L’instant désigne le plus petit élément constitutif du temps.
En physique, un instant est une durée suffisamment courte pour qu'une variable comme la position ou la tension électrique ait une valeur bien déterminée, mais suffisamment longue pour qu'on puisse définir sa variation. En ce sens, c'est l'équivalent temporel du point matériel pour l'espace.
Dans la conception subjective de l'instant, celui-ci est un moment très bref ; par exagération, un temps relativement court, quelle que soit sa durée absolue. L'instant est parfois assimilé au présent.
Physique
En physique classique, un instant est un moment infinitésimal. C'est une abstraction fondamentale qui suppose implicitement la connaissance de l'ensemble d'un phénomène, dont on établit une loi physique par le raisonnement, la statistique et les techniques de l'analyse mathématique.
La notion d'instant est remise en cause par la physique moderne.
Le principe d'incertitude de Heisenberg montre qu'on ne peut connaître tous les paramètres d'un phénomène à la fois et avec une précision absolue,
La théorie de la relativité, tirant les conséquences de la vitesse finie de la lumière, montre qu'il n'y a pas d'instants valables en tous points pour tous les observateurs.
Désormais, les sciences exactes savent traiter de très courtes durées. Elles les mesurent jusqu'à la centaine d'attosecondes (10). La durée de vie des antiparticules, en général, est estimée à l'octoseconde, soit 10 et des physiciens parlent d'une "épaisseur du présent" . La biophysique et la chimie, de leur côté, travaillent jusqu'à la femtoseconde (10) et il existe, depuis Ahmed Zewail (prix Nobel 1999) une femtochimie et une "spectroscopie femtoseconde". On voit qu'il reste encore un bond immense à accomplir pour atteindre l'extrême limite concevable: le temps de Planck, de l'ordre de 10 s.
Par contre, on ne parle guère d'instant biologique. L'approche conjointe d'un neurobiologiste et d'un philosophe se situe délibérément dans le contexte récent "d'un divorce possible du temps de la physique et du temps de la psychologie".
Approche philosophique
Platon est le premier, du moins en Occident, à avoir pris note de la difficulté : « Il y a cette étrange entité de l'instant qui se place entre le mouvement et le repos, sans être dans aucun temps, et c'est là que vient et de là que part le changement, soit du mouvement au repos, soit du repos au mouvement ». À cette époque existait dans le panthéon grec un dieu, Kairos , maître du moment opportun (nom commun identique : un kairos). L'équivalent latin opportunitas signifie : opportunité, saisir l'occasion), du moment de la décision bonne ou mauvaise.
En Inde, les Jaïnistes ont divisé le temps en atomes de temps (samaya), qui correspondent « au temps nécessaire à un atome de matière pour traverser un point d'espace ». Les notions voisines (abhika, khana, ksana) et même un concept d'instantanéité (ksanikavada) attestent d'une réflexion très pousssée sur le sujet dans l'Inde brahmanique.
Plus récemment, au XX siècle, le philosophe français André Lalande définit l'instant comme étant une « durée très courte que la conscience saisit comme un tout ». Aujourd'hui, on n'est pas assuré que l'instant en lui-même possède une durée propre ; l'opinion générale serait plutôt, en ce sens, négative.
Dès lors, la notion d'instant s'est déployée entre deux acceptions en tentant de les accommoder :
une durée courte ou extrêmement courte ;
un signal extemporané (hors du temps) posé sur l'axe d'un temps supposé linéaire.
Il faut par ailleurs noter que la question de l'instant est très rarement approfondie alors que celle du temps a retenu d'innombrables penseurs et occupe une place notoire dans la vulgarisation scientifique actuelle .
Dans la littérature
Bachelard a conjugué philosophie et poésie dans sa classique Intuition de l'instant (1931) dont le titre, à lui seul, est significatif : une intuition. Il en ressort que « la durée est faite d'instants sans durée », sachant qu'il y a « totale égalité de l'instant présent et du réel ». L'auteur se réfère à un ouvrage paru peu d'années avant le sien et qui, sans celui-ci, serait probablement oublié aujourd'hui : Siloë de Gaston Roupnel (1871-1946). Bachelard oppose cette conception du temps et de la durée à celle de Bergson dans son Essai sur les données immédiates de la conscience édité la même année. Cette conception fait pressentir la charge affective qui devient dominante dans les littératures romanesque et poétique, par exemple en cet alexandrin de Corneille : « Chaque instant de la vie est un pas vers la mort. »Exprimant à la fois l'absolue invariance de l'instant et l'infinie variété des instants, le poète Jacques Guigou écrit : "la mer, elle, ne varie pas / sempiternellement elle inaugure l'allègre de l'instant"