Le champ magnétique terrestre, aussi appelé bouclier terrestre, est un immense champ magnétique qui entoure la Terre, de manière non uniforme du fait de son interaction avec le vent solaire.
Variation modélisée du champ magnétique terrestre face à une tempête de « vent solaire »
Champ magnétique terrestre mesuré en juin 2014 par la sonde Swarm (ESA/DTU Space).
Origine
Le champ magnétique de la Terre est engendré par les mouvements du noyau métallique liquide des couches profondes de la Terre. Selon les études de John Tarduno de l'université de Rochester (États-Unis), la Terre possédait déjà un champ magnétique il y a 3,45 milliards d'années.
Description
Le champ magnétique terrestre peut être vu comme celui d'un aimant droit.
Le champ magnétique terrestre peut être comparé, en première approximation, à celui d'un aimant droit (ou d'un dipôle magnétique, ou d'une bobine plate parcourue par un courant). Le point central de cet aimant n'est pas exactement au centre de la Terre, il s'en trouve à quelques centaines de kilomètres. Cette approximation ne doit pas faire oublier que le champ a des composantes multipolaires dont l'intensité, bien que beaucoup plus faible que la composante dipolaire, n'est pas négligeable, notamment lors d'une inversion du champ magnétique terrestre qui voit l'affaiblissement de l'intensité du dipôle si bien que les composantes non dipolaires deviennent prédominantes.
La théorie du potentiel décrit, à partir de l'équation de Laplace, qu'à cet aimant droit se superposent en second ordre un quadripôle, au troisième ordre un octopôle, etc., jusqu'à l'infini. Cette décomposition dite en harmoniques sphériques admet des coefficients qui pondèrent l'importance à attribuer à chaque aimant. Le premier à avoir mesuré leur valeur est Gauss à partir d'un maillage d'observatoires magnétiques répartis autour de la Terre, puis d'en tirer des études statistiques.
D'autres planètes du système solaire possèdent un champ magnétique : Mercure, Saturne, Uranus, Neptune et surtout Jupiter. Le Soleil lui-même en possède un.
Bien que les aimants aient été connus depuis l'Antiquité, ce sont les Chinois qui, vers l'an 1000-1100 les utilisèrent pour s'orienter à l'aide de la boussole. La relation entre les aimants et le champ magnétique terrestre fut découverte en 1600, par William Gilbert, un physicien anglais et médecin de la reine Élisabeth I qui publie en 1600 de Magno Magnete Tellure (Du Grand Aimant de la Terre). Cette théorie est la première concernant des caractéristiques globales de la Terre, avant la gravité d'Isaac Newton. Il démontra comment une boussole placée à la surface d'une boule magnétisée (la « Terrella ») indique toujours le même point, comme elle le fait sur la Terre.
Notion de pôle
Le dipôle terrestre.
L'ensemble des lignes de champ magnétique de la Terre situées au-dessus de l'ionosphère, soit à plus de 1 000 km, est appelé magnétosphère. L'influence du champ magnétique terrestre se fait sentir à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres.
Le pôle Nord magnétique terrestre est en fait un pôle de magnétisme « sud ». Il s'agit d'une pure convention, due au choix d’appeler « nord » la pointe de l'aiguille de la boussole qui pointe ce pôle magnétique, qui n'est pas très éloigné du pôle Nord géographique.
L'axe géomagnétique, passant par les deux pôles magnétiques, fait un angle de 11,5° par rapport à l'axe de rotation de la Terre. Une mesure d'avril 2007 par le projet « Poly-Arctique » situa le pôle Nord magnétique (Nm) à une latitude de 83,95 °N et une longitude de 121,02 °O (83° 57′ 00″ N 121° 01′ 12″ O/83.95, -121.02). Soit étant situé à 673 km du pôle Nord géographique (Ng) et ayant alors une vitesse moyenne de déplacement de 55 km/an (soit une moyenne d'environ 150 m/jour ou 6 m/h ! ). À l'été 2010, il a été estimé qu'il n'était plus qu'à 550 km du pôle Nord géographique. En outre la position du pôle magnétique varie au cours de la journée, se déplaçant ainsi de plusieurs dizaines de km autour de sa position moyenne.
Le pôle Sud magnétique, quant à lui, se trouve au large de la Terre Adélie, dans la mer d'Urville, à 65 °S et 138 °E.
Position des pôles magnétiques Pôle Nord magnétique (2001) 81° 18′ N 110° 48′ O/81.3, -110.8 (North Magnetic Pole (2001)) (2004) 82° 18′ N 113° 24′ O/82.3, -113.4 (North Magnetic Pole (2004)) (2005) 82° 42′ N 114° 24′ O/82.7, -114.4 (North Magnetic Pole (2005)) (2010) 85° 00′ N 132° 36′ O/85, -132.6 (North Magnetic Pole (2010)) Pôle Sud magnétique (1998) 64° 36′ S 138° 30′ E/-64.6, 138.5 (South Magnetic Pole (1998)) (2004) 63° 30′ S 138° 00′ E/-63.5, 138 (South Magnetic Pole (2004)) (2005)63° 06′ S 137° 30′ E/-63.1, 137.5 (South Magnetic Pole (2005)) (2010) 64° 24′ S 137° 18′ E/-64.4, 137.3 (South Magnetic Pole (2010))
Propriétés du champ magnétique
En un point donné du champ magnétique terrestre, le vecteur champ magnétique peut être décomposé en une composante verticale Bv (dirigée selon la verticale locale, soit en gros vers le centre de la Terre) et une composante horizontale B0. Aux pôles magnétiques, la composante horizontale a une valeur nulle. L'angle formé par B et B0 est appelé « inclinaison ». Il augmente donc lorsque l'on se rapproche des pôles, en tendant vers 90°.
Le vent solaire est responsable de variations du champ mesuré, par les courants électriques qu'il engendre dans l'ionosphère et la magnétosphère. En fonction de l'activité solaire, les orages magnétiques peuvent perturber le champ magnétique terrestre en faisant varier l'intensité de la composante horizontale B0. De plus, les vents solaires déforment les lignes de champ du champ magnétique terrestre. Côté jour, elles sont aplaties vers la Terre, et du côté nuit, elles s'écartent sur une dizaine de rayons terrestres.
La valeur de l'induction magnétique est exprimée en teslas (nom de l'unité dans le Système International d'unités), en l'honneur de Nikola Tesla. Actuellement, elle est de l'ordre de 47 μT au centre de la France.
L’archéomagnétisme, fondé sur l'étude des traces de champ magnétique fixées dans les objets archéologiques (briques, céramiques, etc.), et le paléomagnétisme, fondé plutôt sur les roches, permettent de comprendre l'évolution du géomagnétisme au fil du temps ; en datant les inversions de polarité magnétique au travers des âges, par exemple.
Mesure du champ magnétique terrestre
Méthode des Périodes
Pour deux bobines de Helmholtz identiques séparées d'une distance égale à leur rayon, le champ créé au milieu de ces deux bobines peut être considéré comme uniforme (les deux bobines sont parcourues par le même courant). En plaçant ces bobines de telle sorte que le champ qu’elles induisent soit aligné avec le champ magnétique terrestre,
le champ total résultant entre les bobines est donc :
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Une aiguille aimantée (boussole) placée en R/2 s’aligne avec ce champ résultant. Écartée de sa position d’équilibre, elle oscille à une période :
-
avec μ : moment magnétique de l’aimant et J : moment d’inertie de l’aimant.
Si on inverse le sens du courant dans les bobines, le champ induit change de sens (conservation de la direction colinéaire au champ terrestre). L’aiguille oscille alors à la période :
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À partir de ces deux périodes on obtient :
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Ainsi, si on considère des bobines de rayon R, composées de N spires et parcourues par un courant d’intensité I, en mesurant T1 et T2, on en déduit le champ magnétique terrestre :
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Méthode des Tangentes
Les bobines de Helmholtz sont cette fois placées de telle sorte que le champ qu’elles induisent soit orthogonal au champ magnétique terrestre.
L’aiguille aimantée, soumise à l’action de deux champs, s’oriente suivant leur résultante. Le champ résultant auquel est soumis la boussole est égal à la somme du champ terrestre et du champ induit et est aligné dans la direction α telle que:
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Une mesure de l’angle α permet d’obtenir la valeur du champ magnétique :
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Applications
La boussole
L'aiguille d'une boussole parfaite (non perturbée par un champ parasite), s'oriente suivant la composante parallèle au cadran (normalement positionné horizontalement), restant tangente à la ligne de champ du lieu où elle se trouve. La boussole indique la direction du Pôle Nord magnétique (et non celle du Pôle Nord géographique) ; la différence angulaire relative étant appelée la déclinaison magnétique, dont la valeur dépend du lieu où l'on se trouve.
La boussole utilisée en navigation, appelée compas, n'indique généralement pas le Nord magnétique, mais le Nord compas, direction à laquelle il faut apporter encore une autre correction (appelée la déviation du compas), afin de retrouver la direction du Nord magnétique.
La déclinaison magnétique d'un lieu est fournie sur les cartes détaillées (1/50000 ou 1/25000) de la région. Sur les cartes marines et aéronautiques est également fournie une estimation de sa variation annuelle (par exemple diminution de 6' par an). Pour certaines applications modernes (aviation...), on utilise plutôt un magnétomètre, qui mesure les trois composantes du vecteur champ magnétique.
Le paléomagnétisme
On distingue l’archéomagnétisme, fondé sur l'étude des traces de champ magnétique fixées dans les objets archéologiques (briques, céramiques, etc.), du paléomagnétisme fondé sur l'analyse des variations du champ magnétique enregistrées par les roches. Lors de la solidification « rapide » d'un matériau (cuisson d'une poterie, éruption volcanique...), les dipôles magnétiques qu'il contient se retrouvent figés, donnant ainsi un instantané de la direction du champ magnétique terrestre. Les travaux de Xavier Le Pichon dans les années 1970, ont permis de mettre en évidence le phénomène de dérive des continents, à partir de l'étude de la variation du champ magnétique terrestre enregistrée au niveau des dorsales médio-Atlantique. On a ainsi pu découvrir que le champ magnétique terrestre a subi de multiples inversions de polarité au cours des millions d'années.
L'exploration minière
La prospection minière constitue un des grands domaines d'application de l'étude du géomagnétisme. Différentes roches possédant différentes aimantations, la valeur de l'intensité du champ magnétique terrestre s'en trouve modifiée. Il est ainsi possible d'obtenir une carte des structures en profondeur, selon les variations d'aimantation des roches.
Un bouclier protecteur pour la vie
Le champ magnétique terrestre joue un rôle essentiel dans le développement de la vie sur Terre, en déviant les particules mortelles du vent solaire formant ainsi les aurores boréales et australes. Les scientifiques observent toutefois une diminution du champ magnétique terrestre, l'anomalie magnétique de l'Atlantique sud en étant le signe le plus spectaculaire.
Le noyau externe (liquide) qui génère le champ magnétique terrestre global, se refroidit très lentement. Le noyau interne (solide) grossit par la solidification du métal liquide du noyau externe en contact avec le noyau interne. Il est estimé que le noyau externe sera (presque) entièrement solidifié dans quelques milliards d'années, et qu'en conséquence le champ magnétique global aura alors disparu. La Terre présentera alors des conditions comparables à celles que présentent Vénus actuellement, sans champ magnétique global.
Un des moyens de guidage d'animaux migrateurs
De nombreux animaux grands migrateurs terrestres (ex. : oiseaux) ou aquatiques (ex. : tortues marines) semblent dotés d'une pe****tion fine du champ magnétique terrestre, même si d'autres sens interviennent lors des migrations. Par exemple les tortues caouanne sont sensibles à la latitude en fonction du champ magnétique terrestre et de son inclinaison. Ainsi de très jeunes tortues de cette espèce placées, peu après leur éclosion, en bassin reproduisant des conditions de champ magnétique d’autres régions (Porto Rico et Cap-Vert, situés sur leur route migratoire habituelle à la même latitude (20 ° N), mais à des longitudes différentes) se sont rapidement orientées dans la direction qu’elles prendraient dans cet environnement (respectivement vers le NE et vers le SE).