L'égalitarisme est une doctrine politique prônant l'égalité des citoyens en matière politique, économique et/ou sociale, selon les contextes. Dans le sens vulgaire, l'égalitarisme désigne plus particulièrement la doctrine qui a pour valeur politique suprême l'égalité matérielle de tous.
Polémique
Arguments favorables
L'égalité est le fait de considérer que chaque être humain est égal, qu'importe sa religion, son sexe, son orientation sexuelle, etc. L'égalitarisme est le fait de reconnaître les différences qui existent chez l'autre sans le discriminer pour ses différences. Ainsi, chaque être humain doit avoir les mêmes droits et devoirs au sein de la société.
Les distinctions ne doivent être fondées que sur l'utilité sociale (Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789). Par exemple, une personne âgée de moins de 18 ou 19, ou 21 ans ne détient pas le droit de vote (selon son pays d'origine).
L'égalitarisme autorise les discriminations, dès lors qu'elles ont pour but de parer les inégalités de fait, comme ce fut le cas de la loi sur la parité de 1999 en France. On parle alors de discriminations positives.
Pour Karl Popper dans La société ouverte et ses ennemis, « l’égalitarisme veut que tous les citoyens soient traités impartialement, sans qu’il soit tenu compte de leur naissance, de leurs relations ou de leur fortune. En d'autres termes, il ne reconnaît aucun privilège naturel... ». L'égalitarisme est dans ce contexte la doctrine qui considère que les hommes sont de nature égale et conduit à traiter tous les hommes également.
Arguments défavorables
Pour ses détracteurs, l'égalitarisme est philosophiquement le refus de l'altérité, donc la recherche de l'Un, soit de l'Unité, niant la complexité et les contradictions inhérentes à la vie. Pour eux, l'égalitarisme est une atteinte à la liberté, en empêchant l'humain de s'élever et le réduisant en l'avalant dans une masse, en allant à l'encontre de ses aspirations naturelles d'excellence, de ce qui s'apparenterait à de l'individualisme.
Ils voient dans l'égalitarisme, une source de nivellement par le plus petit facteur commun, qu'ils qualifient de médiocratie. Les régimes élitistes combattaient l'égalitarisme.
Les arguments défavorables sont principalement économiques. Si l'égalitarisme préconise une redistribution de l'ensemble de la richesse à l'ensemble des individus, l'investissement et le travail perdent tout intérêt en tant que moyen pour un individu d'améliorer ses conditions de vie. En effet, ceux qui généreront plus de richesse que la moyenne se verront privés de la différence au profit des individus créant moins de richesse que la moyenne. De la même manière, dans un système égalitariste, moins un individu génère de richesse, plus son gain personnel lors de la redistribution sera élevé par rapport aux autres individus.
Faisant disparaître toute possibilité d'améliorer sa situation par le travail et l'investissement, l'égalitarisme conduirait ainsi à une société dont la production de richesse totale diminuerait constamment, diminuant ainsi le montant redistribué à chaque individu. Cette baisse des revenus individuels ralentit alors la dernière source possible de croissance économique qu'est la consommation (l'investissement et le travail ayant progressivement disparu).
À long terme, l'égalitarisme mène donc à une création de richesse et à des rentrées fiscales qui tendent vers zéro, donc à une redistribution nulle et l'égalité de tous les individus. Les détracteurs de cette doctrine reconnaissent donc que sa mise en application permet de réaliser son objectif initial d'égalité parfaite entre tous les citoyens, mais dans l’extrême pauvreté.
Les totalitarismes du XX siècle se sont violemment opposés à « l'égalitarisme » : Hitler a dénoncé l'égalitarisme, et Staline a dénoncé « le nivellement ‘’gauchiste’’ dans le domaine des salaires » (1931).
Égalité hommes-femmes et collectivités territoriales
Le Conseil des Communes et Régions d’Europe (CCRE) travaille, via sa commission des élues locaux et régionaux à la promotion de l'égalité hommes-femmes dans les processus de prises de décision. Il a notamment lancé en 2006 une charte pour l'égalité femmes-hommes. Le but de cette charte consiste à inciter les élus locaux et régionaux à s'engager publiquement à appliquer dans leur municipalité les mesures reprises dans la charte. Quelque 1000 collectivités territoriales en Europe l’ont déjà signée.
Égalitarisme et justice
Selon cette conception de la justice, les ressources devraient être distribuées de façon que tout le monde en possède la même quantité. Cette conception de la justice évacue donc la subjectivité de la valeur de la sphère économico-politico-sociale, chacun étant libre à titre privé d'avoir d'autres valeurs que la possession matérielle. Elle a besoin, concernant la sphère politique et sociale, d’imposer une échelle de valeur à tout le monde. Cette conception de la justice sociale est donc essentiellement matérialiste et ramène tout à des mesures quantitatives, mais laisse à chacun, à titre privé, le soin de choisir comment mener sa vie.
L’égalitarisme a aussi tendance à être un égalitarisme relatif. Il vaut mieux que deux personnes ne gagnent rien qu’une des deux gagne un peu plus ; il vaut mieux deux personnes ayant de quoi vivre décemment plutôt qu'une riche et l'autre misérable.
L’égalitarisme doit aussi spécifier l’aspect temporel : pendant quelle période de temps, l’égalité des ressources matérielles est-elle valable ? Il paraît juste que chacun commence dans la vie avec des ressources équivalentes afin de pouvoir montrer son mérite personnel. On peut obtenir une telle égalité de départ en augmentant les droits de succession de manière à redistribuer l'argent à ceux qui, étant nés pauvres, n'en sont pas moins méritants (bourses...). Différentes conceptions existent : l'argent n'est redistribué qu'au début de la vie, puis on laisse la distribution des ressources se répartir selon les choix faits par les individus ("starting-gate" théorie) ou bien la distribution est imposée constamment.
Cette conception de la justice a les caractéristiques suivantes:
elle exclut le caractère subjectif de la valeur de la sphère économique et sociale;
elle est matérialiste, mais permet de dégager du temps pour les activités spirituelles;
elle est arbitraire sauf à définir justement quels sont les besoins de chacun;
elle réduit la liberté des gens qui possèdent beaucoup puisqu’on leur impose ce qu’ils peuvent posséder, mais elle augmente la liberté de ceux qui sans l'égalitarisme n'auraient rien possédé;
elle ne prend pas en compte le mérite des gens : celui qui travaille plus n’a pas forcément plus; cependant, elle permet à des personnes a priori condamnées à la misère de montrer leur valeur.
Selon les théories du bien-être social, d’autres distributions de ressources interdites par cette conception de la justice permettraient néanmoins aux gens d’être plus heureux.
Bibliographie
Christian Arnsperger et Philippe Van Parijs, Éthique économique et sociale, La Découverte, 2003 (ISBN 978-2-7071-3944-3)
Rodrigue Bélanger (dir.), L'égalitarisme en question, Éditions Fides, 1994, 238 p. (ISBN 9782762117332)
Jean-Pierre Gross, Egalitarisme jacobin et droits de l'homme, 1793-1794 : la grande famille et la terreur, Arcantères Histoires, coll. « Histoires et émancipations », 2000, 554 p. (ISBN 9782843420139)