Les odonates sont un ordre d'insectes à corps allongé, dotés de deux paires d'ailes membraneuses généralement transparentes, et dont les yeux composés et généralement volumineux leur permettent de chasser efficacement leurs proies. Ils sont aquatiques à l'état larvaire et terrestres à l'état adulte. Ce sont des prédateurs, que l'on peut rencontrer occasionnellement dans tout type de milieu naturel, mais qui se retrouvent plus fréquemment aux abords des zones d'eau douce à saumâtre, stagnante à courante, dont ils ont besoin pour se reproduire.
En langue française, le terme de libellule est en général employé au sens large pour désigner les odonates, qui regroupent deux sous-ordres : les demoiselles (Zygoptera) et les libellules stricto sensu (Epiproctophora). En 1996, Günter Bechly a regroupé les deux anciens sous-ordres Anisoptera et Anisozygoptera en Epiproctophora notamment par leur analogie au stade larvaire (présence d'épiproctes et non de lamelles caudales comme chez les Zygoptères). L'ancien sous-ordre des Anisozygoptères (Anisozygoptera) ne compte que deux à quatre espèces selon les auteurs et les études génétiques .
La science qui étudie les odonates est l'odonatologie, dont les spécialistes sont les odonatologues.
Morphologie et anatomie
Comme les autres insectes, le corps des odonates est composé de trois parties : la tête, le thorax et l'abdomen, chacun étant formé de plusieurs segments.
La tête porte les antennes (très courtes par rapport à d'autres insectes comme les papillons), les yeux composés de très nombreuses facettes, trois ocelles ou yeux simples, et les pièces buccales de type broyeur.
Structure des ailes de libellule
En arrière de la tête se trouve le thorax. Classiquement composé de trois segments comme chez tous les insectes, ici les deuxième et troisième segments à savoir le mésothorax et le métathorax sont fusionnés et donnent le synthorax. Le premier segment, le prothorax, est très court, et porte la première paire de pattes. La partie dorsale du prothorax, appelée le pronotum, présente souvent des motifs colorés diagnostiques permettant de différencier des espèces proches, notamment pour les femelles de certaines espèces de zygoptères. Le synthorax porte quant à lui les deuxième et troisième paires de pattes, ainsi que les deux paires d'ailes.
L'abdomen est constitué de dix segments. Il peut être de forme variable, plus ou moins cylindrique ou aplati, épaissi ou rétréci à certains segments, et présente très souvent des motifs colorés permettant d'identifier les espèces d'odonates. Le dixième segment, assez court, porte des appendices anaux (cerques) permettant au mâle de saisir la femelle derrière la tête lors de l'accouplement. C'est également en observant l'abdomen que l'on peut distinguer les individus mâles et femelles. Les mâles portent les pièces copulatrices sous le deuxième segment abdominal. Chez les femelles, l'organe permettant la fécondation et la ponte des œufs, appelé ovipositeur, est situé sous les huitième et neuvième segments.
Pièces buccales
Les odonates possèdent un appareil buccal de type broyeur primitif comportant de haut en bas : un labre, une paire de mandibules, une paire de maxilles portant les palpes maxillaires, et un labium. Ces pièces buccales sont adaptées à la prédation et donc au régime carnassier insectivore de ces insectes.
Caractéristiques du vol
Le vol des libellules est très peu spécialisé, ce qui leur permet des prouesses interdites aux autres insectes. En effet, leur ailes antérieures et postérieures sont indépendantes. De plus, les nodus permettent la torsion de la partie distale (moitié extérieure) de l'aile, ce qui donne de nombreuses possibilités : les libellules peuvent ainsi voler sur place, et même en arrière. Elles peuvent faire des pointes à 36 km/h, alors qu'un frelon, par exemple, ne peut dépasser 22 km/h. Leur vitesse ascensionnelle atteint 1,5 m/s (soit 5,4 km/h) alors que les autres insectes volants sont limités à 0,4 m/s (soit 1,44 km/h). La tête, très mobile, bouge indépendamment du thorax, ce qui leur permet notamment de la garder immobile en vol.
Différences morphologiques entre zygoptères et anisoptères
Les deux "anciens sous-ordres" d'odonates correspondent à la description faite ci-dessus mais présentent quelques différences morphologiques permettant de les distinguer :
les yeux : gros et joints au moins en un point chez tous les anisoptères (exception faite des Gomphidae qui ont les yeux séparés), les yeux sont plus petits et toujours séparés chez les zygoptères,
les ailes : repliées au-dessus du corps en position de repos (chez les zygoptères), ou étendues à l'horizontale (chez les anisoptères),
Une grande libellule, le Cordulégastre bidenté, un anisoptère
Une vue rapprochée des petits yeux non contigus d'une demoiselle (Zygoptera).
Les yeux d'une libellule (Anisoptera), gros et largement joints ici.
Zygoptère caractéristique avec ses ailes repliées
Un Gomphidae (Gomphus vulgatissimus) au repos. On note la taille des yeux, typique des anisoptères bien que disjoints, ainsi que la position des ailes.
Libellule déployant ses ailes.
Libellule et son exuvie.
Systématique et taxonomie
Cet ordre a été traditionnellement regroupé avec les éphémères et plusieurs ordres éteints dans le groupe ancien des Paléoptères apparu dans les forêts des Carbonifère (des espèces du groupe des Protodonata (en) de plus de 70 cm d'envergure, du type de Méganeura, ne pouvant pas replier ses ailes, elles devaient probablement voler au-dessus des lacs de ces forêts ; des espèces du groupe Protozygoptera s'éteignent au milieu du Crétacé, il y a 100 millions d’années, en raison du développement des Angiospermes dont les feuilles tombant dans les lacs provoquent leur eutrophisation), mais ce groupe pourrait être paraphylétique. Dans certaines descriptions, les Odonata sont entendus dans un sens élargi, celui du super-ordre des Odonatoptera mais qui ne comprend pas les Protodonata préhistoriques. Selon cette conception, on utilise le terme d’Odonatoidea. La systématique des Palaeoptera n'étant pas résolue, qu'on les appelle Odonatoidea ou Odonatoptera, l'ordre des Odonates et leurs parents disparus forment un groupe monophylétique.
Parmi les odonates on trouve deux sous-ordres :
Les anisoptères ou libellules
Les anisoptères (ou libellules au sens strict) sont caractérisés par des ailes étendues à plat, non pétiolées et inégales (les antérieures plus étroites que les postérieures), des yeux souvent contigus, un vol rapide, des larves trapues surtout fouisseuses, sans branchies (chambre respiratoire rectale) ;
Les zygoptères ou demoiselles
Les zygoptères ont un corps fin, avec des ailes antérieures et postérieures identiques, une tête plus large que longue, des yeux largement séparés. Au repos, les ailes sont jointives et dressées au-dessus du corps (sauf pour les espèces du genre Lestes qui gardent leurs ailes étalées).
Menaces et conservation
Les libellules étant carnivores (les larves comme les imagos), leur disparition progressive est donc liée à la disparition de la microfaune, notamment aquatique et volante. L'eutrophisation des milieux, le remembrement agricole, l'utilisation excessive de pesticides sont les principaux facteurs de la raréfaction des populations d'insectes et autres petits invertébrés, leurs proies.
Paradoxe de la faune, les libellules bénéficient sous les latitudes moyennes des conditions favorables dues au réchauffement climatique. On peut rapidement distinguer deux groupes : les espèces méridionales qui progressent volontiers formant de nouvelles colonies désormais en Belgique, Angleterre ou dans le sud de la Scandinavie alors que leurs effectifs augmentent dans le sud et les espèces du centre continental, notamment en Europe qui voient leur aire de répartition reculer devant des conditions qui leur deviennent défavorables dans leurs stations les plus méridionales. Le déplacement de leur aire de répartition vers le nord de l'Europe est moins évident et moins étudié que celui des espèces méridionales. De manière générale, les libellules restent des espèces qui bénéficient actuellement sur la planète de conditions favorables et peu sont menacées, sauf à être très localisées et insulaires ou isolées au sein de montagnes dont les populations de plus en plus limitées ne peuvent trouver d'alternatives.
Néanmoins par devers cette dynamique généralement positive, les atteintes de l'environnement peuvent limiter au niveau "régional" les populations. En particulier les espèces d'eaux courantes souffrent de la qualité des eaux et de la rectification du cours des rivières, les espèces des tourbières subissent la disparition de celles-ci devant le réchauffement planétaire, accéléré par une intrusion de plus en plus active de l'homme au sein des montagnes. Quant aux espèces de milieux stagnants, la principale menace réside dans l'évolution naturelle des étangs vers l'atterrissement, mais aussi la réforme de la gestion des étangs naturels et sites de pêche, comme l'introduction de poissons et particulièrement de carpes de roseau ou carpes amour (Ctenopharyngodon idella) qui présentent l'avantage de nettoyer les étangs de leur flore (pièges à fils de pêche et autres engins), mais l'inconvénient de souvent détruire l'entièreté de la flore naturelle de l'étang. Par ailleurs les espèces les plus sensibles et en déclin tendent à se développer en métapopulations et nécessitent un réseau dense de sites de bonne qualité pour se maintenir à long terme : Leucorrhinia pectoralis pour les étangs, Coenagrion mercuriale pour les petites surfaces d'eaux courantes...
Bioindication
Les odonates sont considérés comme de bons bioindicateurs de la qualité des milieux aquatiques et pour l'évaluation environnementale des zones humides, ou pour la mesure d'efficacité de procédures de restauration écologique de cours d'eau ou de zones humides, tant par l'observation et étude des adultes, que des larves ou des exuvies.
Introduction d'espèces exotiques
Avec la croissance du commerce international, l'introduction de nouvelles espèces dans de nouveaux pays est maintenant devenue réalité. Chez les odonates, la plupart des introductions accidentelles sont la conséquence de l'importation de plantes aquatiques. Dans l'eau ou dans les tiges ou feuilles de ces plantes, on peut retrouver des œufs ou des naïades (larves). Dans la plupart des cas, les espèces exotiques n'étant pas adaptées aux conditions climatiques du pays, n'arrivent pas à y survivent à long terme. Cependant, certaines introductions se sont révélées fructueuses.
En Angleterre, la présence de treize espèces (cinq demoiselles et huit libellules) sont le résultat d'introductions accidentelles par l'importation de plantes aquatiques.