L'ivresse (ou l'ébriété) correspond à un état d'exaltation correspondant à une excitation intellectuelle et physique, un trouble de l'humeur ou une incoordination des mouvements généralement dû à une ingestion massive d'alcool (éthanol) ou d'une autre substance toxique, pouvant entraîner à terme une inconscience prolongée. L'ivresse alcoolique est à distinguer de l'ivresse des profondeurs avec laquelle elle est souvent confondue, mais qui est due à un excès d'azote dans les tissus.
Dans le langage courant, le terme connaît une acception plus large (hybris) : il est notamment question d'ivresse du pouvoir, ivresse de l'argent, ivresse du jeu, etc., puisque cet état d'excitation typique n'est pas seulement lié à la prise de substances mais plutôt à la production d'hormones (endorphine par exemple) par le corps à la suite de la prise de ces substances, production qui peut être induite par d'autres processus tels que les émotions fortes, la danse, la transe ou le jeûne.
Ivresse alcoolique
Infirmerie d'un concert de rock, salle de dégrisement
Le terme « ivresse » désigne une intoxication plus ou moins aiguë due à l'ingestion d'alcool (vins, bières, alcools dits « forts ») par un individu.
L'ivresse alcoolique peut se définir suivant trois phases successives :
Un état d'euphorie et d'excitation caractérisées par une désinhibition due à une sensation de facilité intellectuelle et/ou à la libération des tendances sociales imposées rejoignant celles nommées instinctives ; désinhibition qui peut faire faire prendre des risques sans commune mesure avec l'état de l'être qui l'éprouve, en donnant une appréciation sensiblement erronée de la situation réellement vécue.
L'état d'ivresse proprement dit, est identifiable selon les troubles sensito-moteurs qu'il cause : perte de la coordination motrice (démarche titubante, paroles hésitantes et/ou incompréhensibles, voire incohérentes). Cet état se manifeste aussi par des signes cliniques tels que pupilles dilatées, nausées, vomissements ou diarrhée.
Un état léthargique où il n'est pas rare que la personne sombre dans le sommeil.
Cet état léthargique peut parfois évoluer en coma éthylique : le stade de l'ivresse proprement dit est alors dépassé et il est alors question d'intoxication alcoolique aiguë ou pérenne.
Il est très difficile de donner une indication des dosages d'alcool pouvant correspondre à ces divers états, car les doses sont très variables selon les individus et selon un grand nombre d'autres facteurs : état physiologique de la personne (corpulence, antériorité, histoire), son état affectif, son but vital, la corroboration de l'ambiance sociale.
Après l'ivresse survient un état d'épuisement, de fatigue plus ou moins douloureux (sur ce point, la forme ingérée de substance alcoolique n'est pas dépourvue d'importance) souvent appelé familièrement « gueule de bois », caractérisé par un fort mal de crâne principalement lié à une déshydratation de l'ensemble du corps à la suite de cette intoxication. Après avoir bu de l'alcool, il faut boire beaucoup d'eau. En effet, la consommation d'éthanol bloque la production d'hormone antidiurétique, la production d'urine étant de fait plus importante que l'apport en eau.
Les symptômes de la « gueule de bois » incluent :
la sécheresse buccale appelée familièrement « bouche pâteuse » ;
le mal de tête appelé familièrement « casquette » ou « mal de cheveux » ;
la nausée ;
la sensibilité ou irritabilité à la lumière et surtout au bruit.
Diverses conceptions culturelles
Ivre
Chez les Romains, Bacchus est le dieu de l'ivresse. Dans la mythologie grecque, les Centaures symbolisent l'ivresse.
Beaucoup de religions découragent, modèrent ou interdisent la consommation de l'alcool éthylique. Les bouddhistes s'abstiennent de consommer de l'alcool pour éviter de nuire involontairement à d'autres (caractéristique de l'ivresse dite « irresponsable » : prétexte d'ivresse alcoolique pour faire n'importe quoi.)
L'islam interdit la consommation du vin et d'alcool en général : « Ils t'interrogent sur le vin et les jeux de hasards. Réponds : “Dans chacun d'eux, il y a un grand péché et quelques avantages pour les gens ; mais dans les deux, le péché est plus grand que ne l'est l'utilité” » (Sourate 2 verset 219). Selon ses critères, comme dans le bouddhisme, l'islam évite toute nuisance susceptible d'atteindre à l'intégrité d'autrui, tout autant qu'à soi-même.
À l'exception de certains groupes néo-protestants, les églises chrétiennes n'interdisent pas l'alcool : en référence à Noé et Lot enivrés, et au « sang du Christ », elles en modèrent l'usage. L'excès de consommation est considéré comme le péché capital de gourmandise. Dans un capitulaire en 812, Charlemagne interdit l'ivrognerie aux prêtres. En 1256, saint Louis limite l'accès aux tavernes et cabarets aux voyageurs. Néanmoins à l'époque médiévale et moderne, les municipalités offrent des fontaines de vin, sorte d'évergétisme hérité de l'Antiquité. Rabelais, adepte de la pensée néoplatonicienne voit dans le « vin divin » un médiateur mystique. Certains médecins (de cette époque et jusqu'au milieu du XVIII siècle) recommandent le principe hippocratique de s'enivrer une fois par mois pour redonner la santé en rééquilibrant les humeurs.
En France, les autorités civiles pénalisent l'ivresse et l'ivrognerie dès le XVI siècle : François I publie le 31 août 1536 un édit dans lequel l'ivresse devient un crime secondaire et intermédiaire, avec la peine d'essorillage voire de bannissement en cas de récidive. Néanmoins cette rigueur royale inapplicable est en butte aux juridictions locales, aussi se tourne-t-elle dès le milieu du XVI siècle vers des condamnations indirectes : sanctuarisation du dimanche comme jour du seigneur avec interdiction d'ouverture des débits de boissons, limitation des « joyeusetés », création d'heures d'ouverture et de fermeture des débits de boissons.
À partir du XVII siècle avec le développement de la notion d'« honnête homme », savants et philosophes comme Pierre Bardin voient dans l'ivrognerie un « vice grossier et brutal » : elle trouble le jugement de l'homme, le rabaisse au rang de l'animal, crée des dépenses ruineuses pour le royaume et la famille, l'homme allant s'enivrer dans les cabarets ou lors des jours d'oisivetés. Parallèlement, l'opposition médicale à l'excès d'alcool se développe : le médecin Jean Mousin est le premier à s'intéresser à cette question dans Discours de l'ivresse en 1612. Cette condamnation morale se poursuit au XVIII siècle même si les artistes voient dans l'ivresse créative une source de leur inspiration (« In vino fertilitas »). De nombreuses Ligues de tempérance se développent au XIX siècle en simultanéité avec la révolution industrielle.
Parmi les stéréotypes culturels liés à l'ivresse, certains, d'origine militaire (cosaques) ou même universitaire (bizutage) considèrent la capacité à boire de grandes quantités d'alcool comme un rite de passage ou une marque de virilité, essentiellement définis selon les critères machistes. Dans les sociétés occidentales, le fait de refuser de consommer de l'alcool au cours d'une ambiance festive (bar, soirée, etc.) peut, parfois, être perçu comme une façon de « casser l'ambiance ». Cette attitude peut mener à l'alcoolisme par mimétisme et manque de détermination. Depuis la fin du XX siècle, le phénomène des « ivresses express » (binge drinking) est apparu.
Remèdes
De nombreux remèdes et coutumes existent pour tenter de contrer la « gueule de bois ». En Grèce antique, on pensait qu'il suffisait de mettre un morceau d'améthyste dans le verre ou dans la bouche alors qu'un individu buvait pour empêcher l'ivresse ; le nom de la pierre vient de « a-methyst », qui signifie « non intoxiqué ». C'est l'un des nombreux remèdes qui ne fonctionnent pas, la plupart ayant pour effet d'aggraver la situation.
L'un des meilleurs exemples est le café. Même si celui-ci rend la personne plus lucide grâce à ses propriétés excitantes, il accélère l'absorption de l'éthanol par l'estomac, et cause donc encore davantage de « dégâts ». Puisque le mal de tête engendré par une consommation excessive d'alcool est dû à la déshydratation, le meilleur des remèdes consiste à s'hydrater en buvant beaucoup d'eau ou un bouillon pour compenser la perte des minéraux. Le foie éliminant l'alcool à raison de 0,1 g/h, le temps est un bon remède.
Législation
De nombreux pays possèdent une législation qui impose une réglementation de la vente et de l'approvisionnement en alcool, incluant souvent une restriction pour les personnes âgées de moins 16, 18 ou 21 ans selon les pays ou pour les personnes manifestement ivres.
De nombreux pays possèdent une législation plus ou moins sévère réprimant l'ivresse sur la voie publique, au volant ou les deux.
Ivresse cannabique
L'ivresse cannabique a été décrite par Moreau de Tours (un aliéniste) en 1845 ; comme l'ivresse alcoolique elle varie en fonction de la quantité de produit consommée et de la physiologie propre de la personne.
Elle se définit par quatre phases successives :
un état d'euphorie amenant une désinhibition, une sensation de bien-être et d'empathie ;
un état confusionnel, caractérisé par une sensation de développement des pe****tions pouvant conduire aux hallucinations et des perturbations spatio-temporelles pouvant conduire à des psychoses aiguës (bad trip) ;
un état d'extase caractérisé par une certaine apathie ;
un état de retour à la normale, le plus souvent caractérisé par un sommeil profond.
L'état confusionnel est souvent considéré comme étant le stade de l'ivresse proprement dite. S'il dégénère en bad trip, il est souvent accompagné de signes cliniques comme nausées, maux de tête ou vomissement. Il est alors question d'intoxication aiguë au cannabis.
Autres types
Si une ivresse résulte de l'absorption d'un produit, elle présente généralement des signes caractéristiques au produit absorbé. Ces exemples incluent :
L’ivresse à l’éther et aux autres solvants organiques (colle, Tipp-Ex, etc.) : caractérisée par des hallucinations et des perturbations spatio-temporelles amenant un état confusionnel ;
Les ivresses dues aux produits industriels (pétrole, disulfure de carbone) ;
Les ivresses muscariniennes ;
l'ivresse des profondeurs survenant en plongée sous-marine, lorsque la pression partielle d'azote devient trop importante, et causant des troubles du comportement.