Albert Dürer, Veronique, gravure, 1513. Exemple de hachures parallèles (fond) et croisées (zones sombres)
Sainte Face, Claude Mellan (burin, 1649)
En dessin et gravure, comme en peinture, une hachure est un trait rectiligne ou plus ou moins courbe qui sert à produire une nuance de demi-teinte, et non un contour. Le terme s'emploie plus souvent au pluriel car les hachures rendent leur effet par répétition.
Dessin artistique et gravure
Le rôle des hachures est de donner visuellement différentes valeurs de gris, en fonction de leur épaisseur et de leur densité par rapport au blanc du support. Les hachures ne sont pas perçues comme des entités individuelles du dessin, mais comme un ensemble donnant la perception d'une ombre ou d'une nuance plus ou moins uniforme ou dégradée. La hachure, dessinée pour suivre la courbure de l'objet représenté, apporte de plus, vue de près, une information de volume en plus de celle de valeur. Dans certains styles de dessin à hachures largement espacées, comme chez Léonard de Vinci, cette information de forme est l'effet principal.
Les hachures sont employées en particulier lorsque la technique ne permet pas d'obtenir autrement des demi-teintes et des nuances, comme c'est le cas avec le dessin à la plume ou la gravure sur bois, le burin, l'eau-forte ou la taille-douce, entre autres. Dans ce cas, on n'a que des traits pleins de la couleur de l'encre (noire, le plus souvent). Pour obtenir des gris, on procède donc par hachures : fines et espacées, elles donnent un gris clair, épaisses et serrées, un gris foncé. Les hachures sont parallèles, elles peuvent être superposées et entrecroisées pour donner plus de densité. Leur aspect varie en fonction de la technique : relativement larges en gravure sur bois de fil, elles deviennent extrêmement fines avec la gravure sur bois de bout au XIX siècle, pendant lequel se répand l'usage de l'échoppe rayée ou vélo, sorte de burin à plusieurs dents permettant de graver autant de hachures parallèles d'un seul jet. Elles sont fines et sensiblement égales avec les outils de gravure sur cuivre qui ne font que « griffer » la surface (eau-forte, taille-douce, certains emplois du burin), et sont alors croisées.
Elles peuvent aussi être d'épaisseur variable (gravure sur bois, burin) lorsque l'outil peut creuser plus ou moins profondément le support, et donner un effet de dégradé fluide. L'exemple ultime de la hachure modulée est sans doute la Sainte Face (1649) du graveur buriniste Claude Mellan (1598-1688) qui est formée d'un seul trait de burin se développant en spirale à partir du bout du nez du Christ, et dont tous les détails, le modelé, sont rendus par les modulations de l'épaisseur de cette ligne unique. Mellan affirmait ne jamais croiser ses tailles ; il en apporte là une démonstration éclatante.
Les hachures n'ont plus lieu d'être avec l'apparition de techniques comme l'aquatinte ou la lithographie, qui permettent d'obtenir des demi-teintes véritables directement.
Le dessin avec hachures reste cependant utilisé, soit pour sa simplicité, soit bénéficier de l'indication de volume par les traits de hachure. Même au crayon, et bien que le grain du papier permette de moduler la valeur sans traits visibles, on préfère souvent procéder par hachures plutôt que de crayonner à plat ou plutôt que d'estomper pour obtenir des gris, ce qui conserve la vigueur, la spontanéité et la fraîcheur du dessin.
En peinture, les hachures s'emploient comme en dessin, ou bien comme base pour un rendu lisse obtenu, par la suite, par des glacis. On distingue les hachures du dessin à l'anglaise, de direction uniforme et qui ne croisent pas, faisant varier la valeur par l'espacement et la grosseur des traits, et les hachures à l'italienne, qui, selon l'expression de Watelet, doivent « varier de manière cependant qu'elles indiquent toujours l'inflexion ou la forme générale des différent objets qu'elles servent à peindre ». Les hachures, en peinture, se font bien entendu en couleurs.
Dessin technique
En dessin technique, les hachures sont des trait d'épaisseur constante, parallèles et équidistants, qui ont un rôle conventionnel d'indication. On les traçait manuellement à l'aide d'un hachurateur ou sur une table à dessin munie d'un appareil à dessiner.
Dans un dessin de définition, indépendamment du matériau, les hachures sont en trait continu faisant un angle de 45° ou 30° par rapport aux bords de la feuille.
Dans un dessin d'ensemble, les hachures se distinguent par un motif associé à un type de matériaux et plus généralement à une propriété physique ou technique. Sur chaque vue, une même pièce doit avoir le même motif (orientation et fréquence). Il faut si possible faire varier l'orientation des hachures entre deux pièces conjointes.
Entre les années 1970 et la généralisation de l’informatique, on a beaucoup utilisé pour les hachures des trames : films adhésifs portant en impression divers types de hachures, qu’il suffisait de coller et découper aux endroits voulus.
Cartographie
En cartographie, les hachures ont servi à indiquer les reliefs sur les cartes d'État-Major ou autres, qui étaient imprimées en taille-douce. Leur usage, codifié au fil des années, permettait de lire facilement une carte : les hachures étaient parallèles, disposées dans le sens de la plus forte pente, et d'une épaisseur proportionnelle à l'inclinaison de la pente, selon un « diapason » déterminé mathématiquement.
Héraldique
L'héraldique utilise pour décrire un blason une gamme de couleurs représentant métaux, émaux, fourrures, etc. Dans les livres imprimés, comme il était rarement possible d'avoir des représentations en couleur, on a adopté un système conventionnel de hachures en noir et blanc, surfaces constituées de lignes parallèles équidistantes donnant une valeur de gris moyen et identifiables par leur orientation, pour les émaux : horizontales : azur (bleu) ; verticales : gueules (rouge) ; horizontales et verticales croisées : sable (noir) ; à 45° à gauche (« en bande ») : sinople (vert) ; à 45° à droite (« en barre ») : pourpre (violet).
Azur
Gueules
Sable
Sinople
Pourpre
Bibliographie
Ségolène Bergeon-Langle et Pierre Curie, Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique, Paris, Editions du patrimoine, 2009 (ISBN 978-2-7577-0065-5), p. 723.
Jules Adeline, Lexique des termes d'art, 1885 (lire en ligne), p. 235.