.
Ainsi, le contrat n’est pas contraignant parce que reconnu par une loi externe, mais parce que résultant directement de volontés créatrices de droits et d’obligations.
Limites de la théorie libérale du contrat
Pour Durkheim, la règle émanant du groupe précède au droit de la volonté : ce phénomène de solidarité étant objectivé par le droit.
Au cours du XIX siècle, avec l’industrialisation et le développement du droit du travail, se fait entendre une critique de la conception libérale : face aux situations d’inégalité, cette liberté devient source d'injustice entre une partie faible et une partie dominante. Lacordaire énonce ainsi la célèbre formule : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, c'est la liberté qui opprime, c'est la loi qui affranchit. »
Régimes juridiques du contrat
Condition nécessaire au consentement, la liberté de contracter est au cœur de l’existence de tout contrat. Ainsi, les parties au contrat, personnes physiques ou personnes morales, doivent avoir la capacité pour s'engager. Une fois le contrat régulièrement conclu, il lie les parties au contrat en vertu du principe traditionnel pacta sunt servanda.
Le contrat possède deux composantes théoriques :
le « negotium » qui correspond à la substance de l'accord des parties.
l'« instrumentum », support de cet accord, ayant également valeur de preuve en cas de litige.
En principe, seul le negotium est essentiel à la validité du contrat, l'instrumentum ne constituant qu'un gage de sécurité juridique, et s'il s'agit généralement d'un écrit (matériel ou numérique), il peut se réduire à un accord oral, ou même à une attitude (ex : la seule transmission des clés d'une voiture peut conclure un prêt de véhicule). Parfois, la loi peut imposer cette sécurité en exigeant un acte sous seing privé ou un acte authentique. Ces deux types de contrats sont respectivement qualifiés de consensuels et de solennels.
Formation du contrat en droit français
L'article 1108 du code civil consacre le principe de la volonté des parties :
Les parties ont-elles voulu s'engager ? Il faut vérifier leur consentement.
Étaient-elles aptes à le vouloir ? C'est le problème de leur capacité.
Qu'ont-elles voulu ? Il faut un objet à leur engagement.
Pourquoi l'ont-elles voulu ? L'engagement doit avoir une cause. »
Dès lors, s'il est conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs, le contrat acquiert une force obligatoire : il oblige les parties. La conséquence est qu'en cas d'inexécution d'une obligation par le débiteur, la partie créancière pourra se prévaloir du contrat pour demander compensation en justice. On dit que le contrat est opposable entre les parties.
Particulièrement, le droit français fait une distinction entre le contrat de droit civil et le contrat de droit public, passé entre l'administration et une personne de droit privé ou entre deux personnes publiques ou entre deux personnes privées si le contrat contient des clauses exorbitantes de droit commun (sauf exceptions déterminées par le législateur) : on parle alors de contrat administratif.
Contrat en droit suisse
Dans les ordres juridiques de common law
La structure de la common law diffère totalement de la structure du droit romano-civiliste, dont le droit français : il n’y a ni distinction entre droit public et droit privé, ni entre les catégories de droit civil, de droit administratif ou de droit commercial. Les concepts diffèrent également. Ainsi, « le contract du droit anglais n'est pas plus l'équivalent du contrat du droit français que l'equity anglaise n'est l'équité française. »
Spécificités du contrat en droit anglais
Le droit anglais ne connaît que le contrat en la forme d’acte sous seing privé et distingue ainsi le contrat consensuel (simple contract) à titre onéreux, sans condition de forme (ou verbal ou écrit) sauf la contrepartie onéreuse (consideration) donnée par le bénéficiaire de la promesse, du contrat solennel (specialty ou contract by deed), à titre gratuit ou onéreux, établi par écrit et signé soit sous sceau privé soit devant témoins instrumentaires. Le droit anglais a ignoré la stipulation pour autrui jusqu'en 1999 tout en imposant un régime stricte de l'effet relatif du contrat.
Spécificités du contrat dans le droit des États-Unis
Le droit américain a abandonné le contrat solennel au début du XX siècle. L’abandon de ce dernier ainsi que la formalité requise d’une contrepartie onéreuse (consideration) ont pour conséquence une curiosité juridique : le droit américain n’admet donc ni le contrat unilatéral ni le contrat à titre gratuit, telle la donation, sauf exceptions légales. Pour qu’il y ait contrat, il faut réunir les éléments suivants : offre et acceptance intégrale, l’onérosité et l’intention de s’obliger. La validité du contrat est soumise à trois conditions : un consentement valable, la capacité juridique et un objet licite et moral (c'est-à-dire conforme à l’ordre public (public policy) et aux bonnes mœurs (conscionability)). Quant au consentement, il n’est pas d’engagement valable s’il est donné par erreur (mistake), soumis au dol (fraud), à la violence (duress) ou à la crainte fondée (undue influence). Le droit américain, contrairement au droit anglais, connaît la stipulation pour autrui depuis la fin du XIX siècle.
Dans le droit soviétique
Dans le droit socialiste de l’ex-URSS, le contrat était le prolongement de l’acte administratif de planification. Certains actes de planification confiaient de manière très détaillée aux entreprises les tâches à accomplir, d’autres nécessitaient qu’un contrat soit établi afin d’apporter des précisions : « Dans la majorité des cas, le contrat avait donc pour utilité de concrétiser les données du plan. » En ce sens, ils peuvent être qualifiés de « contrats planifiés ou forcés ».
Dans le droit russe contemporain
Le nouveau code civil russe, adopté partiellement en 1994, rénove totalement l’ancien édifice juridique socialiste. « Les contrats planifiés autrefois prédominants l'ont cédé aux contrats librement consentis par des entreprises libérées du carcan de la planification et des commandes d'État. » Le droit des obligations, d’influence romano-civiliste, reconnaît le contrat de manière similaire au droit civil français, avec les principes de liberté contractuelle et de distinction entre contrat synallagmatique et unilatéral.
Dans les systèmes de droit de l’extrême orient
D’une façon générale, les peuples de l’extrême orient accordent au droit une place bien moindre qu’en occident pour assurer l’ordre social et la justice. Ainsi, en droit japonais, la force obligatoire du contrat repose essentiellement sur une relation de confiance entre les parties, antérieure à la formulation juridique du contrat. « La jurisprudence a d'ailleurs admis l'existence d'une théorie « de la relation de confiance » autorisant une application souple des obligations contractuelles, permettant d'assurer la protection de la partie la plus faible. »