Une phobie (du grec ancien φόβος / phóbos, frayeur ou crainte) est une peur démesurée et irrationnelle d'un objet ou d'une situation précise. Elle est généralement ressentie comme telle par le patient. Il peut s'agir de l'agoraphobie (peur de la foule et des lieux publics) , de phobies spécifiques comme par exemple la claustrophobie (peur des lieux clos), ou de phobie sociale, qui est une crainte handicapante de relations sociales comme la prise de parole en public, la rencontre de nouvelles personnes ou de l'opinion ou jugement des autres.
Selon le psychiatre et psychanalyste Paul Denis, « la phobie, peur irraisonnée, irrationnelle, déclenchée par une circonstance sans danger, est sans doute le symptôme psychopathologique le plus répandu », c'est ce caractère de danger irréel qui distingue cliniquement la phobie de la peur. L’objet ou la situation qui déclenche la phobie est nommé « phobogène ». Ce qui sépare, en ce qui concerne la phobie, les approches psychanalytiques des approches cognitivo-comportementales ou neurobiologiques, c'est que pour la psychanalyse l'écart entre l’intensité de l'angoisse et l’innocuité du phobogène impose d’inférer un mécanisme psychique particulier : un déplacement d’une angoisse liée au vécu vers un objet ou une situation du monde extérieur.
Les phobies font partie de la catégorie plus générale des troubles anxieux.
Origine de la notion
Les Grecs anciens honoraient la divinité Phobos afin de conjurer la peur de partir au combat. En Occident, les peurs irraisonnées étaient soignées par la médecine traditionnelle ou rituelle et certaines maladies comme l'hépatite ont longtemps été identifiée comme appartenant au registre de la peur, sous l’appellation de jaunisse.
C'est vers 1870 que la psychiatrie utilise le terme sous forme de substantif et en fait un élément nosographique à part entière.
Paradigme psychanalytique
Sigmund Freud remarque en 1894-1895 que des symptômes phobiques existent dans de nombreuses névroses ou psychoses, notamment la névrose obsessionnelle et la névrose d'angoisse, comme conversion de l’angoisse en terreur suite à une abstinence ou une répulsion face à la sexualité.
Freud préfère désigner le terme de phobie par celui d’« hystérie d’angoisse » (expression inventée par Wilhelm Stekel en 1908) : c'est ainsi qu'il désignera en 1909 le cas du petit Hans que Freud identifie comme une névrose où le symptôme phobique est central ; la libido n’est pas convertie mais libérée sous forme d’angoisse. D'autres cas, où la phobie joue un rôle important, seront rapportés par Freud, celui de « L'homme aux loups », et celui de « L'homme aux rats ».
Les successeurs de Freud se sont particulièrement intéressés aux phobies infantiles, notamment Mélanie Klein pour qui il s'agit d'une angoisse liée à la position paranoïde-schizoïde tandis que pour Anna Freud il s'agit d'une névrose de transfert.
Jacques Lacan, dans son séminaire La relation d'objet, avance l’idée que la phobie est un signifiant, un élément constitutif de l'histoire du sujet qui masque une angoisse fondamentale.
Selon Plon et Roudinesco la phobie est l'un des symptômes que la cure psychanalytique permet de maîtriser le plus facilement, en faisant apparaître le fond qui la sous-tend : l'angoisse.
Paradigme béhavioriste
Épidémiologie
Dans les classifications comme le DSM ou le CIM, ces réactions doivent être suffisamment invalidantes pour que l’on puisse parler de phobie. Les phobies sont les formes les plus fréquentes de la famille des troubles anxieux. On estime que 5 à 25 % de la population générale souffre de phobie(s). Les phobies représentent même la pathologie psychiatrique la plus fréquente chez les femmes, et la 2 plus fréquente chez les hommes. Le diagnostic nécessite d'écarter toute origine organique de la symptomatologie (notamment, des urgences pouvant avoir la même présentation – infarctus, embolie pulmonaire, phéochromocytome, AVC, hypoglycémie…), une névrose plus structurée, un trouble dysthymique ou une psychose (phobies atypiques). La phobie se caractérise par une peur irrationnelle et majeure en présence du stimulus phobogène, pouvant évoluer vers une attaque de panique si l'évitement n'est pas possible.
Les phobies ne deviennent des « pathologies » que lorsqu'elles entraînent une souffrance importante chez le patient, et une détérioration de sa qualité de vie. Elles deviennent alors invalidantes de par les symptômes en présence du stimulus phobogène, et de par les stratégies que doit mettre en place le patient afin de les éviter.
À noter que photophobie et hydrophobie ne désignent pas des phobies d'ordre psychologique, mais sont des réactions à des stimuli physiquement insupportables en raison d'un état médical particulier :
Photophobie, crainte de la lumière, un des symptômes possibles de la méningite.
Hydrophobie, crainte de l'eau, désignant, dans le cas d'un patient atteint de rage, l'impossibilité à avaler les liquides, dans la mesure où ceux-ci entraînent un spasme laryngé.
Classification et signes visibles
La classification comportementaliste sépare les phobies en trois catégories :
les phobies spécifiques (ou phobies « simples »), où les symptômes sont déclenchés par un objet externe : souris, avions, sang, etc. Souvent négligées par l'entourage et parfois tournées en ridicule, elles peuvent être source de détresse psychologique majeure, et, dans certains cas, d'un impact sérieux sur la qualité de vie (phobie des transports, phobie des animaux, phobie des phénomènes naturels…).
la phobie sociale (ou anxiété sociale), à savoir la peur d’interagir avec les autres, de réaliser certaines actions devant d’autres personnes, par exemple la blemmophobie (peur du regard des autres) ou encore l'éreutophobie (peur de rougir). La phobie sociale n'est pas une simple timidité mais un trouble chronique invalidant, caractérisé notamment par une anxiété intense et un évitement de la plupart des situations sociales, pouvant causer une détresse considérable et entraîner une dépression.
l’agoraphobie, c’est-à-dire la peur de quitter son environnement proche et de se retrouver dans un endroit dont il serait difficile ou gênant de s’extraire.
Les phobies vis-à-vis des maladies, comme la nosophobie (peur des maladies en général) ou la cancérophobie (peur du cancer), sont en principe des formes d'hypocondrie et non des phobies simples. Néanmoins, certains classements rangent la peur d'être contaminé dans les phobies simples, et celle d'être déjà malade dans l'hypocondrie.
La plupart des phobies spécifiques représentent un état extrême d’un sentiment normal : la phobie des avions représente la suramplification de la sensation d’appréhension naturelle que tout le monde ressent lors d’un décollage, par exemple. Les symptômes ressentis lors de la confrontation à l’objet ou la situation phobogène varient fortement d’un sujet à l’autre, constituant dans les cas extrêmes une attaque de panique avec malaise général, sensation de mort imminente, tachycardie, sueurs, etc. Dans tous les cas, les sujets frappés de phobie spécifique sont conscients de l’irrationalité de leur peur, et en souffrent.
La plupart des individus souffrant de phobie tendent à fuir l’objet phobogène ou encore, lorsqu'ils sont forcés de le croiser, s’arrangent pour être accompagné d’un objet « contraphobique » qui les rassure : gri-gri, boîte de médicaments ou d'une personne.
La dénomination des phobies est forgée en utilisant la racine grecque correspondant à l’objet craint. La diversité des phobies décrites fait que l’on peut référencer des centaines de phobies spécifiques différentes !
Parmi les formes infinies sous lesquelles les phobies peuvent se présenter, on se référera à la Liste exhaustive des phobies.
Les critères diagnostics de la phobie spécifique sont les suivants :
Crainte marquée et persistante, excessive ou peu raisonnable, déclenchée par la présence ou l’idée anticipative d'un objet ou d'une situation spécifique (par exemple : vol en avion, hauteurs, animaux, recevoir une injection, voir du sang).
L'exposition au stimulus phobique provoque presque invariablement une réponse immédiate d'inquiétude, qui peut prendre la forme soit d’une crise de panique liée à la situation, soit d’une prédisposition à une telle crise. Note : Chez les enfants, l'inquiétude peut être exprimée en pleurant, par de la mauvaise humeur, par de la rigidité, ou en se cramponnant.
Note : Chez les enfants, l'inquiétude peut être exprimée en pleurant, par de la mauvaise humeur, par de la rigidité, ou en se cramponnant.
La personne admet que la crainte est excessive ou peu raisonnable. Note : Chez les enfants, cette caractéristique peut être absente.
Note : Chez les enfants, cette caractéristique peut être absente.
Les situations phobiques sont évitées, ou bien sont supportées avec une inquiétude ou une détresse intense.
L'évitement, l'anticipation anxieuse ou la détresse dans la situation redoutée interfère de manière significative avec le quotidien normal de la personne, avec son fonctionnement professionnel (ou scolaire), avec ses activités et rapports sociaux ; ou il y a une détresse marquée due au fait d’être sujet à la phobie.
Pour les personnes de moins de 18 ans, la situation perdure depuis au moins 6 mois.
Il faut que l'inquiétude, les crises de panique ou l'évitement phobique liées à l'objet ou à la situation ne s’expliquent pas mieux par un autre trouble mental. Cet autre trouble pourrait être le trouble obsessionnel compulsif (par exemple, crainte de la saleté de quelqu'un, avec une hantise de contamination), un trouble post-traumatique (par exemple, l’évitement des stimuli liés à un facteur de stress), un trouble d'inquiétude de séparation (par exemple, évitement de l'école), une phobie sociale (par exemple, action d'éviter des situations sociales en raison de la crainte de l'embarras), une panique avec l'agoraphobie, de l'agoraphobie sans antécédent de panique.
Facteurs
Les facteurs d'apparition d'une phobie sont mal connus. En plus d'une possible composante organique et/ou génétique, on peut supposer le plus souvent une origine psychologique (intrapsychique et inconsciente) et, parfois, un facteur familial. Les psychologues cognitivistes considèrent la phobie comme un comportement appris et renforcé au cours de la vie du patient. La nature de l'objet phobogène en lui-même n'est pas essentielle à la compréhension de l'étiologie de la phobie ; on s'intéresse plutôt aux mécanismes cognitifs qui ancrent le patient dans sa phobie.
Traitement
Il existe trois approches principales : cognitivo-comportementale, psychanalytique, et médicale.
Psychothérapies
Thérapies cognitivo-comportementales
Plusieurs méta-analyses ont montré l'efficacité des thérapies cognitivo-comportementales d'après une recommandation de l'association canadienne des troubles anxieux en 2014. Ces thérapies sont efficaces et recommandées par l'association des psychiatres du Canada en 2006. En France, elles sont recommandées par la Haute autorité de santé en 2007.
Selon l'INSERM, la psychothérapie cognitivo-comportementale est l'approche la plus efficace pour le traitement des troubles anxieux. L’étude a été critiquée par un physicienet par un historien, par des psychanalyste et professeurs en psychopathologie, des psychosomaticiens, dont un membre de l'INSERM, et un sociologue, des psychologues, des psychiatres.
La psychothérapie cognitivo-comportementale est une indication thérapeutique pour le traitement des phobies et permet de faire disparaître les symptômes. Le traitement consiste à proposer au patient à se confronter à la situation redoutée, d’abord de loin et dans un contexte rassurant, puis de plus en plus intimement. Cette exposition progressive entraîne une diminution des réactions de peur et permet la disparition de la peur pour certains des cas, par désensibilisation.
Psychanalyse
Selon une méta-analyse de Falk Leichsenring (de), si les cadres usuels de mesure de l’efficacité ne conviennent pas à la psychanalyse celle-ci peut se révéler également voir plus efficace que des thérapies brèves.
Selon une étude américaine la psychanalyse serait efficace en fonction de la durée et de la fréquence des séances ainsi que selon le relation au thérapeute.
Selon le neurologue, psychiatre et psychanalyste Mortimer Ostow, il vaut mieux s'efforcer de résoudre ses problèmes relationnels et professionnels plutôt que de seulement chercher à se débarrasser d’un symptôme : l'amélioration du symptôme est de peu de valeur thérapeutique puisque le symptôme est rapidement remplacé par un nouveau problème.
Médicaments
Par ailleurs, les psychiatres peuvent, après évaluation du patient, prescrire en appoint certaines classes médicamenteuses telles que les bêta bloquants, les anxiolytiques notamment benzodiazépines, ou encore les antidépresseurs dans le traitement de ce type de pathologie.