Corset, vers 1860, Collection Musées départementaux de la Haute-Saône
Un corset, du vieux français cors, lui-même dérivé du latin corpus (corps), est un sous-vêtement, principalement féminin, porté du XVI siècle au début du XX siècle comportant des baleines et destiné à modeler le buste suivant des critères esthétiques variables au fil des époques. C'est une pièce de vêtement rigide (sans souplesse ni élasticité) qui a essentiellement deux effets : d'une part affiner la taille, d'autre part maintenir la poitrine. On appelle corsetier fabricant de corsets.
Femme défaisant son corset, vers 1870 (illustr. de Saint-Elme Gautier).
Les différentes sortes de corsets
1770, corps baleiné pour enfant
1819, caricature Lacing a dandy
2010, corset orthopédique pour traiter une cyphose
Pauline Comanor peint le Sex-symbol Betty Boop d'après Little Ann Little (en) en lui réduisant le tour de taille
Usage par les femmes, les enfants et les hommes
De ses débuts à la Renaissance jusqu'à sa quasi-disparition dans les premières décennies du XX siècle, la structure haute (corps à baleines, corps piqué ou corset) a essentiellement été un vêtement de femme, bien qu'à l'occasion hommes (dandy, militaires) et enfants aient pu en porter.
Usage orthopédique
Il existe également des corsets orthopédiques utilisés pour redresser les déviations de la colonne vertébrale dans les cas de scoliose ou de cyphose. Ces corsets peuvent être aussi utilisés pour soulager les articulations intervertébrales dans le cas de lombalgies.
Usage pour remodeler la silhouette
À la Renaissance, le corps à baleines, de forme conique, cherchait surtout à aplatir la poitrine et à diminuer les différences morphologiques homme/femme. Ce n'est que bien plus tard, au XIX siècle, qu'il a profondément accentué les caractéristiques morphologiques féminines (silhouette en sablier), bien que sa connotation érotique n'ait pas échappé, déjà, au XVIII siècle. Cette ambivalence entre rempart moral et signe extérieur d'austère vertu d'une part, érotisme et singularisation des sexes d'autre part, l'a suivi tout au long de son existence. Les zones considérées comme les plus érotiques ou significatives du corps féminin ont beaucoup changé suivant les époques : si aujourd'hui c'est la poitrine qui est souvent la partie la plus érotisée, au XIX siècle c'était bien la taille et sa finesse qui étaient le plus regardées. Le corset n'affinait donc pas la taille pour mettre en valeur, par contraste, la poitrine ou les hanches, mais bien pour la taille elle-même ; on a même à de nombreuses époques utilisé des rembourrages divers sur les hanches, pour accentuer visuellement la finesse de la taille comme le vertugadin ou la tournure.
Construction
Les corsets, malgré leurs variations importantes de patronage, de coupe, de silhouette au fil des siècles, respectent généralement quatre grands éléments de construction :
ils sont faits d'au moins une épaisseur de coutil, une toile de coton tissée très dense, spécifique à la corseterie et aux matelas ; peuvent s'y ajouter d'autres épaisseurs de coutil supplémentaires, un tissu « décoratif » extérieur ou encore une doublure. Les corsets à une seule épaisseur de coutil en tout et pour tout étaient généralement portés au XIX siècle durant l'été, car moins chauds, plus souples et « respirant » mieux.
le busc. Aux XVI-XVIII siècles, celui-ci est une large lame de bois, métal, ivoire ou os, qui maintient une rigidité parfaite sur le devant du corset ; il est parfois amovible. Vers 1840 est inventé le busc en deux parties, à crochets, qui permet d'ouvrir le devant du corset et donc de le mettre et enlever beaucoup plus facilement (conjointement à l'invention du laçage « à la paresseuse »).
les baleines. Jusqu'au milieu du XIX siècle, elles sont faites de vrai fanon de baleine (tout comme les baleines de parapluie), parfois d'osier pour les corsets de gens peu fortunés. C'est avec la Révolution industrielle qu'apparaissent les premières baleines en acier, à la fois rigides et flexibles ; au départ faites en fer et enveloppées de papier ou de tissu, elles sont aujourd'hui faites d'acier inoxydable et enrobées de PVC pour éviter tout risque de rouille.
le laçage avec des œillets. C'est le laçage qui permet, ouvert bien large, de rentrer dans un corset puis, en le resserrant, d'affiner la taille au-dessous de la taille de son tour au repos. Le principe de la corseterie étant d'affiner la taille par la compression du corps. Les œillets où passe le lacet étaient brodés à la main jusqu'au début du XIX siècle où ils ont, là encore, été remplacés par des œillets métalliques, beaucoup plus solides.
Vers 1630, œillets brodés sur un pourpoint ayant appartenu à Gustave II Adolphe de Suède
Corset montrant le laçage à la paresseuse.
Histoire du corset
Voir aussi History of brassieres (en)
Vers 1600 av. J.-C., la déesse aux serpents, Cnossos en Crète
Malgré de rarissimes incursions très isolées dans l'Antiquité (Crétoises marquant leur taille par des ceintures de cuir serrées), le corset à proprement parler, baleiné et réduisant la taille, n'existe qu'à partir de la Renaissance — et non du Moyen Âge, qui l'ignorait complètement.
XVI siècle
Le corset apparait à la cour d'Espagne au XVI siècle, puis se répand vite dans d'autres cours d'Europe, le corset modèle d’abord le corps de la noblesse ; il est supposé signifier la « droiture » et la fermeté d’âme et de mœurs de ceux qui se veulent distincts de la société qu’ils régentent. La mode est vite imitée dans les milieux bourgeois ; aux XVIIetXVIII siècles une bonne part de la population en porte, jusqu’aux milieux les plus populaires dans une version plus simple et peu baleinée. Les femmes du peuple qui veulent imiter les grandes dames sont moquées par les caricaturistes, mais socialement acceptées.
Silhouette conique, pointe basse à la taille, poitrine aplatie. Pas ou peu de réduction de taille du XVIauXVIII siècle, plutôt une « mise en forme » conique du buste. Venu de l'univers masculin et militaire, le corset est plutôt perçu comme une « armure » physique et morale réservée à la haute société.
XVII siècle
Silhouette conique, apparition de petits panneaux décoratifs en bas : les basques découpées.
XVII, d'après le livre Le Corset à travers les âges (1893)
XVII, d'après le livre Le Corset à travers les âges (1893)
XVIII siècle
Silhouette conique, apparition de la Pièce d'estomac, souvent amovible, richement ornée sur le devant. Du XVIauXVIII siècle, le corset est plus fréquemment appelé corps à baleines.
1730-1740, corps en soie
Vers 1750, corps en soie et doublure en lin, Italie
Vers 1760, tableau de Pietro Longhi
1767, L'art du Tailleur d'habits et de corps. Planche 22 du supplément de planches gravées à l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.
1770-1790
1780, panier et corps (en lin et baleine)
1793, caricature de Thomas Paine
La partie supérieure du « Grand habit » de cour féminin est un corset très serré et rigide nommé le « grand corps », de forme conique et étroite, qui comprime fortement les côtes flottantes (basses), et dont les bretelles projettent les épaules en arrière, rapprochant les omoplates et donnant un dos très droit et un beau port de tête. C'est probablement la forme de corset la plus contraignante à avoir jamais été portée.
Voir aussi :
Us et coutumes à la cour de Versailles
Court uniform and dress in the United Kingdom (en)
1761, portrait de Charlotte de Mecklembourg-Strelitz en grand habit
1766, Grand corps ayant appartenu à Sophie-Madeleine de Danemark
1766, intérieur du Grand corps ayant appartenu à Sophie-Madeleine de Danemark
1772, robe de cour de Sophie-Madeleine de Danemark pour le couronnement de Gustave III
1774, portrait de Hedwige-Élisabeth-Charlotte de Schleswig-Holstein-Gottorp par Alexandre Roslin
1774, Grand corps ayant appartenu à Hedwige-Élisabeth-Charlotte de Schleswig-Holstein-Gottorp
1774, intérieur du Grand corps ayant appartenu à Hedwige-Élisabeth-Charlotte de Schleswig-Holstein-Gottorp
1775, Portrait de Marie-Antoinette en tenue de couronnement par Jean-Baptiste André Gautier-Dagoty
1795-1805
En France, à la suite de la Révolution, brève disparition du corset (mode « romaine » puis « taille Empire »).
1797
Évolution de la silhouette de 1799 à 1801 d'après le livre Le mannequin (1900)
1803, Corset de Moreau de la Sarlhe
1809
Années 1810-1830
Retour du corset, de forme foncièrement différente : en "sablier" tout en courbes et non plus conique, réduction de la taille (qui reste assez haute), long sur les hanches, seins non plus écrasés vers le haut mais soutenus et séparés.
Le Dictionnaire des sciences médicales daté de 1813 explique que : « Depuis que les femmes ne portent plus de corsets baleinés, elles y ajoutant une lame de baleine, le plus souvent d'acier, qu'on nomme busc et qu'on introduit dans une coulisse qui partage le corset en deux, de telle sorte que l'une des extrémités de ce busc sépare, en les froissant, les deux hémisphères de la gorge. »
Premier retour du corset, façon brassière, vers 1810.
Corset « à la Ninon », vers 1810.
1822.
1929, illustration de Achille Devéria
1830
1830-1835, sous-vêtements dont corset en satin de coton matelassé, Europe
1835.
Années 1840-1850
Disparition des bretelles, vraie réduction de taille, construction en « bandes » verticales. Apparition du baleinage métallique (et non plus, ou rarement, en fanons de baleines), et des œillets métalliques (et non plus brodés main, plus fragiles). Invention du busc métallique à crochets.
Vers 1840.
1859
Années 1860
Le corset est très court, à la fois bas sur la poitrine (il couvre à peine les mamelons, et le sein se porte bas) et sur les hanches. Le corset 1860 décrit une forme de « vasque » caractéristique de cette époque.
1867
1868
1869
Années 1870
Le corset s’allonge. Parfois des pièces d’élastique, matériau nouveau, sont insérées sur les hanches. On utilise beaucoup de « goussets » (pièces triangulaires) pour la poitrine et/ou les hanches.
1875, tableau d'Étienne Tournes, La Toilette
1877, tableau d'Édouard Manet
1878, tableau d'Henri Gervex
1878-1879, tableau d'Édouard Manet
1878.
Vers 1880.
1882.
Années 1880-1890
Le buste s’allonge encore. C’est l’âge d’or du « busc cuillère », non plus droit mais accompagnant l’arrondi du ventre. La couleur apparaît.
Corset vers 1880, montrant un busc cuillère.
1884
1889, tableau de Georges Seurat
1890
Publicité, vers 1890.
Vers 1890, photographie érotique
Vers 1890
1893, tableau de Pierre Carrier-Belleuse
1896, étude préparatoire Conquête de passage du peintre Toulouse-Lautrec
1898, mannequin de couturière de face
1898, mannequin de couturière de profil
1898, publicité
1899, dessin d'Henri Boutet
Ce sont les corsets de cette période (la seconde moitié du XIX siècle) qui se sont le plus imprégnés dans l'imaginaire collectif et viennent immédiatement à l'esprit quand on parle de corset - bien que ceux-ci aient pu prendre des formes très différentes à d'autres époques. Ils ont la fameuse forme « en sablier ».
Belle Époque
Changement important de forme : le busc (fermeture à crochets devant) devient très droit, très rigide et plus large, le ventre ne fait plus aucun arrondi, les pièces du corset sont taillées très différemment. Les fesses sont projetées en arrière, très cambrées, les hanches larges. La poitrine est basse. C'est le nouveau corset dit « droit devant » ou corset abdominal, inventé par Inès Gaches-Sarraute. Ce corset est parfois nommé « corset Louis XV ».
Madeleine Vionnet est alors la première styliste, avec Paul Poiret, à abandonner le corset.
Vers 1900, corset en cuir, Angleterre
Vers 1900, la silhouette à la mode
Corset Belle Époque ou « droit devant » (1908).
Corset, Paris, 1905.
Illustration de 1900 montrant la différence entre l'ancienne silhouette en sablier et la nouvelle silhouette Belle Époque en S.
1904.
Corset Thylda publié dans Les Modes en octobre 1908.
De 1908 à 1910, publicité pour un liberty bodice (en)
Corset-rubans
Variante éphémère et légère, vers 1900, destinée à faire du sport (équitation, etc.). Peu restrictive.
1901
Corset-rubans décrit comme permettant la pratique du cyclisme
Années 1910
La ligne de poitrine n’en est plus une, puisque le haut du corset est tombé au niveau du foie ; le bas s’allonge sensiblement.
Pendant la Première Guerre mondiale, aux États-Unis, dans un contexte de mobilisation de l’économie pour la guerre, et alors que l'industrie de la corseterie consomme 8 000 tonnes d'acier par an dans le pays le War Industries Board (en) interdit la fabrication de corsets à baleines métalliques.
Mannequin montrant la nouvelle silhouette aux hanches très étroites, vers 1908-1910.
1910
1910
1910, tableau de Lovis Corinth
Années 1920
Le corset continue de « tomber » pour évoluer vers la gaine. La taille n’est presque plus marquée tandis que les hanches et cuisses sont écrasées, pour satisfaire au look « tubulaire » des années 1920.
Comparaison de la silhouette 1910 et 1920.
1917
1917
1918
1929, busc et laçage avant et porte-jarretelles
Années 1930-1970
De 1941 à 1945, aux États-Unis campagne "Make your rubber last" qui donne des conseils pour l'entretien des vêtements en caoutchouc
Le corset à proprement parler n'existe plus, remplacé par des gaines élastiques beiges et roses qui connaîtront des avatars divers suivant les décennies.
Pendant la Seconde Guerre mondiale,
en Grande-Bretagne, les vêtements (y compris les sous-vêtements) sont rationnés suivant le système du utility clothing (en). D'autre part, les règles Austerity imposent notamment aux entreprises de corseterie de ne plus utiliser de smocks, fronces ou de points décoratifs pour la fabrications des sous-vêtements.
du fait que la production de ces matières premières sont contrôlées par l'axe, le caoutchouc (notamment utilisés dans les gaines) et la soie viennent à manquer chez les alliés. Les objets en caoutchouc sont récupérés et recyclés notamment les attaches de porte-jarretelles.
Après la guerre, notamment avec l'apparition du New Look (cf. le New Look de Dior et les pin-ups américaines), la taille marquée redevient à la mode. Pour avoir cette taille fine, accentuée par les jupes très froncées des années 1950, les femmes portent des guêpières. Souvent en tissu élastique, elles sont en général baleinées et permettent de modeler la taille, de maintenir la poitrine et d'accrocher les bas. Certains grands couturiers, comme Christian Dior, créent des robes avec des guêpières intégrées.
Les années 1960 marquent le déclin des gaines et des guêpières, associées à des instruments de contrôle et de contrainte. Avec les années 1970, ce type de lingerie passe totalement de mode.
Quelques vrais corsets sont encore fabriqués, mais pour le théâtre, l’opéra, les séances photos de stars de cinéma. Au quotidien, le corset n’existe plus. Il laisse des traces en lingerie, où il ne réduit plus la taille, n’est plus baleiné, mais redevient esthétique : guêpière, bustier.
1932
1934, publicité en France
1936, publicité au Danemark
1941, publicité pour la gaine Spencer
1943, en Grande-Bretagne, sous-vêtements Utility Underwear en laine
1948
1949, gaine et soutien-gorge sans bretelle
1953
1963
1975
Corsets modernes
Le corset fait un retour depuis la fin du XX siècle :
« Ressorti des commodes par Chantal Thomass dans les années 70, rabiboché avec les podiums par Montana, Mugler, Gaultier, Lacroix dans les années 80, sublimisé depuis les années 2000 par les petits génies de la couture du Central Saint Martins College of Art and Design de Londres [...] »
— Marie-Joëlle Gros et Catherine Mallaval,Esprits étriqués, lacet nous rêver, Libération du 3 juin 2011
En 1990, le créateur Jean-Paul Gaultier crée pour la tournée Blond Ambition Tour de Madonna un corset (de par son esthétique mais proche du Body (lingerie) ou du bustier dans sa construction) dont les bonnets en forme de cônes rappellent les bullet bra des Sweater girl (en). La tenue devient une icône de la mode.
En 2012, Jean-Paul Gaultier travaille à nouveau sur les tenues de scène de Madonna :
« Ce que j'ai fait cette fois est un clin d’œil au corset iconique du Blond Ambition tour mais réinterprété en 3D, en cuir verni à l'extérieur et cuir métallique à l'intérieur. C'est du masculin et du féminin, les classiques de Madonna et Jean Paul Gaultier réinterprétés pour 2012 »
— Jean-Paul Gaultier dans un entretien pour www.wwd.com.
En 2014, le défile Jean-Paul Gaultier est clôturé par Dita Von Teese habillée d'un corset papillon réalisé par Mr Pearl.
De nos jours, les vrais corsets existent à nouveau, en marques de prêt-à-porter ou faits sur mesure par des corsetiers, et séduisent aussi bien les nouvelles mariées que les gothiques. Le corset est aussi un vêtement de fétiche.
1990, par Jean Paul Gaultier pour le Blond Ambition Tour de Madonna
1999, Béatrice Dalle au festival de Cannes
En 2004, couple gothique au festival Wave-Gotik-Treffen de Leipzig
En 2007, l'artiste néo-burlesque Catherine D'lish (en) délaçant son corset sur scène
En 2007, la chanteuse allemande Barbara Schöneberger (en)
En 2008, au festival Wave-Gotik-Treffen, la femme en arrière-plan porte un corset orné de Dentelle
En 2009, l'actrice pornographique Kirsten Price portant un corset court
Toujours en 2009, le même corset court, vu de dos
En 2009, L'actrice pornographique Flower Tucci, portant une robe-corset
En 2010, la modèle transsexuelle Amanda Lepore habillée d'un corset réalisé par Gabriel Moginot
En 2012, par Jean Paul Gaultier pour la tournée The MDNA Tour de Madonna
En 2012, la chanteuse australienne Kylie Minogue sur scène
En 2013, au festival Wave-Gotik-Treffen, tenue inspirée des corps baleiné et orné de découpes au laser
En 2014, le chanteur Conchita Wurst au Life Ball (en) à Vienne (Autriche)
Non daté, la modèle Bianca Beauchamp portant un corset court en latex
Non daté, corset moderne par Armando Gabriel
Erreur de référence : Balise [ incorrecte ; aucun texte n’a été fourni pour les références nommées lefigaro.fr.]
Les critiques hygiénistes
Voir aussi Corset controversy (en)
XVIII siècle
Vers 1775, The Happy Mother de Johann Anton de Peters (en)
Vers 1770-1775, "Tight Lacing, or Fashion Before Ease" de John Collett (artist) (en)
1791
Le XVIII siècle connaît dans sa seconde moitié un retour général à des envies de simplicité, de naturel ; les robes se font plus légères, s'inspirent de la mode anglaise fluide et drapée. Conséquemment, certains philosophes et hygiénistes partent en guerre contre le corset, Rousseau et Buffon en particulier, le qualifiant de "pressoir à corps". Celui-ci devient de plus en plus légèrement baleiné, et la mode se développe de ne porter qu'un "blanc corset" (structure de toile rigide mais sans aucune baleine ni busc) lorsque l'on est chez soi ou malade. Certaines aristocrates se mettent à délacer leur corset pour allaiter leurs enfants, ce qui était inimaginable quelques décennies auparavant.
Au XVIII siècle, le paraître passe avant le bien-être. Ainsi, les "paniers", sous-vêtements chers à Marie-Antoinette, larges sur les côtés, plats devant et derrière, élargissent visuellement les hanches pour créer l'illusion d'une taille très affinée.
Voir aussi 1775–95 in Western fashion (en)
En 1770 est publié un célèvre ouvrage signé Bonnaud, La Dégradation de l'espèce humaine par l'usage du corps à baleines. Ce livre est défini en 1813 comme « un tableau effrayant, et trop réel, des maux produits par les corps baleinés. Ces cuirasses gênent la respiration, déterminent l'afflux du sang vers la tête, causent des hernies et de graves infirmités. »
En 1783, en Autriche, l'empereur Joseph II du Saint-Empire lance une campagne anti-corset et anti-paniers. Un décret impérial interdit "l'emploi des corsets quelconques dans les maisons des orphelins, dans les convens, et, enfin dans toutes les institutions consacrées à l'éducation [...] les femmes condamnées, par punition correctionnelle, aux travaux publics, porteraient désormais un corset et des paniers."
En 1788, le médecin allemand Samuel Thomas von Sömmering publie un ouvrage d'une centaine de pages sur les effets du port du corset qui « fait beaucoup de bruit. »
XIX siècle
1807
1893
À la Révolution, il est soudainement abandonné pour une mode inspirée de l'Antiquité, et les Merveilleuses se promènent vêtues de voiles de mousseline légère. Le corset symbolisait trop l'Ancien Régime et les privilèges d'une noblesse oisive pour ne pas être jeté aux orties pendant cette période... À l'époque, les femmes considéraient comme moderne de pouvoir transporter toute leur garde-robe dans un seul sac, or il était impossible d'y glisser un corset puisqu'on ne pouvait pas le plier.
Le retour de l'ordre moral sous l'Empire signe celui du corset. Pourtant Napoléon le nommait « l'assassin de la race humaine »... Mais il revient sous une forme très différente du « cône » qu'il était précédemment, une forme de sablier au départ plus destinée à soutenir la poitrine que toute autre chose ; ce n'est qu'à partir des années 1830 que, la taille fine devenant un critère important de séduction, le corset est utilisé pour vraiment la réduire. Ce qui déchaîne à nouveau les attaques de très nombreuses personnalités, qui n'auront de cesse de lui faire la guerre jusqu'à sa disparition : c'est ce qu'on appelle la « campagne hygiéniste ».
XX siècle
Voir aussi : Victorian dress reform (en)
Nombreux et très divers sont les ennemis du corset au XX siècle : médecins, féministes, réformateurs du costume, mais aussi moralistes et autorités religieuses. Tous ceux-ci ont été suivis par des mères de famille soucieuses de leur santé et de celle de leurs filles, ainsi que par... des corsetiers, ainsi la corsetière Inès Gaches-Sarraute qui créa un nouveau modèle supposé ne pas comprimer les viscères vers le bas en provoquant ptose et prolapsus. Son ingénieux nouveau patronage fit rapidement fureur chez toutes les élégantes... qui s'étaient rendu compte qu'elles pouvaient obtenir une taille encore plus fine avec celui-ci ! C'est la fameuse silhouette en S de la Belle Époque.
Que reproche-t-on exactement au corset ? D'abord, bien sûr, la constriction des organes internes. Capacités pulmonaire et stomacale diminuée, ptose et prolapsus dans les cas les plus graves, sont ses inconvénients majeurs... Mais aussi l'atrophie musculaire que le port quotidien pendant des années provoquait (muscles abdominaux et dans une moindre mesure dorsaux servent beaucoup moins), ainsi que les irritations sur les peaux surchauffées par le frottement quotidien et prolongé des baleines. De façon beaucoup plus inattendue, on lui reproche des choses très fantaisistes qui montrent à quel point il sert de bouc émissaire généralisé : tuberculose, typhus, cirrhose, mamelons invertis, hystérie, vieillissement accéléré de la peau du décolleté... Bien entendu on sait aujourd'hui que les causes de ces divers maux n'ont aucun rapport avec le port du corset.
Vers 1902, le docteur Maréchal propose en France une loi interdisant le port du corset pour les femmes âgées de moins de 30 ans (mais autorisé pour les femmes de plus de 30 ans si elles ne sont pas enceintes) et qui réglemente leur vente. Les peines prévues sont la confiscation du corset, des amendes et jusqu'à 3 mois d'emprisonnement. Le journal néo-zélandais, Star du 25 février 1902 précise que la proposition provoque "un amusement considérable". Le projet de loi n'aboutit pas.
En 1904 déjà, les suffragettes se battent contre le port du corset.
En 1910, Madame Doria fonde la Ligue des mères de famille contre la mutilation de la taille par le corset. La mode des danses latino-américaine (tango, etc.), du fox-trot et autres danses supposant souplesse et contorsion, cumulée à la pénurie d'acier après la guerre, ne seront que quelques éléments concrets s'ajoutant à des attaques nombreuses et de plus en plus généralisées que le corset connaissait déjà depuis des décennies, qui signeront son déclin dans les années 1920.
Critique du tight-lacing
Quelques clichés
La lecture d'ouvrages de fond sur l'histoire du costume (voir bibliographie), ses significations sociales et ce qui était réellement pratiqué à l'époque, l'intérêt porté à ceux qui aiment mettre des corsets encore aujourd'hui et à leur expérience vécue, le fait de se pencher sur les arts et techniques de la corseterie permettent de distinguer aisément le vrai du faux parmi les clichés les plus courants :
« Certains médecins enlevaient les côtes des femmes pour qu'elles puissent serrer davantage leur corset. » : il n'existe aucun cas documenté de ce genre, sans compter que cela aurait demandé une technique chirurgicale complexe et que l'anesthésie de l'époque n'était pas anodine.
« Certaines femmes de 1900 sont mortes à cause d'organes perforés par des côtes écrasées par leur corset. » : encore une exagération majeure. Le seul récit de fait divers dont on ait trace à ce sujet, est l'histoire d'une jeune fille de 16 ou 18 ans ; lors d'un bal (dont la date fluctue entre 1850 et 1910 suivant les sources…), où elle voulait séduire par l'extraordinaire finesse de sa taille, la jeune femme aurait serré son corset bien au-delà de ce dont elle avait l'habitude. Complimentée par tous lors de la soirée, elle aurait en fait souffert le martyre et serait morte quelques jours après. L'autopsie aurait révélé que la perforation du foie par une côte cassée était à l'origine de la mort. Peut-être ce malheureux accident est-il arrivé à une ou deux femmes à l'occasion, probablement fragilisées par une ostéoporose ou autre maladie osseuse, transformant leur cas en un fait divers de journal à sensation ; en aucun cas cela n'a été une chose relativement courante.
Cependant, il est vrai que l'usage du corset dès la puberté provoquait une déformation des côtes assez typique et suffisamment importante pour qu'elles laissent une empreinte sur le foie bien connue des anatomiste jusqu'aux années 1980 (date des autopsies des dernières femmes à avoir porté un corset durant leur puberté).
« Le record de la taille la plus fine en ce temps était de 16 centimètres (la même taille qu'un cou). » : Les centimètres ont visiblement été confondus avec des pouces anglais (inches) : un cou de femme, même très fin, fait plus de 30 cm de circonférence, voire 35 cm et plus. Il s'agissait donc bien de pouces et non de centimètres. Or 16 pouces font 40,5 cm. Une taille considérée comme déjà trop fine au XX siècle, au point d'être vraiment vue comme excessive et peu esthétique, même à l'époque, et atteinte par seulement une poignée de femmes qui avaient choisi de s'y consacrer corps et âme et s'en trouvaient très critiquées. Pour plus ample information, le tightlacing (port d'un corset 23h/24 sauf pour la douche, 7 jours/7) est pratiqué aujourd'hui par une petite poignée de passionnés dans le monde, essentiellement aux États-Unis, dans le même type de conditions que les femmes des années 1850-1910 ; ils fournissent ce faisant une quantité énorme de données sur ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. La taille la plus fine jamais enregistrée au monde, et qui est une exception considérable, est celle d'Ethel Granger (1905-1982) : 13", soit 33 cm, vers 1938, enregistré au Livre Guinness des records. L'actuelle championne du monde est Cathie Jung, avec une taille de 15", soit 38 cm.