Le psychédélisme (du grec ancien ψυχή = psychẽ « âme », et δηλοῦν = dẽloun « rendre visible, montrer ») est un mouvement de contre-culture apparu dans le milieu des années 1960 et valorisant les perceptions sensorielles causées par diverses substances hallucinogènes présentes dans certains végétaux ou obtenues par synthèse, telles que l'ayahuasca, les champignons hallucinogènes (psilocybes), le LSD, la MDMA, la mescaline ou même encore, des molécules plus récentes, comme les dérivés "2C" (2CB, 2CC).
Étymologie
Le terme a été inventé en 1956 par le psychiatre H. Osmond, dans un échange de lettres avec Aldous Huxley. Alors qu'ils cherchaient tous les deux comment désigner ces substances dont ils découvraient les effets sur la connaissance du psychisme, Huxley, en réponse à une proposition d'Osmond qu'il n'avait pas comprise, avait, à partir de deux mots grecs anciens (le verbe phaneroein et le nom thymos), forgé le terme phanérothyme qui peut se traduire par « qui rend l'âme visible, manifeste ».
Huxley avait conclu sa lettre par ces vers :
To make this trivial world sublime,
Take a half a gramme of phanerothyme.
auxquels Osmond avait répliqué par ceux-ci :
To fathom Hell or soar angelic,
Just take a pinch of psychedelic.
Histoire
Le mouvement psychédélique apparaît, en parallèle du mouvement hippie, à partir de 1965 quand l'usage du LSD, sous l'impulsion de personnalités comme le psychologue Timothy Leary, le chimiste Augustus Owsley Stanley III et les romanciers Ken Kesey et Aldous Huxley, se répand dans une population jeune occidentale. Ce développement se produit malgré l'interdiction de la consommation du LSD aux États-Unis en 1965 et en Angleterre en 1966.
Il atteint son sommet de 1967 à 1969 avec le rock psychédélique (Jimi Hendrix, The Doors, Grateful Dead et Pink Floyd) et à travers les affiches de concerts ou les couvertures d'albums de designers comme Wes Wilson, Victor Moscoso, Rick Griffin et Martin Sharp.
Drogue psychédélique
Les drogues psychédéliques regroupent un certain nombre de psychotropes hallucinogènes tels le LSD, la mescaline, la psilocybine (champignons hallucinogènes), la DMT ou l'ecstasy (MDMA). Ces drogues psychédéliques sont souvent caractérisées par des hallucinations (visuelles, sonores…), de l'introspection (pouvant parfois être d'une certaine violence psychologique), ou l'exstase. Comme avec certains psychotropes, les effets recherchés peuvent parfois se transformer en bad trip. Une mauvaise préparation à l'expérience, un cadre inadapté peuvent provoquer une intense panique pouvant générer des troubles psychiatriques graves et durables : angoisses, phobies, état confusionnel, dépression voire bouffées délirantes aiguës. Cependant, utilisées par des experts dans un cadre thérapeutique sécurisé, les substances psychédéliques peuvent s'avérer être des médicaments utiles en médecine et psychiatrie.
Un usage déraisonné (fréquence rapprochée des prises, dosages importants) peuvent également conduire à des troubles psychiatriques ou physiologiques comme le syndrome post-hallucinatoire persistant, la dépersonnalisation ou la déréalisation.
Une étude de 2013 a montré que la consommation de psychédéliques en tant que telle ne favorisait pas l'apparition de troubles mentaux.
Affiches
Les affiches de concert rock sont un des domaines où le psychédélisme s'est pleinement exprimé. L'art de l'affiche psychédélique débute au milieu des années 1960, à San Francisco, dans le quartier de Haight-Ashbury. C'est dans ce quartier que naît le rock psychédélique, influencé par la prise de drogues hallucinogènes, notamment le LSD. Les groupes comme Grateful Dead, Jefferson Airplane, Big Brother and the Holding Company occupent le devant de la scène, dont le producteur des concerts Bill Graham est largement responsable pour la prolifération des affiches psychédéliques qu'il commande pour les concerts de ceux-ci qu'il produit dans au Fillmore, Winterland et dans des autres salles.
Une douzaine d'artistes — en particulier Alton Kelley, Wes Wilson, Victor Moscoso, Rick Griffin, et Stanley « Mouse » Miller (qui seront nommés les Big 5 et formeront le Mouse Studios) — ont conçu des centaines d'affiches pour annoncer les concerts de ces groupes, dans les salles mythiques comme l'Avalon Ballroom au Fillmore Auditorium. Ils révolutionneront l’imagerie musicale, témoignant d’un moment particulièrement créatif de la culture américaine.
D'autres artistes participent au mouvement comme Peter Max aux États-Unis et Michael English (né en 1942), Michael McInnerney, l'Australien Martin Sharp, Nigel Waymouth au Royaume-Uni.
Le style est fait d'enchevêtrements et de courbes sinueuses qui se multiplient à l'infini. Les lettrages suivent la même tendance jusqu'à être presque illisibles. L'usage de couleurs saturées et multiples est de rigueur. On retrouve l'influence à la fois de l'Art nouveau (en particulier d'Alphonse Mucha), les expériences visuelles liées à la prise de drogues hallucinatoires (en particulier le LSD) et de l'art indien.
Pochettes de disque
Plus encore que sur les affiches, les pochettes de disques furent un espace où le psychédélisme s’exprima pleinement (par exemple, Sgt. Pepper lonely Hearts Club Band des Beatles ou The Piper at the Gates of Dawn de Pink Floyd).
Bande dessinée
Même si l’élément principal du scénario n’est pas systématiquement un trip hallucinatoire, le psychédélisme dans son aspect esthétique influença bien sûr la bande dessinée. L’exemple le plus typique est probablement les aventures de Lone Sloane de Philippe Druillet. Tant pour le graphisme que pour la construction des histoires, cette bande dessinée marque son époque. Les débuts de Caza sont aussi caractérisés par le psychédélisme.
Cinéma
Dans le film d’animation Yellow Submarine, fondé sur des chansons des Beatles, le psychédélisme est présent du début à la fin. De même pour Head avec les Monkees.
Il est parfois présent dans l’esprit et l’esthétique comme dans Barbarella (1968) de Roger Vadim basé sur la BD de Jean-Claude Forest.
Il apparaît aussi le temps d’une ou plusieurs scènes plus ou moins longues comme dans la partie finale de 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick, long trip de couleur et de formes changeantes.
Enfin, d’autres films représentent la scène musicale hippie et psychédélique tels que Psych-Out et Zabriskie Point.
Les films Easy Rider ou Hair montrent le mode de vie hippie et les problèmes qu'il crée à son époque notamment avec le peuple américain.
De contre-culture, le psychédélisme est ensuite devenu un objet mercantile, comme le prouvent les films comiques récents de la série Austin Powers.
Littérature
William S. Burroughs et les écrivains de la Beat generation (Jack Kérouac, Allen Ginsberg) peuvent être considérés comme des précurseurs du psychédélisme en littérature. Certains livres de Philip K. Dick décrivent des expériences psychédéliques paranoïaques (Substance Mort...) ainsi que Hunter S. Thompson et son Las Vegas Parano. Tom Wolfe a très bien décrit les débuts du psychédélisme des Merry Pranksters de Ken Kesey aux États-Unis dans son ''Electric Kool Aid Acid Test qui est adapté au cinéma par Gus Van Sant (2007).
Citons également Aldous Huxley, surtout son livre Les Portes de la perception.
Musique
On distingue généralement quatre genres pouvant être associés à la musique psychédélique : le rock psychédélique, la pop psychédélique, le trip hop, et la psytrance.
Parmi les représentants du rock psychédélique on trouve The Doors, Pink Floyd, The Byrds, Grateful Dead, The Yardbirds, The Animals, Jefferson Airplane, Janis Joplin, Jimi Hendrix, Cream, ou Frank Zappa. Parmi ceux de la pop psychédélique, The Beatles, The Kinks, Small Faces, Traffic et The Beach Boys avec notamment leur single Good Vibrations.
Le trip hop, dérivé du hip-hop, se caractérise par une musique dite « planante », mélancolique et calme, tels : Massive Attack, Archive et Wax Tailor.
La psytrance est la branche du mouvement psychédélique associée à la trance. Elle est caractérisée par un rythme rapide et des basses fortes, sans interruption, sans changement et recouvertes par beaucoup d'autres rythmes. Ses principaux berceaux sont Goa en Inde, le Japon, Israël et l'Europe. Plus récemment, un mouvement lié à la Psytrance s'est développé en utilisant des sonorités similaires, à un tempo 2 à 3 fois plus lent : le psybient. Ces deux mouvement prônent souvent des valeurs spirituelles et écologiques.
Un aspect psychédélique est aussi reconnaissable dans le funk (George Clinton et Funkadelic), le jazz, le rhythm and blues (Dr. John, l'album Babylon), et le folk de Bob Dylan et Donovan.