Lili Boulanger.
Une compositrice est une femme qui pratique la composition d'œuvres musicales.
De l’intimité à l’espace public
Si la pratique musicale dans l’espace privé était vue comme une distraction ou une lubie ajoutant du charme à la femme au foyer, une sorte d'ornement, la pratique publique de cet art signifiait en revanche, depuis l’Antiquité, l’assimilation à la pratique de la prostitution.
Hildegarde de Bingen.
La légende voit en Sappho (VII siècle av. J.-C.) la première compositrice.
Au Moyen Âge, la non-intégration de femmes dans les ensembles pratiquant la musique connaissait cependant une exception notable : les moniales pouvaient en effet produire des pièces pour leur communauté ; Hildegarde de Bingen (1098-1179) en est à ce titre un exemple célèbre, cependant elle prétendait écrire sa musique sous la dictée de Dieu. Avant elle à Byzance, Kassia (IX siècle), elle aussi abbesse, fut un des premiers compositeurs dont les partitions ont été conservées et qui peuvent être interprétées par des musiciens modernes. Néanmoins, ces pratiques ne restent qu’une enclave au sein des institutions religieuses, les femmes étant exclues de la production musicale au sein des églises et des cathédrales (chœurs, composition). Cependant, les femmes appartenant à la musique de Louis XIV, roi de France, ou à la musique du duc d'Orléans Philippe II, régent du royaume, pourront parfaitement chanter dans les offices célébrés à la chapelle. Cette quasi-exclusion de la place publique explique alors la méconnaissance historique des pièces musicales écrites par des femmes. Les compositions féminines de cette époque n’ont retrouvé une relative reconnaissance que par le développement des études sur la place des femmes dans les arts et par l’enregistrement tout récent de ces pièces par des ensembles médiévaux.
Trobairitz
Beatritz de Dia.
Fichier audio A chantar m'er de so qu'eu no volria, interprétation d’une composition de la trobairitz Beatritz de Dia Des difficultés à utiliser ces médias ? modifier
Néanmoins, dans l’Occident des XIIetXIII siècles, c’est en dehors du cadre des communautés religieuses qu’on trouve les premières compositrices de musique profane ou sacrée. Les trobairitz, poétesses du sud de la France issues de la noblesse, appartiennent en effet à la société courtoise.
Diverses thèses tentent d’expliquer la situation particulière de ces femmes dans la pratique de la composition musicale : la composition serait devenue un accompagnement logique des talents musicaux indispensables à la vie de cour dans la France occitane (chant, instruments), ou encore le pouvoir particulier que tenaient les femmes dans le sud de la France aux XIIetXIII siècles leur aurait permis d’accéder à ces pratiques artistiques.
La seule composition d’une trobairitz dont la musique soit aujourd’hui connue est un canso de la comtesse Beatritz de Dia (vers 1140-après 1175), intitulé A chantar m'er de so qu'eu no volria.
Au Moyen Âge
Hildegarde de Bingen (1098-1179) composa plus de soixante-dix chants, hymnes et séquences, dont certains ont fait l'objet d'enregistrements récents (Ave generosa, Columba aspexit, O presul vere civitatis...). Elle composa aussi un drame liturgique intitulé Ordo virtutum, qui comporte quatre-vingt-deux mélodies et qui met en scène les tiraillements de l'âme entre le démon et les vertus.
Beatritz de Dia, Beatritz de Romans, Azalaïs de Porcairagues, ou Castelloza sont des poétesses et compositrices (Trobairitz) d'expression occitane ayant vécu dans le sud de la France au XII siècle.
Au XVI siècle
Maddalena Casulana est la première compositrice dont les œuvres sont publiées et imprimées. Elle dédie à Isabelle de Médicis son premier livre de madrigaux avec cette profession de foi :
« [Je] veux montrer au monde, autant que je le peux dans cette profession de musicienne, l’erreur que commettent les hommes en pensant qu’eux seuls possèdent les dons d’intelligence et que de tels dons ne sont jamais donnés aux femmes. »
Au XVII siècle
Le XVII siècle voit fleurir de nombreux compositeurs, dont quelques femmes : Antonia Bembo, Sophie Elisabeth von Braunschweig-Wolfenbüttel (en), Francesca Caccini, Leonora Duarte, Elisabeth Jacquet de la Guerre, Isabella Leonarda, Barbara Strozzi, etc.
Au XVIII siècle
Plusieurs clavecinistes laissent quelques recueils pour leur instrument, citons : Elisabetta de Gambarini, Genovieffa Ravissa et Anna Bon di Venezia. Wilhelmine de Bayreuth laisse, outre des pièces instrumentales, un opéra. Pour le piano on peut citer Anne Louise Boyvin d'Hardancourt Brillon de Jouy ainsi qu'Hélène de Montgeroult, grandes concertistes et compositrices pré-romantique. Cette dernière laisse un cours complet pour l'enseignement du forte-piano ainsi que trois sonates pour forte-piano.
Au XIX siècle
Florence Launay, dans Les Compositrices en France au XIX siècle dénombre un millier de compositrices pour ce seul pays - et étudie les mécanismes qui présidaient à leur effacement par la société masculine d'alors.
Clara Schumann, de son nom de naissance Clara Wieck, est une pianiste et compositrice allemande, née à Leipzig le 13 septembre 1819 et morte le 20 mai 1896 à Francfort-sur-le-Main. Première interprète des œuvres de son mari Robert Schumann, elle fait connaître et apprécier sa musique, dont selon ce dernier, elle est alors la seule à bien en comprendre les délicatesses. Clara est elle-même l'auteur d'une quarantaine d'œuvres, mais elle a en partie négligé la compositrice au profit de l'inspiratrice et de la pianiste.
Elle fait partie des femmes compositrices de renom au XIX siècle, avec Fanny Mendelssohn, Louise Farrenc, Marie Jaëll, Cécile Chaminade, Maude Valerie White et Giselle Galos.
Au XX siècle
En 1901, lorsque Gustav Mahler fait sa demande en mariage à Alma qui était déjà compositrice, il lui écrit :
« Tu n’as désormais qu’une seule profession, me rendre heureux ! Mais les rôles dans ce spectacle doivent être bien distribués. Et celui du compositeur, de celui qui travaille, m’incombe. Le tien est celui du compagnon aimant, du camarade compréhensif. »
En 1913, lorsque Lili Boulanger est la première femme à recevoir le Prix de Rome, la Villa Médicis n’est pas conçue pour recevoir de jeune femme : le Conservatoire national français, embarrassé, doit alors l’installer en ville. Cette anecdote atteste de la condition féminine dans la pratique de la composition musicale, durablement marquée par des barrières sociales et éducatives, que quelques femmes parvinrent cependant, au fil de l’histoire, à surmonter au gré d’occasions et de circonstances exceptionnelles.
Germaine Tailleferre participe au Groupe des Six sous l'égide de Jean Cocteau.
Au XXI siècle
Parmi bien d'autres, Caroline Marçot, également interprète de musique vocale, en ensemble ou en soliste.