En mathématiques, le dénombrement est la détermination du nombre d'éléments d'un ensemble. Il s'obtient en général par un comptage ou par un calcul de son cardinal à l'aide de techniques combinatoires.
Perception immédiate
Face à une collection d'au plus quatre objets, l'être humain et peut-être certains animaux semblent avoir une notion immédiate de la quantité présentée sans énumération. Ce phénomène, aussi appelé Subitizing (en), peut être étendu au-delà de quatre dans certaines configurations, comme les points sur les faces d'un dé. Les nombres figurés peuvent être ainsi plus facilement repérables.
Symbolisation par une même quantité
Les premières évaluations de quantités n'ont pas nécessairement été exprimées à l'aide d'un nombre ou d'une notation chiffrée. Or, de telles évaluations ont pu être utiles pour suivre l'évolution d'un troupeau, d'une production manufacturée, des récoltes ou d'une population humaine, notamment dans les corps d'armée. En l'absence de système de numération, il est possible de représenter chaque élément d'une collection, par exemple, à l'aide d'une encoche sur un morceau de bois ou un os. Un autre exemple est visible dans le film Ivan le Terrible de Sergueï Eisenstein, où avant un combat, les soldats jettent chacun à leur tour une pièce dans un sac.
Comptage
L'évaluation d'une quantité d'objets à l'aide d'un terme particulier nécessite l'établissement d'une liste de termes qui puisse être apprise et transmise. Certains peuples océaniens parcourent ainsi une vingtaine de parties du corps selon un ordre fixe (mais dépendant de la localisation du peuple). Chaque langue a développé un système de désignation des premiers nombres entiers, éventuellement lié à un système de numération particulier.
Le dénombrement consiste alors à parcourir simultanément la chaine numérique et la collection d'objets de façon que chaque objet ne soit considéré qu'une seule fois. La compréhension de cette technique de dénombrement est décomposée en cinq principes :
principe d'adéquation unique : chaque mot n'est associé qu'à un et un seul élément de la collection ;
principe d'ordre stable : les mots-nombres sont toujours récités dans le même ordre ;
principe du cardinal : pour désigner la taille d'une collection, il suffit d'énoncer le dernier mot-nombre utilisé ;
principe d'abstraction : les objets peuvent être de natures différentes ;
principe de non pertinence de l'ordre : les objets peuvent être parcourus dans n'importe quel ordre.
Calcul
Pour des grandes quantités ou pour des ensembles abstraits et en particulier pour des ensembles mathématiques, le dénombrement se fait à l'aide d'opérations arithmétiques ou de considérations combinatoires.
Propriétés fondamentales
Principe des tiroirs : si l'on dispose de m ensemble(s) et que l'on y range n objet(s) avec n > m, alors au moins un de ces ensembles contiendra plusieurs objets. Exemple : dans une classe de 20 élèves, si tous sont nés la même année, alors plusieurs d'entre eux sont forcément nés le même mois.
Cardinal d'un produit cartésien : si un arbre comporte n branche(s) et que celle(s)-ci comporte(nt) chacune p sous-branche(s), alors cet arbre comporte n × p sous-branche(s). Exemple en probabilités élémentaires : supposons qu'on tire une carte au hasard dans un jeu de 52 cartes. Si l'on tente d'en deviner la couleur (trèfle, carreau, cœur ou pique), on a 1 chance sur 4 de tomber juste. Par ailleurs, si l'on tente d'en deviner la valeur (as, roi, dame, valet, etc.), on a 1 chance sur 13 de tomber juste. Enfin, si l'on tente d'en deviner la couleur et la valeur, on a (1/4) x (1/13) chance de tomber juste.
Dénombrement dans des ensembles finis
Théorèmes fondamentaux
Dans cette section, si A est un ensemble fini, on note c a r d ( A ) {\displaystyle \mathrm {card} (A)} (lire « cardinal de A ») le nombre de ses éléments. Par exemple, c a r d ( { e , f , g } ) = 3 {\displaystyle \mathrm {card} (\{e,f,g\})=3} .
Théorème 1 — Soit
une partie d'un ensemble fini
.
Alors A est elle-même finie et
≤
.
Si en outre
, alors
.
c a r d ( f ( E ) ) {\displaystyle \mathrm {card} (f(E))} ≤ c a r d ( E ) {\displaystyle \mathrm {card} (E)}
f {\displaystyle f} est injective ⇔ {\displaystyle \Leftrightarrow } c a r d ( f ( E ) ) = c a r d ( E ) {\displaystyle \mathrm {card} (f(E))=\mathrm {card} (E)}
Démonstration
Pour démontrer le point 1, on peut s'intéresser à l'ensemble des éléments de
qui ont une image par
. Si on le note
, alors l'application induite par
de
dans
est une bijection. Comme
est un sous-ensemble de
, il est fini et
≤
.
Le point 2 vient du fait que lorsque
est injective, tous les éléments de
ont un antécédent unique, donc l'application induite de
dans
est une bijection. Donc
. Réciproquement si
, alors
puis il vient que
.
Corollaire — Soit
une application injective d'un ensemble
dans un ensemble
.
si
est fini, alors
est fini et
.
Ce corollaire n'est en fait que l'application de la caractérisation des applications injectives dans le cas particulier où l'ensemble d'arrivée de
est
.
Théorème — Soit E et F deux ensembles finis tels que
. Si
est une application de
dans
on a :
est injective
est surjective
est bijective.
Propriétés
Cardinal de l'union de deux ensembles finis disjoints — Soient
et
deux ensembles finis disjoints avec
et
.
Alors on a
.
Démonstration
En effet soient
une bijection de
dans
et
une bijection de
dans
, alors on peut construire
l'application de
dans
dont la restriction à
est
et celle à
est
. Comme
est une bijection, c'est une injection et le corollaire de caractérisation conclue que
.
Par récurrence, on généralise cette propriété à une famille d'ensembles finis disjoints deux à deux :
Cardinal de l'union de
ensembles finis deux à deux disjoints — Soit
une famille de
ensembles finis deux à deux disjoints.
Alors on a
.
Cardinal du complémentaire — Soit
un ensemble fini,
, et
son complémentaire dans
.
Alors on a
.
Démonstration
Démonstration :
et
sont deux ensembles finis d'intersection vide et
. La première propriété permet de conclure.
Cardinal de l'union de deux ensembles finis — Soient
et
deux ensembles finis.
Alors on a
.
Démonstration
Démonstration : Comme
et
sont complémentaires dans
, la propriété précédente s'applique et on a
+
. Ce même raisonnement s'applique pour
et
. Remarquons enfin que
,
et
forment une partition de
. L'identité se déduit des trois résultats précédents.
Cardinal de la réunion disjointe de deux ensembles finis — Soient E {\displaystyle E} et F {\displaystyle F} deux ensembles finis de cardinaux respectifs n {\displaystyle n} et k {\displaystyle k} . Alors E ⊔ F {\displaystyle E\sqcup F} est finie de cardinal c a r d ( E ⊔ F ) = c a r d ( E ) + c a r d ( F ) = n + k {\displaystyle \mathrm {card} (E\sqcup F)=\mathrm {card} (E)+\mathrm {card} (F)=n+k} .
Ce résultat peut se généraliser à plus de deux ensembles.
Cardinal de la réunion disjointe de
ensembles finis — Soit
une famille d'ensembles finis.
Cardinal du produit cartésien de deux ensembles finis — Soient E {\displaystyle E} et F {\displaystyle F} deux ensembles finis de cardinaux respectif n {\displaystyle n} et k {\displaystyle k} . Alors E × F {\displaystyle E\times F} est fini de cardinal c a r d ( E × F ) = c a r d ( E ) × c a r d ( F ) = n k {\displaystyle \mathrm {card} (E\times F)=\mathrm {card} (E)\times \mathrm {card} (F)=nk} .
Plus généralement, pour une suite d'ensembles finis :
Cardinal du produit cartésien d'une suite d'ensembles finis — Soit
une famille d'ensembles finis.
Alors
Cardinal de l'ensemble des parties d'un ensemble fini — Soit E {\displaystyle E} un ensemble fini de cardinal k {\displaystyle k} . Comme P ( E ) {\displaystyle {\mathcal {P}}(E)} est en correspondance biunivoque avec l'ensemble des applications de E {\displaystyle E} dans { 0 , 1 } {\displaystyle \left\{0,1\right\}} , alors P ( E ) {\displaystyle {\mathcal {P}}(E)} est un ensemble fini et on a c a r d ( P ( E ) ) = 2 c a r d ( E ) = 2 k {\displaystyle \mathrm {card} ({\mathcal {P}}(E))=2^{\mathrm {card} (E)}=2^{k}} .
Cardinal de l'ensemble des correspondances de E {\displaystyle E} dans F {\displaystyle F} — Soient E {\displaystyle E} et F {\displaystyle F} deux ensembles finis. L'ensemble des correspondances de E {\displaystyle E} dans F {\displaystyle F} , noté habituellement C o r r ( E , F ) {\displaystyle \mathrm {Corr} (E,F)} , s'identifie à P ( E × F ) {\displaystyle {\mathcal {P}}(E\times F)} donc est fini de cardinal c a r d ( C o r r ( E , F ) ) = 2 c a r d ( E ) × c a r d ( F ) = 2 n k {\displaystyle \ \mathrm {card} (\mathrm {Corr} (E,F))=2^{\mathrm {card} (E)\times \mathrm {card} (F)}=2^{nk}} .
Cardinal de l'ensemble des applications de E {\displaystyle E} dans F {\displaystyle F} — Soient E {\displaystyle E} et F {\displaystyle F} deux ensembles finis de cardinaux respectifs k {\displaystyle k} et n {\displaystyle n} . L'ensemble des applications de E {\displaystyle E} dans F {\displaystyle F} , souvent noté F ( E , F ) {\displaystyle {\mathcal {F}}(E,F)} , est fini de cardinal c a r d ( F ( E , F ) ) = c a r d ( F ) c a r d ( E ) = n k {\displaystyle \ \mathrm {card} ({\mathcal {F}}(E,F))=\mathrm {card} (F)^{\mathrm {card} (E)}=n^{k}} avec la convention 0=1 si E {\displaystyle E} et F {\displaystyle F} sont tous deux vides.
Cette propriété justifie la notation plus courante
.
Cardinal de l'ensemble des surjections de E {\displaystyle E} dans F {\displaystyle F} — Soient E {\displaystyle E} et F {\displaystyle F} deux ensembles finis de cardinaux respectifs k {\displaystyle k} et n {\displaystyle n} . L'ensemble des surjections de E {\displaystyle E} dans F {\displaystyle F} , noté habituellement S u r j ( E , F ) {\displaystyle \mathrm {Surj} (E,F)} , a pour cardinal la somme suivante: c a r d ( S u r j ( E , F ) ) = ∑ i = 0 n ( − 1 ) i n ! i ! ( n − i ) ! ( n − i ) k {\displaystyle \ \mathrm {card} (\mathrm {Surj} (E,F))=\sum _{i=0}^{n}(-1)^{i}{\frac {n!}{i!(n-i)!}}(n-i)^{k}} . Cette somme est nulle si c a r d ( E ) < c a r d ( F ) {\displaystyle \mathrm {card} (E)<\mathrm {card} (F)} .
Les applications injectives, qui jouent un rôle important en combinatoire, sont traitées de manière plus approfondie dans les paragraphes suivants.