Écart de températures en Europe par rapport à la normale lors de la canicule de 2003.
Une canicule, ou vague de chaleur, est un phénomène météorologique de températures de l'air anormalement fortes, diurnes et nocturnes, se prolongeant de quelques jours à quelques semaines, dans une zone relativement étendue. Elle survient avec un réchauffement très important de l'air, ou avec une invasion d'air très chaud (exemple en Europe : en provenance du Sahara), qui provoque notamment une baisse significative de l'amplitude thermique entre le jour et la nuit, la chaleur s'accumulant plus vite qu'elle ne s'évacue par convection ou rayonnement. Pour qu'une telle vague de chaleur soit qualifiée de canicule, il faut que celle-ci égale ou dépasse certains seuils en intensité et en durée (exemple : au moins 72 heures (3 jours) de suite). Elle peut être accompagnée d'un niveau d'humidité élevé, ce qui accroît la sensation de chaleur.
Définition régionale
La définition est relative au climat de la région habitée. La canicule en Afrique ou en Scandinavie se basera sur des valeurs et des durées différentes. C'est probablement cette difficulté qui a empêché la création d'une définition universelle.
Enseigne de pharmacie affichant 40°C le 1er juillet 2015 à Saint-Rémy-lès-Chevreuse.
Par exemple pour la France métropolitaine :
à Lille, on parle de chaleur caniculaire lorsqu'il fait au moins 33 °C le jour et 18 °C la nuit ;
à Toulouse, la canicule correspond à un maximum dépassant 36 °C le jour et un minimum de 21 °C la nuit.
Ces seuils sont réévalués presque annuellement par Météo-France en partenariat avec l'Institut de Veille sanitaire (INVS).
Pour mieux tenir compte du paramètre humidité, un indice de chaleur, ou un indice humidex ou l'indice du Température au thermomètre-globe mouillé peut également aider dans cette détermination.
Par définition, Environnement Canada parle d'une canicule lorsqu'il fait 30 °C ou plus pendant au moins trois jours de suite
Étymologie
Canicule vient du latin Canicula., qui signifie «chien», en liaison avec Sirius, étoile principale de la constellation du Grand Chien. Elle ne concerne donc à l'origine que la période annuelle du 24 juillet au 24 août, où cette étoile se couche et se lève en même temps que le Soleil, ce qui avait laissé penser aux anciens qu'il existait un lien entre l'apparition de cette étoile et les grandes chaleurs. Ainsi Pline l'Ancien écrivait : « Quant à la Canicule, qui ignore que, se levant, elle allume l'ardeur du soleil ? Les effets de cet astre sont les plus puissants sur la terre : les mers bouillonnent (XVIII, 68) à son lever, les vins fermentent dans les celliers, les eaux stagnantes s'agitent. Les Égyptiens donnent le nom d'oryx à un animal qui, disent-ils, se tient en face de cette étoile à son lever, fixe ses regards sur elle, et l'adore, pour ainsi dire, en éternuant. Les chiens aussi sont plus exposés à la rage (VIII, 61) durant tout cet intervalle de temps ; cela n'est pas douteux. »
Histoire
Il y a trois millénaires, Sirius se levait avec le Soleil (Lever héliaque de Sirius) au début de juillet. En Égypte antique, ce phénomène marquait le début de la saison de la crue du Nil et permettait de fixer le calendrier annuel. Dans la Rome antique, le début de la Canicule était célébré par la fête de Neptunalia (le 24 juillet), on lui attribuait de mauvaises influences (maladies causées par la chaleur et hurlements des chiens) et on tentait de conjurer l'influence néfaste de Sirius sur les moissons en immolant des chiens roux comme le soleil. La Canicule s'achevait par la fête de Vulcania, le 24 août. Longtemps, les étés caniculaires ont eu lieu plusieurs années de suite. Ils allaient souvent par groupe de trois comme en 1383-1385, par groupe de quatre comme en 1331-1334 et 1778-1781, par groupe de sept comme en 1757-1763 et même par groupe de vingt comme en 1718-1737.
Conséquences
Les fortes chaleurs, associées aux anticyclones estivaux persistants, peuvent durer de longues semaines et parfois des mois.
Dans les pays en voie de développement, elles provoquent une pénurie d'eau potable et la baisse de la qualité de cette eau, ce qui implique indirectement de nombreux décès. La consommation d'eau non potable fut par le passé une cause majeure de mortalité. Ainsi, en France, il y eut 500 000 morts en 1636, 700 000 en 1718 comme en 1719 ; l'impréparation du pays et la désorganisation du mois d'août ont transformé cet événement climatique exceptionnel en catastrophe sanitaire majeure. Il en fut de même lors de la canicule de 1666 en Angleterre. Les îlots de chaleur urbains exacerbent les effets locaux d'une canicule. L'été caniculaire de 2003 a surtout eu des effets urbains, entraînant une surmortalité de 15 000 personnes en France et 20 000 en Italie au cours des 20 premiers jours d'août, soit un accroissement de la mortalité de plus de 40 %. Au total, on estime à 70 000 le nombre de décès dus à cet événement en Europe.
Les canicules sont très souvent accompagnées de sécheresses qui peuvent être catastrophiques étant donné que l'air présent en altitude y reste longtemps chaud et sec. Le Grand incendie de Londres en 1666, qui ravagea la ville en quelques jours, a été favorisé par le manque d'eau disponible pour arrêter les flammes. La surconsommation électrique due à l'usage intensif des climatiseurs et à la faible production hydro-électrique entraîne de plus un déséquilibre brutal de l'offre et de la demande. En France, l'État dédommage ensuite régulièrement les acteurs économiques qui subissent des préjudices en raison des températures trop élevées en classifiant la situation comme « catastrophe naturelle ». Les périodes de canicule correspondent généralement à des millésimes exceptionnels pour la production viticole, la vigne supporte bien en effet les très fortes chaleurs grâce à son enracinement très profond.
Les canicules sont souvent synonymes de pollution atmosphérique car les conditions météorologiques qui y sont associées sont anticycloniques avec un fort ensoleillement, de fortes chaleurs, un vent horizontal faible voire inexistant et une stabilité de l'air exceptionnelle qui limite les échanges verticaux avec l'extérieur. Ces conditions aboutissent à la formation de polluants tel que l'ozone à cause du réchauffement global de l'air ainsi que de ses composés chimiques et à leur accumulation faute de vent.
De plus, si la chaleur extrême est combinée à une forte humidité, le processus de régulation de température du corps humain devient plus chaotique. Étant donné que le corps humain se refroidit par l'évaporation de la sueur, un fort taux d'humidité relative rend l'évaporation de la sueur plus difficile, jusqu'à presque impossible passé 90% d'humidité. La sueur colle à la peau et la chaleur ressentie est plus importante que la chaleur réelle. C'est la raison pour laquelle il est plus facile de supporter 40 °C avec 24% d'humidité que 30 °C avec 79% d'humidité.
Prospective et modélisation
Les modélisations de 2012 de Météo-France et Paris (scénario tendanciel, c'est-à-dire « moyennement pessimiste » concernant les émissions mondiales de gaz à effet de serre) confirment que le nombre et la gravité des canicules devraient augmenter d'ici 2100 (de 2 à 4 °C d'ici à la fin du siècle par rapport à la moyenne 1971-2006), surtout en juillet-août (3,5 à 5 °C de plus que la normale), avec environ 12 fois plus de jours de canicules dans l'année.
Dans le dôme de chaleur de la région Île-de-France, quartiers et arrondissements seront plus ou moins exposés, selon la largeur des rues, la hauteur, la couleur et le type de bâtiments présents, le couvert végétal, la proximité ou présence d'eau… les II, III, VIII, IX, X et XI arrondissements se réchauffent le plus (comme en 2003 avec 4 à 7 °C de plus qu'en petite couronne, en fin de nuit, et avec différence de 2 à 4 °C selon les arrondissements parisiens). Un effet de « panache de chaleur » modifie aussi la géographie de la bulle chaude. Gagner quelques degrés pourrait améliorer la qualité de vie et épargner des vies (En 2003, quelques degrés de plus que la moyenne ont induit une surmortalité de 15 000 morts en France et près de 70 000 en Europe). Ces chiffres ont toutefois fait l'objet de nombreuses contestations . Selon l'OMS, ces chiffres répartis sur l'année n'ont pas été beaucoup plus élevés s'ils sont exprimés sur une année, sous le contrôle de la méthode de lissage, qui permet de comparer non plus un seul mois ou un seul été, mais un nombre de décès annuel.
Phénomène météorologique
Les canicules en Europe se produisent par un blocage de la circulation atmosphérique d'altitude. Cela peut être une situation de blocage de type anticyclone de blocage ou encore bloc Oméga. Dans les deux cas, nous retrouvons un anticyclone stationnaire coupé du flux zonal d'ouest par une puissante advection d'air très chaud et très sec remontant du Sahara et du Maghreb. De telles conditions, si elles se produisent en plein été seront favorables à une canicule (et éventuellement à une sécheresse).
Préventions
Organisations nationales de la prévision canicule
Certains pays organisent la prévision des périodes de canicules pour alerter la protection civile et les populations en indiquant continuellement le niveau de vigilance adapté selon les secteurs géographiques :
en Belgique, avec Météo-Belgique par l'intermédiaire de l'avertissement fortes chaleurs et canicules, avec un code de 4 couleurs,
au Canada, avec les centres de prévision des différentes provinces,
en France, avec Météo-France,
en Suisse, avec l'office fédéral de l'environnement, OFEV, avec 5 niveaux de danger.
Précautions
L'état de canicule étant défini comme un événement exceptionnel, les populations n'ont souvent pas l'habitude de gérer ces événements (contrairement aux chaleurs « habituelles »). On dénombre principalement deux risques : le coup de chaleur (si, sous l'effet de l'environnement, la température corporelle s'élève au-delà de 40,5 °C, le fonctionnement des cellules est altéré) et la déshydratation.
Cinq catégories de personnes sont particulièrement exposées :
les jeunes enfants : ils sont dépendants, et s'ils réclament spontanément à boire, en pleurant, ils ne sont pas capables de boire sans aide ni de se protéger de la chaleur ;
les personnes faisant des efforts physiques, en raison de la thermogenèse du travail musculaire : travailleurs exposés aux chaleurs extrêmes (par exemple ouvriers du bâtiment), sportifs, randonneurs ;
les personnes souffrant de troubles cardio-vasculaires : la transpiration ou l'hydratation excessive vont modifier la pression artérielle et sa composition ;
les personnes âgées : celles-ci perdent la notion de soif et doivent donc boire même si elles n'en ont pas envie ;
les sans domicile fixe, qui ne peuvent pas se protéger de la chaleur et sont en général exclus des lieux frais (hall de supermarché et de cinéma climatisés).
Les précautions à prendre sont de se protéger du soleil (en particulier, ne jamais laisser un enfant seul dans une voiture ou une caravane, même pour une courte durée), de se rafraîchir en se mouillant la peau (brumisation, bains, douches) et en utilisant un ventilateur, voire en allant dans des lieux climatisés), et de boire suffisamment (avant d'avoir la sensation de soif intense), selon l'activité physique et selon la chaleur.
Le cas des personnes âgées est délicat car celles-ci ont fréquemment une hypertension artérielle (HTA) ou une insuffisance cardiaque, dont le traitement fait intervenir des diurétiques et/ou un régime sans sel. L'absorption d'eau sans sel peut conduire à une hyponatrémie (baisse de la teneur de sodium dans le sang). Certains médecins considèrent que le risque de déshydratation et d'hyponatrémie prime sur le risque d'œdème : gonflement des membres et œdème pulmonaire ; en effet, l'œdème pulmonaire est facile à détecter et à traiter (y compris par un médecin généraliste à domicile), alors que la déshydratation et l'hyponatrémie sont difficiles à détecter et plus mortelles. Certains recommandent donc la suspension de régimes sans sel et de diurétiques ; mais ceci ne fait pas consensus, et dans tous les cas, la décision se prendra en accord avec le médecin traitant, seul compétent en la matière.
Protection de l'habitation
Recherche
Selon une étude de 2007 réalisée par le CEA et le CNRS, un déficit de pluie en Europe du Sud (Italie, sud de la France, Espagne et Portugal) en hiver serait annonciateur de canicule à 70 % sur l'Europe centrale et du nord.