Le mouvement dada ou dadaïsme est un mouvement intellectuel, littéraire et artistique qui se caractérise par une remise en cause de toutes les conventions et contraintes idéologiques, esthétiques et politiques.
Dada est issu d’une filiation expressionniste et sa véritable naissance est le Manifeste littéraire, publié sous forme de tract, en février 1915, à Berlin, par Hugo Ball et Richard Huelsenbeck. Ceux-ci, en se déclarant « négationnistes », affirment : « Nous ne sommes pas assez naïfs pour croire dans le progrès. Nous ne nous occupons, avec amusement, que de l’aujourd’hui. Nous voulons être des mystiques du détail, des taraudeurs et des clairvoyants, des anti-conceptionnistes et des râleurs littéraires. Nous voulons supprimer le désir pour toute forme de beauté, de culture, de poésie, pour tout raffinement intellectuel, toute forme de goût, socialisme, altruisme et synonymisme. » C’est à partir de ce texte que s’esquisse la position spécifique de dada.
Dada connaît notamment une rapide diffusion internationale. Dada met en avant un esprit mutin et caustique, un jeu avec les convenances et les conventions, son rejet de la raison et de la logique, et marque, avec son extravagance notoire et son art très engagé, sa dérision pour les traditions. Les artistes de dada se voulaient irrespectueux, extravagants, affichant un mépris total envers les « vieilleries » du passé. Ils cherchaient à atteindre la plus grande liberté d'expression, en utilisant tout matériau et support possible. Ils avaient pour but de provoquer et d'amener le spectateur à réfléchir sur les fondements de la société. Ils cherchaient également une liberté du langage, qu'ils aimaient lyrique et hétéroclite.
Hugo Ball en costume cubiste au Cabaret Voltaire
Historique
Naissance du dada
Le déclenchement de la Première guerre mondiale a transformé la capitale de la Suisse alémanique qu'était Zurich, en berceau d'un mouvement artistique inédit dont le « nom écrin » dada fut trouvé dans des circonstances légendaires et controversées en février 1916.
Début 1916, Hugo Ball, écrivain, traducteur de littérature française (Henri Barbusse, Léon Bloy, Arthur Rimbaud) et dramaturge allemand, exilé depuis 1915 et sa compagne Emmy Hennings, poète et danseuse, fondent le Cabaret Voltaire et en annoncent l'ouverture, dans la presse zurichoise, pour le 2 février. Ils invitent les « jeunes artistes et écrivains dans le but de créer un centre de divertissement artistique, […] à [les] rejoindre avec des suggestions et des propositions. »
Hugo Ball a l'idée de mêler la tradition des cabarets parisiens de la fin du XIX siècle avec l'esprit du cabaret berlinois d'avant-guerre, sous la figure emblématique de Voltaire dont il admire l'opposition à la religion. Quelques jours auparavant, Marcel Janco, à la recherche d'un travail, passe dans la Spiegelstrasse, située dans le quartier malfamé de Zurich. Il entend de la musique sortir d'une boîte de nuit et « découvre un personnage gothique jouant du piano. » C'était Hugo Ball. Quand ce dernier apprit que Janco était peintre, il lui offrit les murs du cabaret pour exposer. Janco revient au cabaret accompagné de ses amis Hans Arp, Sophie Taeuber et Tristan Tzara.
L'inauguration a lieu le 5 février, la salle est comble. Le mot « dada » est trouvé quelques jours après. Selon Henri Béhar, « pour tout le monde, désormais, dada est né à Zurich le 8 février 1916, son nom ayant été trouvé à l'aide d'un coupe-papier glissé au hasard entre les pages d'un dictionnaire Larousse. Gardons-nous de ne pas croire aux légendes » ! Dans une lettre de janvier 1921 adressée à des artistes new-yorkais, Tzara explique les circonstances de l'invention du nom dont il se garde de revendiquer la paternité : « […] j'étais avec des amis, je cherchais dans un dictionnaire un mot approprié aux sonorités de toutes les langues, il faisait presque nuit lorsqu'une main verte déposa sa laideur sur la page du Larousse – en indiquant d'une manière précise dada – mon choix fut fait. »
Au cours d'un entretien accordé à Arts magazine (New York, décembre 1982), Marcel Janco reconnaît qu'il n'était pas présent à ce moment-là : « Un après-midi, dans un café où nous nous retrouvions, j’ai appris que Tzara avait trouvé un nom pour le groupe, que tout le monde avait accepté. Ils cherchaient un nom parce que le mouvement était devenu très important. Tzara avait trouvé le mot dans le Larousse. »
En 1921, l'apparente précision du témoignage de Hans Arp paraît disqualifiée par la description ironique des circonstances : « Tzara a trouvé le mot Dada le 8 février 1916 à 6 heures du soir ; j’étais présent avec mes 12 enfants lorsque Tzara a prononcé pour la première fois ce nom qui a déchaîné en nous un enthousiasme légitime. Cela se passait au Café de la Terrasse à Zurich et je portais une brioche dans la narine gauche. »
Dada apparaît pour la première fois dans l'unique numéro de la revue Cabaret Voltaire publiée en mai 1916.
La controverse sur la naissance du nom dada vient de Richard Huelsenbeck qui en a toujours revendiqué la paternité : « Le mot dada a été découvert par hasard dans un dictionnaire allemand-français par Hugo Ball et moi, alors que nous cherchions un nom de théâtre pour M Le Roy, la chanteuse du Cabaret. » Même si une lettre de H. Ball à R. Huelsenbeck du 28 novembre 1916 semble soutenir sa version : « Et finalement j’y ai également décrit dada : le Cabaret et la Galerie. Tu auras donc eu le dernier mot de dada comme tu as eu le premier » la récurrente revendication de Huelsenbeck, ne résiste pas au fait que, appelé par Hugo Ball, il ne soit pas arrivé à Zurich avant le 11 février 1916
Développement du dada
Sophie Taeuber-Arp, Composition verticale-horizontale (1916)
Au bout de six mois, en juillet 1916, les protagonistes du Cabaret Voltaire veulent créer une revue et une galerie. Mais Hugo Ball s'oppose à l'idée de faire de dada un mouvement artistique. Dans son manifeste, écrit à ce moment-là, il donne la primauté au mot, et hésite à parler d'art : « Le mot, messieurs, le mot est une affaire publique de tout premier ordre. » Les dadaïstes créent tout de même une maison d'édition et une galerie. Le mouvement dérive des spectacles spontanés des cabarets à la programmation d'événements. Il converge vers la danse, probablement grâce à Sophie Taeuber. La galerie dada, ouverte en janvier 1917, se révèle un succès, mais elle ne dure que quelques semaines. Hugo Ball, finalement, voyait dans cette galerie un effort pédagogique pour réviser les traditions littéraires et artistiques. Durant cette expérience, Huelsenbeck quitte le mouvement zurichois, l'assimilant à un petit commerce artistique, pour aller relancer dada à Berlin.
À Berlin, Huelsenbeck passe quelque temps à étudier et réfléchir. Le mouvement est effectivement relancé à partir de quelques soirées au Café des Westens, en février 1918, par des artistes tels Huelsenbeck et Grosz. Leur posture est de se battre contre l'expressionnisme, de se présenter comme adversaires de l'art abstrait, d'aborder des sujets politiques tels la guerre (une nouveauté par rapport à l'époque zurichoise), et d'intégrer le scandale maximum dans leur démarche. Dada prend un tour nettement offensif. Le public afflue à Berlin pour voir le phénomène et des soirées dada s'organisent dans toute la ville. Les dadaïstes berlinois effectuent même une tournée en Tchécoslovaquie.
Un peu avant la fin de la guerre, des mouvements dadas sont créés dans les grandes villes allemandes : Berlin, Hanovre et Cologne. Les différents Manifestes parviennent à Paris, malgré la censure et le « bourrage de crâne » contre tout « germanisme ».
Courant 1917 et 1918 le mouvement s'internationalise. À Zurich, l'improvisation des débuts est remplacée par une programmation plus institutionnalisée. De nouvelles personnalités, comme Walter Serner, émergent, et une visite au Cabaret Voltaire reste un passage obligé pour tous ceux qui veulent participer à dada. Ainsi Francis Picabia s'y présente, publie un numéro spécial de sa revue 391 sur Zurich, tout en réalisant, à New-York, avec Marcel Duchamp et d'autres, des événements dada, comme le salon des artistes indépendants, où est présentée (mais refusée) la Fontaine de Marcel Duchamp. Avec Arthur Cravan, dada investit aussi le domaine du sport, avec à Madrid un combat mémorable, dès avril 1916, pour le titre de champion du monde de boxe.
Après quatre années passées à Zurich, Tristan Tzara décide de rejoindre Paris en 1919, pour donner à l'anarchie dada un nouvel élan. Dès 1918 il avait commencé à collaborer à une des revues dada parisienne, Littérature, ce qui l'avait rapproché des principaux artistes parisiens.
Au moins deux œuvres, qualifiées a posteriori de prédadaïstes, avaient déjà sensibilisé publics et artistes parisiens à la manière dada : Ubu roi et le ballet Parade. Ces œuvres donnèrent des héros aux artistes : Alfred Jarry, l'auteur du premier, et Erik Satie. compositeur du second. Elles suscitèrent auprès du public une sorte d'attente de la provocation, si porteuse pour le mouvement dada.
La fin du dada
Une image de Entr'acte, film de transition entre dada et surréalisme, par René Clair.
Dans l'Après-guerre, les premières galeries dada, avec les premiers journaux et manifestes de ce mouvement apparaissent en France, en Allemagne et aux États-Unis. Contemporain du cercle de Zürich, un groupe d'amis s'est formé à New York, autour de Marcel Duchamp, Francis Picabia, Man Ray etc., qui partage l'ambition de libérer la peinture à venir de la tyrannie de la signature de l'artiste, et de « lui opposer une conception de l'Art d’où, comme avec les « objets trouvés » de Duchamp, la griffe de l'artiste est évacuée. » À Cologne, Hans Arp et Max Ernst organisent les premiers rassemblements dadaïstes. À Berlin, Richard Huelsenbeck, qui en 1917 avait colporté le terme dada de Zürich à Berlin, et Raoul Hausmann fondent en janvier 1918 le Club Dada, groupuscule informel dépourvu de règlement, de lieu de réunion, de statuts ou même de programme. Ses membres sont les artistes George Grosz, Hannah Höch et John Heartfield, rejoints de temps en temps par Franz Jung, Walter Mehring ou Erwin Piscator.
Après quelques tournées dada à Dresde, Leipzig, Prague, Karlsbad, Hambourg et Teplitz-Schönau au printemps 1920, George Grosz, Raoul Hausmann (alias « Dadasophe ») et John Heartfield (alias « Monteurdada ») organisent la Première foire internationale Dada première expression publique du dada berlinois ; mais cette manifestation se termine par un procès qui disperse les participants.
À Paris, bien que les premiers contacts avec les artistes locaux suscitent un enthousiasme mutuel, de nombreuses incompréhensions apparaissent. Certains défendent une tradition qu'ils disent zurichoise et refusent toute notion d'art ayant un caractère positif, voire toute notion d'art tout court, mais d'autres pensent que dada porte en lui les germes d'une nouveauté. Les discussions, souvent violentes, entraînent une scission dans le mouvement dada, le séparant d'un coté en artistes de tradition zurichoise, mouvement qui dépérira, et de l'autre coté des artistes qui se rassembleront autour de Breton et donneront le surréalisme.
Le mouvement vit au rythme des soirées et spectacles que les artistes organisent, spectacles qui cristallisent les différences de position, mais font souvent l'événement à Paris, dont notamment le festival dada, à la salle Gaveau, le 26 mai 1920. Le public, en nombre, assista à des pièces de théâtre jamais répétées, des concerts impossibles à jouer, grâce à quoi le public se mit à crier au scandale, à envoyer tomates, œufs, et côtelettes de veau sur les interprètes. Tous les dadaïstes portaient un chapeau en forme d’entonnoir, Éluard un tutu de ballerine, le reste à l'avenant. Bien que les artistes soient tous en désaccord, cette soirée leur parut être une réussite.
Mais le monde dada ressentait une impasse dans les soirées-spectacle, inquiet de ce que le public y voit une sorte d'habitude agréable. Après presque un an de tergiversations, ils décidèrent d'organiser une excursion dada à l'église Saint-Julien-le-Pauvre, choisie parce que totalement inconnue, excursion dont les guides devaient être des célébrités dada. Dans ce choix il n'y avait pas de connotation anticléricale, mais la volonté de dénoncer les guides suspects. Mais le public se montra absent. Alors, les dadaïstes abandonnèrent l'idée des excursions, et s'engagèrent dans le modèle de procès.
Selon l'historien Marc Dachy, le procès contre Maurice Barrès, en 1921, marque la décomposition véritable des dadaïstes. La Mise en accusation et jugement de Maurice Barrès pour crime contre la sûreté de l'esprit n'était pas sans déplaire à Tzara, Francis Picabia, Georges Ribemont-Dessaignes, Erik Satie, ou Clément Pansaers, qui s'opposaient à l'idée d'un tribunal, et plus particulièrement d'un tribunal révolutionnaire. Tzara n'intervient que comme témoin, laissant à Breton le soin de diriger le procès. Le procès tourne rapidement en plaisanterie, ce qui n'était pas le souhait de Breton.
Tzara s'exclame : « Je n'ai aucune confiance dans la justice, même si cette justice est faite par dada. Vous conviendrez avec moi, monsieur le Président, que nous ne sommes tous qu'une bande de salauds et que par conséquent les petites différences, salauds plus grands ou salauds plus petits, n'ont aucune importance. »
Breton intervient : « Le témoin tient-il à passer pour un parfait imbécile ou cherche-t-il à se faire interner ? »
Tzara répond : « Oui, je tiens à me faire passer pour un parfait imbécile et je ne cherche pas à m'échapper de l'asile dans lequel je passe ma vie. »
Le fondateur du mouvement quitte violemment la salle, aussitôt suivi par Picabia et ses amis, au moment où Aragon commence son plaidoyer, plus contre le tribunal que contre Barrès, qui fut d'ailleurs condamné à vingt années de travaux forcés.
Les artistes dada, après le procès, ne sont plus capables d'organiser des événements ensemble, tant les disputes entre eux sont vives et déplaisantes. Ils évoluent en différents clans mouvants : les dadaïstes (Tzara), les surréalistes (Breton, Soupault), ou les anti-dadaïstes qui sont aussi des anti-surréalistes (Picabia),
Au mois de juin suivant, en 1922, le salon Dada organisé par Tzara à Paris est dédaigné par André Breton, et Marcel Duchamp refuse tout envoi pour cette exposition, à l'exception d'un télégramme avec les deux mots : « Pode Balle ».
La soirée dada du 6 juillet 1923 organisée par Tristan Tzara au théâtre Michel marque la rupture définitive entre dadaïstes et les futurs surréalistes (André Breton, Robert Desnos, Paul Éluard et Benjamin Péret). Face aux violentes interruptions de ces derniers : Breton, d'un coup de sa canne, casse le bras de Pierre de Massot, un journaliste (et non Tzara) appelle la police qui intervient. La soirée prévue le lendemain est annulée.
En 1924, André Breton publie le Manifeste du Surréalisme, et ce mouvement prend son envol. À partir de là les surréalistes réinterprètent, a posteriori, nombre d'événements dada comme étant d'ordre surréaliste. Les notions d'automatisme, de simultanéité, de hasard étant au cœur de dada comme du surréalisme naissant, ils n'ont aucune difficulté à se l'approprier.
Art dada
Artistes dadas
Écrivains, peintres, plasticiens, cinéastes, danseurs, photographes et même quelques musiciens, dada a traversé toutes les expressions artistiques de son temps.
Jean (ou Hans) Arp
Symétrie pathétique broderie d'après un dessin de Jean Arp.
Fleur-marteau
Victor Brauner
La Ville qui rêve
Beatrice Wood et Marcel Duchamp en 1917
Alfred Stieglitz, photographie de la Fontaine de Marcel Duchamp, 1917.
Marcel Duchamp
Roue de bicyclette (1913), première œuvre du ready-made, il s'agit d'une roue de bicyclette fixée sur un tabouret.
Fontaine (1917), l'urinoir qui a ouvert la voie de la théorie du ready-made, concernant des objets du quotidien qui ne sont pas fondamentalement de l'art, mais le deviennent si on le décide.
L.H.O.O.Q. (elle a chaud au cul) (1919), désacralisant la Joconde, avec moustache, barbiche...
Tu m' (1920) .
Rotative plaques verre (1920), art pré-psychédélique.
Marcel Duchamp as Belle Haleine (1921), photographie en collaboration avec Man Ray.
Disques avec spirales (1923), art pré-psychédélique.
La Mariée mise à nu par ses célibataires, même (1923).
Flacon de parfum Belle Haleine avec Rrose Sélavy (Éros c'est la vie) sur l'étiquette.
La Chute d'eau.
Le Gaz d'éclairage.
Suzanne Duchamp
Ariette. D'oubli de la chapelle étourdie (1920).
Ready-made malheureux de Marcel (1919), traité de géométrie à suspendre à son balcon.
Max Ernst
La bicyclette graminée garnie de grelots, les grisons grivelés et les échinodermes courbants l'échine pour quêter des caresses (1920-1921).
George Grosz
Remember Uncle August, the Unhappy Inventor (1919).
Raoul Hausmann
L'Esprit de notre temps - Tête mécanique (Der Geist Unserer Zeit – Mechanischer Kopf) (1919).
Hannah Höch
Paire de mariés bourgeois (1927), huile sur toile représentant un mannequin en bois habillé de voile blanc aux côtés d'un marié en frac.
Da-Dandy, collage.
Richard Huelsenbeck
Almanach Dada, traduit de l'allemand par Sabine Wolf, notes de Sabine Wolf et Michel Giroud, édition bilingue, Paris, Champ libre, 1980.
Clément Pansaers
Bar Nicanor, et autres textes Dada, établis et présentés par Marc Dachy, illustrations, Paris, éditions Gérard Lebovici, 1986.
Francis Picabia
Jeune fille (1920), une encre sur papier.
Volucelle II (1922).
Dresseur de chien (1923) qui annonce le Dresseur d'animaux (1937).
Lettres à Christine (1945-1951), suivi de Ennazus, édition établie par Jean Sireuil, présentation de Marc Dachy, Paris, éditions Gérard Lebovici, 1988.
Man Ray, Rrose Sélavy, 1921
Man Ray
Lautgedicht (1924).
Georges Ribemont-Dessaignes
Dada, Manifestes, poèmes, nouvelles, articles, projets, théâtre, cinéma, chroniques (1915-1929), nouvelle édition revue et présentée par Jean-Pierre Begot, Paris, éditions Champ libre, 1978.
Kurt Schwitters
Merz Picture 46 A (The Skittle Picture) (1921), un cadre et des petits objets fixés.
Sophie Taeuber-Arp
Gardes (1918), une sculpture articulée évoquant l'univers des marionnettes.
Triptyque abstrait (1918), une huile sur toile avec application de feuilles d'or.
Masque de Janco (1918), masque.
Tête dada (1918).
Composition abstraite (1919), un collage.
Beatrice Wood
Un peu d'eau dans du savon (1917), collage loufoque avec un dessin de femme nue dont le sexe est caché sous un vrai savon.
Otto Dix
Pragerstrasse (1920).
Les joueurs de Skat (1920)
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Tzara, Janco et Huelsenbeck
L'amiral cherche une maison à louer (1916), poème simultané en français, anglais et allemand caractéristique et très fidèle à la philosophie dada.
Principaux foyers dadas
Zurich (1915-1919), avec notamment Tristan Tzara, Jean Arp, les poètes allemands Hugo Ball et Richard Huelsenbeck, le peintre roumain Marcel Janco, le peintre et cinéaste allemand Hans Richter, Sophie Taeuber-Arp ;
New York (1915-1921), avec Marcel Duchamp, Francis Picabia, Man Ray ;
Berlin (1917-1923), avec Richard Huelsenbeck, George Grosz, Raoul Hausmann(l'un des créateurs du photomontage, suivi par John Heartfield), Johannes Baader, Hannah Höch ;
Cologne (1919-1921), avec Jean Arp, Max Ernst (aux collages inventifs), Johannes Theodor Baargeld ;
Hanovre avec Kurt Schwitters et son mouvement Merz;
Paris, de 1920 à 1923. La première manifestation dada a lieu en janvier 1920, quelques jours après l'arrivée de Tristan Tzara. Dada connaît son apogée en tant que mouvement, avec Tristan Tzara, Francis Picabia, Man Ray, André Breton, Paul Éluard, Louis Aragon, Philippe Soupault et sa fin avec la naissance du surréalisme.
Culture dada
Dada et l'humour
Après la Première Guerre mondiale, les jeunes ont besoin d'exprimer leur jubilation d'être en vie, la guerre finie et la paix retrouvée. La vie a vaincu la mort, la paix a vaincu la guerre, l'enfance et l'insouciance sont de retour et vont pouvoir s'exprimer. En 1963, Tristan Tzara a dit : « Dada n'était pas seulement l'absurde, pas seulement une blague, dada était l'expression d'une très forte douleur des adolescents, née pendant la guerre de 1914. Ce que nous voulions c'était faire table rase des valeurs en cours, mais, au profit, justement des valeurs humaines les plus hautes. »
Dada et l'érotisme
En 1920, Tristan Tzara nomme des « présidentes dada », les plus anticonformistes possibles et à l'originalité débridée. Les « jeunes filles dada », les « dada's girls » dansent en solo avec ou sans masque, comme Sophie Taeuber. Elles font tourner les têtes et suscitent l'enthousiasme, mais aussi les huées. Une « dada dance » bien connue consiste à mettre ses bras en l'air (épaule perpendiculaire au tronc et avant-bras perpendiculaire au corps) et à sauter en même temps. Emmy Hennings, compagne de Hugo Ball, fonda avec lui, le cabaret Voltaire à Zurich, dont elle devint l'âme en animant ses soirées, par la danse, le chant et la poésie.
L'américaine Clara Tice, peintre caricaturiste et poète, horrifie la prude société américaine avec ses dessins de femmes nues accompagnées d'animaux, illustrant de manière érotique les Fables de La Fontaine. Ses œuvres seront confisquées par la police. Une autre américaine, Beatrice Wood réalise aussi des œuvres à forte connotation érotique.
Valeska Gert crée ses « danses » lors de certaines soirées berlinoises. Bien loin du classique Lac des cygnes, elles ouvrent la voie à la libération du corps des femmes et au nudisme. Renée Dunan, élevée au couvent, mais grande admiratrice du marquis de Sade, se libère, se proclame « dadaïste de la première heure », et défraie la chronique, sous divers pseudonymes, dont « Marcelle la Pompe » et « M. de Steinthal », en hommage à Stendhal et à l'écrivain aventurier Casanova de Seingalt.
Citations dadas
Jean Arp : « Vous aussi, bel homme, jolie femme, vous êtes dada, seulement vous ne le savez pas. Demain dada aura un visage différent d'aujourd'hui et pour cette raison sera dada. Dada, c'est la vie. »
« Dada est un cri, c'est le vide érigé en art de vivre. »
Hugo Ball : « Ce que nous appelons dada est une bouffonnerie issue du néant. »
Hannah Höch a développé, avec son compagnon Raoul Hausmann, le photomontage « en voulant suggérer, avec des éléments empruntés au monde des machines, un monde onirique, nouveau et parfois terrifiant. » né de l'envie de « faire une chose belle et une joie pour toujours, d'éléments dont on n'attendait plus ni beauté ni joie. »
Francis Picabia : « Rien pour demain, rien pour hier, tout pour aujourd'hui. »
Kurt Schwitters : « Il n’y a pas d’art relevant d’une classe déterminée d'hommes et y en aurait-il qu’il serait sans importance pour la vie. A ceux qui veulent créer un art prolétarien, nous posons la question : « Qu'est-ce que l'art prolétarien ? » Est-ce l'art fait par les prolétaires eux-mêmes ? Ou un art au seul service du prolétariat ? Ou un art destiné à éveiller les instincts prolétariens (révolutionnaires) ? Il n'y a pas d'art fait par les prolétaires parce qu'un prolétaire qui crée de l'art n'est plus un prolétaire mais un artiste. Un artiste n'est ni prolétaire ni bourgeois et ce qu'il crée n'appartient ni au prolétariat ni à la bourgeoisie mais à tous. L'art est une fonction spirituelle de l'homme et vise à le délivrer du chaos de la vie (du tragique). L'art est libre dans l'utilisation de ses moyens et relève de ses lois propres et de ses lois propres seulement ; dès l'instant où une œuvre est une œuvre d'art, elle est largement au-dessus des différences de classes prolétariat-bourgeoisie. Si l'art devait servir exclusivement le prolétariat, nonobstant le fait que le prolétariat est contaminé par les goûts de la bourgeoisie, cet art serait aussi limité qu'un art spécifiquement bourgeois. Un tel art ne serait pas universel, ne prendrait pas ses racines dans le sentiment national universel mais dans des considérations individuelles, sociales, limitées dans le temps et dans l'espace. Si l'art devait éveiller des instincts à tendance prolétarienne, il se servirait en somme des mêmes moyens que l'art religieux ou nationaliste. Aussi banal que cela paraisse, en vérité il revient au même de peindre une Armée rouge avec Trotsky à sa tête ou une armée impériale avec Napoléon à sa tête. Pour la valeur d'un tableau en tant qu'œuvre d'art, il n'y a pas lieu d'éveiller des instincts prolétariens ou des sentiments patriotiques. L'un comme l'autre sont, du point de vue de l'art, une escroquerie. L'art a pour seul devoir d'éveiller par ses propres moyens les forces créatrices de l'homme, son but est la maturité de l'homme, non pas du prolétaire ou du bourgeois. Seuls des talents limités sont amenés, par manque de culture et par étroitesse de vue, à produire de manière bornée quelque chose comme de l'art prolétarien (de la politique en peinture). L'artiste, lui, renonce au champ spécifique des organisations sociales. L'art que nous voulons, cet art n'est ni prolétarien ni bourgeois parce qu'il doit déployer des énergies assez fortes pour influer sur l'ensemble de la culture au lieu de se laisser influencer par les rapports sociaux. » Trad. Marc Dachy
Tristan Tzara : « Dada reste dans le cadre européen des faiblesses, c'est tout de même de la merde, mais nous voulons dorénavant chier en couleurs diverses, pour orner le jardin zoologique de l'art de tous les drapeaux des consulats do do bong hiho aho hiho aho. », (Premier manifeste dada). « Dada ne signifie rien. » « Dada est un microbe vierge. » En 1922, lors d'une conférence à Weimar et Iéna, il dit : « Dada met une douceur artificielle sur les choses, une neige de papillons sortis du crâne d'un prestidigitateur. »
« Dada reste dans le cadre européen des faiblesses, c'est tout de même de la merde, mais nous voulons dorénavant chier en couleurs diverses, pour orner le jardin zoologique de l'art de tous les drapeaux des consulats do do bong hiho aho hiho aho. », (Premier manifeste dada).
« Dada ne signifie rien. »
« Dada est un microbe vierge. »
En 1922, lors d'une conférence à Weimar et Iéna, il dit : « Dada met une douceur artificielle sur les choses, une neige de papillons sortis du crâne d'un prestidigitateur. »
Plus tard, il dira : « Dada est la danse des impuissances de la création. » « Les débuts de dada n'étaient pas les débuts d'un art mais ceux d'un dégoût. » En 1963, il dit : « Dada n'était pas seulement l'absurde, pas seulement une blague, dada était l'expression d'une très forte douleur des adolescents, née pendant la guerre de 1914. Ce que nous voulions c'était faire table rase des valeurs en cours, mais, au profit, justement des valeurs humaines les plus hautes. »
« Dada est la danse des impuissances de la création. »
« Les débuts de dada n'étaient pas les débuts d'un art mais ceux d'un dégoût. »
En 1963, il dit : « Dada n'était pas seulement l'absurde, pas seulement une blague, dada était l'expression d'une très forte douleur des adolescents, née pendant la guerre de 1914. Ce que nous voulions c'était faire table rase des valeurs en cours, mais, au profit, justement des valeurs humaines les plus hautes. »