Le Bon Marché est un grand magasin français, situé dans un quadrilatère encadré par la rue de Sèvres, la rue de Babylone, la rue du Bac et la rue Velpeau dans le 7 arrondissement de Paris. Le premier magasin Au Bon Marché a été fondé en 1838 et le bâtiment actuel a été construit en 1869. Il a été l'objet de multiples agrandissements par Boileau et Eiffel.
En 1989, après 151 ans d'existence, le magasin Au Bon Marché change de nom et devient Le Bon Marché.
Histoire
1863.
À gauche, le deuxième magasin de 1924.
Aristide Boucicaut (1810-1877).
Intérieur du magasin en 2008.
« La cathédrale du commerce moderne (...), faite pour un peuple de clientes. »
— Émile Zola,Au Bonheur des Dames
Le premier magasin Au Bon Marché fut fondé en 1838 par les frères Paul et Justin Videau sous la forme d'une grande boutique (douze employés et quatre rayons) de mercerie vendant aussi des draps, matelas et des parapluies. Ils s'associent en 1852 avec Aristide et Marguerite Boucicaut qui se lancent dans la transformation du magasin, développant alors le nouveau concept de grand magasin avec un vaste assortiment large et profond, des prix fixés à faible marge et indiqués sur une étiquette, un accès direct, le principe du satisfait ou remboursé et une mise en scène de la marchandise dans un espace de vente : ce type de magasin ne vend plus simplement des marchandises mais le désir d'acheter lui-même. En 1863, les Boucicaut rachètent les parts sociales des frères Videau, lesquels étaient effrayés par les idées commerciales du couple.
En 1869, grâce à leur succès commercial, les Boucicaut se lancent dans l'agrandissement du magasin confié à l'architecte Alexandre Laplanche. La première pierre est posée le 9 septembre 1869. Les travaux, pratiquement terminés, sont interrompus par le siège de Paris en 1870, pendant lequel le bâtiment sert de centre de distribution des vivres. Les travaux reprennent ensuite et le nouveau magasin, qui borde la rue de Sèvres sur 45 m et la rue Velpeau sur 35 m, est inauguré le 2 avril 1872. Mais le magasin s'avère rapidement trop exigu et les travaux reprennent dès 1872. L'architecte Louis-Charles Boileau, succédant à Alexandre Laplanche, fait appel à l'ingénieur Armand Moisant pour la construction de la structure du bâtiment (1870-1887) ; Gustave Eiffel, qui est couramment considéré comme étant le constructeur du Bon Marché, n'interviendra qu'en 1879 pour réaliser un agrandissement qualifié de peu considérable. Le Bon Marché passe d'un chiffre d'affaires de 500 000 francs, d'une surface de 300 m et de 12 employés en 1852, à 72 millions de francs, une surface de 50 000 m et 1 788 employés en 1877. Cette expansion marque l'apparition d'une nouvelle classe sociale, les employés, classe moyenne qui constituera la future clientèle des grands magasins.
Pour attirer sa clientèle féminine, Boucicaut crée également les premières toilettes pour femmes, un salon de lecture pour leurs maris le temps qu'elles fassent leurs emplettes, poste plus de 6 millions de catalogues de mode (accompagnés d'échantillons de tissus découpés par 150 jeunes femmes uniquement affectées à ce travail) dans le monde entier au début du XX siècle, parallèlement au développement du service de livraison à domicile et de la vente par correspondance franco de port. Il développe la publicité (affiches, calendriers, réclames, agendas annonçant des évènements quotidiens). Après les épouses, il cible les mères en distribuant des boissons, ballons rouges ou des séries d'images pédagogiques en « Chromos » pour leurs enfants, organisant aussi des promenades à dos d'âne. Les bourgeoises peuvent s'échapper du logis où la société les cloître et passer plus de douze heures dans le magasin à essayer les produits, notamment des vêtements, avant faits sur mesure, et désormais aux tailles standardisées. Certaines d'entre elles s'endettent ou deviennent cleptomanes, d'autres sont troublées à l'idée de se faire effleurer par des vendeurs qui leur enfilent gants ou chapeaux. La respectabilité du magasin étant remise en cause, Aristide Boucicaut fait engager des vendeuses qu'il fait loger dans les étages supérieurs du magasin et qui représentent la moitié du personnel dans les années 1880. En uniforme noir strict, elles peuvent être renvoyées pour n'importe quelle faute et sont à la merci des clientes. Mais elles peuvent bénéficier de la promotion interne (second, chef de comptoir puis gérant selon une progression non plus à l’ancienneté mais au mérite). Avec une gestion paternaliste inspirée par le socialisme chrétien de Lamennais, Aristide Boucicaut crée notamment pour ses salariés une caisse de prévoyance et une caisse de retraite, un réfectoire gratuit, un jour de congé payé hebdomadaire. Ce paternalisme a aussi pour objectif d'attacher les employés à l'établissement : par exemple, le fonds de prévoyance pour les employés est disponible après 20 ans d'ancienneté. Une salle de mille places est installée au sommet de l'immeuble pour accueillir des soirées.
En 1910, à l'initiative de M Boucicaut, afin de loger ses clients à proximité, est créé l'hôtel Lutetia qui reste le seul palace de la rive gauche. Le développement du chemin de fer et des expositions universelles attire à Paris les femmes de province et M Boucicaut cherche désormais à toucher une clientèle ouvrière par des prix toujours plus bas.
En 1911-1913, à l'angle de la rue de Sèvres et de la rue du Bac, un deuxième bâtiment de style art déco, est construit par les Ateliers Moisant-Lauren-Savey, successeurs d'Armand Moisant. Le bâtiment, en voie d'achèvement, est réquisitionné pendant la Première Guerre mondiale pour être transformé en hôpital militaire. Détruit par un incendie le 22 novembre 1915, il est reconstruit en 1924 par Louis-Hippolyte Boileau. Destiné à l'origine à accueillir l'univers de la maison, il abrite désormais La Grande Épicerie.
Le groupe LVMH de Bernard Arnault rachète Le Bon Marché en 1984 pour en faire le grand magasin du luxe de la rive gauche. Au premier semestre 2012, des travaux débutent pour un agrandissement de la surface de vente.
Un autre grand magasin, La Samaritaine, fut acheté à la famille Renan en 2001, rue du Pont-Neuf dans le 1 arrondissement, pour rejoindre également le giron de LVMH Distribution Services, puis fermé en 2005.
Début 2016, l'artiste chinois Ai Weiwei installe une œuvre d'art dans un hall du Bon Marché.
Le grand magasin Au Bon Marché achevé en 1887.
Les magasins Au Bon Marché.
Facture de vente par correspondance des années 1880.
Affiche publicitaire de 1920.
Souvenir de Bétheny, carte postale du Bon Marché.
Vitrine du Bon Marché photographiée par Eugène Atget en 1926.
La Grande Épicerie
Situé dans un bâtiment adjacent, au n 38 rue de Sèvres, ce magasin de bouche est fondé en 1923, sous le nom de Comptoir de l'Alimentation : elle propose sur une grande surface une très grande variété de produits culinaires, de qualité et venant de nombreux pays du monde. Il s'agit à l'époque d'un bâtiment ultra-moderne, avec une nouvelle façon de vendre des produits frais, des boîtes de thé et des conserves fines, sur une certaine surface. Sur la publicité d'alors est écrit : « Plus de 40 tonnes de produits alimentaires sont débitées chaque jour dans ce rayon magnifique, et l'on estime que la quantité de viande vendue approche 2000 kg. Les plus beaux spécimens de fruits, produits de la métropoles et de ses colonies, sont offerts à notre clientèle, et nous n'aurions garde d'oublier le rayon de fleurs naturelles ». Des expositions thématiques (Italie, Angleterre), donnent lieu à des ventes temporaires de produits spéciaux. En 1978, le Comptoir est renommé La Grande Épicerie, et la surface de vente est doublée. Des travaux ont encore lieu dans les années 1980, ce qui permet à l'enseigne de se proclamer plus grand magasin alimentaire de Paris. Elle est entièrement rénovée en 2012 et propose depuis des boutiques d'artisans de bouche (poissonnerie, fromagerie, boucherie, charcuterie, pâtisserie, etc.), une cave à vin, une nouvelle configuration des lieux (pose d'un double escalator, d'une trémie et réaménagement avec du granit noir, du chêne et de l'acier brossé) et l'inauguration d’un restaurant sous la verrière.
Homologues
Un autre Bon Marché a été ouvert en 1860 en Belgique par François Vaxelaire. Il n'a toutefois rien à voir avec son homologue français.
Un autre magasin, Au Bon Marché, où l'on offrait essentiellement des stores et des articles de décoration, a existé à Montréal. Il s'est fait connaître dans les années 1980-1990 notamment grâce à ses publicités qui mettaient en vedette le propriétaire et ses deux fils, des juifs anglophones qui, avec leur fort accent et leur slogan « Oui, papa ! », devinrent rapidement la risée des humoristes québécois.
En Suisse romande, l'enseigne ABM (Au Bon Marché) était une chaine de magasins à vocation universelle avec un nombre important de produits et connus pour ses prix peu élevés. L'enseigne, propriété du groupe Globus acquis par Migros, a été restructurée plusieurs fois avant de disparaître définitivement, une relance étant trop complexe en regard du concurrent du moment : Uni-prix / Unip, repris par Coop puis intégré au concept de grand magasin Coop City.
Une chaine de magasins nommés The Bon Marché (avec l'accent) a également existé dans le nord-ouest des États-Unis. Sans lien avec Le Bon Marché, sa création en 1890 par Edward Nordhoff à Seattle a toutefois été directement inspirée par l'enseigne parisienne. Le nom a disparu en 2006 à la suite de l'acquisition en 2003 de la chaîne par Macy's.