L'estampe désigne le résultat de l'impression d'une gravure.
Le mot « estampe » déjà utilisé en ancien français sous les formes « estampe, estanpe, stampe » vient de l'italien stampa (impression, tirage, presse, estampe) dont l'étymologie d'origine germanique dérive de stampjan ou de stampôn (« écraser, frapper ») qui a donné stampfen en allemand (frapper du pied).
Nicolas Poussin, en 1**7, utilise déjà le mot au sens actuel d'image imprimée au moyen d'une planche gravée.
Définitions
L'estampe désigne, au sens strict, le résultat de l'impression d'une gravure ; la gravure étant l'ensemble des techniques qui utilisent le creux ou l’incision pour produire une série d'images ou de textes. Le principe consiste à inciser ou à creuser, à l'aide d'un outil ou d'un mordant, une matrice, généralement en bois ou en métal, qui après encrage, est imprimée sur du papier ou sur un autre support.
Aujourd'hui, par commodité, certaines institutions ou organisations appellent aussi estampe, le tirage obtenu par des techniques de reproduction artistique plus récentes, comme la lithographie ou la sérigraphie, qui utilisent des principes différents.
L’estampe originale est une œuvre de création obtenue par impression d'une matrice (ou de plusieurs matrices dans le cas d'une impression polychrome) réalisée par l’artiste lui-même, ou sous son contrôle direct.
Elle se distingue de :
la copie (fig. 1 et 2), exécutée d'après une autre gravure ;
l'adaptation, ou reproduction (fig. 3 et 4), exécutée d'après une œuvre d'art déjà existante ;
l'interprétation (fig. 5), exécutée par un graveur d'après documentation (croquis, esquisse ou dessin), sur commande d'un artiste qui ne participe pas directement à l'exécution de l'estampe.
1. Hashiguchi Goyō, Pluie du soir à Azumi-no Mori, 1917-1918, copie d'après Utagawa Hiroshige.
2. Utagawa Hiroshige, Pluie du soir à Azumi-no Mori, tirée des Vues célèbres dans le voisinage d’Edo.
3. Luigi Calamatta, La Joconde, 1858, chalcographie d'après Léonard de Vinci. Exemplaire au Teylers Museum, Haarlem, inv. TvB G 3674.
4. Léonard de Vinci, La Joconde, 1503-1506, Huile sur bois, Musée du Louvre, Paris, inv. 779.
5. Pieter van der Heyden, Patience, 1557, estampe d'après Pieter Brueghel l'Ancien éditée par Jérôme Cock, 339 x 435 mm, Rijksmuseum, Amsterdam, inv. RP-P-1878-A-2827.
Estampe, 190 x 285 mm, collection particulière.
Estampe, 222 × 351 mm. Exemplaire au Brooklyn Museum, New York, inv. 41.604.
Les principaux procédés
On distingue habituellement deux grandes familles d'estampes : les impressions en taille d'épargne et les impressions en taille-douce. Les outils et produits employés varient sensiblement d'une technique à l'autre. L'examen attentif d'une estampe permet donc en principe de reconnaitre le procédé utilisé.
L'impression en relief ou taille d'épargne
Elle est obtenue à partir de matrices en relief pour lesquelles les parties non imprimantes sont éliminées mécaniquement ou chimiquement. C'est la partie saillante de la planche gravée qui est encrée. Le contact avec une forte pression sur du papier, ou un autre support, produit l'estampe. Les principale techniques utilisées sont la xylographie et la linographie.
La xylographie
Estampe obtenue par le procédé de la gravure sur bois. C'est la technique la plus ancienne ; elle était pratiquée dès le VII siècle en Chine. En Europe, l'estampe datée la plus ancienne est conservée à la John Rylands Library de Manchester. Il s'agit d'une xylographie anonyme colorée à la main datée de 1423 représentant saint Christophe (fig. 6).
Sur bois de fil
La gravure sur bois de fil est réalisée sur une planche de bois découpée dans un tronc d'arbre pris dans le sens longitudinal, celui des fibres.
Sur bois debout
La gravure sur bois debout est réalisée sur une planche de bois découpée dans un tronc d'arbre pris dans le sens transversal, perpendiculairement aux fibres. La technique provient d'Angleterre et Elisha Kirkall (1682-1742) fut le premier à graver au burin sur bois debout. Thomas Bewick (1753-1828) popularisa cette technique (fig. 7).
6. Anonyme, Saint Christophe, 1423, xylographie colorée à la main, John Rylands Library, Manchester.
7. Thomas Bewick, Chouette effraie, 1847, xylographie.
8. Therloïc Brossard, Soleil, 1970, linogravure, 23 x 30,5 cm, collection particulière.
Tirée de l'ouvrage : (ang) Thomas Bewick, History of British Birds : Vol. 1 containing the history and description of land birds, Newcastel, 1826, p. 61.
La linogravure
Dérivé de la xylographie, la linogravure, est une estampe obtenue par gravure du linoléum (fig. 8). Apparu en 1863 en Angleterre, ce matériau est d'abord utilisé pour couvrir les sols ; il est employé pour la gravure en taille d'épargne au début du XX siècle. Matisse et Picasso ont contribué à donner à cette technique ses lettres de noblesse.
L'impression en creux ou taille-douce
Elle est obtenue à partir de matrices entaillées mécaniquement à l'aide d'outils, ou chimiquement à l'acide. Après encrage, la matrice est essuyée afin de permettre à l'encre de se déposer dans les creux. La matrice doit ensuite être soumise à une très forte pression pour permettre à l'encre de se déposer sur le papier lors de l'impression.
La chalcographie
Estampe obtenue par le procédé de la gravure sur cuivre. Les principales techniques utilisées sont le burin, la pointe-sèche, l'eau-forte et la manière noire.
Le burin
Le burin est la technique de gravure linéaire la plus ancienne (fig. 9). Le déplacement du burin sur la plaque métallique provoque une entaille avec soulèvement d'un copeau spiralé. Le modelé est obtenu par une série de tailles parallèles.
La pointe sèche
La pointe sèche (fig. 10) est un procédé de gravure linéaire ; l'outil utilisé est une aiguille d'acier très dure. Le trait obtenu à l'impression est plus fin qu'au burin.
L'eau-forte
L’eau-forte (fig. 11) est un procédé de taille indirecte par morsure du métal par un acide. Le vernis qui recouvre la plaque métallique est dégagé afin de permettre à l'acide d'agir. On compte de nombreux procédés dérivés comme le vernis mou (fig. 12), l'aquatinte (fig. 13) et la manière de crayon (fig. 14).
La manière noire
La manière noire (fig. 15) est un procédé d'impression qui permet d'obtenir des valeurs de gris sans recourir aux hachures ou aux pointillés. La plaque grainée uniformément est grattée ou polie de façon à éclaircir progressivement les zones que l'on souhaite voir émerger du fond noir.
9. Albrecht Dürer, Le Chevalier, la Mort et le Diable, 1513, burin.
10. Albrecht Dürer, Saint Jérôme, 1512, pointe sèche.
11. Johan Barthold Jongkind, Vue du port au chemin de fer à Honfleur, 1867, eau-forte.
12. Charles-François Daubigny, Le Satyre, 1848, vernis mou.
13. Francisco de Goya, Femme enlevée par un cheval, 17**, eau-forte et aquatinte.
14. Gilles Demarteau, Femme sur le ventre, 1761, manière de crayon en sanguine.
15. John Raphael Smith, Sophia Western, 1784, manière noire.
Cf. Strauss 1973, p. 150-151.
Cf. Melot 1978, p. 120-121.
Cf. Melot 1978, p. 285.
Cf. Melot 1978, p. 276.
Estampe n 10 de la série des Proverbes. Cf. Krejča 1980, p. 113.
Estampe d'après François Boucher, 270 x 370 mm, Université de Liège, inv. 8759.
Portrait de Harriet, Lady Cunliffe, en Sophia Western dans le Tom Jones de Henry Fielding. Estampe de reproduction d'après un portrait à l'huile de Lady Cunliffe par John Hoppner, 255 x 214 mm, The British Museum, Londres, inv. 1888,0716.358.
Marques et inscriptions
En termes de métier, la légende, qui peut figurer dans une estampe, porte le nom de « lettre ». Celle-ci peut indiquer, le nom ou le monogramme du graveur (fig. 16), le nom de l'éditeur, le titre de l'œuvre, la date de sa réalisation, etc..
C'est vers le milieu du XV siècle en Europe que l'on commence à utiliser des abréviations latines pour préciser sur la matrice à l'origine de l'estampe la fonction des intervenants :
16. Monogrammes de Corneille Metsys, tirés de l'ouvrage de Le Blanc 1856, p. 625.
pinx. pour pinxit : peignit ;
del., delin. pour delineavit : dessina ;
comp. pour composuit : composa ;
inv., invent. pour invenit : inventa ;
sc., sculps. pour sculpsit : tailla ;
f., fe., fec. pour fecit : fabriqua.
Le nom de l'imprimeur est parfois indiqué avant la mention imp. pour impressit : imprima ; tandis que l'éditeur est parfois signalé par les abréviations e., ex., excude. pour excudebat, excudit.
Ainsi, en bas de l'estampe intitulée Patience (fig. 5) figure à gauche la mention « H. Cock excude. 1557 » (Hieronymus Cock édita 1557), à droite le monogramme du graveur Pieter van der Heyden suivi de la notation « Brueghel invent. » (Brueghel inventa).
Depuis la fin du XIX siècle, ces indications gravées ont généralement été remplacées par des mentions manuscrites au crayon dans la marge inférieure de l'estampe, au bord de la cuvette. À droite, on trouve habituellement la signature de l'artiste et la date d'impression. À gauche peut figurer une fraction qui indique le numéro d'ordre du tirage sur le nombre total d'exemplaires. On trouve parfois aussi la mention « E.A. » réservée aux tirages préliminaires appelés épreuves d'artiste. Le titre de l'œuvre peut par ailleurs apparaitre au centre, entre la fraction et la signature.
Bibliographie
Jean E. Bersier, La gravure : Les procédés, l'histoire, Paris, Berger-Levrault, 1963, 436 p. (ISBN 2-7013-0013-4).
Remi Blachon, La gravure sur bois au XIX siècle : L'âge du bois debout, Paris, Les Éditions de l'Amateur, 2001, 288 p. (ISBN 2-85917-332-3).
Aleš Krejča, Les techniques de la gravure : Guide des techniques et de l'histoire de la gravure d'art originale, Paris, Gründ, 1980, 200 p. (ISBN 2-7000-2125-8).
Charles Le Blanc, Manuel de l'amateur d'estampes, t. 2, Paris, P. Jannet, 1856, p. 625
Michel Melot, L'œuvre gravé de Boudin, Corot, Daubigny, Dupré, Jongkind, Millet, Théodore Rousseau, Paris, Art et Métiers du Livre Éditions, 1978, 296 p. (ISBN 2-7004-0032-1).
Jean-Pierre Néraudau, Dictionnaire d'histoire de l'art, Paris, PUF, 1985, 524 p. (ISBN 2-13-038584-2).
(ang) Walter L. Strauss (ed.), The complete engravings, etchings & drypoints of Albrecht Dürer, New York, Dover Publications, 1973, 236 p. (ISBN 0-486-22851-7).