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词典释义:
révolution
时间: 2023-08-07 22:36:11
TEF/TCF常用TEF/TCF专四
[revɔlysjɔ̃]

革命

词典释义

n.f.
1. ;急剧的变;性的变
la Révolution d'Octobre十月
la Révolution (française)法国大
la révolution industrielle产业, 工业 [18世纪后半期始于英国]
faire la révolution 参加, 干
révolution dans les mœurs习俗的大改
la révolution scientifique et technologique科学
la révolution sexuelle
révolution de palais宫廷政变

2. 〈引申义〉量, 政权
la victoire de la révolution sur la réaction量对于反动势的胜利

3. 〈口语〉动乱, 骚乱

4. 【天文学】公转, 绕转;公转周期;运行
les révolutions de la Terre地球的公转
Ce satellite artificiel effectue une révolution complète autour de la Terre en 114 minutes.这颗人造地球卫星绕地球一周历时114分钟。
révolution des saisons〈比喻〉季节的循环

5. 旋转, 回转
axe de révolution 【数学】旋转轴
cône [cylindre] de révolution 【数学】圆锥 [圆柱] 体

6. 环绕, 盘绕

常见用法
faire la révolution从事
la révolution a éclaté爆发了
la Révolution culturelle文化大
la Révolution française法国大
être au seuil d'une révolution technologique在的前夕
la Révolution est une date importante de notre histoire法国大是历史上的一个重要事件

近义、反义、派生词
助记:
ré重复+volut转动+ion名词后缀

词根:
volt, volu(t) 滚动,转动,卷绕

近义词:
agitation,  bouleversement,  chambardement,  conversion,  désordre,  giration,  innovation,  insurrection,  mutation,  nouveauté,  période,  révolte,  chamboulement,  tour,  ébullition,  renversement,  incendie,  rotation,  tourmente,  cataclysme
反义词:
calme,  soumission,  contre-révolution,  réaction
联想词
révolutionnaire 的; révolte 暴动; démocratisation 大众化,普及,民主化; insurrection 起义,暴动,暴乱,造反,反抗; renaissance 再生,复活; transition 过渡,转变,变迁,变; émancipation 解放,摆脱束缚; dictature 专政; rébellion 造反; contestation 论; ère 纪元,年号;
当代法汉科技词典

révolution f. 转, 转动; 旋转; 公转;

révolution (technique, technologique) 

révolution cardiaque 心动周期

révolution de la Terre 地球公转

révolution industrielle 产业

révolutions par minute (r/min) 转数, 转/分

révolutions à la minute 转/分

grande révolution 大周天

méridien d'une surface de révolution 回转面子午线

petite révolution f. 小周天

stabilisant de révolution 转数稳定器

surface de révolution 旋转曲面

révolution française f.  法国大

短语搭配

faire la révolution参加革命, 干革命;从事革命

stabilisant de révolution转数稳定器

cône de révolution【数学】圆锥 体

mener la révolution jusqu'au bout将革命进行到底

Il a vécu sous la Révolution.他经历了大革命时期。

Robespierre est identifié à la Révolution.罗伯斯庇尔被当作大革命的代名词。

révolution verte绿色革命

révolution sidéralale恒星周

révolution synodique会合周

révolution industrielle工业革命, 产业革命;工业革命;产业革命

原声例句

Au tournant du XXIe siècle, l’apparition de la téléphonie cellulaire a constitué une véritable révolution et profondément bouleversé les habitudes en matière de communication téléphonique.

进入21世纪,手机的出现在电话通信方面是一次真正的改革,深刻地改变了人们电话通信的习惯。

[法语词汇速速成]

Le comte n’était point un de ces hommes qui font révolution dans une salle ; aussi personne ne s’aperçut-il de son arrivée que ceux dans la loge desquels il venait prendre une place.

马尔塞夫伯爵本来就不是那种在公共如乐场所一露面就会引起大家的兴趣或好奇心的人,所以除了他所进的那个包厢里的看客以外,其他的人根本没注意到他来了。

[基督山伯爵 Le Comte de Monte-Cristo]

C'est une petite révolution de la prévention. C'est essentiel pour que nos jeunes se protègent lors de leurs rapports sexuels.

这是一场预防措施方面的小革命。我们的年轻人在发生性关系时保护自己至关重要。

[法国总统马克龙演讲]

Car nous vivons une révolution profonde.

因为我们正在经历一场深刻的革命

[法国总统马克龙演讲]

Au moment où nous avons à relever sans attendre les défis du changement climatique, du vieillissement, des désordres géopolitiques, des révolutions technologiques comme l'intelligence artificielle ou les algorithmes.

在这个我们必须毫不拖延地迎接气候变化、老龄化、地缘政治失调、人工智能或算法等技术革命挑战的时代。

[法国总统马克龙演讲]

Mais pendant que la jeunesse dorée et le show business font la fête à Saint-Tropez, une petite révolution est en train de se produire à Biarritz, une révolution silencieuse qui passe totalement inaperçue au départ, que personne ne remarque.

但是,当黄金青年和演艺界在圣特罗佩庆祝时,比亚里茨正在发生一场小革命,一场无声的革命,起初完全没有引起注意,没有人注意到。

[innerFrench]

Quand Molière est arrivé, il a créé une petite révolution en faisant parler ses personnages comme dans la vraie vie, avec leurs tics de langage, leurs fautes de grammaire et parfois leurs langues régionales comme l'occitan ou le picard.

当莫里哀到来后,他发起了一次小革命:让人物角色像在真实生活中那样说话,用上自己的口头禅、语法错误,有时候还会说地方话,比如occitan和picard语。

[innerFrench]

Au XIXème siècle, le nord de la France, c'était le coeur de la révolution industrielle.

在19世纪,法国北部是工业革命的中心。

[innerFrench]

Pendant le XIXème siècle, la révolution industrielle et jusqu'à la fin de la première moitié du XXème siècle, le nord, c'était une région prospère économiquement grâce à toutes ces industries, mais, évidemment, les salaires des ouvriers n'étaient pas très bons.

在19世纪的工业革命期间,知道二十世纪上半叶,由于这些工业的存在,法国北方是一个经济繁荣的地区,但是,显然工人们的工资并不是很高。

[innerFrench]

Mais depuis la Révolution, on sait que les bourgeois ont beaucoup d'influence sur l'opinion publique donc Louis-Philippe va favoriser la bourgeoisie en lui donnant plus de pouvoir notamment dans le domaine économique, au détriment des nobles.

但自从大革命以来,资产阶级对舆论产生了很大的影响,所以Louis-Philippe将通过给予他们更多的权力来提升其地位,特别是经济领域的权力,不惜牺牲贵族的利益。

[innerFrench]

例句库

Les révolutions sont les locomotives de l'histoire.

革命是历史的火车头。

Cette découverte va constituer une révolution médicale dans le traitement du diabète.

这个发现在糖尿病的治疗上是一次重大的医学革命

Près de 2 000 personnes ont été tuées par les policiers depuis le début de la révolution selon des ONG (organisation non gouvernementale).

根据非政府组织的说法,从动乱开始以来,有大约2000人被警察杀害。

Ce satellite artificiel effectue une révolution complète autour de la Terre en 114 minutes.

这颗人造地球卫星绕地球一周历时114分钟。

Depuis longtemps, les hommes ont remarqué que la vitesse de rotation de la Lune était équivalente àsa vitesse de révolution.

很久以前,人们就注意到了月球的自转速度及公转速度是相等的。

Je leur ai suggéré de visiter le Musée de la Révolution chinoise.

我建议他们去参观中国革命博物馆。

Si tu ordonnes à ton peuple d'aller se jeter à la mer, il fera la révolution.

如果命令你的老百姓去投海,他们非起来革命不可。

Aux premières heures, lundi, ils affirmaient contrôler tout Tripoli à l'exception du complexe de Bab Al Azizah, résidence du "guide de la révolution".

星期一凌晨,他们声称已控制了除地势复杂的“革命领导”的宅邸Bab Al Azizah之外的整个的黎波里。

Je ferai ce qui la révolution exige.

革命需要我干什么就干革命什么。

La révolution industrielle a entraîné les bouleversements de la société.

工业革命给社会带来了动荡。

C'est une petite révolution qui se met en place cette année par le biais de la réforme du lycée.

从学生利益出发的改革是从今年开始的,借由中学改革的大潮进行了小改进。

Maintenant les riches ont plus peur de la révolution, par exemple, ils ont peur de rendre leurs fortunes, ils ont peur d'être en faillite à cause de leur femme, tous ?a est mortel pour les riches.

现在大款们最怕的是莫名的变革,比如突然规定把财产交出来,或叫个“小姐“就罚个倾家荡产等,这对大款来说是要命的。

C’est le Time qui le dit: la personne la plus influente du monde en 2011 est Waël Ghonim, directeur marketing de Google au Moyen-Orient et héros de la révolution égyptienne du début de l’année.

这是《时代》杂志说的:2011年世界最具影响力的人是埃及人Waël Ghonim,谷歌公司中东市场负责人,今年年初那场埃及革命中的英雄。

Mais les bourreaux n'ont?ils pas quelquefois pleuré sur les vierges dont les blondes têtes devaient être coupées à un signal de la Révolution ?

何况,即使是刽子手,面对被以革命的名义判决砍掉金黄头发的脑袋的处女,有时候不是也会为她们一洒同情之泪吗?

Elle m'a protégé pendant la révolution.

大革命期间保护着我。

La Révolution d'Octobre a secoué le monde entier.

十月革命震憾了全世界。

Sun wen s'est dévoué corps et âme pour la révolution.

孙文把自己的一生都奉献给了革命事业。

Nous sommes à l'aube d'une grande révolution.

我们处在一场大革命的初期。

Si l'on veut connaître la théorie et les méthodes de la révolution, il faut prendre part la révolution.

你要知道革命的理论和方法,你就得参加革命。

La vie de M.Sun Zhongshan est une vie de lutte et de révolution.

孙中山先生的一生是革命与奋斗的一生。

法语百科

Illustration de la « contagion révolutionnaire » : avec l'Épisode des journées de Septembre 1830, les autorités redoutent un embrasement en Belgique à la suite des Trois Glorieuses en France (peint par Gustave Wappers - Musées royaux des beaux-arts de Belgique).

La Liberté guidant le peuple, inspirée de la révolution des Trois Glorieuses qui s'est passée en 1830.

Une révolution est un renversement brusque d’un régime politique par la force. Elle est aussi définie par le Larousse comme un « changement brusque et violent dans la structure politique et sociale d'un État, qui se produit quand un groupe se révolte contre les autorités en place, prend le pouvoir et réussit à le garder ».

Sous sa forme contemporaine, la pratique révolutionnaire n'apparaît qu'à la fin du XVIII siècle, au moment où se généralise en Occident la pensée réflexive, quand l'Humanité se pense comme telle et formule les principes de sa gouvernance. C'est l'époque où Adam Smith en Angleterre jette les bases du libéralisme et où en France Jean-Jacques Rousseau, avec son Contrat social, élabore les fondements de la démocratie moderne. Deux événements politiques sont ainsi considérés comme les premières grandes révolutions de l'histoire : en 1776, la Révolution américaine (qui correspond à la naissance des États-Unis) puis en 1789 la Révolution française (qui marque l'avènement de la République en France).

Au XIX siècle, le Français Tocqueville est le premier intellectuel à porter un regard critique sur le mouvement révolutionnaire qu'il ne dissocie pas d'une tendance des nations à s'instituer en États (centralisés ou fédérés, mais aux pouvoirs sans cesse étendus), tandis que, face aux inégalités croissantes que génère le capitalisme, l'Allemand Karl Marx développe les premières approches théoriques de la révolution, visant à mettre fin aux inégalités sociales provoquées par le capitalisme dans les pays industrialisés.

Au XX siècle, se réclamant de Marx, le marxisme-léninisme (en URSS), le maoïsme (en Chine) et les révolutions du tiers monde (essentiellement en Afrique et en Amérique latine) constituent les principales tentatives pour renverser le capitalisme et lui opposer d'autres modèles. Mais ces expériences se soldent par la perpétuation de conflits de classe et surtout de graves atteintes aux libertés individuelles, que les « intellectuels de gauche », en Occident, ne reconnaîtront que tardivement. En 1989, la chute du Mur de Berlin précipite, en Europe de l'Est puis en URSS, le renversement des dictatures communistes tandis qu'à l'Ouest, les politiques de dérégulation menées par Ronald Reagan aux États-Unis et Margaret Thatcher en Grande-Bretagne marquent le déclin du socialisme en tant que modèle alternatif au capitalisme et l'hégémonie de ce dernier dans le monde entier : les « lois du marché » s'imposent de plus en plus comme « naturelles » aux populations. Celles-ci, malgré la montée en puissance de la pauvreté, du chômage, de la précarité et des inégalités sociales, cèdent au goût du confort matériel et de la consommation de masse. L'esprit individualiste prend ainsi nettement l'ascendant sur l'esprit révolutionnaire et les idéaux de justice.

Étymologie et terminologie

Le mot « révolution » est issu du bas latin et latin chrétien revolutio « révolution, retour (du temps); cycle, retour (des âmes par la métempsychose) » ; latin médiéval « révolution (astronomique) », dérivé du latin revolvere « rouler (quelque chose) en arrière; imprimer un mouvement circulaire à, faire revenir (quelque chose) à un point de son cycle ». C'est en 1660, lors de la restauration de la monarchie anglaise, qu'il a été utilisé pour la première fois dans son sens actuel, celui d'un mouvement politique amenant, ou tentant d'amener un changement brusque et en profondeur dans la structure politique et sociale d'un État.

La difficulté à définir le terme vient d'un usage répandu qui tend à le confondre avec celui de « révolte », lequel désigne la contestation par des groupes sociaux de mesures prises par les autorités en place, sans que cette contestation s'accompagne nécessairement d'une volonté de prendre le pouvoir et de se substituer à ces autorités. On parle donc habituellement de révolution a posteriori, une fois que le soulèvement a débouché sur une prise de pouvoir, laquelle s'exprime ensuite par d'importants changements institutionnels. À la différence de la révolte, qui est un mouvement de rébellion spontané se manifestant très tôt dans l'histoire (ex. la révolte de Spartacus), la révolution est généralement considérée comme un phénomène moderne et, sinon prémédité, du moins précédé de signes annonciateurs. Le mot désigne alors une succession d'événements résultant d'un programme (ou projet), voire d'une idéologie. Ce qui distingue donc la révolution de la simple révolte, c'est qu'il est possible de la théoriser.

Définition

Henry Perronet Briggs, The Discovery of the Gunpowder Plot (v. 1823).
Henry Perronet Briggs, The Discovery of the Gunpowder Plot (v. 1823).

Selon l'historien américain Martin Malia, c'est quand la sociologie émerge comme science humaine, distincte de l'histoire, que l'on peut analyser le phénomène révolutionnaire. Crane Brinton est le premier à s'engager dans cette voie en 1938 avec The Anatomy of Revolution. Il entend mettre en valeur différents motifs qu'elles ont en commun, notamment la fièvre qui s'empare d'un peuple quand le pouvoir ne répond plus à ses attentes. Mais Malia note que bien qu'il ait remanié son ouvrage en 1965, Brinton (au départ spécialiste de la Révolution française) applique aux révolutions anglaise, américaine et russe des facteurs caractéristiques du cas français. Faisant mention des travaux d'autres penseurs américains ayant essayé de formuler une typologie (Barrington Moore, Charles Tilly...), il estime qu'aucune conceptualisation n'est convaincante ni même envisageable.

En Europe également, des efforts sont déployés pour définir exactement le mot "révolution". Analysant les tentatives d'Henri Janne, Jules Monnerot, Jean Baechler et Pierre Lepape, Jacques Ellul relève lui aussi des carences et des incohérences et il estime que les contextes historiques sont beaucoup trop différents pour que l'on puisse se risquer à fixer un concept universel. Tout au plus peut-on se livrer à des analyses comparées, ce qu'il fait lui-même. En revanche, Ellul distingue nettement la "révolte" de la "révolution", considérant que l'on ne peut parler de révolution sans traiter des rapports que les individus établissent avec l'État. Thèse que reprend plus tard la sociologue américaine Theda Skocpol, s'appuyant sur sa formule « bringing the state back in » (« ramener l'État au cœur du débat »).

Un rapport conflictuel à l'État

La "révolution", comme le "réformisme" vise à une transformation de l'organisation de la société, mais elle s'en distingue du fait qu'elle se présente comme une crise, un rapport de force se manifestant généralement par la violence. Elle entre ouvertement en conflit avec l'État et elle l'attaque de l'extérieur quand le réformisme entend modifier celui-ci en douceur, étape par étape et en général de l'intérieur. Pour autant, la révolution ne peut pas s'assimiler strictement à une posture anarchiste. En 1902, Paul Eltzbacher considère en effet que bien que les fondateurs de l'anarchisme aient en commun de rejeter l'autorité de l’État, il convient de distinguer ceux qui, comme Godwin et Proudhon, prévoient la transition de la société actuelle à la société préconisée sans violation du droit de ceux qui ne l'envisagent que par coup de force. Eltzbacher qualifie ces derniers de révolutionnaires. Un siècle plus tard, Xavier Bekaert adopte lui aussi cette typologie. Selon cette approche, ce que l'on appelle aujourd'hui désobéissance civile peut donc être compris comme un acte "pré-révolutionnaire". Mais pour être qualifié pleinement de "révolutionnaire", un acte doit viser à renverser carrément un gouvernement et lui en substituer un autre. Ellul souligne qu'il y a dans la révolution un véritable projet, une volonté de bâtir de nouvelles institutions, dimension qui manque à la simple révolte, laquelle relève de l'acte désespéré quand bien même elle peut s'en prendre à l'État.

Un acte de renforcement de l'État

Si la majorité des théoriciens s'accordent à dire que la révolution vise à substituer un gouvernement à un autre, une autre difficulté à poser le concept de "révolution" vient du fait que la notion de gouvernement "évolue" sensiblement avec le temps depuis le XVIII siècle. Avant les grands événements révolutionnaires, en effet, la fonction d'un gouvernement était simplement d'instituer des lois garantissant le maintien d'un certain ordre dans la vie quotidienne et de protéger les populations des attaques des peuples étrangers. Or, la Révolution américaine puis la Révolution française ont considérablement étendu le champ de ses compétences : celles-ci concernent désormais également l'éducation, la santé, la sécurité sociale, etc. À tel point que la notion d'État est devenue extrêmement concrète. Si dès le XIX siècle, les intellectuels s'efforcent non seulement de la théoriser mais d'en faire l'apologie (Hegel en particulier), c'est que les individus ont de plus en plus tendance à s'en remettre à lui, comme en s'en remettait autrefois à l'autorité divine, afin qu'il prenne soin leur condition (au XX siècle, on parlera même d'État-providence). Dans le sillage de la pensée de Tocqueville, Ellul pense que les révolutions ne font finalement que renforcer le pouvoir étatique au détriment de la responsabilité des individus.

Vers une désacralisation de l'État ?

Statues de Karl Marx et Friedrich Engels à Berlin.

Karl Marx affirme que la bourgeoisie a pris le contrôle de l'État dans le seul but de légitimer ses propres intérêts. Après avoir pris, au XIV siècle, le pouvoir économique, elle a, au XVIII siècle, renforcé sa domination en créant de toutes pièces une classe sociale qui n'existait pas : la classe ouvrière (que Marx appelle "prolétariat"). De fait, la Révolution industrielle est un mouvement initié par la bourgeoisie, au cours de laquelle une grande partie de la population rurale émigre vers les villes (urbanisation) pour se mettre à son service. Sans le régime salarial, aucune industrialisation n'aurait été possible; or seul l'État est apte à légitimer le salariat, à rendre normal et acceptable le fait que le bourgeois est propriétaire de la force de travail de l'ouvrier. Pour ce faire, il fallait que celui-ci prenne lui-même le contrôle politique, qu'il se saisisse des rennes de l'État. Ce qu'il fait à partir de la Révolution française.

Ellul reprend l'analyse de Marx : l'État est un appareil qui, sous couvert de républicanisme, justifie politiquement la domination économique bourgeoise. La démocratie parlementaire n'est donc qu'un dispositif spectaculaire tendant à faire croire à n'importe qui qu'il peut diriger l'État alors qu'en réalité, cela reste le privilège exclusif de la bourgeoisie possédante. Ellul considère l'anarchisme comme "la forme la plus aboutie du socialisme" au sens où, ayant démontré que tout État (même se réclamant du marxisme) étouffe l'initiative individuelle, la révolution doit avoir pour objectif de le démystifier, le faire apparaître pour ce qu'il est : "une machine" (bureaucratie, technocratie...) - qui plus est "une machine à légitimer la domination" - puis lui substituer des structures déconcentrées (fédéralisme), à taille plus humaine, donc respectueuses des individus. Ellul se démarque toutefois de l'anarchisme, considérant qu'il est utopique de croire que l'on peut supprimer l'État car il est désormais beaucoup trop ancré dans les consciences. En revanche, il estime que la révolution exige son démantèlement progressif, ce qui nécessite autant de patience et de circonspection que de détermination. La révolution doit viser non pas les anciennes infrastructures de la société (le Capital) mais les nouvelles : la Technique et l'État. Elle reste en tout cas impossible sans la prise de conscience de la place qu'ils ont pris au XX siècle par rapport au Capital. Aucune révolution n'est possible sans leur désacralisation.

Historique

On s'attachera ici à répertorier les révolutions dont la cause est sociale, processus qui ne s'amorce qu'au XVIII siècle.

Le XVIII siècle

La Révolution américaine (1775-1783)

Le 9 juillet 1776, les New-Yorkais abattent la statue du roi de Grande-Bretagne.
Le 9 juillet 1776, les New-Yorkais abattent la statue du roi de Grande-Bretagne.

Capitulation de Cornwallis à Yorktown - John Trumbull (1820).

Contexte : Les soixante premières années du XVIII siècle sont marquées par des guerres coloniales entre Français et Anglais. En 1763, le Traité de Paris met fin à ces conflits et consacre la victoire des Anglais qui annexent l'ensemble des territoires allant du Canada au Mississipi. Les rapports entre les Anglais et leurs treize colonies s'en trouvent considérablement modifiés : les colons ne subissant plus de menaces extérieures n'ont en effet plus besoin des Anglais pour les protéger. Les Anglais, par ailleurs, souhaitent réduire de leur budget la défense de leurs colonies et veulent modifier les termes de leurs échanges militaires et commerciaux avec elles, exigeant d'elles qu'elles assurent leur propre défense. 17** marque le début d'une période de réaction de la part des colons, qui culmine en 1770 avec le Massacre de Boston.

Résumé des événements : Des velléités d'indépendance se manifestent en 1774 (Congrès de Philadelphie) qui se soldent l'année suivante par le début d'un conflit armé. Pétri par l'esprit des Lumières, Thomas Paine émigre d'Angleterre à Philadelphie et devient l'un des piliers du mouvement d'indépendance. Le 17 juin 1775, les Américains prennent l'ascendant sur les Anglais (Bataille de Bunker Hill) et, le même jour, tiennent un second congrès qui confie à George Washington le commandement d'une armée, avec la mission de retirer aux Anglais l'administration des colonies. Le 4 juillet 1776, le congrès officialise la rupture et publie une Déclaration d'Indépendance rédigée par Thomas Jefferson. Les conflits durent jusqu'en octobre 1781 (Bataille de Yorktown). En 1783, des négociations ont lieu en France, la paix est signée à Paris le 3 septembre. Rédigée en 1787, la Constitution prend effet en 1789. Son premier objectif est d'établir l'équilibre entre l'exécutif (le président), le législatif (le Congrès) et le judiciaire (la Cour suprême).

Impact : La Révolution américaine a créé un nouvel état (en l'occurrence une république fédérale) doté d'institutions marquées par une séparation nette des pouvoirs. Très rapidement, elle a eu un fort retentissement en Europe, notamment en France, provoquant d'importants changements intellectuels guidés par les idéaux républicain et démocratique. Les journaux européens ont suivi avec attention ce qui s'est passé outre-Atlantique tandis que le texte de la Déclaration d'indépendance américaine a été traduit dans tout le vieux continent, servant de source de réflexion à de nombreux juristes et intellectuels.

Analyses : Les avis critiques sont partagés. Arendt considère les événements comme le paradigme de la révolution moderne, Ellul n'y voit qu'une simple guerre d'indépendance. Malia, comparant ces événements avec la révolution anglaise du siècle précédent, décrit « un curieux paradoxe » et s'interroge : « alors qu'après 1**0, les Anglais vivent à l'évidence un mouvement institutionnel majeur qu'ils hésitent encore aujourd'hui à qualifier de révolution, les Américains, qui ne connaissent après 1765 qu'un modeste renversement structurel, l'ont aussitôt considéré comme un événement d'une radicalité extrême et, depuis, s'enorgueillissent de ses résultats. Avec la France, l'Amérique du Nord britannique a donc porté sur les fonts baptismaux le concept de révolution dans son acception moderne. Mais dans quel sens cette rébellion coloniale fut-elle une révolution ? » Malia précise : « Les Américains n'ont pris aucune bastille et n'ont décapité aucun roi. Les principaux événements emblématiques sont une “partie de thé” (la fameuse Boston Tea Party) et quelques coups de mousquets tirés sur Lexington Green. (...) La révolution américaine est singulière par d'autres aspects. Pour commencer, le souverain contre lequel les colonies se sont rebellées n'était pas présent sur les lieux mais séparé d'elles par près de 5 000 km d'océan, ce qui, dans une large mesure, fait de la révolution une guerre d'indépendance territoriale. Ensuite, il n'y avait guère à l'intérieur des colonies mêmes d'institutions solides à renverser. (...) Enfin, la rébellion américaine se produisit dans des provinces où le revenu par tête était supérieur à celui de tous les pays de l'Ancien monde, ce qui limitait sérieusement la pression en faveur du changement social. » « Qu'avait donc de « révolutionnaire » le soulèvement de 1776 ? demande Malia. Avant tout, il marque la création d'une république démocratique à l'échelle d'un continent, fait inouï, exploité présenté comme l'avènement d'un monde nouveau et d'un homme nouveau, événement phare pour le reste de l'humanité. Par ailleurs, cette république est née dans le contexte d'une “fièvre” millénariste croissante, tout à fait comparable à celle qui avait provoqué les précédents épisodes révolutionnaires en Europe. (...) C'est ce républicanisme eschatologique qu'avaient en tête les fondateurs lorsqu'ils inscrivirent sur le sceau national les mots novus ordo seclorum (“ordre mondial”) et substituèrent au sens conservateur qu'avait le mot “révolution” dans l'Angleterre de 1688 sa signification moderne de bouleversement, celle qui fait date aujourd'hui. »

La révolution atteint donc le stade du mythe, elle devient "le trait commun à toutes les révolutions modernes"(Ellul, Autopsie de la révolution).

La Révolution française (1789-1799)

Prise de la Bastille le 14 juillet 1789 par Hoüel.

« Reforme de différents droits feodaux et de la dîme. Le 11 août 1789. » (Caricature anonyme de 1789. Un homme du tiers état : « Hé, prenez toujours, M. le curé, tel refuse d'une main qui voudrait tenir de l'autre, mais c'est la dernière fois. »)

L'exécution de Louis XVI d'après une gravure allemande.
L'exécution de Louis XVI d'après une gravure allemande.

Résumé des événements : à la suite d'une gestion désastreuse des finances, Louis XVI et ses ministres ont mis la France en banqueroute. Le 5 mai 1789, pour remédier à la crise, le roi a convoqué les États généraux. Une forte majorité de « patriotes » se dégage, réclamant la fin de l'absolutisme royal et des privilèges de la noblesse. Réunis à nouveau le 20 juin dans la salle du jeu de Paume, ils votent la transformation des États généraux en Assemblée constituante. Le roi fait venir des régiments de mercenaires étrangers en vue d'un coup de force. Apprenant la nouvelle, le peuple parisien s'insurge et s'empare de la Bastille le 14 juillet. Le mouvement gagne alors la province. Le 4 août, l'Assemblée vote l'abolition des privilèges. Dans un climat plus serein, elle adopte la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen puis jette les bases d'une constitution parlementaire où la démocratie reste malgré tout réservée aux citoyens aisés. Malgré cette modération, la cour veut empêcher la promulgation des nouveaux décrets mais, en octobre, de nouvelles journées populaires l'obligent à les accepter. La tension monte quand l'Assemblée décide de nationaliser les biens du clergé. Devant l'étendue du mouvement, le roi espère une intervention étrangère. Le 20 juin 1791, il tente de s'enfuir de France mais est rattrapé à la frontière, ce qui ne fait qu'augmenter son discrédit auprès de la population. L'Assemblée législative succède à la constituante le 20 septembre. En 1792, le mouvement se radicalise avec, à sa tête, le mouvement des Jacobins. Le 10 août, la monarchie est renversée et la République proclamée le 21 septembre. Le 21 janvier 1793, le roi et la reine sont décapités. Mais des dissensions internes naissent au sein des Jacobins. L'année est marquée à la fois par la naissance d'une guerre civile et par l'attaque des troupes anglaises, prussiennes, autrichiennes, espagnoles et piémontaises qui veulent contribuer au retour de la monarchie. En 1794, les sans-culottes (issus du peuple) sont écartés du pouvoir par la bourgeoisie, laquelle, pendant cinq ans, va louvoyer pour se maintenir, parmi les guerres qui se poursuivent et les compromissions internes... jusqu'à ce que, le 9 novembre 1799, un général, Napoléon Bonaparte s'empare du pouvoir avec le titre de Premier consul.

Impact : La Révolution nous a légué la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui proclame l'égalité des citoyens devant la loi, les libertés fondamentales et la souveraineté de la Nation, apte à se gouverner au travers de représentants élus. Elle est restée un objet de débats ainsi qu'une référence à la fois positive et négative, en France comme dans le monde, créant des divisions durables par exemple entre les partisans de l'intervention étatique en économie et les défenseurs du libéralisme ou bien entre les anticléricaux et l'Église catholique. En revanche, le caractère universel des idéaux de la Révolution française (« liberté, égalité, fraternité ») s'est imposé au point qu'il est d'usage de faire coïncider l'événement avec le concept de modernité.

Analyses : L'ensemble des historiens et sociologues admettent que la Révolution française a servi de tremplin aux exigences de la bourgeoisie, dont l'activité produisait toute la richesse industrielle et commerciale du pays mais dont l'essor se heurtait à l'absolutisme royal ainsi qu'aux privilèges exorbitants du clergé et de la noblesse. En revanche, un débat oppose deux camps quant à l'identité des principaux acteurs : ceux qui considèrent que le soulèvement de 1789 est né principalement de la volonté populaire : c'est l'opinion la plus largement répandue, véhiculée par l'idéologie marxiste qui a longtemps imprégné les milieux intellectuels français ; et ceux pour qui cet élan populaire a été minime et a servi de paravent, le peuple ayant été, dès le départ, instrumentalisé par la bourgeoisie dans le but de s'approprier le pouvoir politique. En France, Jacques Ellul est le principal représentant de ce second courant : « le peuple ne fait jamais la révolution, écrit-il en 1969, il y participe ».

Le XIX siècle

Le XIX siècle n'est pas marqué par des événements aux conséquences mondialement retentissantes, comme cela a été le cas au XVIII siècle (révolutions américaine et française) et comme ça le sera à nouveau au XX siècle (révolutions russe et chinoise). En revanche, deux mouvements se produisent en France, qui attireront plus tard l'attention des premiers théoriciens de la révolution, principalement Karl Marx : la Révolution de Paris (1848-1852) et la Commune de Paris (1871).

La révolution de 1848

25 février : Lamartine, devant l’Hôtel de Ville de Paris, refuse le drapeau rouge.

18-22 mars : cinq journées de Milan.

Contexte politique : L'année 1848 est marquée par de nombreuses actions de soulèvement en Europe (France, Autriche, Italie, Allemagne). Toutes ont en commun la misère populaire et la terrible condition du prolétariat dans les villes (surtout en France) et toutes se solderont assez rapidement par l'échec. En France, le roi Louis-Philippe est contraint d'abdiquer et la république est proclamée à l'improviste mais elle ne durera que trois ans. En Autriche-Hongrie, Metternich doit s'enfuir mais la contestation est finalement réprimée par l'armée. Dans diverses régions d'Italie (Rome, Piémont, Vénétie, Sicile...) et d'Allemagne (principalement la Saxe, le Bade et le Palatinat) les revendications portent sur des changements institutionnels mais, là encore, en vain.

Contexte social : Depuis la première Révolution française, la société s'est considérablement transformée, ceci moins pour des raisons d'ordre politique qu'en raison de l'évolution accélérée des moyens de production. En cinquante ans, le machinisme a provoqué une mutation profonde dans les façons de travailler, de vivre et de penser, dont l'ensemble de la population a conscience. Ce n'est pas un hasard si cette période voit poindre cette nouvelle science qu'est la sociologie et si, en 1838, l'économiste Adolphe Blanqui, dans l'un de ses cours, utilise pour la première fois l'expression « révolution industrielle » pour désigner cette mutation. En 1845, Karl Marx, qui vit à Paris depuis deux ans, développe deux thèses qui seront au centre de son œuvre, à savoir, d'une part, que c'est la nature même des moyens de production qui détermine l'histoire, bien plus que le contenu des idéaux politiques ; d'autre part que « les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de diverses manières ; ce qui importe, c'est de le transformer ». Au printemps 1847 à Bruxelles, puis une seconde fois en novembre à Londres, il rejoint un groupe politique clandestin, la Ligue des communistes, en compagnie de Engels. Ils en rédigent alors le manifeste, qui sera connu sous le nom de Manifeste du Parti communiste. Il paraît en février 1848 alors qu'éclate la révolution à Paris.

19 mars : révolution de Mars

Résumé des événements en France : Le règne de Louis-Philippe est marqué par le développement et l'enrichissement rapide de la bourgeoisie manufacturière et financière, l'extrême misère des classes ouvrières et la paupérisation des paysans devenus ouvriers. En particulier à partir de 1840, quand Guizot prend la tête du gouvernement et surtout à partir de 1846, quand il se montre incapable d'endiguer une grave crise économique. En 1848, près des deux tiers des ouvriers en ameublement et du bâtiment sont au chômage. Les inégalités sont également criantes au niveau politique : le pays ne compte que 240 000 électeurs pour près de 35,5 millions d'habitants. La situation est particulièrement tendue à Paris, peuplée d'un million d'habitants vivant pour la plupart dans des conditions vétustes. Un soulèvement se produit le 22 février, une semaine après que le préfet de police ait fait interdire les réunions politiques. Au bout de trois jours, le roi est contraint d'abdiquer et la Seconde République est proclamée. Une partie des acteurs de ce renversement sont des catholiques sociaux modérés qui, derrière Lamartine et Arago, sont porteurs de réformes politiques (par exemple le rétablissement du suffrage universel masculin et la fin à l'esclavage dans les colonies françaises). D'autres, tels Louis Blanc, sont partisans de réformes sociales. Pour eux, l'État doit se doter de moyens de lutter contre le chômage. À défaut de pouvoir créer un ministère du travail, ils obtiennent la création des ateliers nationaux. Mais tous ces républicains authentiques voient leurs anciens adversaires politiques devenir des « républicains du lendemain ». Heureux de l'éviction de Louis-Philippe, de nombreux notables légitimistes se sont en effet ralliés à la République. Car même s'ils s'opposent vigoureusement à la laïcisation de l'enseignement et à bon nombre de réformes sociales, le suffrage universel leur paraît un moyen de reconquérir le pouvoir: ils comptent sur le contrôle économique qu'ils exercent dans tout le pays pour faire pression sur les électeurs. Le 23 avril ont lieu les élections en vue de former l'Assemblée constituante et poser les bases du nouveau régime. Celle-ci est dominée par les modérés (environ 500). Les monarchistes, qui forment le Parti de l'Ordre, sont 200 tandis que les radicaux ne totalisent que 100 députés et que les socialistes sont presque tous évincés. Le nombre de chômeurs augmente : le 18 mai, près de 115 000 personnes sont inscrites dans les Ateliers nationaux parisiens. Aux yeux des classes dominantes, qui s'exaspèrent de devoir entretenir un nombre croissant de chômeurs, ils constituent une infamie morale. Alors qu'ils symbolisent la politique sociale mise en place après les journées de février, la majorité conservatrice de l'Assemblée vote leur dissolution en juin, ce qui provoque, aussitôt, une nouvelle insurrection : les Journées de Juin. L'armée réprime durement les insurgés. Une fois vainqueurs, républicains modérés et monarchistes dispersent les ouvriers des Ateliers nationaux (le 3 juillet), augmentent d'une heure la journée de travail et font déporter en Algérie, sans jugement, près de 4 350 insurgés. La liberté d'expression est grandement limitée, c'est la fin du rêve d'une république sociale. Les élections municipales (3 juillet), cantonales (27 août - 3 septembre) et législatives (17-18 septembre) révèlent une évolution de l'électorat : mécontents de la baisse des prix, ulcérés des moyens militaires utilisés pour percevoir l'impôt des 45 centimes, les ruraux désavouent la république. Les élections présidentielles (10 décembre) confirment ce rejet : soutenu par le Parti de l'Ordre, Louis Napoléon Bonaparte est élu pour quatre ans avec plus de 75 % des suffrages exprimés. Le 2 décembre 1851, il opère un coup d'état qui met fin à la République et, un an plus tard (2 décembre 1852), se fait proclamer empereur.

Impact : Présents à Paris au milieu des années 1840, Karl Marx et Friedrich Engels y fréquentent les milieux activistes. Mais en 1845, à la demande du gouvernement prussien, ils en sont chassés et s'installent à Bruxelles, où ils écrivent le Manifeste du Parti communiste. Celui-ci paraît en février 1848, quand éclatent les événements. Marx revient alors à Paris et il y séjourne par intermittences avant d'en être à nouveau chassé en juin 1849 (s'exilant cette fois à Londres, où il résidera jusqu'à la fin de sa vie). Ce mouvement, qui mène de l'abolition de la monarchie à celle de la république, exercera une influence d'autant plus notoire sur sa pensée que l'intervalle entre les deux moments aura été bref.

Analyse : En 1852, Marx écrit une série de sept articles qui seront rassemblés plus tard sous le titre Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte. Il analyse la période 1848-1851 sous l'angle de l’antagonisme de classe. L'ouvrage s’inscrit dans la prolongation des Luttes de classes en France (1850) dont il reprend la plupart des arguments, notamment l'idée que la République est l'outil ultime de domination de la bourgeoisie : « à la monarchie bourgeoise de Louis-Philippe succède la république bourgeoise. Autrement dit : si, au nom du roi, a régné une partie de la bourgeoisie, c’est désormais au nom du peuple que régnera l’ensemble de la bourgeoisie. » Considérant les événements sur la longue durée, il établit un parallèle entre le coup d'État du général Bonaparte (qui, selon le calendrier révolutionnaire, renversa le Directoire le 18 brumaire de l'an VIII) et celui de son neveu, en 1851, qu'il présente comme de la « deuxième édition du 18 Brumaire ». Mais autant il considère Napoléon Ier comme un acteur à part entière de la Révolution française, et le Premier Empire comme l'accomplissement de celle-ci, autant les événements de 1848 ne sont pour lui « que le retour du spectre de la vieille révolution ». Le Second Empire n'est en rien le prolongement de la révolution mais sa négation.

La Commune de Paris (1871)

Chute de la colonne Vendôme (photographie de Franck).

Femmes défendant la barricade de la place Blanche (lithographie).
Femmes défendant la barricade de la place Blanche (lithographie).
Louise Michel en 1871.
Louise Michel en 1871.

Contexte : En juillet 1870, Napoléon III a entamé une guerre contre la Prusse. Le 4 septembre, à la suite d'une journée d'émeute parisienne, il est renversé. Un gouvernement de défense nationale s'installe à l'Hôtel de Ville de Paris, officiellement pour poursuivre la guerre contre les États allemands, en réalité dans le but secret de signer la capitulation. Le 18 janvier 1871, alors que Paris est assiégé et connaît une grave famine, l'Empire allemand est proclamé à Versailles. Le 28, un armistice est signé, le temps laissé aux Français de convoquer l'assemblée nationale afin qu'elle décide de la poursuite ou de la cessation de la guerre. Le 8 février, une forte proportion de monarchistes sont favorables à la paix mais la plus grande partie des élus parisiens y sont opposés. Le 10 mars, l'Assemblée transfère son siège de Paris à Versailles. Un grand nombre de parisiens (essentiellement les habitants des quartiers bourgeois) quittent également la ville. En revanche, dans les quartiers-est, les classes populaires (essentiellement les ouvriers qui constituent un quart de la population) ont commencé à s'organiser en vue d'un conflit. Le 17, le gouvernement Thiers envoie la troupe à Paris afin de s'emparer des canons de la Garde nationale. C'est ce projet qui constitue l'élément déclencheur de la Commune.

Résumé des événements : Le 18 juin, instruits de ce qui s'est passé en juin 1848, les Parisiens s'opposent à la troupe venue chercher les canons. Mais rapidement, celle-ci fraternise avec eux. Ils capturent deux généraux chargés de la manœuvre et les fusillent. Pendant plus de deux mois, ils vont tenir tête à l'État. Le 26 mars, des élections se déroulent pour désigner les membres du Conseil de la Commune. Une grande partie de leur action est absorbée par la lutte contre les troupes de Thiers, lesquelles bénéficient de l'appui du chancelier allemand Bismarck. Alors que la convention d'armistice n'autorise que 40 000 soldats français en région parisienne, celui-ci libère près de 60 000 prisonniers de guerre qui s'adjoignent aux troupes de Thiers. Face à une armée nombreuse et expérimentée, la Commune (qui ne dispose que des hommes de la Garde nationale) est vaincue le 28 mai.

Impact : La majorité des historiens ne classent pas l'événement de la Commune au registre des révolutions pour trois raisons : sa durée a été très brève ; l'insurrection n'a pas été dirigée par des organisations citoyennes mais par une fédération de bataillons de la garde nationale ; il s'est soldé par un échec cuisant. Qui plus est, l'écrasement des Communards (qui étaient passionnément attachés à une République idéale) facilitera l'installation durable d'une république intrinsèquement bourgeoise et conformiste : la III République. Autant dire que les événements de la Commune constituent en France et en Europe, l'ultime tentative populaire pour se libérer de la domination économique de la bourgeoisie. En revanche, pour les premiers théoriciens de la révolution, la Commune de Paris a valeur d'exemplarité, en particulier Marx, qui la considère comme la première insurrection prolétarienne autonome. Elle a été revendiquée par la suite comme modèle — avec des points de vue différents — par la gauche, l'extrême-gauche et les anarchistes, inspirant de nombreux mouvements, tout d'abord en Russie, avec l'expérience des Soviets puis lors la révolution de 1917.

Analyse : Marx a suivi les événements de près puisqu'il les commente durant leur déroulement, dès la fin d’avril et rédige le texte final de La Guerre civile en France, le 30 mai, soit deux jours après l’écrasement par l’armée versaillaise. Il écrit notamment : « La Commune se débarrasse totalement de la hiérarchie politique et remplace les maîtres hautains du peuple par des serviteurs toujours révocables, remplace une responsabilité illusoire par une responsabilité véritable, puisque ces mandataires agissent constamment sous le contrôle du peuple. Ils sont payés comme des ouvriers qualifiés ».

Le XX siècle

La faucille et le marteau, l'un des symboles les plus familiers du communisme, représente l'union entre les travailleurs agricoles et industriels par la jonction entre le marteau du prolétariat ouvrier et la faucille des paysans.

Le XX siècle est d'abord celui des révolutions russe et chinoise, directement et explicitement inspirées des théories de Karl Marx. Elles auront sur le monde entier des conséquences profondes et durables puisque, durant quatre décennies, elles le diviseront en deux camps idéologiques opposés: le capitalisme et le socialisme. Cet affrontement culminera dans les années 1950 et 1960 (au point qu'on le désigne sous le nom de Guerre froide et que s'exprimeront les craintes d'une troisième guerre mondiale) et s'éteindra en 1991 avec la dissolution de l'URSS et la consécration du capitalisme sur l'ensemble de la planète.

Dans l'après-guerre, donc, l'esprit révolutionnaire est vivace chez un certain nombre d'intellectuels occidentaux, qui se réclament du marxisme (en France, le plus connu d'entre eux est Sartre). Il est également très prégnant dans les pays du Tiers-monde (qui constituent en fait le principal théâtre de l'affrontement est-ouest). Il est enfin visible chez une partie de la jeunesse occidentale qui s'exprime dans le mouvement de la contre-culture, laquelle associe l'idée de révolution à la question des relations interpersonnelles, notamment les rapports hommes-femmes. Mais la plupart des leaders libertaires, notamment ceux de Mai 1968, se rangeront par la suite au libéralisme et leurs héritiers, les "Bobo", à la culture bourgeoise.

Dans les années 1980 et 1990, l'ouverture de la Chine puis de la Russie à l'économie de marché contribuent à l'extinction de l'idéal révolutionnaire à travers le monde. En France, le Parti Communiste Français se voit régulièrement reproché d'être davantage réformiste que révolutionnaire. Le socialisme lui-même, à travers la social-démocratie, s'éteint dès le début de la présidence de François Mitterrand : alors qu'en 1981, le gouvernement Mauroy menait une politique de nationalisations et associait des ministres communistes, en 1984, le gouvernement Fabius s'aligne sur la politique libérale conduite aux États-Unis par Ronald Reagan et en Angleterre par Margaret Thatcher. En 2002, Lionel Jospin, candidat à l'élection présidentielle, déclare : "Je suis socialiste d'inspiration, mais le projet que je propose au pays n'est pas un projet socialiste". L'extrême-gauche abandonne elle-même tout projet de révolution pour se limiter à la contestation du capitalisme : en 2009, la LCR (Ligue communiste révolutionnaire) est dissoute et cède le pas au NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), dont l'audience ne cesse de décroître : 2500 adhérents en 2013

La Révolution russe (1917-1921)

Portrait officiel de Lénine, datant de 1920.

Marins révolutionnaires russes de la flotte impériale durant l’été 1917.
Marins révolutionnaires russes de la flotte impériale durant l’été 1917.

Dispersion de la foule sur la perspective Nevski, pendant les journées de juillet.

Manifestation en Russie durant la révolution de Février.
Manifestation en Russie durant la révolution de Février.
Timbre soviétique commémorant la révolution d'Octobre.
Timbre soviétique commémorant la révolution d'Octobre.

Avertissement : Objet de sympathies et d’espoirs pour certains ou au contraire, pour d'autres, de critiques sévères, voire de peurs et de rejets, la Révolution russe constitue un des faits les plus passionnément discutés de l’histoire contemporaine. Encore aujourd'hui, son déroulement et ses conséquences posent de nombreuses questions aux historiens. En premier lieu, la révolution de Février impliquait-elle nécessairement celle d'Octobre ? En d'autres termes, les événements d’octobre relèvent-ils vraiment de la révolution et non pas, plutôt, du simple coup d'État ? Même chose pour la période troublée de 1918-1921 : ne s'agit-il pas là d'une banale guerre civile ? Enfin, dans la mesure où les événements débouchent sur la dictature stalinienne, faut-il en conclure que la révolution a été déviée, trahie, ou qu'elle est au contraire, en soi, inévitablement, un processus mortifère ?... Les commentaires qui suivent n'ont d'autre but que de « faire la part des choses » et de présenter les points de vue dans un souci didactique : en quoi la révolution des Soviets nous permet-elle de questionner, près d'un siècle après son déroulement, l'idée même de révolution ?

Contexte : Avant 1917, l'Empire russe était un régime tsariste, autocratique et répressif. Toutefois, en 1861, l'abolition du servage a annoncé la fin du régime féodal. Au début du XX siècle, la Russie connaît un certain essor industriel. Poussés vers les villes, les anciens serfs se reconvertissent peu à peu en ouvriers. La nouvelle prospérité ne profite cependant pas à la population car le pays est dominé par les capitaux étrangers tandis que l’économie, dans son ensemble, reste archaïque. En 1913, la production industrielle est deux fois et demi inférieure à celle de la France, six fois moins que celle de l’Allemagne et quatorze fois moins que celle des États-Unis. De surcroît, alors que la Russie reste un pays essentiellement rural (85 % de la population), le rendement agricole reste médiocre tandis que la pénurie de transport paralyse toute tentative de modernisation. Le pouvoir tsariste faisant preuve d’immobilisme, différents mouvements organisés tentent de le renverser, mais les attentats sont sévèrement réprimés par l'Okhrana, la puissante police politique tsariste. Ni les révoltes paysannes, ni les attentats politiques, ni l’activité parlementaire de la Douma ne parvenant à imposer le changement, celui-ci sera finalement impulsé par le prolétariat. En 1905, une première révolution éclate, à la suite de la défaite de la Russie face au Japon. Cette première tentative du peuple de se libérer de son tsar est sévèrement réprimée mais elle permet toutefois aux ouvriers et aux paysans de se constituer en organes de pouvoirs indépendants de la tutelle de l’État: les Soviets. Dès 1914, la Russie participe à la Première Guerre mondiale: elle entre en conflit avec l’Allemagne et l’Empire austro-hongrois pour venir en aide à la Serbie. Une offensive en Pologne est sévèrement battue: les troupes russes doivent battre en retraite. En février 1917, le poids de la guerre sur l’économie et les nombreuses pertes humaines sur un front réduit à une stratégie défensive mènent le peuple à la révolution.

Résumé des événements : Les troupes refusant de réprimer les manifestations, le tsar Nicolas II n’a plus les moyens de gouverner: il dissout la Douma, nomme un comité provisoire puis, le 2 mars, est contraint d'abdiquer : c'est la fin du tsarisme. La chute du régime suscite dans le pays d'autant plus d'enthousiasme qu'elle a été brève et n'a fait qu'une centaine de victimes. Mais pas moins de quatre gouvernements provisoires vont se succéder pendant huit mois, au fur et à mesure que la masse des ouvriers et paysans se politise. En quelques semaines, en effet, les soviets se multiplient sur la quasi-totalité du pays. Organes de démocratie directe, ces assemblées élues entendent exercer un pouvoir autonome face aux gouvernements provisoires. Élus par la Douma, ceux-ci sont dirigés par d'anciens monarchistes ou des membres de la bourgeoisie libérale (socialistes modérés ou mencheviks). Dans un premier temps, ils abolissent la peine de mort, libèrent les prisonniers d'opinion et proclament la liberté de la presse. Mais les difficultés commencent au fur et à mesure que les soviets se multiplient et qu'ils réclament de grandes décisions politiques et économiques. Ainsi, quand le soviet de Petrograd, dirigé par Trotski, réclame la paix, la terre aux paysans, la journée de huit heures et une république démocratique, la bourgeoisie libérale ne veut rien entendre. De surcroît, tout le monde s'accorde à reconnaître que seule une Constituante élue au suffrage universel a le droit de légiférer sur les questions de fond. Or l’absence de millions d’électeurs mobilisés au front retarde d’autant plus la convocation d'élections que les différents gouvernements provisoires entendent continuer la guerre. Le blocage est tel que la république n'est toujours pas proclamée officiellement. Les gouvernements provisoires ne pouvant agir sans l’appui des soviets, qui ont le soutien et la confiance de la grande masse des travailleurs, ils se refusent à prendre les mesures décisives, ce qui ne fait qu'accroître la tension populaire. Conduit par Lénine, le petit parti bolchevique tire bénéfice de la situation : réclamant la paix, il récupère le mécontentement général croissant. Alors que les soviets étaient jusqu'alors dominés par des partis socialistes, mencheviks et socialistes-révolutionnaires, les bolcheviks se réclament peu à peu les dépositaires de la révolution. Ils fomentent un coup d'état et, dans la nuit du 24 au 25 octobre (calendrier julien), prennent le pouvoir. Le lendemain, Trotski annonce officiellement la dissolution du gouvernement provisoire. La nouvelle suscite la désolidarisation des socialistes-révolutionnaires et mencheviks et la désapprobation d'une partie de la population mais le nouveau régime se maintient. Lénine propose aux pays belligérants d’entamer des pourparlers « en vue d’une paix équitable et démocratique, immédiate, sans annexions et sans indemnités ». Baptisé « conseil des commissaires du peuple », le nouveau gouvernement jette en 33 heures les bases du nouveau régime : nationalisation des banques, contrôle ouvrier sur la production, création d’une milice ouvrière, souveraineté et égalité de tous les peuples de Russie. Le décret sur la terre est promulgué, stipulant que « la grande propriété foncière est abolie sans aucune indemnité ». Liberté est laissée aux soviets de paysans d’en faire ce qu’ils désirent. En prenant le pouvoir, Lénine et Trotski espèrent impulser la révolution dans toute l'Europe. Mais que ce soit en Allemagne, en France, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, les grèves et manifestations ne débouchent sur rien. En Russie, les bolcheviks restent aussi isolés qu’aux premiers jours : leur prise du pouvoir ne fait pas l’unanimité. À la guerre contre l'Allemagne s'ajoute, dès l'automne 1917, la guerre civile. Pour les bolchevilks, le seul moyen d'assurer le succès de la révolution est la soumission de toute opposition par la force. Des moyens de répression sont mis en place, en premier lieu la Tchéka (police politique) qui fera des milliers de victimes. La guerre prend fin en mars 1918, mais le traité de Brest-Litovsk ampute la Russie de 26 % de sa population, 27 % de sa surface cultivée, 75 % de sa production d'acier et de fer. Quant à la guerre civile, elle se solde par la reconstruction, par les bolcheviks, d'un État placé sous l'autorité d'un parti unique et doté d'un pouvoir absolu.

C'est dans ce contexte de reconstruction que, le 21 novembre 1920, Lénine prononce une petite phrase qui va changer radicalement le destin du pays : "Le communisme, c'est les Soviets plus l'électricité" Marx avait observé que les techniques sont le moteur de l’économie car elles conditionnent toute la sphère de la production. Bien qu'énoncée sous la forme de boutade, la petite phrase Lénine indique que, désormais, c’est l’ensemble de la vie sociale (et pas seulement l'économie) qui est conditionné par les techniques.

Impact : Les bolcheviks s’imposent à la tête du pays mais ne le font évoluer économiquement qu'au prix d'une dictature exercée sur le peuple, en particulier sur le prolétariat, au prix d'une industrialisation forcée. À l'intérieur du pays, le régime de Staline a fini d’étouffer les idéaux révolutionnaires et n'entretient le mythe du communisme qu'à force de propagande. Celui-ci s'imposera jusqu'en 1991, date à laquelle l'URSS sera démembrée. Dans les pays occidentaux, il continuera jusqu'à cette date de servir de modèle à des milliers de militants anticapitalistes qui en feront la propagande.

Analyse : Pour de nombreux marxistes non-bolcheviques, Lénine a déclenché une révolution ouvrière dans un pays massivement paysan et surestimé les potentialités révolutionnaires dans les pays occidentaux. Ce faisant, il a bafoué les principes établis par Marx et mis en place un capitalisme d'État. Commentant les événements au moment où ils survenaient, Karl Kautsky et Rosa Luxemburg ont dénoncé le parti bolchevique et son mépris de la démocratie, qui s'exprimait à travers les soviets. Son caractère centralisé et militarisé l’a amené à concentrer tous les pouvoirs entre les mains d’un groupe restreint (le Politburo, fondé en 1919) puis finalement celles d'un seul homme. Commentant la fameuse citation de Lénine, "Le communisme, c'est les Soviets plus l'électricité", Jacques Ellul considère non seulement que le communisme ne diffère pas fondamentalement du capitalisme dans sa course au progrès mais que les deux idéologies sont désormais réunies dans une seule et même idéologie qui les dépasse l'un et l'autre, mais qui n'est perçue comme telle nulle part, ni à l'est ni à l'ouest : le productivisme. Pour Ellul, le fait de considérer l'opposition entre capitalisme et communisme comme un fait majeur constitue une "tragédie de l'histoire", "le plus grave de tous les contresens", dans la mesure où le communisme constitue un capitalisme d'état. Le problème essentiel n'est pas le capitalisme stricto sensu mais "l'acte de capitaliser". Qu'il émane d'entreprises privées (comme c'est le cas en occident) ou de l'État (comme c'est le cas en URSS) est un problème "secondaire"; pour le dire dans les termes de Marx : "qui ne relève que des superstructures sans remettre en cause l'infrastructure". Or pour Ellul, l'infrastructure, au XX siècle, ce n'est plus le capital mais la technique, même si la technique ne peut exister sans capitalisation Ce faisant, Ellul s'oppose radicalement aux marxistes : l'important n'est plus de savoir qui est propriétaire des moyens de production mais ce qu'il en fait.

La Révolution chinoise (1949-1976)

Portrait de Mao Zedong.

Par « révolution chinoise », on entend ici les événements qui marquèrent les débuts de la République populaire de Chine, depuis sa proclamation, en 1949, jusqu'à la mort de son principal dirigeant, Mao Zedong, en 1976. Les idéaux révolutionnaires prennent fin surtout deux ans plus tard avec l'arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping, introduisant des réformes de type capitaliste tout en conservant la rhétorique communiste (encore en cours au début du XXI siècle).

Événements annonciateurs

De l'Empire à la République nationaliste : Au XIX siècle, l'autorité impériale, qui caractérisait la civilisation chinoise depuis 5000 ans, se retrouve considérablement affaiblie par les puissances américaines et européennes, lesquelles, dans le monde entier, imposent leur puissance industrielle et commerciale. En 1911, une révolution met fin au régime impérial. Conduite par Sun Yat-sen, le Kuomintang (parti nationaliste) instaure une république. En 1921, les communistes se constituent en parti. Sun Yat-sen mort en 1925, Tchang Kaï-chek lui succède. Mais son régime s'enfonce dans l'instabilité.

La guerre civile (1927-1949) : En 1927, les révoltes populaires de Canton et de Shanghaï sont durement réprimées, accentuant le fossé entre communistes et nationalistes et débouchant sur la guerre civile. En 1931, les communistes se ressaisissent. Guidés par Mao Zedong, ils fondent la République soviétique chinoise dans les montagnes du Jiangxi. Au terme des 12 000 km qui constituent la Longue Marche (1934-1935), ils gagnent le Shanxi, région située au nord-ouest du pays. Toutefois, durant les dix premières années de crise (1927-1937), les nationalistes gardent le contrôle du pays. En 1937 survient la guerre sino-japonaise. Nationalistes et communistes se rapprochent jusqu'en 1942, date à laquelle les premiers s'assurent le soutien des États-Unis. Leur rivalité atteint son paroxysme en 1945 après la capitulation du Japon face aux États-Unis puis se solde en 1949 par la victoire des communistes, Mao s'étant assuré l'appui des paysans, son premier projet est de remettre sur pied une économie ruinée par la guerre.

Les grandes étapes

Affiches maoïstes exposées au musée de la propagande de Shanghai.

Les débuts (1949-1953) : Mao adopte une politique progressiste, caractérisée par une participation conjointe des différentes couches sociales, ce qui lui permet de lutter contre l'inflation. En 1950, la réforme agraire destitue les propriétaires terriens et redistribue les champs aux paysans. Ceux-ci se chargent de l'épuration sans réaliser qu'ils sont instrumentalisés par la propagande de Mao. Rapidement, en effet, l'État prend le contrôle de la production agricole en surplus. La structure sociale paysanne, qui était fondée sur le clan parental, s'en trouve bouleversée, ce qui facilite d'autant la mise en place des institutions communistes.

Le « passage au socialisme » (premier plan quinquennal, 1953-1957) : le commerce et l'industrie sont nationalisés, l'agriculture également collectivisée, sur le modèle soviétique des kolkhozes. La Chine s'allie d'ailleurs à l'URSS, dont l'aide est vitale pour l'industrialisation. Cependant, loin des hausses de production prévues et malgré la mobilisation menée par le Parti auprès des cadres et des paysans, les résultats sont médiocres. Les calamités naturelles qui s'abattent en 1956 sur certaines régions (inondations, sécheresses…) aggravent la situation au oint que la crédibilité du régime est atteinte.

Les Cent fleurs (février-juin 1957) : cette campagne "de rectification" vise à améliorer les relations avec la population. Le principe annoncé est de lui redonner de la liberté d'expression et de permettre aux intellectuels de critiquer le Parti. « Que cent fleurs s'épanouissent et que cent écoles de pensée rivalisent », déclare Mao. Cette campagne est finalement l'histoire d'« une comédie qui va se muer en tragédie ». Les adversaires de Mao étant de plus en plus nombreux à se dévoiler, ils sont éliminés par centaines de milliers. Les enseignants, étudiants et métiers de la justice sont les plus touchés.

Le Grand Bond en avant (1958 - début 1960) : le gouvernement espère accroître la production par la disparition des coopératives agricoles au profit des communes populaires et par une industrialisation artisanale. En mobilisant la main d'ɶuvre rurale disponible en petites unités, on vise à augmenter la production avec un minimum d'investissements. Cette politique sensibilise la population à l'industrialisation. La conception soviétique adoptée jusque là est abandonnée si bien que la querelle idéologique entre les deux pays s'accentue. Finalement, le « bond en avant » se solde par un échec, dû à la fois aux dissensions entre les dirigeants chinois (cf paragraphe suivant), aux intempéries et à la sous-estimation des problèmes économiques.

Exemplaires du Petit Livre rouge.

La rivalité entre Liu Shaoqi, président de la république, et Mao, secrétaire du Parti (1960-1966) : À la suite des conséquences de la politique économique de Mao, celui-ci cède à Liu son poste de président de la République. Les deux hommes partagent deux objectifs, la développement économique et la révolution. Mais Liu a le souci d'élever la nation au rang de puissance mondiale et donc de la doter d'une infrastructure « moderne », notamment sur le plan militaire (la première bombe atomique chinoise explose en 19**). De fait, il parvient à redresser économiquement le pays. Mao, lui, tient à ce que le progrès technique ne conduise pas les Chinois à vouloir en bénéficier individuellement et ainsi s'embourgeoiser. Liu et la majorité des cadres du Parti refusent de soutenir Mao dans sa tentative de relancer le processus révolutionnaire avec le "mouvement d'éducation socialiste", de 1962 à 1965. Mais son Petit Livre rouge (édité en 19** et désormais l'ouvrage le plus publié au monde après la Bible) valorise l'idée de Mao selon laquelle les individus doivent se consacrer au travail sans jamais chercher à en retirer un bénéfice personnel.

La Révolution culturelle (1966-1969) : l'emprise exercée sur la jeunesse constitue non seulement la phase la plus décisive de la Révolution chinoise mais l'un des événements les plus marquants de l'histoire contemporaine. C'est en effet ainsi qu'en 1966 Mao prend de l'ascendant sur Liu et consolide son pouvoir. Au nom des idées professées dans le Livre Rouge, les jeunes « gardes rouges » humilient publiquement les intellectuels et les cadres du Parti, dénonçant comme « réactionnaires » les usages traditionnels et les valeurs occidentales. Ils donnent l'impression d'être les acteurs de ce mouvement sans s'apercevoir qu'ils sont instrumentalisés, Mao se servant d'eux pour purger le Parti de ses éléments « révisionnistes ». Cette phase lui permet non seulement de reprendre le contrôle de l'État et du Parti (Liu meurt en 1969 dans un camp d'internement) mais d'acquérir une véritable réputation internationale : une partie de la jeunesse étudiante occidentale est médusée par le maoïsme, convaincue que la « voie chinoise » constitue une sortie du stalinisme. Elle en reste au spectacle des événements sans suspecter la moindre manipulation. En France, les situationnistes font partie des rares intellectuels à démystifier le processus : "Les plus stupides ont cru qu'il y avait quelque chose de culturel dans cette affaire jusqu'à ce que la presse maoïste elle-même leur joue le mauvais tour d'avouer qu'il s'agissait depuis le début d'une lutte politique pour le pouvoir".

Le renforcement de l'autorité de Mao (1969-1976) : en 1969, le IX Congrès du parti consacre l'autorité de Mao. Celle-ci devient "incontestable" au point que, deux ans plus tard, il engage un front anti-soviétique, qu'il théorise sous la formule théorie des trois mondes tandis que les dirigeants du monde entier, les uns après les autres (dont le président américain Richard Nixon) sont ses invités à Pékin.

Monument à la Longue Marche devant le mausolée de Mao Zedong.

Bilan

Positif : la révolution a apporté l'hygiène; les conditions matérielles de vie ont été améliorées; les famines ont été jugulées; l'analphabétisme a reculé; l'égalité sociale entre les individus s'est renforcée... Dès ses débuts (1950), le mariage forcé des enfants, la prostitution et l'infanticide ont été interdits, le divorce a été légalisé et les femmes ont eu le droit de vote. Mais surtout, "Mao a eu la compréhension de ce sur quoi la révolution russe avait échoué, il a parfaitement vu que si on s'engageait dans la voie de l'industrialisation massive, on produirait la même chose qu'en URSS : l'apparition d'un prolétariat à cause de la nécessité de la capitalisation". Les principes directeurs de la pensée de Mao sont "le rejet de l'économisme et (en revanche) la prépondérance de la pensée et de la volonté (des individus), la fusion des classes sociales, la progression concordante et intégrée de la structure politico-sociale et de l'activité économique, le refus du gouffre financier nécessaire pour la "modernisation", la lutte contre la création potentielle d'une nouvelle bourgeoisie, le refus de la prolifération des experts et des gestionnaires, la lutte contre la distorsion entre les villes et les campagnes".

Négatif : comme en URSS, la révolution a fait un nombre incalculable de victimes : sous l'argument de la « rééducation », des dizaines de millions de personnes ont été enfermés dans des camps de travail ou exécutés tandis que, à force de propagande, le culte de la personnalité du leader a été poussé jusqu'à son paroxysme. Aujourd'hui encore, les droits de l'homme sont bafoués, l'esprit critique est nié. Le plus grave est que la révolution a fini par se renier elle-même et s'annihiler. Alors qu'à l'origine les communistes s'opposaient au nationalisme, ils sont devenus ultra-nationalistes. Et tout en conservant du communisme les méthodes étatiques autoritaires et une partie de son vocabulaire, le Parti partage désormais avec les pays capitalistes le même idéal de croissance, conduisant la Chine à un saccage de la nature sans commune mesure avec celui commis partout ailleurs.

Les révolutions du tiers monde

Au XVI siècle, les pays européens ont construit leur hégémonie en exploitant de façon forcenée les peuples des autres continents, principalement en Afrique et en Amérique, où l'esclavage a été institué jusqu'au XIX siècle. Dès cette époque, mais surtout au XX siècle, après la Seconde Guerre mondiale, se multiplient des guerres d'indépendance : les peuples soumis se révoltent et confèrent à leurs mouvements le nom de révolution. Ce mouvement de décolonisation conduit le plus souvent au développement des nationalismes, du moins à la volonté de ne dépendre d'aucun autre pays. Mais dans le même temps s'opère un phénomène presque inverse, auquel on donne également le nom de révolution : alors que les États-Unis et l'URSS s'affirment comme les deux principales puissances mondiales, instituant ce que l'on appelle la Guerre froide, certains pays s'alignent sur l'une d'elles. C'est en particulier le cas de Cuba, durant les années 1960, qui se place sous la tutelle soviétique.

L'Afrique

Pour un certain nombre d'intellectuels de gauche, dont le plus connu est Jean-Paul Sartre, les nations qui ont été exploitées par la colonisation constituent l'équivalent du prolétariat chez Marx. De fait, chez bon nombre de politiciens et d'activistes africains (notamment Gamal Abdel Nasser en Égypte, Sékou Touré en Guinée et le martiniquais Frantz Fanon en Algérie), la décolonisation et l'acquisition du statut d'indépendance ont valeur de révolution. Il existe même une certaine communauté d'esprit entre les pays s'engageant dans le processus d'indépendance. Mais celui-ci s'avère vite un échec. « On n'institue pas le socialisme à coup de décrets et la phraséologie révolutionnaire est non pas inutile mais empoisonnée car elle ne résiste pas à l'épreuve des faits » écrit Ellul. « Le socialisme africain est une théorie rassurante : il signifie que rien ne sera changé. Il offre une consolation patriotique à la place des difficultés concrètes du développement », précise Yves Benoît. « Les difficultés ne proviennent pas de structures à renverser (...) mais du fait que le retard technique ne peut être comblé que par un progrès technique, lequel ne s'effectue pas par une voie politique ». "Les peuples africains se trouvent dans une phase précapitaliste. pour devenir « modernes », ils doivent d'abord vivre une mutation sociologique. "L'énorme différence entre la bourgeoisie européenne et la bourgeoisie africaine, c'est que la première s'est constituée (au Moyen Âge) avant de prendre possession de l'État (au XVIII siècle) alors que la seconde prend possession de l'État sans aucune base".

L'Amérique latine

Comme en Afrique, et bien que les pays aient déjà acquis l'indépendance politique, les conditions de vie misérables d'une grande partie des populations résultent directement de la dépendance économique à l'égard des pays industrialisés, notamment les États-Unis, qu'ils fournissent abondamment en matières premières à des prix plus qu'avantageux. "L'intervention des intellectuels provoque dans les couches les plus nécessiteuses une prise de conscience que certains qualifient de pré-révolutionnaire. (...) Il se produit un mouvement social important qui se heurte à des oligarchies de types divers. Ceci est la réédition de ce qui s'est passé en Europe au XIX siècle, mais avec l'apport spécifique d'Amérique laine : violences, émeutes et coups d'état".

Cuba

Che Guevara en 1959.

Fidel Castro en 2003.

Prélude : En 1952, Fulgencio Batista (qui participa à la junte militaire qui dirigea Cuba de 1933 à 1940 puis qui fut président de la république de 1940 à 1944 avec le soutien des États-Unis) prend le pouvoir à la suite d'un coup d'État. En juillet 1953, 120 rebelles attaquent une caserne. La moitié sont tués mais certains, dont Fidel Castro, avocat, et son frère Raúl, sont faits prisonniers. S'exprimant très longuement pour assurer sa défense, le premier fait de son procès une tribune politique. Les deux frères sont condamnés à 15 et 13 ans de prison. En 1954, Batista est élu à la présidence sans opposition. En 1955, en raison de la pression de personnalités civiles et des jésuites qui avaient participé au procès des prisonniers politiques, Batista fait libérer les frères Castro qui partent en exil au Mexique, où ils retrouvent d'autres cubains exilés, dont Ernesto « Che » Guevara, un médecin argentin acquis aux thèses marxistes et qui considère que les inégalités socioéconomiques ne peuvent être abolies que par la révolution. Ils reviennent en 1956 et, avec le soutien d'une grande partie de la population, entreprennent de destituer Batista. En 1958 débute une guerre civile. La classe dirigeante abandonne Batista qu'elle rend responsable de la détérioration de la situation économique et sociale. Du 28 au 31 décembre, le soulèvement est décisif et conduit au renversement du pouvoir.

Les événements Le 1 janvier 1959, Batista s'étant enfui, Cuba est aux mains des rebelles. Le 16 février, un nouveau président est nommé (Manuel Urrutia) et Fidel Castro devient commandant en chef de l'armée puis Premier ministre. Dans les mois qui suivent, Guevara est désigné procureur d'un tribunal qui fait exécuter des centaines de militaires proches du régime précédent. Le pouvoir de Castro ne cesse de croître tandis que « le Che » crée des « camps de travail et de rééducation ». Occupant ensuite différents postes ministériels, il écarte les démocrates, instaure une économie proche de celle de l'URSS et se rapproche du Bloc de l'Est. Mais il échoue dans l'industrialisation du pays. Castro annonce qu'il identifie son régime avec le communisme (étiquette qu'il n'avait pas revendiqué lors de la prise de pouvoir).

La révolution instrumentalisée dans la Guerre froide Les relations avec les deux premières puissances mondiales, les États-Unis et l'URSS, contribuent à infléchir le destin de la révolution cubaine. De par sa proximité avec les États-Unis, Cuba joue en effet un rôle déterminant dans l'affrontement idéologique est-ouest. En janvier 1961, les États-Unis rompent leurs relations diplomatiques avec Cuba. Le 15 avril, 1400 exilés cubains recrutés et entraînés aux États-Unis par la CIA débarquent dans la baie des Cochons tandis que des avions américains peints aux couleurs cubaines bombardent les aéroports et aérodromes du pays, détruisant une grande partie des avions au sol. Mais, deux jours plus tard, cette tentative de coup d'État échoue. En 1962, face à l'embargo des États-Unis contre Cuba, Castro s'allie à l'URSS, ce qui conduit, en octobre, à la crise des missiles de Cuba : des missiles nucléaires soviétiques sont pointés vers les États-Unis depuis Cuba. Les années qui suivent sont marqués par le relâchement de l'affrontement idéologique est-ouest. Quand, en 1967, meurt Che Guevarra, le seul véritable idéologue de la révolution cubaine, la référence du castrisme au marxisme n'est plus qu'un prétexte.

La Caballería, photographie de Raúl Corrales.
La Caballería, photographie de Raúl Corrales.

La réception à l'étranger En France, un grand nombre d'intellectuels tiers-mondistes défendent le régime castriste, en particulier le philosophe Jean-Paul Sartre. Mais en 1970, K. S. Karol et René Dumont publient respectivement Les Guérilleros au pouvoir et Cuba est-il socialiste ?, deux ouvrages critiquant vivement le régime castriste. L'année suivante, Sartre lui-même conteste les méthodes utilisées. Encore à présent, la question de Cuba oppose les sympathisants du régime, qui mettent en avant les réformes sociales (système de santé, éducation, etc.) à tous ceux qui invoquent le non-respect des droits de l'homme.

Critique En 1972, Ellul écrit : "Quand Castro affirme que les États-Unis vont de désastre en désastre, que l'impérialisme sera vaincu à bref délai, qu'il n'y a qu'à établir avec eux un rapport de force, que ce sera ainsi que l'on contraindra les États-Unis à renoncer à leur prétention à la dimension mondiale, on a l'impression qu'il s'agit bien plus d'une haine viscérale contre les Américains que l'expression de ce qu'est réellement l'impérialisme américain. Et c'est cette absence de doctrine qui fait naître de dangereuses illusions". "(Quand Castro déclare) à la Conférence de La Havane (1966) : "La violence révolutionnaire est la possibilité manifestement la plus concrète d'abattre l'impérialisme", il révèle son ignorance concernant la réalité du capitalisme moderne et la solidité de ses organisations. Cette absence de doctrine est l'un des points de vive critique de la part des communistes, y compris les Chinois". Ellul cite alors un communiqué de l'agence Chine nouvelle : "On s'efforce (à Cuba) de populariser des thèses qui négligent la préparation du peuple à la révolution et selon lesquelles une bande de rebelles peut renverser la machine d'État existante, s'emparer du pouvoir et entraîner ensuite le peuple. Cette théorie est fondamentalement fondée sur le romantisme petit-bourgeois et est caractérisée par la négation de la nécessité de la direction du Parti. Cela n'a rien à voir avec la théorie du camarade Mao Zedong qui est fondée sur l'appui total des masses".

Le rejet du mode de vie "bourgeois"

Au XIX siècle, deux phénomènes, l'éclosion des États-nations et l'essor du machinisme, ont contribué à s'imposer dans les mentalités comme des "faits établis". Parce qu'ils n'ont été remis en question que de façon marginale (l'anarchisme, la critique du progrès technique et celle du productivisme restant très minoritaires dans le champ de la critique politique et sociale), ils ont contribué à façonner, dans l'ensemble des sociétés industrielles, un mode de vie axé sur le confort, puisant principalement sa source aux États-Unis (American Way of Life) et dont, essentiellement, la culture de masse et la publicité tiennent lieu d'instruments de propagande. De façon réactive, différents mouvements politiques et/ou sociaux se sont manifestés au XX siècle pour rejeter ce modèle, allant des plus violents (comme le fascisme, dans l'Italie des années 1920, et le nazisme, dans l'Allemagne des années 1930) aux plus pacifiques (comme le mouvement de la contre-culture, principalement aux États-Unis dans les années 1960).

Les révolutions de droite

Dans l'imaginaire collectif, "la droite serait par essence contre-révolutionnaire. Pourtant, à la fin du XIX siècle, apparaissent des mouvements d'extrême-droite d'un genre nouveau. Nés de l'ère des masses, ils souhaitent la création d'un nouvel ordre plutôt que la restauration de l'ancien. Le fascisme et le nazisme, qui ont revendiqué le mot "révolution", en sont les descendants". "Le fascisme et le nazisme ne sont pas des révolutions sociales et politiques au sens d'inversions des rapports de domination sociaux et politiques. Pourtant, ils ont constitué des projets de rupture radicale dans l'organisation des sociétés, la vision de l'homme, le rapport à soi, à l'autre et au groupe, la morale, le rapport au passé. Ils ont de ce point de vue constitué des révolutions culturelles, mises en œuvre sur un temps relativement court grâce à d'extraordinaires appareils de propagande, d'encadrement et d'endoctrinement des masses".

En 1972, dans De la révolution aux révoltes, Jacques Ellul indique en quoi le nazisme constitue une révolution culturelle.

« L'explication marxisante (du nazisme) a fini par s'imposer : 1°) dépression économique, crise monétaire, sept millions de chômeurs; 2°) affolées par la peur de la prolétarisation, les classes moyennes sont prêtes à se vouer à n'importe quoi pour éviter ce gouffre; 3°) voyant s'accroître la menace communiste, le grand capital siffle ses chiens de garde. (...) Cette explication est reposante mais complètement insatisfaisante. (...) En réalité, la crise économique fut une condition de l'avènement d'Hitler, rien de plus (...) et le nazisme fut une révolution culturelle en ce qu'il portait au rouge le mépris souverain contre la société de consommation, contre l'humanisme et la tolérance libérale. C'était une réaction violente d'une affirmation de valeur contre l'anomie du monde occidental.(...) Si l'action a été aussi efficace, c'est qu'elle répondait exactement aux aspirations, à l'attente du peuple allemand. (...) Le nazisme a été la première révolte globale contre la société moderne, non pas seulement contre une structure économico-sociale mais contre l'industrialisme, la bureaucratie, la technicisation de la vie, l'américanisation, l'esprit bourgeois" (...) La crise de la société avait abouti à un triomphe de l'irrationnel et de l'amoralisme. (Finalement), (tout cela) aboutit à la grande triade moderne : État, Nation, Technique. Toute révolution (moderne) aboutit à l'inverse de ce qu'elle a proclamé à ses origines. »

La contre-culture
Drapeaux rouge et noir au théâtre de l'Odéon, occupé par des étudiants et des artistes en mai 1968.
Drapeaux rouge et noir au théâtre de l'Odéon, occupé par des étudiants et des artistes en mai 1968.

Durant les années 1960 se produit aux États-Unis un mouvement social qui s'enracine dans une partie de la jeunesse et s'articule autour de deux axes : d'une part la critique de la société de consommation, laquelle résulte de la forte expansion économique qui marque les trois premières décennies de l'Après-guerre (période des Trente Glorieuses), d'autre part, dans la contexte de la Guerre contre le Viêt Nam, la contestation de toutes les formes de domination : non seulement la domination militaire d'un peuple sur un autre mais aussi le racisme, l'homophobie, la prétendue supériorité de l'homme sur la femme, la domination de l'homme sur la nature, les pressions exercées dans le monde du travail, etc. Cette critique vise donc l'ensemble de la vie quotidienne moderne et les principes moraux et/ou religieux qui la fondent, dictés par la bourgeoisie. Elle fait la promotion de l'égalitarisme et de toutes les formes de liberté. Atteignant son apogée en 1968 (cf les événements de Mai en France) et popularisé par les hippies et les intellectuels de la Beat Generation, ce mouvement de contre-culture défend une notion de la liberté axée sur l'hédonisme et l'absence d'interdits, notamment en matière de sexualité (c'est pourquoi on lui donne souvent le nom de révolution sexuelle). Se démarquant de toute référence à la transcendance (consacrant de fait l'athéisme au rang de "religion officielle") mais aussi de toute référence marxiste, il prône en revanche le libre-arbitre. La chanson Revolution des Beatles (composée et interprétée en 1968 par John Lennon) est à cet égard très révélatrice :

« Tu dis que tu veux la révolution, tu sais bien que nous voulons tous changer le monde (...). Tu me demandes une contribution, tu sais bien que l'on n'a jamais refusé mais si tu veux de l'argent pour ceux qui ont de la haine en tête, laisse moi te dire, mon vieux, que tu peux attendre. (...) Tu dis que tu changeras la constitution mais nous, on veut te changer la tête. Tu dis que ce sont les institutions (qui changent le monde), tu ferais mieux de libérer d'abord ton esprit. Mais si tu continues à porter sur toi des photos de Mao, personne ne te suivra, crois-moi »

La contre-culture se démarque également de toute référence à la transcendance, consacrant par là même l'athéisme quasiment au rang de religion officielle. "Libérer d'abord son esprit" signifie évacuer toute spiritualité, devenir individualiste dans un univers conçu comme étroitement matériel. Il est tout autant révélateur que, deux ans après avoir chanté Revolution, Lennon compose une autre chanson, intitulée God (Dieu), dans laquelle il dit :

« Je ne crois pas en Dieu, je ne crois pas en Jésus, je ne crois pas en Bouddha, je ne crois pas au mantra, je ne crois pas au yoga ... (suit une litanie de noms)... je crois juste en moi, Yoko et moi. »

Les principes égalitaires défendus par le mouvement de la contre-culture ne sont révolutionnaires que superficiellement car dès 19** est voté le Civil Rights Act: ils s'inscrivent plus exactement dans ce que Guy Debord appelle en 1967 "la société du spectacle": la politique est devenue un spectacle dont les manifestations sur scène ont pour but de dissimuler (ou faire oublier) ce qui se joue en coulisses. Par ailleurs, le "bonheur" promu par la contre-culture ne diffère de l'American Way of Life bourgeois que sur le plan de la mode. Comme lui, il est axé sur la notion de confort matériel qui deviendra par la suite le modèle quasi exclusif des occidentaux, avec l'apparition des "nouvelles technologies" (internet, réseaux sociaux, téléphone portable...). Celles-ci procureront aux individus une forte impression de liberté, bien que quelques intellectuels (Ellul, Charbonneau, Anders, Illich...) aient précédemment décelé dans le progrès technique la source d'une aliénation d'un type radicalement nouveau, basé sur le contrôle social, l'intériorisation des contraintes et le conformisme. Le mouvement de la contre-culture relève de l'attitude libérale-libertaire, laquelle fait elle-même le lit de l'individualisme, du libéralisme et du dogme de la croissance. Si la société de consommation est si vivace que plus aucun mouvement social ne la conteste (hormis quelques courants d'idées ultra-minoritaires, tels le mouvement de la décroissance), c'est que le mouvement de la contre-culture a incité les individus (en particulier les jeunes) à s'y conformer en toute bonne conscience et même en entretenant chez eux l'idée qu'elle subvertissait les codes de la bourgeoisie.

Le déclin de l'idéal révolutionnaire en Occident

On ne peut comprendre le déclin de l'idéal révolutionnaire en Occident qu'en le recontextualisant historiquement. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les nations européennes amorcent une phase de reconstruction. L'État joue un rôle décisif pour relancer tant la production que la consommation.

D'une part, il investit massivement dans "la modernisation de l'appareil productif". Tant dans l'agriculture que dans l'industrie, le travail n'est pas seulement de plus en plus mécanisé; avec l'arrivée de l'informatique, il est automatisé. Jacques Ellul affirme que "l'État est par essence technicien" dans la mesure où il contribue fortement à ce que "le travail humain cesse d'être créateur de richesse, comme aux temps de Marx, tandis que ce qui le devient en revanche, c'est la technique".

D'autre part l'État établit un ensemble de réformes visant à générer du confort et stimuler la consommation. Sur un modèle établi par l'économiste britannique William Beveridge, le concept de welfare state (état-providence) se concrétise. Il a pour conséquences l'élévation du niveau de vie des individus (les trois décennies qui suivent la Guerre sont symboliquement désignées sous le nom "Trente Glorieuses") et, de façon corrélée, le déclin chez eux de tout esprit revendicatif. « Pour qu'il y ait révolution, il faut un nom qui désigne l'adversaire. La révolution ne peut se faire que contre quelqu'un. Mais ici, il n'y a personne qui représente la technique, qui soit responsable de la société technicienne. (...) Ce qu'il faut atteindre et vaincre n'a pas de visage. Comment espérer que des hommes agissent dans cette abstraction ? » Ce désinvestissement fait le terreau de la dérégulation (notamment la dérégulation financière), de la déréglementation et - de façon plus générale - du libéralisme. Celui-ci est dénoncé par ses opposants (réunis dans ce que l'on appelle "la gauche") comme un désengagement de l'État du fait qu'il laisse toute "liberté" aux entreprises de guider l'économie. En réalité, l'État reste puissant en tant qu'instance exclusive de légitimation du marché. N'imputant cette responsabilité qu'à ses seuls dirigeants, les militants n'appellent à lutter contre le libéralisme que par l'interventionnisme étatique. Ce en quoi, affirme Ellul, ils "se trompent tragiquement de combat. (...) Ne percevant pas la dimension technicienne de l'État, ils ne font que renforcer eux-mêmes la Technique en tant qu'idéologie". Ainsi la démocratie se vide t-elle de sens et tend à se résumer à un pur exercice de délégation de pouvoir, menant les délégants à "perdre non pas tant le sens des responsabilités que celui de la réalité". Comme vidée de sa substance, la politique est critiquée par Ellul comme une illusion et par Debord comme un pur spectacle.

Chute du mur de Berlin en novembre 1989.

L'informatisation et la robotisation allégeant la pénibilité des tâches, c'est d'abord dans le monde du travail que s'opère l'absence d'esprit critique envers la technique et même que se renforce l'idéologie technicienne. Ellul analyse le mouvement autogestionnaire des années 1970 comme une volonté des ouvriers de s'impliquer dans le fonctionnement des entreprises, ce que le patronat souhaite avant toute chose. Ainsi le syndicalisme sert à renforcer le système productif, aucunement à le contester. Le développement de la technique est tel que celle-ci exerce une forte impression sur l'imaginaire collectif (d'où l'adage populaire : "on n'arrête pas le progrès"). La seule révolution dont les hommes s'accordent à reconnaître aujourd'hui l'existence et la valeur, la "révolution technologique" ou "numérique", s'opère sans qu'ils la contrôlent et le plus souvent contre leurs propres intérêts.

Le "progrès technique étant générateur de confort, il a pour conséquence une certaine mise en veille de l'esprit critique. Même un phénomène tel que la vidéosurveillance n'est généralement pas vécu comme un risque d'atteintes aux libertés individuelles. Jacques Ellul en donne la raison suivante :

« L’homme moderne n’est pas du tout passionné par la liberté, comme il le prétend. Beaucoup plus constant et profond est son besoin de sécurité, de conformité, d’adaptation, de bonheur, d’économie des efforts. Il est prêt à sacrifier sa liberté pour satisfaire ces besoins. Certes, il ne supporte pas une oppression directe. Mais seul lui est intolérable le fait d’être gouverné de façon autoritaire. Cela, non pas parce qu’il est un être libre mais parce qu’il désire commander et exercer son autorité sur autrui. Finalement, il a bien plus peur de la liberté authentique qu’il ne la désire. »

Le consumérisme constitue la cause première de cette "anesthésie de l'esprit critique". Herbert Marcuse démontre que la dénonciation de la société de consommation est factice dans la mesure où, dans leur majorité, les populations des pays industrialisés n'entendent nullement renoncer aux avantages du confort moderne, que ne cessent d'optimiser les nouvelles techniques de production. Il relève en particulier que la classe ouvrière ne constitue plus le "prolétariat" qui, selon Marx, était censé apporter la révolution.

« Le prolétaire, dans les stades antérieurs du capitalisme, était vraiment la bête de somme qui procurait par le travail de son corps. Les nécessités et les luxes de la vie pendant qu'il vivait dans la crasse et la pauvreté. Ainsi, il était un vivant refus de la société. Au contraire, l'ouvrier d'aujourd'hui, organisé dans les secteurs avancés de la société technologique, vit le refus de façon moins perceptible. Comme d'autres, il est en train de s'intégrer à la société technologique. Dans les secteurs où l'automation est la plus réussie, une sorte de communauté technologique semble associer les atomes humains dans leur travail. »

S'il est encore une révolution vivace aujourd'hui, ironisent certains analystes, c'est la "révolution libérale". Il faut alors comprendre le terme "révolution" au sens de "révolution conservatrice". Or ce que "conserve" en premier lieu le libéralisme, c'est le capitalisme. Auteur d'une trilogie consacrée au thème de la révolution, Jacques Ellul considère qu'"il est vain de déblatérer contre le capitalisme, ce n'est plus lui qui façonne le monde mais la machine". Toute révolution est "impossible" dans notre société pour la raison que celle-ci n'est plus "industrielle" mais "technicienne" et que les hommes n'ont pas pris la mesure de cette mutation. Tant que l'on ne la conçoit qu'en termes marxistes, la révolution est proprement inconcevable. Certes, reconnaît Ellul, Marx a raison quand il explique que le capitalisme résiste à la critique du fait d'une fétichisation généralisée de la marchandise. Mais ce qui, au XX siècle stimule toujours plus ce fétichisme, c'est la technique. C'est d'elle que dépend le renouvellement de l'appareil de production des marchandises et c'est elle que l'on sacralise à travers différents vocables (progrès, innovation...), l'exhortation constante à s'adapter au progrès. Celui-ci, pour exister, nécessite une accumulation de capital.

Finalement, affirme Ellul, c'est celle-ci qui doit être fondamentalement contestée par la révolution et non le capitalisme privé, qui n'en est que la variante la plus connue mais qui n'est plus qu'une superstructure en regard de la technique (qui, elle, constitue l'infrastructure de la société). La révolution doit combattre le productivisme, source de prolétarisation et de nuisances environnementales; non pas "le" capitalisme mais tous les capitalismes, y compris le capitalisme d'état, entreprise à laquelle s'est constamment dérobé le socialisme.

Le concept de « révolution nécessaire »

Jacques Ellul emprunte l'expression "révolution nécessaire" au titre d'un livre de Robert Aron et Arnaud Dandieu, qui, durant les années 1930, participèrent, comme lui-même, au mouvement personnaliste. Ayant analysé en détail le processus par lequel les révolutions modernes se sont toutes montrées "contre-productives", Ellul considère que nous n'assistons plus aujourd'hui qu'à des révoltes, des sursauts sporadiques qui, in fine, sont toujours assimilés par la société technicienne. Une révolution reste plus jamais "nécessaire", conclut-il, mais elle ne peut réussir que sur la base d'une démystification totale de la figure de l'État ("Croire que l'on modifiera quoi que ce soit par la voie institutionnelle est illusoire"), d'une désacralisation de la technique - laquelle exige elle-même de chaque individu un sévère examen de soi ("Ce n'est pas la technique qui nous asservit mais le sacré transféré à la technique") - et finalement l'adoption d'une forme de vie ascétique ("Le plus haut point de rupture envers la société technicienne, l'attitude vraiment révolutionnaire, serait l'attitude de contemplation au lieu de l'agitation frénétique"). La révolution nécessaire ne se paie pas au prix du sang versé mais elle exige que chacun qu'il renonce à une part substantielle de son confort matériel : "Si l’on n’est pas disposé à cette ascèse, on n’est prêt pour aucune révolution".

Le concept ellulien de "révolution nécessaire" trouve aujourd'hui un prolongement direct dans le mouvement de la décroissance et dans les cercles de réflexion sur la question de la place de la technique dans les mentalités.

Le XXI siècle

Slogan anticapitaliste sur un immeuble de Prenzlauer Berg à Berlin.

Le début du siècle est marqué par deux moments de contestation politique présentant quelques caractéristiques de ce qui a été précédemment décrit comme "révolutionnaire" : l'altermondialisme, mouvement souvent qualifié de "citoyen" qui, dans les pays occidentaux, rassemble un grand nombre de personnes s'opposant au phénomène de la financiarisation de l'économie (lequel ne cesse de se développer à l'échelle planétaire depuis la chute du communisme) et le "Printemps arabe" qui, depuis 2011, désigne un ensemble de soulèvements populaires contre les régimes en place dans le Maghreb. Mais en définitive, quand il est question de "révolution", c'est surtout de "révolution numérique" dont il est le plus souvent sujet, c'est-à-dire d'un phénomène non plus mené par des citoyens au nom d'idéaux politiques mais par des ingénieurs de multiples spécialités au nom d'un idéal implicite, non formalisé et prescrit dans des manifestes (comme lors des précédents mouvements révolutionnaires), mais qui fait quasi unanimement consensus : le progrès technique.

L'altermondialisme

Slogans altermondialistes lors de la manifestation au Havre contre le sommet du G8 2011 à Deauville.

La charnière entre le XX siècle et le XXI siècle est marquée par la naissance de l'altermondialisme, lequel se construit sur une vague de contestation de l'économisme : la politique n'a plus de prise sur le réel car elle est entièrement façonnée par l'économie, plus particulièrement la finance. Les altermondialistes s'opposent au libéralisme, qu'ils jugent injuste et dangereux. Mais leur diversité est telle qu'il est préférable de parler de mouvance que de mouvement, même si des tentatives de structuration sont faites à travers l'organisation de "forums sociaux", mené tant à l'échelle continentale, comme le (Forum social européen) que planétaire (Forum social mondial).

Au prime abord, l'altermondialiste peut être qualifié de révolutionnaire. Il s'appuie en effet sur deux recommandations de Marx : ne plus s'engager selon des réflexes nationalistes ni sur la base de préceptes idéologiques, comme cela s'est produit avec toutes les révolutions précédentes, mais selon une optique pragmatique, où l'on considère les problèmes "globalement", saisis dans leur interdépendance, et où l'on pense qu'il convient de les résoudre "localement" : "sur le terrain", en fonction des singularités de chaque situation. L'un des slogans altermondialistes les plus célèbres est : "Penser globalement, agir localement".

Toutefois, après des débuts spectaculaires, les altermondialistes ne parviennent pas à se structurer, principalement du fait qu'au nord, on se risque à une critique du développement et qu'au sud, les populations n'aspirent qu'à accéder au développement des pays du nord. Du coup, aucune ligne directrice claire ne se dégage : la "dictature des marchés" est dénoncée mais les contre-modèles sont recherchés le plus souvent dans des recettes keynésiennes, revalorisant la notion d'État sans intégrer les raisons qui conduisent les États à s'aligner, tous, sur le Marché et la productivisme : l'idéologie technicienne. Une carence d'ordre théorique maintient les altermondialistes dans une oscillation entre "esprit de révolte" (que l'action Occupy Wall Street et le mouvement des Indignés symbolisent assez bien) et "esprit réformiste" (principalement caractérisé en France par Attac et ses recommandations keynésiennes).

Cet échec de l'altermondialisme explique que le mot "révolution" est purement et simplement rayé du vocabulaire militant. En France, en 2009, la Ligue communiste révolutionnaire se dissout pour devenir le Nouveau Parti anticapitaliste. Ce changement symbolise à lui seul la situation : les militants ne sont plus en situation que de contester l'ordre du monde sans même pouvoir imposer l'idée qu'il faudrait le transformer. De fait, cette contestation ne se manifeste plus que de manière éparse, sur des motifs très matériels (principalement les revendications pour le maintien du pouvoir d'achat) et sur le registre de l'humeur (mouvement des Indignés, économistes atterrés, etc.). Face au consumérisme qui domine a planète, les célèbres slogans altermondialistes "Le monde n'est pas une marchandise" et "Un autre monde est possible" sont réduits à une fonction exclusivement incantatoire sans jamais trouver à s'incarner dans un véritable projet de société.

Le printemps arabe

Manifestations à Tunis le 14 janvier.

Affiche du NPA en faveur de la Révolution tunisienne de 2010-2011, à Besançon (Doubs, France).

Dans plusieurs pays arabes s'exprime certes une volonté forte de se libérer des carcans que représentaient les dictatures autrefois mises en place avec le soutien des pays occidentaux. On qualifie parfois les événements de 2011 (en Tunisie, en Égypte et en Libye) de « révolutions arabes ». Toutefois, les populations ne parviennent pas à s'entendre autour d'un projet commun car elles vivent un dilemme, partagées entre le goût pour la modernité, dont les pays occidentaux restent le modèle et dont elles ne disposent pas des outils conceptuels pour la critiquer, et le poids de la religion, en l'occurrence les prescriptions coraniques extrêmement contraignantes et inégalitaires.

La révolution numérique

On appelle « révolution numérique » le bouleversement des sociétés apporté par les techniques liées à l'informatique, en particulier Internet. Ce mouvement se traduit par la mise en réseau des individus à l'échelle planétaire via de nouvelles formes de communication (courriels, réseaux sociaux...) et donc une décentralisation radicale dans la circulation des idées. Alors que la plupart des révolutions étaient portées par des leaders, l'avènement du numérique constitue un événement dans la mesure où, précisément, il met un terme à ce processus pyramidal. Il est donc tentant de voir dans la révolution numérique une percée de l'esprit démocratique. En réalité, les informations se multipliant de façon exponentielle et dans toutes les directions (du fait notamment des écoutes téléphoniques et du filtrage d'internet), il se produit une déperdition de l'information qui tend à banaliser, brouiller et/ou détourner le contenu des messages, d'autant que la parole est fréquemment mêlée à tout un flux d'images. L'adage "trop d'information tue l'information" résume cette réalité.

En 2011, durant le Printemps arabe, une thèse circule selon laquelle le renversement du gouvernement de Ben Ali n'aurait pu avoir lieu sans le téléphone portable et les réseaux sociaux chez les contestataires. Elle suscite une controverse : les réseaux sociaux suffisent-ils à renverser un régime? De ce débat, il semble ressortir que l'utilité de ces moyens est indéniable pour initier un mouvement de contestation mais qu'en revanche ceux-ci sont totalement contre-productifs dès lors qu'il s'agit de l'organiser dans la durée. Comment l'expliquer ? Dès 2008, l'essayiste Nicholas Carr a publié un article dans lequel il énonce la thèse suivante :

« Le Net devient un médium universel (...). Les avantages d'un accès instantané à une source d'information si riche sont nombreux et ils ont été largement décrits et dûment applaudis. (...) Mais comme le soulignait le théoricien des média Marshall McLuhan dans les années 60, les média ne sont pas un simple lieu passif de transmission d'information. Ils fournissent la matière des pensées, mais ils en déterminent aussi le processus. Or ce que le Net semble faire, c'est écailler la capacité de concentration et de réflexion. L'esprit s'attend désormais à prendre l'information là où le net la distribue: dans un flux rapide et mouvant de particules. J'étais un plongeur dans la mer des mots. Maintenant je glisse sur sa surface comme un homme sur un jet ski. »

Il est d'usage d'apparenter la révolution numérique à la révolution de l'imprimerie et à la révolution industrielle afin de désigner des mutations de l'humanité qui, à la différence des révolutions classiques, se produisent sans qu'un projet préétabli de façon concertée en soit l'origine. Du coup, l'expression "révolution numérique" n'est-elle pas trop restrictive ? Le phénomène ne constitue t-il pas l'aspect le plus visible de ce que l'on appelle le progrès technique ? Jacques Ellul affirme : "nous ne contrôlons plus le progrès technique car à présent, c'est lui qui gouverne nos actes". Et commentant la citation de Marx "on n'évalue pas une idéologie à ce qu'elle révèle mais à ce qu'elle cache", Bernard Charbonneau affirme : "plus les hommes s'évertuent à croire que la technique est neutre, plus ils neutralisent leur esprit critique à son endroit".

La révolution numérique n'est pas directement, explicitement, politique car les choix ne s'opèrent pas de façon démocratique mais sont établis par des experts mandatés. Ainsi par exemple, en 2013, l'Union européenne soutient financièrement le "Projet Cerveau humain" dont l'objectif est de simuler le fonctionnement du cerveau humain grâce à un superordinateur afin - est-il déclaré - de développer des thérapies plus efficaces sur les maladies neurologiques. Le coût du projet est estimé à 1,19 milliard d'euros mais n'a résulté d'aucune consultation citoyenne. Ce qui fonde la révolution numérique est la "logique" du progrès technique, la politique étant en quelque sorte assignée à se mettre à son diapason, ce que résume l'adage "on n'arrête pas le progrès". À fortiori, elle n'a plus rien à voir avec l'idée de révolte, qui portait toutes les révolutions depuis la Révolution française, ce qui explique en partie le phénomène de la dépolitisation et la "crise de l'engagement". Tout au contraire, elle n'a lieu que parce qu'une majorité d'individus se conforment à l'esprit du temps, celui de l'idéologie technicienne, qui se manifeste désormais dans tous les domaines de l'activité humaine.

L'industrie numérique représente le principal vecteur de la civilisation des loisirs dans la mesure où, affirme Ellul, "l'idéologie du bonheur constitue le fondement de la modernité". L'économie numérique portant l'essentiel de l'économie mondiale et celle-ci étant devenue une économie de marché, elle se présente comme la consécration à la fois du fétichisme de la marchandise analysé par Marx et du dogme de la croissance vanté par les libéraux. In fine, la révolution numérique est une révolution politique au sens où le libéralisme est une révolution conservatrice, allant dans le sens de l'esprit du temps et de l'idéologie du progrès

Théories

Contre quoi faire la révolution ? L'État ? La bourgeoisie possédante ? Le capitalisme ?... Et surtout pour quoi la faire ? Un monde plus égalitaire ? La fin de la lutte des classes ? La disparition du prolétariat ou au contraire sa "dictature" (comme l'avançaient les marxistes-léninistes russes) ?... Ces deux questions sont inépuisables. Ne sont mentionnées ici que quelques lignes de repères.

XVIII siècle

Ce siècle est d'abord celui développement du machinisme, auquel les historiens donnent le nom de Révolution industrielle. Ce phénomène n'a pas été prémédité, il s'est construit de façon improvisée, au fil des découvertes scientifiques et des inventions techniques, plongeant l'humanité dans ce que l'on appelle communément "la modernité" : les individus se présentent comme "autonomes", "émancipés", maîtres de leurs destins, le développement de la science et de la technique les invite à relativiser de plus en plus les valeurs qui étaient les leurs depuis plusieurs siècles et qui étaient véhiculées par la chrétienté. Il les incite à repousser toujours plus loin les limites de la nature, à se créer un environnement de plus en plus "technicisé" (façonné par la technique): l'agglomération urbaine, les chemins de fer qui sillonnent les campagnes, les usines. Du coup, il les contraint à inventer de nouvelles valeurs, en lieu et place des valeurs chrétiennes, comme pour justifier ce changement. La première d'entre elles est "le bonheur". Le terme n'est pas neuf mais, dans le contexte, il prend un sens inédit, celui de "confort matériel". Il n'existe au XVIII siècle aucune "théorie révolutionnaire" mais, selon Jacques Ellul, "l'idéologie du bonheur constitue le ferment de toutes les révolutions à venir".

Adam Smith

Dans la mesure où l'on considère le libéralisme économique comme une "révolution conservatrice", certains écrits de son fondateur, le philosophe et économiste écossais Adam Smith, peuvent rétrospectivement prendre une valeur de manifeste. Dans sa Théorie des sentiments moraux, Smith estime que, du fait que les intérêts particuliers se concilient "naturellement" avec l'intérêt collectif, la liberté laissée à chacun de poursuivre son intérêt particulier favorise le progrès matériel de l'ensemble de la société. C'est pourquoi, conclut-il, "les lois ont pour but la recherche du bonheur individuel en même temps que celle du bonheur collectif".

XIX siècle

La Révolution française ayant abouti en France à l'instauration de l'Empire puis la restauration de la monarchie ; la révolution industrielle générant quant à elle le prolétariat et un développement exponentiel des inégalités sociales, différents penseurs se demandent comment la société pourrait sortir de ce qu'ils considèrent comme une impasse. Sur ce registre, Karl Marx apparaît comme le penseur le plus fécond ; celui, en tout cas dont l'influence sera la plus importante et la plus durable.

Alexis de Tocqueville

La première analyse critique du phénomène révolutionnaire émane de l'historien français Alexis de Tocqueville. Dans son essai L'Ancien Régime et la Révolution publié en 1856, il ne considère pas la Révolution française comme une rupture mais comme l’aboutissement d’un processus engagé depuis des siècles et dont l’achèvement est la centralisation de l’État. Même si Toqueville ne traite que de la Révolution française, ses spéculations permettent de réfléchir à la multiplicité des paramètres entrent en jeu dans tout processus révolutionnaire. Il est en tout cas le seul auteur que mentionne Bernard Charbonneau dans son volumineux ouvrage L'État, soulignant ainsi le caractère à la fois actuel et synthétique de sa critique.

Karl Marx

Le premier grand théoricien de la révolution est le philosophe allemand Karl Marx. Selon lui, la révolution doit s'attaquer à deux ennemis : les infrastructures économiques, autrement dit, l'appareil de production, et l'État, tous deux parce qu'ils sont aux mains d'une classe sociale (la bourgeoisie) qui s'en sert pour assurer sa domination sur une autre (le prolétariat).

Dans Le Capital, il écrit :

« L'industrie moderne ne considère jamais définitif le mode actuel d'un procédé. Sa base est donc révolutionnaire. Au moyen de de machines, de procédés chimiques et d'autres moyens, elle bouleverse les fonctions des travailleurs et les combinaisons sociales du travail, dont elle ne cesse de révolutionner la division établie. »

Citant ce passage, Ellul fait remarquer que Marx a pleinement conscience du fait que le régime capitaliste crée les conditions propices à l'application de la science et de la technique dans la sphère de la production.

En 1871, commentant la Commune de Paris, Marx écrit :

« La Commune ne fut pas une révolution contre une forme quelconque de pouvoir d’État, légitimiste, constitutionnelle, républicaine ou impériale. Elle fut une révolution contre l’État comme tel, contre cet avorton monstrueux de la société (…) Elle ne fut pas une révolution ayant pour but de transférer le pouvoir d’État d’une fraction des classes dominantes à une autre mais une révolution tendant à détruire cette machine abjecte de la domination de classe. »

Maintes fois dans son œuvre, Ellul regrette que ce n'est pas cette radicalité que les marxistes retiendront plus tard de Marx mais le concept de lutte des classes qui était certainement pertinent à son époque mais qui ne l'est plus au XX siècle du fait que ce n'est plus le travail humain qui est créateur de richesse mais la technique.

Les marxistes

En août-septembre 1917, Lénine écrit L'État et la Révolution : la doctrine marxiste de l'État et les tâches du prolétariat dans la révolution, ouvrage interrompu par les événements d'octobre 1917. Il déclare défendre les analyses de Marx et Engels sur la nature de l'État contre ce qu'il considère être une déformation de leur pensée par les théoriciens réformistes de la social-démocratie qui se réclament du marxisme, en particulier Kautsky. L'État y est analysé comme un instrument d'oppression visant à assurer la domination d'une classe sociale sur une autre dans un mode de production donné.

La révolution permanente est un mot d'ordre lancé par Marx puis développé par Trotsky et Parvus pour désigner le processus par lequel la révolution ne s'arrête pas tant qu'elle n'a pas atteint tous ses objectifs. Pour Trotsky, les révolutions de notre temps ne sauraient s'arrêter à des réalisations nationales et bourgeoises : le prolétariat doit s'emparer du mouvement pour entreprendre une révolution mondiale et communiste.

Les anarchistes

L'anarchisme est fondé sur la négation du principe d'autorité dans l'organisation sociale et le refus de toute contrainte institutionnelle. Les anarchistes veulent bâtir une société sans domination, où, économiquement, les individus coopèrent librement dans une dynamique d'autogestion et de fédéralisme. L'idée qu'ils promeuvent, c'est "l'ordre moins le pouvoir". En regard des marxistes, ils ont produit relativement peu d'écrits car ils se focalisent essentiellement sur la pratique. C'est le cas en particulier de Bakounine. Mais ceux dont on dispose sont extrêmement précieux, notamment les Quinze revendications de Kronstadt (février 1921), qui - bien que portant pour la plupart sur des questions très pratiques - peuvent prendre a posteriori valeur de manifeste. Ils défendent la liberté de parole et de la presse, la liberté d'association, la libération des prisonniers politiques, le fait d'interdire à un parti d'avoir le privilège de la propagande de ses idées ou de recevoir la moindre subvention de l'État.

XX siècle

Après la mort de Marx, l'ensemble des théoriciens (dont certains, comme Lénine et Mao, sont également des leaders révolutionnaires) se prononcent par rapport à ses analyses, le plus souvent pour s'en réclamer, les amender et les réactualiser; plus rarement pour en contester la pertinence.

Hannah Arendt

Dans son Essai sur la révolution, en 1963, la philosophe américaine (d'origine allemande) Hannah Arendt (1906-1975) oppose au modèle de la Révolution française et des luttes contre la misère, un ensemble d'événements qui tentent de fonder la liberté. Parmi ces événements, elle retient principalement la Commune de Paris (1871), la révolution hongroise et la révolution américaine. La figure de l'État n'est pratiquement contestée par Arendt, pas plus que n'est critiqué le modèle de vie bourgeois.

Les marxiens

On appelle aujourd'hui marxiens les théoriciens qui, tout en se réclamant de la pensée de Marx se démarquent radicalement du marxisme, considérant qu'il n'est qu'une idéologie parmi d'autres et dans laquelle Marx ne se serait pas reconnu. Ils considèrent que la révolution n'est plus à penser en termes de rapports de classes et de domination et qu'elle ne consiste plus à renverser tel ou tel système; elle est à penser en termes d'aliénation. À la différence des marxistes, qui continuent de se référer au postulat de Marx selon lequel la révolution consiste à se réapproprier les outils de production, les marxiens considèrent qu'il faut repenser la nature même de la production, admettre que la valeur travail est une idéologie qui a été véhiculée par les socialistes tout autant que par les capitalistes et qu'il en a résulté l'idéologie de la croissance. La critique marxienne dépasse donc largement celle du capitalisme et porte sur le productivisme dans son ensemble.

Jacques Ellul

Parmi les marxiens, Ellul est celui qui étudie le plus le concept de révolution. Mais il ne se contente pas de l'étudier; il propose lui-même un nouveau type de révolution. Ceci dès 1935, alors qu'il est âgé de 23 ans et qu'il s'inscrit encore dans la mouvance du courant personnaliste:

« Actuellement, toute révolution doit être immédiate, c'est-à-dire qu'elle doit commencer à l'intérieur de chaque individu par une transformation de la façon de juger (...) et d'agir. C'est pourquoi la révolution ne peut plus être un mouvement de masse et un grand remue-ménage (...). C'est pourquoi encore il est impossible actuellement de se dire révolutionnaire sans être révolutionnaire, c'est-à-dire sans changer de vie. (...) Nous verrons le véritable révolutionnaire non pas dans le fait qu'il prononce un discours (...) mais dans le fait qu'il cesse de percevoir les intérêts de son argent. »

Ellul analyse les grands moments révolutionnaires et les raisons qui les ont conduit aux résultats opposés à ceux attendus. {{non neutre|Trois ouvrages en particulier font de lui le principal théoricien de la révolution en France : - Autopsie de la révolution - De la révolution aux révoltes - Changer de révolution. L'inéluctable prolétariat.

Il considère que la révolution "moderne" (dont la Révolution française est le paradigme) n’est pas une révolte ayant réussi. À la différence de la révolte, viscérale et impulsive, elle s’appuie sur une doctrine qui cherche à s’appliquer au réel. Elle n’a rien de désespéré, au contraire, elle cherche à s’institutionnaliser en suivant une méthode et elle vise toujours un certain ordre. Et cet ordre, c'est la constitution étatique. Le « destin récurrent de la révolution », avance Ellul, c'est qu'elle est « la prise en charge d'une aspiration populaire par une classe dominante : une classe qui, au passage, n'oublie pas ses propres intérêts et qui, ce faisant, finit toujours par trahir l'impulsion populaire initiale ». « Le mouvement de l’histoire non seulement ne précipite pas la chute de l'État mais il le renforce. C’est ainsi, hélas, que toutes les révolutions ont contribué à rendre l’État plus totalitaire. ». C'est pourquoi, conclut-il, « croire que l'on modifiera quoi que ce soit par la voie institutionnelle est illusoire ».

La critique qu'Ellul fait de l'État ne l'apparente ni à l'anarchisme (mouvement qu'il affectionne mais qu'il considère comme utopiste) ni au libéralisme (en lequel il ne voit qu'une idéologie mortifère), raison pour laquelle le politologue Patrick Troude-Chastenet le qualifie d'inclassable et pour laquelle sa réception reste encore assez discrète. Ce qu'Ellul dénonce avant tout dans l'État, c'est sa masse, sa taille écrasante en regard de celle de l'individu.

Ellul n'est pas seulement un théoricien de la révolution, il est aussi - jusqu'à sa mort, en 1994 - un ardent défenseur de l'idée même de révolution. Citant Robert Aron et Arnaud Dandieu, « la révolution est l'émancipation de la personnalité humaine », il affirme en effet : « c'est au travers d'actes révolutionnaires que l'homme se fait, lorsqu'il remet radicalement en question son milieu environnant. Or aujourd'hui, son milieu, c'est la technique » Mais la démystification de la technique passe inévitablemnent par celle de son instance de légitimation : l'État. De la même manière qu'au XIX siècle l'État a légitimé le capitalisme, de la même manière au XX siècle il rend légitime l'idéologie technicienne Or la technique est encore moins reconnue comme idéologie que le capitalisme dans la mesure où les contraintes sont encore plus intériorisées: elle semble indolore et abstraite car il n'y a plus cette fois d'ennemi clairement désigné. Pour contrer l'idéologie technicienne et l'Étatisme, la révolution reste plus que jamais "nécessaire". Mais elle ne peut avoir lieu que si la soif de liberté prend l'ascendant sur la quête de confort matériel (assuré de plus en plus par la Technique) et sur l'esprit de puissance, de rationalité et d'efficacité (que l'État ne cesse de valoriser, à travers la police, l'armée, le contrôle social, etc.). La révolution n'est surtout envisageable que si cette quête de liberté prend la forme, chez les individus, d'une volonté de changer radicalement de style de vie.

Guy Debord

Pour Guy Debord, l’affrontement politique est/ouest (qui naît au lendemain de la Seconde Guerre et qui absorbe la quasi-totalité des intellectuels pendant au moins trois décennies) est un faux débat. Une idéologie ne s'évalue pas en effet au jugé de tel ou tel discours mais de telle ou telle façon de vivre au quotidien. L'idéologie qui nécessite en premier lieu d'être combattue est commune au capitalisme et au socialisme, elle est entièrement axée sur le confort bourgeois et sur les moyens d'y accéder (État, technique, économisme...). Notre monde se dit moderne, il est en réalité archaïque car il se nourrit de ce que Marx appelle le fétichisme de la marchandise: l'immense majorité des humains est aliénée par la consommation, toutes les activités sont marchandisées et le plus grave est que cela semble normal et acceptable. Est par conséquent "révolutionnaire" le fait de renverser cette situation et, pour cela, de démystifier l'idée même de modernité en démontrant que, sous des arguments progressistes, celle-ci est l'incarnation du plus plat conformisme, la conséquence à terme étant l'anesthésie de tout esprit critique. La révolution exige de se dégager du mode de vie bourgeois et des convenances qui, au fond, justifient la société de consommation. Tant que ce n'est pas fait, le monde est voué à n'être qu'un spectacle.

Debord n'est pas le seul à porter sur le monde de l'après-guerre un regard désabusé mais c'est justement pour lui un acte révolutionnaire que d'exprimer ce désenchantement de façon à le convertir en éloge de la liberté : la désaliénation passe par l'analyse scrupuleuse de l'aliénation. La révolution ne s'opère pas tant par le discours que par le comportement, le style de vie, la façon de voir. Elle exige de regarder la ville (la caricature du "monde moderne") de façon détachée, ce que Debord appelle la dérive. Il s'agit ensuite de créer des situations de vie nouvelles. En 1957, Debord prend une part active à la création de l'Internationale situationniste (abréviation : IS), une organisation se situant dans la filiation de pensée d'Anton Pannekoek et Rosa Luxemburg et s'inspirant du communisme de conseils. Le texte fondateur de l'IS, le "Rapport sur la construction de situations et sur les conditions de l'organisation et de l'action de la tendance situationniste internationale", s'ouvre sur ces mots :

« Nous pensons d'abord qu'il faut changer le monde. Nous voulons le changement le plus libérateur de la société et de la vie où nous nous trouvons enfermés. Nous savons que ce changement est possible par des actions appropriées. Notre affaire est précisément l'emploi de certains moyens d'action, et la découverte de nouveaux, plus facilement reconnaissables dans le domaine de la culture et des mœurs, mais appliqués dans la perspective d'une interaction de tous les changements révolutionnaires. Ce que l'on appelle la culture reflète, mais aussi préfigure, dans une société donnée, les possibilités d'organisation de la vie. Notre époque est caractérisée fondamentalement par le retard de l'action politique révolutionnaire sur le développement des possibilités modernes de production, qui exigent une organisation supérieure du monde. »

Debord est radical et sans concession dans ses propos :

« La révolution est à réinventer, voilà tout »

mais ses critiques lui reprochent de ne pas se distancier suffisamment du marxisme et notamment de ne pas se déprendre du concept de lutte de classes qu'ils jugent dépassé. Plus gênant encore est le fait qu'à la différence d'un Ellul, qui préconise par exemple l'ascèse et la contemplation, Debord s'interdit toute approche normative et programmatique, il ne propose en particulier aucune "valeur contre-bourgeoise" sur laquelle construire la révolution. Cette carence contribue non seulement à rendre sa pensée inapplicable mais à l'exposer aux contresens. De fait, le fameux slogan de 68, Vivre sans temps mort et jouir sans entraves reprend l'idée des situationnistes que la révolution est à mener sur le plan de la vie quotidienne mais les libéraux-libertaires la retournent dans un sens étroitement hédoniste qui a pour conséquence de désamorcer durablement toute critique envers la société de consommation.

André Gorz

Au lendemain des événements de Mai 68, le philosophe français André Gorz écrit Réforme et révolution. Il y affirme notamment : « L’avènement du socialisme ne résultera ni d’un aménagement progressif du système capitaliste, tendant à rationaliser son fonctionnement et à institutionnaliser les antagonismes de classe ; ni de ses crises et de ses déséquilibres, dont le capitalisme ne peut éliminer ni les causes ni les effets, mais qu’il sait empêcher désormais de revêtir une acuité explosive ; ni d’un soulèvement spontané des mécontents ; ni de l’anéantissement, à coup d’anathèmes et de citations, des social-traîtres et des révisionnistes. Il résultera seulement d’une action consciente et à long terme dont le début peut être la mise en œuvre graduelle d’un échelonnement cohérent de réformes, mais dont le déroulement ne peut être qu’une succession d’épreuves de force, plus ou moins violentes, tantôt gagnées, tantôt perdues ; et dont l’ensemble contribuera à former et à organiser la volonté et la conscience socialistes des classes travailleuses. » En cela, les positions de Gorz s'apparentent au marxisme mais, en même temps, se démarquent de son orthodoxie par le fait qu'elles valorisent le rôle de la responsabilité individuelle. Mais la fin de sa vie est marquée par un revirement. Dans Misères du présent, richesse du possible (1997) puis L'immatériel (2003), Gorz considère que l'évolution récente du capitalisme est marquée par la disparition de la valeur travail et par l'émergence de l'intelligence en tant que génératrice de richesse. À cette époque, il s'intéresse à la Wertkritik (critique de la valeur), courant intellectuel allemand principalement représenté par la revue Krisis et la personnalité de Robert Kurz, ainsi que par les écrits du sociologue et historien américain Moishe Postone. Dans les deux cas, est réinterprétée la théorie critique de Marx. Gorz considère alors comme révolutionnaire tout changement de mode de vie caractérisé d'une part par une consommation moindre d'énergie, d'autre part (et de façon corollaire) par une réduction drastique de la durée du temps de travail ainsi qu'une redéfinition complète de la notion de travail. La surconsommation d'énergie des uns condamnant inévitablement les autres à la misère et menaçant à terme l'équilibre de la planète, adopter un mode de vie sobre est désormais une nécessité absolue. La révolution, avant de s'inscrire dans des changements institutionnels, passe donc par une prise de conscience de chaque individu et surtout la traduction de cette prise de conscience dans ses actes au quotidien. Aujourd'hui au centre du débat de la décroissance, les analyses de Gorz contribuent à mettre en lien les questions de transformation sociale et d'écologie avec une réflexion sur l'individualisme. Comme celles d'Ellul et de Charbonneau, elles trouvent un prolongement dans le mouvement de la décroissance.

XXI siècle

Malgré les efforts des penseurs marxiens, il n'existe plus au XXI siècle de projet révolutionnaire s'appuyant sur les théories socio-politiques de Marx et l'idée de disparition des classes sociales. En revanche, la « révolution numérique » compte un certain nombre de théoriciens qui se définissent comme transhumanistes et que leurs détracteurs qualifient de « technoprophètes » sans les prendre au sérieux.

Le transhumanisme

Le transhumanisme est un mouvement culturel né aux États-Unis dans les années 1980 (période où le terme "mondialisation" entrait dans le langage courant), prônant l'usage des sciences et des techniques afin d'améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. Quelques futurologues ont alors prédit que les humains seraient un jour capables, grâce au progrès technique, de se doter de capacités considérées aujourd'hui comme surhumaines. Partant de cela, ils ont considéré qu'il importait de ne pas attendre d'être confrontés aux faits et d'élaborer un "projet de société" à l'échelle planétaire.

Même si elles restent encore assez peu connues et si l'on ne s'y réfère pas toujours explicitement, les thèses transhumanistes se concrétisent peu à peu dans le champ politique. Pour la première fois aux États-Unis, lors d'un discours enthousiaste et visionnaire que prononce le président américain Bill Clinton le 21 janvier 2000 au Caltech (Institut de Technologie de Californie) pour présenter son budget "recherche" pour les années à venir, le panneau devant lequel il s'exprime affiche ces mots : Investing in Science and Technology for a strong America (Investir dans la Science et la Technologie pour une Amérique forte). La rhétorique révolutionnaire du XX siècle a disparu mais non pas les fondamentaux : utiliser l'infrastructure pour élever (ou maintenir) un pays au premier rang des nations.

Le projet transhumaniste d'une humanité transformée par la technique suscite de nombreuses réactions, tant positives que négatives. Francis Fukuyama déclare qu'il s'agit de "l'idée la plus dangereuse du monde", ce à quoi l'un de ses promoteurs, Ronald Bailey, répond que c'est, au contraire, "le mouvement qui incarne les aspirations les plus audacieuses, courageuses, imaginatives et idéalistes de l'humanité".

中文百科

革命,指权力或组织结构的根本性改变,这些改变是在相对短暂的时间中发生。人们在改造自然和改造社会中所进行之重大变革。

人们改造自然的重大变革,有技术革命、产业革命等;人们改造社会之重大变革,即社会革命。一般而言,是指由下而上对当前制度进行根本上的变革。社会革命是历史发展之火车头;它最深刻之根源是生产关系和生产力之矛盾。相对于改革,则是由上而下的变革。例如在政治层面上,由下而上以暴力推翻**,创建**,称之为革命,但也有和平革命。当现存之生产关系成为生产力继续发展之严重障碍时,就要求通过革命,改变旧生产关系以及维护这种旧生产关系之旧上层建筑,即改变社会制度,解放被束缚之生产力,推动社会进一步向前发展。相反,由上而下从帝制推行君主立宪制,成立**议会,称之为改革。通常革命较激进剧烈,改革则较保守温和。在阶级社会里,社会革命是阶级斗争之必然趋势和集中表现,通常要使用暴力。

革命与起义或叛乱有本质上的分别,前者目的是为了改变政治制度,著名例子有法国大革命。后两者则为了更换当前的政权,而非制度革新,例子有大泽乡起义和黄巾之乱。因此,严格来说中国第一场真正政治革命是辛亥革命。历史上有过奴隶反对奴隶主之革命、农民反对地主阶级之革命、资产阶级革命和无产阶级革命。

在工业层面上的重大革新,称之为工业革命。通常是指对当前工业或生产模式进行变革,即以新的机器例如蒸汽机取代旧有的人力,提升生产效率。

一般而言,“革命”这个词表示一个政治制度的改变。 而在许多社会科学,特别是社会学,政治学和历史学方面,社会经济革命和政治革命受同等程度的研究。

词源

在汉语中,古代以王者受命于天,故称王者易姓,改朝换代为“革命”。比喻指改朝换代,例如:商汤推翻夏朝,周武王取代商朝的行为称为“汤武革命”。《周易·革卦·彖传》:“天地革而四时成,汤武革命,顺乎天而应乎人。”古代中国人相信上天授权统治者管理天下,乃为“天命”。当统治者失德,不敬天,不法祖,不勤政,不爱民,弄得**人怨,天命就要更改,这就叫“革命”,即“革除天命”。革,变革;命,天命。 革命在政治学上经常相对概念是「改革」。前者是对现行体制推翻或取代,后者则是体制内大规模修改,通常是有系统的计划。 现代“革命”一词,是英语:revolution的对应译名。这个名词源自拉丁语:revolutio,本意为翻转。这个字在13世纪时,成为法语:revolucion,并于14世纪进入英文,成为英语:revolution。

意思

革命可以理解为:一个利益团体为争夺另一个利益团体的利益,从而产生的武装暴力手段。孙中山认为,革命意思与改造是完全一样;先有一建设计划,然后去做破坏之事,这就是革命之意思。

概念

在前工业时代传统思想观念里,由于人、社会与自然都是神所创造,和谐共存,形成一种宁静秩序。如果自由民单方面依赖旁人,并且失去了“德(virtus)”,即个人利益与共同利益的统一,那幺整个社会、单独的团体及个人,都会受到持续存在的corruptio (堕落)的威胁。这就可以回到原点,由“乱”重新回归到“治”。实际上,我们从现代革命运动一直追溯到法国大革命,总是可以看到回归“旧秩序(公正、公平)”这样的要求。今天“revolution”的新含义,是1789年后产生的观点。 “革命”在社会学以及日常口语中,通常表示一种极端、常带有暴力、对现存政治和交际关系社会变革(颠覆)。它由创新者尽可能秘密组织团体发动,并得到大多数人支持。 如果没有极端社会变革,只是由一个组织或者一个紧密联系的关系网发动,且只有较小群众基础,一般称这种行为为政变,或者有军队参与时称为“叛乱”。这时“革命”就成为一种辩解。 “革命”这个概念,还被用于没有在很短时间内发生的社会变革,例如全球范围持续千年的“新石器时代的‘革命’”,或者从英格兰扩展到整个欧洲大陆的,发生于1750到1850年间的“工业革命”,而这个“革命”又成为这段时期各个政治“革命”的前提条件。 孙中山认为,种族革命和政权革命不难,但社会革命则大不易,只有人民从事伟大事业才能实现社会革命。革命是不得已而为,是破坏之事业。 钱穆认为,其实革命本质应是推翻制度来迁就现实,决非推翻现实来迁就制度。我们此刻,一面否定传统制度背后一切理论根据,一面忽略现实环境里一切真实要求。所以我们此刻之理论,是蔑视现实,所想望之制度,也是不设实际。「若肯接受已往历史教训,这一风气是应该警愓排除的」。 蒋经国认为,所谓革命是推翻旧制度,创建新制度,推翻旧不合理,创立崭新合理,所以革命负有创新之任务。「革命者的牺牲,不是毁灭,而是再生。」

延伸词汇

《易经》“天地革而四时成,汤武革命,顺乎天而应乎人,革之时义大矣。”

《国父 孙中山》“革命尚未成功,同志仍需努力”

革命不是请客吃饭

当**成为事实,革命就是义务

法法词典

révolution nom commun - féminin ( révolutions )

  • 1. changement brutal, et parfois violent, de la structure politique et sociale (d'un pays)

    le pays a connu plusieurs révolutions • une révolution qui a profondément bouleversé le pays

  • 2. changement soudain et important (d'ordre économique, moral ou culturel) Synonyme: bouleversement

    les bouleversements de la société entraînés par la révolution industrielle

  • 3. agitation vive et passagère (familier)

    changer l'éclairage a suscité une révolution au village

  • 4. astronomie retour à intervalles réguliers (d'un astre) à un point considéré de l'orbite (de cet astre)

    la révolution de la Terre autour du Soleil

  • 5. mouvement circulaire complet (d'un objet autour d'un axe) Synonyme: rotation

    la révolution d'une roue • surface de révolution

révolution culturelle locution nominale - féminin ( (révolutions culturelles) )

  • 1. changement important des valeurs fondamentales d'une société

    ils ont fait leur révolution culturelle

révolution de Juillet locution nominale - féminin ; singulier

  • 1. histoire insurrection parisienne des 27, 28 et 29 juillet 1830 qui a abouti à l'abdication de Charles X et à l'instauration de la monarchie de Juillet

    la censure de la presse est à l'origine directe de la révolution de Juillet

révolution de palais locution nominale - féminin ( (révolutions de palais) )

  • 1. action menée par des proches d'une autorité en place pour porter quelqu'un d'autre au pouvoir

    un roi victime d'une révolution de palais

  • 2. changement limité dans le personnel dirigeant (d'une entreprise ou d'une institution)

    une révolution de palais agite l'entreprise

en révolution locution adjectivale ; invariable

  • 1. plein d'une agitation vive et passagère

    toute la ville est en révolution

Révolution nom commun - féminin ; singulier

  • 1. histoire période de profondes transformations politiques et sociales qui a eu lieu en France de 1789 à 1799

    la Révolution a fait l'objet de diverses interprétations

  • 2. histoire changement brutal, et parfois violent, de la structure politique et sociale (d'un pays)

    la Révolution française de 1848 • la seconde Révolution d'Angleterre

Révolution culturelle locution nominale - féminin ; singulier

  • 1. histoire grand mouvement de masses dans la Chine maoïste qui visait à la destruction des anciennes valeurs de la vie sociale chinoise

    la Révolution culturelle a fait glisser la Chine dans un chaos total

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