L’ambre est une oléorésine fossile sécrétée par des conifères, utilisée pour la fabrication d'objets ornementaux.
Bien que non minéralisé, il est parfois utilisé comme une gemme. Il existe plusieurs « gemmes » organiques : les perles, la nacre, le jais, l'ivoire, le corail (rouge ou noir), la mellite ...
Étymologie
Son nom provient de l'arabe anbar (ʿanbar, عنبر, ambre gris de ʿanābir, عنابر, cachalot), mais le mot désignait primitivement l'ambre gris (qui est lui une concrétion intestinale du cachalot utilisée en parfumerie).
Son appellation grecque élektron (ἤλεκτρον) est à l'origine du terme « électricité », à la suite de la découverte par Thalès de ses propriétés électrostatiques (la triboélectricité). Les Turcs se servaient de ces propriétés pour séparer certaines fibres de la paille. Il est tiède au toucher, par opposition au verre, qui est froid. Une autre étymologie donnerait pour origine l’électrum (« matière jaune »), alliage d'or et d'argent.
Le mot ambre a de nombreux synonymes :
succin ;
carabé qui désigne l'ambre utilisé autrefois en médecine, ce dernier mot est lui aussi d'origine arabe.
Histoire
Depuis la préhistoire, l'ambre est utilisé comme bijou et objet d'art. Ainsi, on retrouve des fragments d’ambre brut ou de pièces transformées dès l'Aurignacien ancien dans la grotte d'Isturitz, des restes de parure au Solutréen dans la grotte d’Altamira en Espagne ou des perles d'ambre dans les grottes d’Enlène et du Mas d’Azil au Magdalénien.
Entre autres peuples, les Celtes ont beaucoup utilisé l'ambre sous forme de perles, de façon plus marquée à partir du VI siècle av. J.-C. Cette vogue disparaît à peu près deux siècles plus tard. Des pièces d'art celtique en ambre nous ont été léguées par les Anglo-Saxons.
Parce que l'ambre semble préserver des végétaux et des animaux, il a été associé à la jeunesse éternelle. Ainsi les femmes de la Rome antique en gardaient des morceaux en main, à la cour. De l'ambre a aussi été découvert dans des tombes égyptiennes et mycéniennes. Ces peuples importaient la « pierre qui flotte » de la côte Baltique et empruntaient la route de l'ambre.
Selon certains Anciens, par exemple Pline l'Ancien, Aristote ou Ovide, l’ambre serait le résultat d’une résine végétale s’écoulant de peupliers ou d’aulnes. Selon le poète Ovide, lorsque les Héliades, filles d'Hélios furent métamorphosées en aulnes et en peupliers, elles continuèrent de pleurer la mort de leur frère, Phaéton. Leur mère tenta de les sauver et commença à arracher les écorces qui recouvraient leurs corps, alors elles la supplièrent : « Pitié ma mère, je t’en supplie ! C’est notre corps qui, avec l’arbre est déchiré. Et maintenant adieu ! L’écorce vient étouffer leurs dernières paroles. Il en coule des pleurs, et goutte à goutte se solidifie l’ambre, né des rameaux nouveaux. Le fleuve transparent le recueille et l’emporte aux femmes latines qui s’en pareront ».
Les Slaves ont associé l'ambre aux larmes pétrifiées des dieux. Il servait de talisman de protection, en particulier contre les enlèvements d'enfants. Il symbolisait aussi le lien éternel du mariage.
Les Grecs anciens, comme les Chinois par ailleurs, ont découvert qu’en frottant l’ambre jaune (qu'ils appelaient élektron), celui-ci attirait d’autres objets et produisait parfois des étincelles ; c'est l'origine de notre mot « électricité » (sous cette forme elle est dite « statique »).
Fragment d'ambre Altamira Muséum de Toulouse
Un coffre orné d'ambre
Collier d'ambre de la culture de Hallstatt
Critères de déterminations
Pendentifs en ambre « fondu »
Du fait de la rareté de certains ambres, de nombreuses pièces contrefaites sont commercialisées. Les principaux matériaux utilisés par les faussaires sont le plastique et le copal. Le terme générique « plastique » regroupe ici : ambre naturel, ambre pressé, ambre fondu, ambroïde, polybern, bakélite, celluloïd, galalithe, plastique vrai, érinoïd, catalin, cellon…
Il existe de nombreux tests permettant d'« authentifier » une pièce d'ambre (c'est-à-dire un ambre natif). Cependant, une réponse positive à un seul (ou même plusieurs) de ces tests ne suffit pas toujours à valider la qualité d'ambre. La majorité de ces tests peuvent détériorer définitivement les spécimens. Un simple choc thermique peut faire éclater la pièce.
Chaleur : Placer une aiguille chauffée à blanc sur l'ambre, l'ambre dégage une odeur de résine de pin, l'aiguille laisse une marque blanche, qui effrite l'ambre et le copal. À l'inverse, une pièce en plastique dégage une odeur âcre, l'aiguille laisse une marque noire et colle au point de chauffe.
Acétone : Frotter l'ambre avec un coton imbibé d'acétone (ou de dissolvant à vernis à ongles). L'ambre ne se dissout pas, à l'inverse de certains plastiques utilisés pour les contrefaçons. Le copal peut devenir collant.
Eau chaude : Plonger la pièce dans l'eau chaude, l'ambre dégage une odeur de pin brûlé, certains plastiques, utilisés pour les contrefaçons, une odeur camphrée ou phénolée.
Alcool : Plongé dans l'alcool, l'ambre est attaqué lentement, alors que certaines matières plastiques peuvent l'être rapidement.
Grattage : Grattés avec un couteau ou une aiguille, l'ambre et le copal s'effritent.
Flottaison : Plonger le morceau dans un mélange de 25 cl d'eau et de 4 centimètres cubes de sel. L'ambre et le copal flottent, certains plastiques coulent.
Frottement : Frotter l'ambre avec un chiffon pour avoir une réaction électrostatique. L'ambre est très électrostatique, la réaction est vérifiable sur les cheveux, des pailles ou des petits bouts de papier. Certains plastiques de contrefaçons ne provoquent qu'une faible réaction électrostatique, ce qui permet de garantir qu'il ne s'agit pas d'ambre. Cependant d'autres plastiques peuvent provoquer une forte réaction.
Fluorescence : Placés sous ultraviolet, certains ambres peuvent donner lieu à de la fluorescence.
Inclusions
Si les sécrétions sont aériennes, l'ambre fossile contient souvent des inclusions de petits organismes fossiles, comme des insectes. Cependant, les sécrétions peuvent aussi apparaître dans le sol par les racines ; et, de fait, des dépôts ambrifères ne présentent alors aucune inclusion (plusieurs gisements français par exemple).
Il y a seulement 0,4 % de plantes dans les inclusions, peut-être que les cycles des plantes ne correspondaient pas à celui de la formation de la résine. Les vertébrés sont rares : un des exemples les plus connus est celui du musée de Palanga (Lituanie), qui possède une pièce possédant une inclusion de lézard entier. Le plus souvent, les inclusions sont des écailles ou quelques poils.
Dans le cas des invertébrés : myriapodes, scorpions, araignées, pseudoscorpions, tiques, mites , etc., 6 % de coléoptères et 73 % de diptères.
En 1998, une équipe de scientifiques (Lambert et al.) a retrouvé deux isolats de bactéries dans une inclusion vieille de 25 à 35 Ma. Cette bactérie, identifiée comme appartenant à une nouvelle espèce du genre Staphylococcus, a été nommée Staphylococcus succinus sp. nov. et est proche d'espèces existantes (Staphylococcus equorum, Staphylococcus xylosus et Staphylococcus saprophyticus). Staphylococcus succinus sp. nov. a, depuis, été isolée au sein d'une inclusion dans un succin (autre nom de l’ambre).
En 2005, David Penney (chercheur à l'université de Manchester) a montré qu'il était possible de retrouver de l'hémolymphe (l'équivalent du sang chez les arthropodes) à proximité d'araignées emprisonnées dans de l'ambre fossile, vieux de 20 millions d'années, provenant de la République dominicaine. Ces épanchements ont été retrouvés autour de membres sectionnés de deux araignées de la famille des Filistatidae, les animaux pris au piège ayant vraisemblablement cassé leurs membres en tentant de se libérer.
Bien que le livre (puis le film) Jurassic Park ait popularisé l'idée selon laquelle il était possible de recueillir du sang dans de l'ambre fossile, c'est la première fois que de telles traces sont réellement identifiées par des scientifiques. Elles pourraient contenir de l'ADN fossile, mais il reste à trouver une méthode pour le recueillir pour l'analyser.
En juillet 2002, Éric Geirnaert, auteur d'un ouvrage sur l'ambre, publie les photographies d'une découverte de sang de vertébré piégé dans la matrice fossile d'un ambre. Un lézard, piégé dans de la résine, aurait détaché sa queue pour se dégager, laissant son appendice au sein de la matrice d'un morceau d'ambre, accompagné de traces de sang.
En octobre 2006, G. O. Poinar et B. N. Danforth ont trouvé un fossile d'abeille dans un ambre du crétacé (environ 100 Ma). Plus vieux que les autres fossiles d'abeilles connus (d'environ 40 Ma), il présente des caractères communs aux abeilles et aux guêpes, confortant l'hypothèse d'une séparation entre ces deux groupes au moment de l'apparition des plantes à fleur.
En 2008, une étude de l'European synchrotron radiation facility portant sur 356 inclusions animales sont collectées dans **0 morceaux d'ambre complétement opaque, révélant la présence d'insectes et d'autres petits animaux (acariens, araignées, crustacés) d'une taille allant de 0,8 mm à 4 mm. Des animaux de plus grande taille ayant probablement eu la force de pouvoir s'échapper du piège. Les chercheurs peuvent les représenter en 3D avec une très grande précision, et même les extraire virtuellement de la résine datant d'environ 100 millions d'années.
Moustique - Miocène, République dominicaine.
Trichoptère
Elateridae, mer Baltique
Fausses inclusions
Les faussaires savent fabriquer des pièces contenant une inclusion, avec de l'ambre. Cet artisanat ne concerne généralement que les inclusions rares (scorpions, vertébrés, fleurs, etc.).
Gisements
Pécheur d’ambre sur les côtes polonaises près de Gdańsk
Il existe de très nombreux gisements d'ambre dans le monde.
On estime à une cinquantaine les différentes résines fossiles existant en Europe. Beaucoup d'entre elles ont donné lieu à des synonymies : ruménite, datant de l’oligocène dans les Carpates ; glésite, que l’on trouve aux mêmes endroits que la succinite mais de nature un peu différente ; siménite, ambre de Sicile ; aykaite, venant de Ayka près de Budapest et datant du crétacé.
ruménite, datant de l’oligocène dans les Carpates ;
glésite, que l’on trouve aux mêmes endroits que la succinite mais de nature un peu différente ;
siménite, ambre de Sicile ;
aykaite, venant de Ayka près de Budapest et datant du crétacé.
Il existe encore des dépôts d’ambre en Grande-Bretagne, en Ukraine, au Sud de la Suède et en Finlande, mais moins importants. Il est évident que beaucoup de ces dépôts ont été détruits par les différents événements géologiques au cours du temps.
La mer Baltique est un des gisements les plus connus.
Durant l’éocène, la mer recouvre la région depuis l’Ouest et la résine se détache des arbres et est emportée par la mer. Elle finira par se déposer dans les sédiments sur la côte Sud de la Sambie, maintenant appelée Oblast de Kaliningrad, située entre la Pologne et la Lituanie. Ces terres bleu suie contenant l’ambre sont des glauconites. L’ambre y est exploité depuis 1 000 ans ainsi que dans la province russe de Palmnitsk (Iantarny) dans une terre bleue épaisse de 8 m avec 2,5 kg d’ambre par mètre cube.
Il existe d'importants gisements en République dominicaine.
Gisement important et datant de 5 à 20 millions d'années à Simojovel (en) dans le Chiapas dans le sud du Mexique.
Formation
L'ambre consiste en une fossilisation de certaines résines végétales. Voici les principaux caractères de la succinite, une des molécules des ambres :
minéraux organiques amorphes ;
formule brute : C40H**O ;
densité : d=1,05 -1,10 ;
propriétés : tendre, fragile, flotte sur l'eau salée même légèrement, comme c’est le cas de la mer Baltique ;
couleurs : jaune, orangé, brun foncé, pouvant aller jusqu'au brun noir opaque, verte, bleu ;
éclat : résineux à gras ;
transparence : transparent, translucide, opaque ;
comportement : mou à 170 °C et détruit à 300 °C ; il devient noir lors de l’oxydation.
La résine est constituée d'isoprènes, molécules comprenant cinq atomes de carbone. Sous certaines conditions de chaleur et de pression et après une longue période (pouvant atteindre un million d'années), l'isoprène se polymérise, permettant la solidification du tout sous forme d'ambre. Différents processus interviennent aussi : oxydation, fermentation et la formation d’ambre à l’extérieur (79 % des ambres : gouttes stalactites, coulées) ou à l’intérieur (12 % : lamelles ou plaques coincées entre l’écorce et le tronc et qui ont encore souvent la marque de l’écorce) du tronc suivent des processus qui ne sont pas exactement les mêmes.
En 1890, Hugo Conwentz utilise le terme Pinus succinifera pour désigner l'ensemble des conifères à l'origine des ambres baltes. Cependant, bien que les différents ambres baltes soient relativement proches du point de vue physico-chimique, il est peu probable qu'ils soient tous issus d'une même espèce de conifère. En effet, la période durant laquelle ces ambres apparaissent s'étale sur 18 Ma. Ces arbres poussaient dans les forêts tropicales de la province du « Sambian » il y a 40 à 55 Ma. La production pathologique de résine pourrait être due à des changements climatiques, par exemple des gels précoces, ou des changements dans le sol, par exemple augmentation des sels. À cause de la production extraordinaire de sève, ces arbres croissaient lentement.
Malgré ces constatations, l'origine des ambres baltes reste discutée. Leurs origines pourraient ainsi se trouver parmi les Arecaceae, Fagaceae, Pinaceae ou les Cupressaceae.
Les ambres baltes verraient donc leurs origines au sein des gymnospermes, alors que le copal serait issu des angiospermes (plantes à fleurs). Cependant, d'après Éric Geirnaert (2002), la présence de l'alpha-amyrine (substance caractéristique des angiospermes) dans certains ambres baltes pourrait signifier que ces ambres peuvent avoir des plantes à fleurs pour origine, si les traces ne sont pas issues d'une contamination.
Ambre brut de la Baltique
Ambre brut de Colombie
Utilisations
Beaux-arts
L'ambre est utilisé pour la confection de médiums oléo-résineux et de vernis. Les peintres l'utilisent aussi pour réaliser des glacis à l'huile.
Ambre et traditions baltes
L'ambre a une place importante dans les costumes traditionnels lituaniens. Des bijoux d'ambre comme des colliers ont été portés pendant les cérémonies.
Symbolique et croyances
Les noces d'ambre symbolisent les 34 ans de mariage dans la tradition française. Il est parfois dit que « l'ambre porte en lui la mémoire ».
L'ambre, dédié à Apollon, passe pour réchauffer le cœur et transmettre l'énergie solaire. Un collier d'ambre possèderait ainsi le pouvoir de réchauffer et l'on en mettait au cou des jeunes enfants.
Un anneau d'ambre, porté en permanence par un homme, permettrait de garder confiance en sa virilité. Les Chinois sculptaient dans l’ambre de petits animaux qui étaient censés favoriser la fécondité. Un anneau de poignet porté par une femme et provoquant des rougeurs, indiquerait que cette dernière est adultère.
L'huile d'ambre (en) était jadis utilisée comme antihystérique et emménagogue.
L'ambre en poudre, selon une théorie énergérique ou chimique (action supposée de l'acide succinique) aiderait à lutter contre la dépression et l'angoisse, aurait une action bénéfique sur les voies respiratoires, arrêterait les saignements de nez, permettrait d'éviter les fausses couches. Selon une croyance populaire, le collier d'ambre pour bébé limiterait les souffrances dues à la pousse des dents de lait chez les jeunes enfants. Pourtant, aucune preuve scientifique n'atteste cette propriété. En outre, le collier présente des risques de strangulation ou d'ingestion des perles. En France, au Moyen Âge, l'ambre en poudre était l’ingrédient de certains philtres d’amour, peut-être par analogie avec son pouvoir « magnétique » ou plus exactement électrique.