La miséricorde est une « forme de compassion pour la misère d'autrui » qui, par extension, peut définir une « générosité entraînant le pardon, l'indulgence pour un coupable, un vaincu ».
Étymologie
Du latin "miseris cor dare", «donner le cœur aux indigents», à ceux qui ont besoin, à ceux qui souffrent.
Ce terme est répertorié en français au XII siècle dans le Psautier Oxford pour signifier la « bonté par laquelle Dieu pardonne aux hommes ».
Théologie
Dans le champ lexical catholique, la miséricorde est une bonté qui incite à l'indulgence et au pardon envers une personne coupable d'une faute et qui s'en repent.
En théologie, la miséricorde divine est la bonté de Dieu qui lui fait pardonner les fautes des hommes, et renouveler l'homme dans sa dignité, pour qu'il puisse se relever et que puisse s'accomplir en lui le dessein d'amour de Dieu qui l'a créé pour le bonheur. Les hommes sont eux aussi invités à pratiquer la miséricorde, car, créés par Dieu, leur cœur est à l'image du cœur de Dieu. Ils ont cependant besoin de recevoir la miséricorde pour devenir capable d'être miséricordieux, selon leur vocation profonde.
La miséricorde de Dieu apparaît tout au long de la Bible. Dans l'Ancien Testament, Dieu montre sa miséricorde à de nombreuses reprises, tout au long des récits du livre de la Genèse, dans les livres de Jonas, Isaïe, Osée, ... Le Psaume 136 est un bel exemple de l'étendue de la miséricorde divine déjà révélée : "Louez l'Éternel, car il est bon, Car sa miséricorde dure à toujours !". Le Nouveau Testament donne une place d'honneur à la miséricorde ("Allez, et apprenez ce que signifie: je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices. car je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs.", Mt 9.13), et bien sûr dans le sacrifice du Christ pour les péchés de l'humanité, acte suprême de pardon accordé à des hommes qui ne le méritent pas.
Bien qu'ayant adouci la religion catholique par rapport à la religion juive, la miséricorde fut parfois critiquée parce qu'elle banalise les fautes. Ainsi les protestants s'opposent à une interprétation trop large de la miséricorde et aux absolutions trop faciles des fautes telles qu'ils supposent qu'elle est pratiquée dans la religion catholique.
Cependant la doctrine officielle de l'Église catholique a une vision beaucoup plus profonde de la miséricorde, particulièrement bien explicitée par Jean-Paul II, dans plusieurs encycliques et surtout Dives in misericordia, à partir d'une très belle méditation sur la parabole du fils prodigue.
Ancien Testament
Le mot hébreu rah'amim (רחמים) désigne d'abord le sein maternel, puis la tendresse qui en est issue, tendresse miséricordieuse. Il s'agit d'un « pluriel de plénitude » du mot rehem « ventre maternel ». Ce mot désigne les entrailles de Yaweh, les entrailles du Seigneur, issues du sein maternel (rehem « matrice, utérus »), donc la tendresse maternelle de Dieu pour son peuple et ses enfants, pour les petits et pour les pauvres. L'image de la tendresse maternelle est à la racine de la miséricorde divine dans l'Ancien Testament : « Éphraïm est-il donc pour moi un fils si cher, un enfant tellement préféré, pour qu'après chacune de mes menaces je doive toujours penser à lui, et que mes entrailles s'émeuvent pour lui, que pour lui déborde ma tendresse ? (Jérémie 31,20) » . Ce mot exprime aussi le sentiment d'attachement d'un être à un autre, d'où, par extension, la compassion pour cet autre, la miséricorde.
Nouveau Testament
Le débiteur impitoyable, gravure de Jan Luyken, XVII siècle.
Rembrandt, le Bon Samaritain
Ce même mot est traduit en latin par Misericordia, il est cité par la Vierge Marie dans le Magnificat alors qu'elle porte l'enfant Jésus dans ses entrailles : « Miséricorde promise à nos Pères, pour Abraham et sa race à jamais » . Dans le Christianisme, l'accent est mis sur le Cœur de Dieu et non plus sur ses entrailles. Le mot latin misericordia vient de miseria (misère, malheur) et cor (cœur) : avoir le cœur rempli de misericorde signifiait plein de compassion, sensible au malheur . Le Cœur de Dieu rempli de tendresse pour les hommes dans la personne de Jésus, le verbe incarné, qui professe un enseignement fondé sur la miséricorde (paraboles du Bon Samaritain, du débiteur impitoyable (Mt 18, 23-35) : « Heureux les Miséricordieux il leur sera fait miséricorde » (Matthieu. 5.7). Ainsi l'Église catholique salue Marie comme "mère de Miséricorde" dans de nombreux Hymnes dont le plus célèbre est le Salve Regina.
Sainte Faustine Kowalska
L'image de la miséricorde selon les apparitions de sainte Faustine – Jésus, j'ai confiance en Toi
Au XVII siècle, le culte du Sacré-Cœur accompagne la dévotion à la Miséricorde Divine issue du Cœur de Dieu. Au XX siècle, les apparitions du Christ miséricordieux de Sainte Faustine Kowalska répandent l'esprit évangélique de la miséricorde divine comme plus grand attribut de Dieu dans les consciences catholiques après des siècles marqués par le jansénisme. Jésus lui donna le message pour l'humanité, avant la fin du monde. Les humains doivent se confier à la bonté de Dieu et avoir de la miséricorde les uns envers les autres. Ainsi, ils recevront le pardon des péchés et des peines. À la suite de cela, Jean-Paul II a institué le dimanche de la divine Miséricorde en l'an 2000.
Les œuvres de Miséricorde
Il y a sept œuvres de miséricorde corporelle, qui ont leur source dans la Bible et se sont ensuite concrétisées dans des institutions et pratiques très anciennes de l'Église. Le terme grec désignant l'œuvre de miséricorde, eleemosyna, est à l'origine du mot "aumône" (et aumônier).
Le Caravage, Madone des pèlerins
Miséricorde corporelle
Nourrir les affamés
Abreuver les assoiffés
Vêtir les personnes nues
Accueillir les étrangers, les pèlerins, et les gens dans le besoin
Visiter les malades
Annoncer la bonne nouvelle aux prisonniers et aux captifs (anciennement rachat des captifs)
Enterrer les morts (XIII siècle)
Miséricorde spirituelle
Conseiller ceux qui en ont besoin
Instruire les ignorants
Exhorter les pécheurs
Consoler les affligés
Pardonner les offenses
Endurer les injures avec patience
Prier pour le prochain et pour les morts / supporter les défauts des autres
Bibliographie
Jean-Paul II : Dives in misericordia Encyclique sur la miséricorde divine, 1980. Consultable sur le site du Vatican
Ralf van Bühren : Die Werke der Barmherzigkeit in der Kunst des 12.–18. Jahrhunderts. Zum Wandel eines Bildmotivs vor dem Hintergrund neuzeitlicher Rhetorikrezeption (Studien zur Kunstgeschichte, vol. 115), Hildesheim / Zürich / New York: Verlag Georg Olms 1998. ISBN 3-487-10319-2
M Robert Le Gall : Miséricorde. 2009. 98 p..