Un solécisme est une erreur de langage qui enfreint les règles de la syntaxe (la forme existe), non celles de la morphologie (c'est alors un barbarisme : la forme n'existe pas). Le mot, issu du latin soloecismus, dérive du nom de la ville ancienne de Soles, en Asie Mineure, parce que, dans l'Antiquité, ses habitants étaient connus pour estropier la langue grecque.
Employé volontairement, par exemple de manière plaisante, le solécisme peut être une figure de style ; en général, au quotidien, c'est une erreur.
Exemples linguistiques
« Se rappeler de quelque chose », pour « se rappeler quelque chose » (le verbe « se rappeler » est transitif direct).
« Il y a trop de circulation que pour pouvoir circuler facilement ». Le « que » est de trop et viole la syntaxe. « Pour » signifie « afin de ». « Que pour » dans ce contexte est donc l'équivalent de « qu'afin de ».
« J'habite sur Paris ». « Sur » signifie « dessus », mais dans cet exemple, il est improprement utilisé dans le sens de « à ». Ce solécisme est surtout répandu en France.
« Après que » suivi du subjonctif là où l'indicatif, mode du réel, s'impose, puisque sont exprimés des faits déjà réalisés dans la temporalité du verbe principal : solécisme très répandu par attraction de la construction syntaxique de « avant que », locution qui elle demande le subjonctif, mode de l'irréel, les faits étant encore non réalisés.
Le non-respect de la concordance des temps, comme dans « Je voulais / voudrais qu'il vienne » au lieu de « qu'il vînt », relève aussi du solécisme, même s'il est aujourd'hui largement répandu, à l'oral comme à l'écrit, et qu'il n'est plus guère ressenti comme une faute de syntaxe. C'est au contraire l'emploi du subjonctif imparfait et plus-que-parfait qui, lorsque ses formes ne sont pas respectivement homonymes à celles du présent et du passé, suscite souvent l'interrogation ou l'amusement (d'autant plus aux deux premières personnes, exemple que je prisse) face à ce qui peut paraître comme, à défaut d'un pédantisme, un purisme marqué, touchant presque au snobisme.
L'emploi du conditionnel présent ou passé au lieu de l'indicatif imparfait ou plus-que-parfait dans une proposition conditionnelle introduite par si : « Si je serais riche, je serais heureux » au lieu de « Si j'étais riche ». Ce solécisme a été immortalisé dans le film de 1962 La Guerre des boutons par la phrase « Si j'aurais su, j'aurais pas venu ».
En philosophie
Il existe une forme de sophisme appelée solécisme. Tous les solécismes au sens philosophique sont des solécismes au sens grammatical, mais l'inverse n'est pas vrai.
Sextus Empiricus, par exemple, décrit ainsi le solécisme dans ses Esquisses pyrrhoniennes (II, 22) :
« [Les dialecticiens disent] qu'un sophisme est un discours plausible et artificieux qui fait en sorte que l'on admet une conséquence fausse ou semblable au faux ou obscure ou inacceptable d'une autre manière. […] Inacceptable d'une autre manière comme les raisonnements appelés solécismes (σολοικίζοντες) : « Ce que tu regardes existe ; mais tu regardes délirant ; donc délirant existe » ; « Ce sur quoi tu portes les yeux existe ; mais tu portes les yeux sur un endroit enflammé ; donc un endroit enflammé existe. »
[…] Pour les derniers raisonnements, ceux qui ont des solécismes, certains [dialecticiens] disent qu'ils sont proposés de manière absurde et contraire à l'usage. »
Sur ce passage, qui peut sembler obscur à un locuteur français du fait de la difficulté de traduire les jeux grammaticaux du grec ancien, Pierre Pellegrin écrit : « Le solécisme consiste en ce que « endroit enflammé », qui est régulièrement à l'accusatif avec « tu regardes », devrait être au nominatif avec « existe ». » Autrement dit, les exemples donnés par Sextus Empiricus jouent sur des ambiguïtés grammaticales afin d'exécuter des déductions logiquement erronées.
Aristote donne de cela un autre exemple dans les Réfutations sophistiques (en 14, 173 b 17 ; et ceci est le fragment A 30 de Protagoras chez Diels-Kranz) :
« Le solécisme, on peut le commettre, paraître le commettre sans le faire, et le faire sans en avoir l'air, si, comme disait Protagoras, on tient μῆνις (la colère) et πήληξ (le casque) pour des masculins : en disant la colère « meurtrière », on fait, selon Protagoras, un solécisme, mais non pour les autres ; et si on dit « meurtrier », on paraît faire un solécisme, mais lui prétend que non. »
En guise d'explication de ce fragment, Jean-Paul Dumont note : « μῆνις et πήληξ sont des mots féminins, à propos desquels on suppose, à tort, qu'ils sont des masculins. »
Plus tôt dans le même ouvrage, Aristote parle ainsi du solécisme et des sophistes :
« II faut se rendre compte, d'abord, de ce que se proposent ceux qui aiment ainsi à lutter de paroles dans des discussions. II y a cinq choses qu'ils peuvent avoir en vue : la réfutation, l'erreur, le paradoxe, le solécisme, et, en cinquième lieu, de faire bavarder celui qui discute avec eux […]. De ces cinq objets, celui qu'ils préfèrent, c'est […] quatrièmement, de le forcer à commettre un solécisme, c'est-à-dire de contraindre par leur raisonnement celui qui répond, à parler comme un véritable barbare […]. »
Le solécisme trouve donc bien racine dans la grammaire, mais en l'occurrence il ne s'y limite pas. Ainsi :
« Le solécisme est en quelque sorte pareil aux réfutations qui sont exprimées semblablement, pour des choses qui ne sont pas semblables ; car de même qu'il arrive alors que la réfutation porte sur les choses mêmes, il arrive aussi que le solécisme ne porte que sur les mots ; car homme et blanc sont à la fois et une chose et un mot. »
Autrement dit, le solécisme sophistique advient lorsqu'un solécisme grammatical (portant sur les mots) laisse croire à quelque chose concernant les choses désignées par ces mêmes mots.