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词典释义:
croisade
时间: 2023-09-18 15:35:10
TEF/TCF
[krwazad]

n.f.1. 【史】十字军东征2. 〈〉(社改革为宗旨的)运动常见用法

词典释义
n.f.
1. 【史】十字军东征

2. 〈〉(改革为宗旨的)运动
la croisade antialcoolique禁酒运动

常见用法
le temps des croisades十字军东征的时代
l'époque des croisades十字军东征时期

近义、反义、派生词
助记:
crois十字+ade动作,总称

词根:
crois, cruci 十字

词:
offensive,  opération,  guerre sainte,  campagne,  guerre
联想词
conquête 征服; guerre 战争; reconquête 夺回; offensive 进攻,攻击,攻势; invasion 入侵,侵略,进犯; révolte 暴动; djihad 伊斯兰圣战; lutte 搏斗; chrétienté 基督教徒; épopée 史诗,叙诗; hérésie 异端,异教,邪说,邪道;
短语搭配

des croisades politiques政治东征

la croisade antialcoolique禁酒运动

croisade contre l'alcoolisme禁酒运动

l'ère des croisades十字军时代

le temps des croisades十字军东征的时代

croisade contre les infidèles对不信基督教的人实行讨伐

l'époque des croisades十字军东征时期

des croisades de la foi信仰东征

La lutte pour la libération a, dans une certaine mesure, ressemblé à une croisade (Malraux).从某种意义上说,为自由而进行的斗争同十字军东征没有什么两样。(马尔罗)

Le but de Villehardouin, chroniqueur de la 4e croisade, fut de justifier la prise de Constantinople.第四批十字军的编年史作者维尔阿杜安目的在于为攻下君士坦丁堡辩护。

原声例句

Je soigne en ce moment une baronne, la baronne Putbus ; les Putbus étaient aux Croisades, n’est-ce pas ?

我现在正在给一位男爵夫人治病,她叫普特布斯男爵夫人;普特布斯家人参加过十字军东征,是不是?

[追忆似水年华第一卷]

Enfin les huit marches qui régnaient au fond de la cour et menaient à la porte du jardin, étaient disjointes et ensevelies sous de hautes plantes comme le tombeau d’un chevalier enterré par sa veuve au temps des croisades.

院子底上,通到花园门有八级向上的石磴,东倒西歪,给高大的植物掩没了,好似十字军时代一个寡妇埋葬她骑士的古墓。

[欧也妮·葛朗台EUGÉNIE GRANDET]

L'époque de Saladin est aussi celle des croisades, des guerres opposant les chrétiens et les musulmans depuis un siècle environ.

萨拉丁的时代也是十字军东征的时代,基督徒和穆斯林之间的,战争持续了大约一个世纪。

[Quelle Histoire]

Saladin s'emploie à unifier tous les peuples du Proche-Orient pour composer une grande armée capable de rivaliser avec celle des croisades.

萨拉丁致力于统一近东的所有民族,组成一支能够与十字军相匹敌的庞大军队。

[Quelle Histoire]

Bien qu'ils soient introvertis, ils mèneront une croisade passionnée pour défendre leur éthique et leurs croyances, quelle que soit la force opposée.

尽管他们性格内向,但他们会领导一场充满激情的运动来捍卫自己的道德和信仰,无论反对力量如何。

[心理健康知识科普]

Pas d'inquiétude, la chaîne n'est pas en train de vous faire l'apologie de la croisade !

别担心,我们这集视频不是在倡导十字军东征!

[硬核历史冷知识]

On associe spontanément les Hospitaliers aux croisades.

我们自发地将医院骑士团与十字军东征联系在一起。

[硬核历史冷知识]

Et pourtant, c'est pas du tout ce que nous disent les dates : les origines de l'Ordre commencent avant même la première croisade de 1095.

然而,我们不是推算时间才得出的:甚至在 1095 年的第一次十字军东征之前就已经有骑士团了。

[硬核历史冷知识]

Mais on ne en parle pas du tout de croisade : la première n'aura lieu qu'en 1095-1099, dans quinze ans !

但是我们根本没有提到十字军东征:直到十五年后的 1095-1099 年才会发生第一次十字军东征!

[硬核历史冷知识]

C'est lui, le premier vrai ordre religieux militaire né de la croisade.

它是十字军东征中诞生的第一个真正的军事宗教团体。

[硬核历史冷知识]

例句库

On perd ensuite sa trace : elle est peut-être détruite pendant le pillage de Constantinople lors de la quatrième croisade, en 1204.

我们失去了之后的线索:她可能在第四次十字军东征时期在君士坦丁堡遭到抢劫的过程中被毁坏。

Malgré un nombre incalculable de résolutions de l'Organisation des Nations Unies et les appels répétés de la communauté internationale, la puissance occupante s'est lancée dans une croisade opiniâtre de colonisation de Jérusalem-Est.

占领国不顾无数联合国决议和国际社会的反复呼吁,开始了一个在东耶路撒冷实行殖民化的毫不松懈的运动。

On ne peut parcourir le monde pour encourager une prétendue croisade contre le terrorisme international, notamment celui qui implique l'utilisation d'armes de destruction massive, et offrir refuge et impunité sur le territoire du pays qui se proclame à la tête de cette croisade, à des terroristes, réputés redoutables et passés aux aveux, comme Luis Posada Carriles.

不能一方面在全球各地到处宣扬所谓的打击国际恐怖主义运动,包括涉及使用大规模毁灭性武器的那种恐怖主义,而另一方面却在声称领导这场运动的国家领土上给路易斯·波萨达·卡里勒斯等臭名昭著且已经自认的恐怖分子提供庇护,对其罪行不予惩罚。

Chacun sait que le Canada mène une croisade soutenue et injustifiée pour l'inscription du nord de l'Ouganda à l'ordre du jour du Conseil de sécurité.

众所周知,加拿大一直在领导一个持续、不必要和没有道理的运动,要把乌干达北部问题列入安全理事会议程。

Ces deux informations montrent dans toute leur ampleur le cynisme et l'insolence qui caractérisent la conduite du Gouvernement américain ainsi que la duplicité et l'hypocrisie de sa prétendue croisade antiterroriste.

这两项消息使美国政府欺世盗名的厚颜无耻行为暴露无遗,并反映了其所谓的反恐运动是多么的虚假和虚伪。

Il est impossible de faire croisade contre le terrorisme international alors que le chef de cette croisade abrite lui-même des terroristes sur son territoire; le terrorisme national ne peut pas être éliminé si certains types d'actes terroristes sont condamnés, alors que d'autres sont étouffés, tolérés ou justifiés.

如果“十字军”的头领在其自己的领土内窝藏恐怖主义者,就不能用这个“十字军”打击国际恐怖主义;如果谴责某些形式的恐怖主义,而默许、容忍或合理化其他的恐怖主义,那么国际恐怖主义就不能消除。

Depuis que mon pays est devenu membre du Conseil de sécurité, voilà bientôt deux ans, le terrorisme a poursuivi sa croisade meurtrière, portant le nombre de ses victimes, y compris des enfants, à un niveau inacceptable.

自我国将近两年前成为安全理事会成员以来,恐怖主义实施了它的致命行动,造成许多人受害,其中包括儿童,受害人数已达到无法接受的程度。

Participent également à la croisade contre la violence à l'égard des femmes et des enfants trois groupes  SALIGAN (Sentro ng Alternatibong Lingap Panlegal), le Bureau juridique pour les femmes et KALAKASAN (Kababaihan Laban sa Karahasan), ONG fournissant un refuge et un soutien psychologique aux victimes.

参与打击对妇女儿童的暴力斗争的还有三个法律组织,即SALIGAN (Sentro ng Alternatibong Lingap Panlegal)、妇女法律局、以及提供住所和咨询的非政府组织消除对妇女暴力基金会。

Les Palaos ont toujours fait entendre leur voix dans leur croisade contre la pêche au chalut, et ce, en raison de ses effets nuisibles sur les écosystèmes des océans.

鉴于底拖网捕捞对海洋生态系统的影响,帕劳一直在其终止这种做法的运动中大声疾呼。

Dans ce contexte, ma délégation note avec satisfaction que nous n'étions pas seuls dans sa croisade; en fait, nous n'aurions pas pu nous permettre d'agir seuls.

在这方面,我国代表团高兴地看到在我们的斗争中,我们并不孤立;的确我们无法单独行事。

Nous devons tous jouer notre rôle dans la croisade contre cette maladie.

在防治艾滋病毒/艾滋病的斗争中,我们都应发挥各自的作用。

Dans cette croisade contre le fléau, nous devons renforcer le partenariat entre les gouvernements, les personnes vivant avec le VIH, les groupes vulnérables, les organisations religieuses, le secteur privé et les institutions internationales pour une réponse globale et complète.

在防治艾滋病毒/艾滋病的斗争中,我们必须加强各国政府、艾滋病毒感染者、高发群体、宗教组织、私营部门和国际机构之间的伙伴合作关系,以确保全球范围的全面回应。

En lançant depuis quelques années, au nom également de ses pairs du Bénin, du Mali et du Tchad, sa croisade contre les subventions aux cotonculteurs du Nord, le Président Blaise Compaore a voulu qu'il soit mis fin à l'une des pratiques les plus cyniques du commerce international.

数年前,布莱斯·孔波雷总统发起一场反对给予北方棉花种植者补贴的斗争——这场斗争也代表贝宁、马里和乍得,试图结束国际贸易中一种最可笑的做法。

Les élever au rang de l'affrontement mondial des cultures, des religions et des civilisations, et développer à l'époque actuelle la logique des croisades, c'est se tromper de catégorie.

把它们升高到不同文化、宗教和文明之间的全球对抗,或在现在的土壤上鼓励十字军的逻辑,只能使人误入歧途。

Assumant ses responsabilités statutaires, le Conseil de sécurité a, à juste titre, pris les devants de la croisade contre le terrorisme.

通过承担其法定责任,安全理事会在反恐怖主义斗争中起了应有的领导作用。

L'Iraq vit sous le feu de la croisade contre le terrorisme.

伊拉克受到了反恐十字军远征的冲击。

Mme Rawlings (Ghana) (parle en anglais) : Je transmets à tous les participants à la présente session extraordinaire et à tous ceux qui font partie de la croisade pour la promotion des femmes, les salutations chaleureuses et les meilleurs voeux du Président, du Gouvernement du peuple du Ghana, ainsi que ceux de la masse fourmillante des femmes qui marchent pendant des kilomètres pour trouver de l'eau potable et qui se battent quotidiennement pour nourrir, loger et éduquer leurs enfants.

罗琳斯夫人(加纳)(以英语发言):我向本次特别会议的所有与会代表和所有支持提高妇女地位的人们转达加纳总统、政府和人民的以及那些需要走几里路提取饮用水和每天挣扎着喂养、教育她们的子女并为其提供住房的广大妇女们的热烈问候和良好祝愿。

Quand elles partent en croisade, elles remportent souvent des victoires à la Pyrrhus et nuisent aux populations des pays en développement au nom desquelles elles prétendent parler.

它们经常为实现代价过高的目标而发起运动,伤害发展中世界的人民,却声称为这些人民说话。

Le but de notre présence en ce parlement des peuples des Nations Unies n'est pas de nous repaître des succès passés, mais de renouveler notre engagement et notre détermination de régler les problèmes qui continuent de se poser à l'humanité, et de prêter notre appui au lancement par l'ONU d'une nouvelle croisade visant à relever les tumultueux défis contenus dans le chapitre VII du rapport du Secrétaire général.

我们参加联合国这个各国人民议会的目的并不是沉浸在过去成就的喜悦之中,而是不断重新确认我们的承诺和决心,以面对继续困扰人类的各种问题,支持使联合国走上新的征途,迎接秘书长报告第七章所叙述的各种巨大挑战。

Je suis un homme politique, non un historien, mais nous connaissons tous les effets des croisades aussi bien sur l'Europe que sur le Moyen-Orient des XIe et XIIe siècles, ou la transformation des cultures autochtones et européennes par la « découverte » du nouveau monde, ou les conséquences du commerce des esclaves des XVIIe et XVIIIe siècles sur l'Afrique et les Amériques.

我是一个政客,不是历史学家,但是我们都知道11和12世纪十字军对欧洲和中东的影响,或者新大陆“发现”使土著和欧洲文化产生的变化,或者17和18世纪黑奴贸易对于非洲和美洲的影响。

法语百科

Les croisades du Moyen Âge sont des pèlerinages armés, prêchés par le pape, par une autorité spirituelle de l'Occident chrétien comme Bernard de Clairvaux, ou par un souverain comme Frédéric Barberousse.

Elles furent lancées pour restaurer l'accès aux lieux de pèlerinages chrétiens en Terre Sainte, autorisés par les Arabes Abbassides, mais qu'interdirent les Turcs Seldjoucides en 1071 quand ils prirent Jérusalem aux Arabes. Elles débutèrent en 1095, répondant aussi à une demande de l'empereur de Byzance inquiet de l'attitude des Turcs. Les Byzantins parlaient grec, étaient chrétiens, mais depuis 1054 se définissant comme en rupture avec Rome (orthodoxes et non catholiques romains). Les croisés ne firent pas de conquêtes durables, se désintéressèrent de la question une fois que Saladin eut rétabli l'accès aux pèlerinages, hormis pour ceux qui s'étaient installés sur place, et en fin de compte affaiblirent les Byzantins plus qu'ils ne les aidèrent.

La définition traditionnelle, retenue pour cet article, englobe la période 1095-1291, du concile de Clermont à la prise de Saint-Jean-d'Acre, en se limitant aux expéditions en Terre sainte. Une vision plus large va jusqu'à la bataille de Lépante (1571), pour inclure la Reconquista espagnole, en incluant toutes les guerres contre les Infidèles et les hérétiques sanctionnées par le pape, qui y attache des récompenses spirituelles et des indulgences.

La première croisade débute en 1096 avec des milliers de pèlerins piétons, pour réoccuper une partie des terres perdues lors de l'expansion arabe du IX siècle, et ainsi rendre Jérusalem accessible au pèlerinage. Elle aboutit à la fondation des États latins d'Orient, dont la défense justifie les sept autres croisades principales, de 1147 à 1291, date de la perte des dernières positions latines en Orient. À partir de la quatrième croisade, qui s'empare de Constantinople en 1204, l'idée est parfois dévoyée : des expéditions sont organisées par le pape contre ses opposants chrétiens (Albigeois, Hohenstaufen, Aragon ou encore Hussites au XV siècle…) ou païens (baltes). Si elles permettent le maintien des États latins d'Orient, les croisades n'ont plus pour objectif Jérusalem.

Les cités marchandes italiennes ont bénéficié des croisades, et développé dans la foulée les liens entre places commerciales européennes.

Croisades contre les hussites

Terminologie

Le terme « croisade » est rare et n'apparaît pas avant le milieu du XIII siècle en latin médiéval et seulement vers 1850 dans le monde arabe. Les textes médiévaux parlent le plus souvent de voyage à Jérusalem « iter hierosolymitanum » pour désigner les croisades, ou encore de peregrinatio, « pèlerinage ». Plus tard sont aussi employés les termes de auxilium terre sancte, « aide à la Terre sainte », expeditio, transitio ainsi que « passage général » (expéditions d'armées nationales), « passage régulier » et « passage particulier », ces passages étant des incursions ponctuelles (plus ou moins locales, de brigandage et pillage) et non les « guerres saintes » et « grandes expéditions » que sont les croisades.

Le terme de croisade n'apparaît que tardivement en français : le Trésor de la langue française informatisé (TLFi) fait remonter l'expression « soi cruisier » (se croiser) à la Vie de St Thomas le martyr de Guernes de Pont-Sainte-Maxence datée de 1174, et le terme de « croisade » aux Chroniques de Chastellain datées d'avant 1475, notant qu'il s'agit d'un substitut de termes proches tels que « croisement », « croiserie » ou « croisière » qui sont plus anciens, sans qu'on puisse les signaler avant la fin du XII siècle ; le Dictionnaire historique de la langue française note une première apparition du mot vers 1460 et note également qu'il dérive de « croisement », que l'on rencontre avant la fin du XII siècle.

Pourtant, l'ancien français « croiserie » apparaît dans la chronique de Robert-de-Clari durant la quatrième croisade (1204), tandis que l'on trouve l'espagnol cruzada dans une charte en Navarre de 1212. En réalité, tous ces termes sont des substantifs de l'adjectif crucesignatus, croisé (littéralement, marqué par la croix) qui, lui, apparaît dans la chronique d'Albert d'Aix (sans doute écrite, pour sa première partie, dès 1106) ou du verbe crucesignare, prendre la croix, qui est fréquent au XII siècle.

Il est donc clair que ce que nous appelons « première croisade » n'était pas appelée ainsi par ses contemporains. Du point de vue musulman, les croisades ne sont d'ailleurs pas perçues comme une nouveauté, mais comme la continuation de la lutte contre l'Empire romain d'Orient, qui durait depuis plusieurs siècles. Pourtant, il est aussi évident que les contemporains ont eu très tôt conscience que la croisade n'était pas un simple pèlerinage armé ni une opération militaire comme les autres mais bien une réalité différente, alliant les caractéristiques du pèlerinage à Jérusalem aux impératifs d'une guerre pour la défense de la foi.

Les origines de la croisade

Arrivée des croisés à Constantinople
Arrivée des croisés à Constantinople

Les causes lointaines

Les pèlerinages à Jérusalem

Jérusalem restait pour les chrétiens le centre du monde spirituel terrestre. Le pèlerin pouvait s'y recueillir devant le calvaire et le Saint-Sépulcre. La « vraie croix » y était vénérée. La conquête de la Palestine par les Arabes (Jérusalem fut prise en 638) n'affecta guère les pèlerinages vers les lieux saints ; les Fatimides imposèrent simplement une redevance aux pèlerins. Les dangers à braver en chemin faisaient partie de la spiritualité du pèlerinage. Parmi les fidèles se répandait même l'idée que le pèlerinage lavait les péchés. Avec la fin de la piraterie dans la seconde moitié du X siècle, le flux des pèlerins s'amplifia. En 1009, le calife fatimide du Caire, al-Hakim, fit détruire le Saint-Sépulcre. Son successeur permit à l'Empire byzantin de le rebâtir, et les pèlerinages furent à nouveau autorisés. À l'approche du millénaire de la mort du Christ (1033), le flot des pèlerins augmenta encore. De nombreux monastères furent construits dans la ville. Les plus riches pèlerins étaient parfois dépouillés par les bédouins, et certains groupes de pèlerins s'organisèrent en véritables troupes armées. En 1045, l'abbé Richard emmenait avec lui sept cents compagnons qui ne purent arriver que jusqu'à Chypre. Les Turcs Seldjoukides prirent Jérusalem aux Arabes Abassides en 1071 et, contrairement à eux, interdirent totalement aux pèlerins chrétiens l'accès à la ville sainte : des massacres de pèlerins eurent lieu. L'historien Jacques Heers mentionne un pèlerinage d'une troupe importante, conduite en ** par Siegfried, archevêque de Mayence, attaquée et presque entièrement décimée à Ramallah par des Bédouins le 25 mars 1065. Cependant, Robert Mantran, un autre historien, mentionne que des pèlerinages, dont six entre les années 1085 et 1092, se sont déroulés sans que les sources mentionnent des difficultés particulières. Les persécutions des pèlerins furent l'œuvre de troupes de pillards ou le résultat de manœuvres politico-religieuses délibérées.

La guerre contre l'infidèle

Reconquista. Miniatura de las Cantigas de Santa María.

Au IV siècle, saint Augustin avait exprimé une théorie de la juste guerre à laquelle l'Église s'était ralliée. Au IX siècle, les papes s'étaient efforcés de créer les « milices du Christ » pour protéger Rome, menacée par la seconde vague d'invasions. Le pape Jean VIII accordait même l'absolution à ceux qui étaient prêts à mourir pour la défense des chrétiens contre les Sarrasins en Italie. À partir de la fin du X siècle, l'Église s'efforça de christianiser les mœurs guerrières des chevaliers en leur proposant entre autres de combattre les Sarrasins aux frontières de la chrétienté, en Espagne. En 1063, dans une lettre envoyée à l'archevêque de Narbonne, le pape écrivit que ce n'était pas un péché de verser le sang des infidèles. Ce document innovait en affirmant que prendre part à une guerre utile à l'Église était une pénitence comme l'aumône ou un pèlerinage. Le succès n'avait pas été au rendez-vous, mais l'Église autorisait, voire encourageait désormais la lutte contre les musulmans, et y autorisait la participation des chevaliers francs. Les royaumes frontières étaient devenus les vassaux du Saint-Siège, atout important dans la lutte des papes contre le Saint-Empire romain germanique.

De plus, les Normands affirmaient que les Byzantins étaient lâches, riches et rusés. Pour les Français du Nord, les musulmans étaient des hérétiques suivant le dogme d'un faux prophète.

Les causes proches

L'Empire byzantin, à l'origine de la croisade ?

Extension maximale de l'empire des Seldjoukides en 1092 sous Malik Shah I

À l'époque de la première croisade, les Byzantins nommaient les Occidentaux Francs ou Celtes, mais les Occidentaux les plus connus étaient normands. D'abord employés comme mercenaires, pour leur courage et leur cohésion, et appréciés des généraux byzantins, ils menèrent très tôt leur propre politique. En 1071, ils réalisent la conquête de toute l'Italie du Sud où ils fondent un royaume indépendant. De 1081 à 1085, ils mènent une série d'attaques contre la Grèce, sous la direction de Robert Guiscard.

Afin de faire face à ses nouveaux ennemis, Turcs seldjoukides, l'empereur byzantin demande l'aide de soldats occidentaux. L'objectif était que ceux-ci se mettent au service de l'empire. Cette demande de troupes fut interprétée par le pape comme un appel au secours face aux envahisseurs menaçants.

Au concile de Plaisance de juin 1095, les ambassadeurs de l'empereur byzantin Alexis Comnène réclament aux Occidentaux une assistance militaire pour lutter contre les Turcs. Byzance n'appelle pas pour autant à la croisade : lutter contre les menaces présumées des Arabes et certaines des Turcs est davantage une question géopolitique de défense de l'Empire.

La pénétration des Seldjoukides en Asie Mineure byzantine s'était accompagnée de plusieurs pillages et exactions contre la population locale. En Syrie, déjà sous domination musulmane, l'arrivée des Turcs suscite moins de brutalité. Les chrétiens de Syrie ne semblent pas demander d'aide.

Croisés (Larousse 1922)

L'appel du pape Urbain II et la prédication de la première croisade

Vingt ans après la prise de Jérusalem aux Arabes par les Turcs et six mois après le concile de Plaisance, Urbain II convoque un concile à Clermont en 1095 auquel participent surtout des évêques francs. Un des canons du concile promet l'indulgence plénière, c'est-à-dire la remise de la pénitence imposée pour le pardon des péchés (et non la rémission des péchés) à ceux qui partiront délivrer Jérusalem. Pour clore le concile, au cours d'un célèbre prêche public le 27 novembre 1095, Urbain appelle aux armes toute la chrétienté. Il évoque les « malheurs de chrétiens d'Orient ». Il appelle les chrétiens d'Occident à cesser de se faire la guerre et à s'unir pour combattre les « païens » et délivrer les frères d'Orient. Il ne cache pas les souffrances qui attendent les pèlerins. À cet appel lancé directement aux chevaliers sans passer par les rois, la foule enthousiaste répond : « Deus lo volt » (Dieu le veut) et décide de prendre la croix, c'est-à-dire fait vœu d'aller à Jérusalem. Le signe de ce vœu est une croix de tissu, symbole de renoncement et d'appartenance à la nouvelle communauté des pèlerins en armes dotés de privilèges. On appelle ceux qui la portent les cruce signati.

Urbain II essaie alors de tempérer l'enthousiasme que son appel a suscité et qu'il juge déraisonnable : les clercs ont interdiction de partir sans le consentement de leur supérieur, les jeunes maris sans celui de leur femme et les laïcs sans celui d'un clerc. Il est cependant impossible de renoncer au vœu de partir sous peine d'excommunication. Urbain II reste dix mois de plus en Francie occidentale pour y prêcher la croisade. Son appel s'adresse surtout à son milieu d'origine, la noblesse franque du Sud de la Loire. Mais à l'été 1096, les contingents réunis dépassent largement ce cadre. Godefroy de Bouillon, duc de Basse-Lotharingie et son frère Baudouin de Boulogne ont rejoint l'expédition, ainsi que le frère du roi, Hugues de Vermandois, Robert de Normandie et Étienne de Blois. Bohémond, fils aîné de Robert Guiscard, décide lui aussi de se croiser. Le départ est fixé au 15 août 1096.

Le succès considérable, qui parait peu explicable dans l'état d'esprit actuel du moins, pourrait avoir, disent certains, des explications matérielles : le mouvement de paix et le resserrement des liens vassaliques limitent les possibilités d'aventure en Occident. En partant en croisade, le chevalier peut ainsi garder sa possibilité de salut sans renoncer pour autant au métier des armes. Il convient toutefois d'observer que le départ en croisade est très couteux, certains croisés vendent leurs biens pour s'équiper à cette fin et subissent un préjudice grave du fait de leur longue absence. Jacques Heers précise dans l'islam cet inconnu que les croisés « quittaient leurs biens et leurs familles pour se mettre au service de Dieu ». La rétribution céleste n'empêche pas d'ailleurs, l'espoir de récompenses matérielles en Orient.

Un Islam divisé

À la fin du XI siècle, le Proche-Orient était divisé. Au Sud, les Fatimides chiites étaient au pouvoir en Égypte et contrôlaient une partie de la Palestine. Le reste du Proche-Orient était sous la domination des Seldjoukides, un peuple turc nomade converti à l'islam sunnite au IX siècle qui a mis fin à l'empire arabe et d'une manière générale à la suprématie des arabes ; arabes absents des croisades pour cette raison. En 1055, les Seldjoukides ont pris le contrôle du califat abbasside à Bagdad. Après la victoire de Mantzikert en 1071, les Turcs atteignirent le Bosphore, mais très tôt, l'Empire seldjoukide fut divisé en une série de principautés rivales dont la principale était le sultanat de Roum. La Syrie était aussi divisée en plusieurs États indépendants autour d'Alep, de Damas, de Tripoli, d'Apamée et de Shaizar.

Au Proche-Orient les divisions étaient d'ordre religieux et ethnique. Les Turcs sunnites étaient minoritaires. La population arabe était de confession chiite, ismaélienne ou chrétienne. Les chrétiens étaient eux-mêmes de différentes tendances : orthodoxes, melkites, et monophysites. Il y avait des Arméniens en Syrie du Nord. Pour ces populations musulmanes ou chrétiennes, les croisades étaient des expéditions militaires de secours après l'invasion musulmane, expéditions auxquelles ils prirent part en faisant entrer les croisés dans Antioche, ou pendant la traversée du Liban avant le siège de Jérusalem.

L'affaiblissement de l'Islam a permis l'essor du commerce par les villes italiennes en Méditerranée. Venise, Bari et Amalfi ont noué des liens avec l'Orient, et, Pise et Gênes ont chassé les Sarrasins de la mer Tyrrhénienne. La Méditerranée devient un lac latin. Les villes italiennes créent des comptoirs de commerce fructueux, qu'elles réussiront à conserver après la fin des croisades. Elles détournent à leur profit le commerce entre Orient et Occident. Les croisades sont une étape décisive de l'essor de l'Occident chrétien et du déclin du monde arabe amorcé dès le X siècle en Orient.

La création et la défense des États latins d'Orient (I - III croisade)

La première croisade (1096 - 1099)

1099 : la prise de Jérusalem

La croisade populaire

De nombreux prédicateurs populaires relaient l'appel de la croisade. Le plus connu est Pierre l'Ermite. Beaucoup attendant l'Apocalypse partent sans espoir de retour avant la date officielle fixée par le pape. Pierre l'Ermite commence sa prédication dans le Berry, puis l’Orléanais, la Champagne, la Lorraine et la Rhénanie, emmenant dans son sillage quinze mille pèlerins, encadrés par des nobles et des chevaliers dont Gautier Sans-Avoir. Arrivé à Cologne le 12 avril 1096, il continue de prêcher auprès des populations germaniques, tandis que Gautier Sans-Avoir conduit les pèlerins en direction de Constantinople.

Des bandes parties de Rhénanie s'acharnent au départ sur les communautés juives des villes rhénanes, cherchant à les convertir de force. Le refus du baptême est, pour le peuple, considéré comme une insulte à Dieu pouvant attirer sa colère sur les hommes. Présents depuis des siècles, les Juifs deviennent soudain des étrangers et des assassins du Christ qu'il convient de punir avant de délivrer les lieux saints. Peut-être douze mille Juifs ont-ils péri en 1096. Certains évêques protègent la communauté de la ville. Le pape condamne ces violences, souvent l'œuvre de la lie de la société. Il ne semble pas que Pierre l’Ermite ait appelé à persécuter les Juifs, mais les terreurs créées par les pogroms commis en Germanie lui permettent d'obtenir des communautés juives des régions qu’il traverse le ravitaillement et le financement des croisés.

Ayant persuadé un certain nombre de Germaniques à partir, il quitte Cologne à la tête d’environ douze mille croisés le 19 avril 1096 et traverse le Saint-Empire et la Hongrie en suivant le Danube. Sur le chemin, les troupes dirigées par Pierre l'ermite se livrent à des confrontations locales dans Belgrade et dans le faubourg de Constantinople, incapables de s'acheter par leur propres moyens leur nourriture. Les groupes partis du Nord de Francie occidentale et de Rhénanie en avril 1096, arrivent sans trop de difficultés à Constantinople quelques mois plus tard. Mais la plupart des groupes germaniques ne sont jamais arrivés à Constantinople, anéantis ou dispersés par les troupes hongroises.

Le voyage des chevaliers vers Jérusalem

Carte de la Ire croisade
Carte de la I croisade

Quatre armées de chevaliers partent à la date prévue. Celle de la Francie du Nord et de la Basse-Lorraine, conduite par Godefroi de Bouillon suit la route du Danube. La deuxième armée venant des régions du Sud de la Francie, dirigée par le comte de Toulouse, Raymond de Saint-Gilles, et le légat du pape, Adhémar de Monteil passe par la Lombardie, la Dalmatie et le Nord de la Grèce. La troisième, d'Italie méridionale, commandée par le prince normand Bohémond gagne Durazzo par mer. La quatrième, de la Francie centrale, dont les chefs sont Étienne de Blois et Robert de Normandie passe par Rome.

Les premières troupes de chevaliers arrivent à Constantinople au moment où les croisés populaires passés en Asie Mineure commencent à massacrer des villages chrétiens. Si les premières arrivées se passent bien, au fur et à mesure que les troupes croisées arrivent, les incidents se multiplient. L'empereur Alexis I Commène cherche à obtenir un serment d'allégeance de la part des chefs croisés, et à rendre à l'empire toutes les terres qui lui appartenaient avant l'invasion turque. La plupart acceptent. Les croisés assiègent Nicée qui est rendue en juin 1097 aux Byzantins. Ils battent plusieurs émirs turcs en marchant à travers l'Anatolie, traversent le Taurie, parviennent en Cilicie et mettent le siège devant Antioche le 20 octobre 1097. Les croisés manifestent des ambitions territoriales pour leur propre compte. Baudouin de Boulogne aide l'arménien Thoros à secouer la tutelle turque à Édesse et devient son héritier. Le siège d'Antioche est long et difficile. Les croisés développent un fort ressentiment contre les Byzantins qu'ils accusent de double jeu avec les Turcs. Bohémond réussit à faire promettre aux combattants qu'il prendrait possession de la ville, s'il y entrait en premier et si l'empereur byzantin ne venait pas lui-même prendre possession de la ville. Grâce à une complicité intérieure, il parvient à entrer dans la ville. Aussitôt les assiégeants se retrouvent assiégés par les Turcs et subissent un siège très éprouvant. L'armée de secours, dirigée par Bohémond parvient à vaincre les Turcs sans l'aide de l'empereur. Les croisés s'estiment déliés de leur serment de leur fidélité et gardent la ville pour eux.

Godefroy de Bouillon dans son château roulant à l'assaut de Jérusalem

Pendant l'été, les chefs croisés prennent le contrôle des places-fortes dans les régions voisines d'Antioche. L'historien arabe Ibn Al Athir rapporte que de nombreux actes de barbarie ont été perpétrés par de très nombreux croisés fanatisés. C'est le cas lors de la prise de Maara où la population est massacrée malgré la promesse de Bohémond de laisser la vie sauve à ses habitants. « A l'aube, les Franj arrivent : c'est le carnage. Pendant trois jours ils passèrent les gens au fil de l'épée ». Mais le plus terrifiant reste ces actes de cannibalisme rapportés par le chroniqueur franc Raoul de Caen « A Maara, les nôtres faisaient bouillir des païens adultes dans les marmites, ils fixaient les enfants sur des broches et les dévoraient grillés » ou par un autre chroniqueur franc Albert d'Aix « Les nôtres ne répugnaient pas à manger non seulement les Turcs et les Sarrasins tués mais aussi les chiens ! ». Le supplice de la ville de Maara ne prend fin que le 13 janvier 1099 (soit environ un mois après la prise de la ville), lorsque des centaines de Franj armés de torche parcourent les ruelles, mettant le feu à chaque maison. Ce terrible épisode contribue à creuser entre les Arabes et les Franj un fossé que plusieurs siècles ne suffisent pas à combler. Les populations paralysées par la terreur ne résistent plus et les émirs syriens s'empressent d'envoyer aux envahisseurs des émissaires chargés de présents pour les assurer de leur bonne volonté, leur proposer toute l'aide dont ils auraient besoin.

L'armée ne prend la route de Jérusalem qu'en janvier 1099. Les chrétiens syriens indiquent la route la plus sûre aux chevaliers latins. Ils descendent le long de la côte, prenant plusieurs villes. Ils prennent Bethléem le 6 juin et assiègent Jérusalem le lendemain. Par une ironie de l'histoire, les Arabes avaient entretemps repris la ville aux Turcs. Les croisés manquent d'eau, de bois, d'armes et ne sont pas assez nombreux pour investir la ville. Une expédition à Samarie et l'arrivée d'une flotte génoise à Jaffa leur fournissent tout ce qui leur manque. La ville est prise le 15 juillet 1099 après un assaut de deux jours. Une fois les croisés entrés dans la ville, de nombreux habitants furent tués jusqu'au matin suivant. Le bilan humain varie selon les sources : pour les auteurs chrétiens, en particulier Raymond d'Aguilers, ils ont uilisé pour les décrire une image empruntée au texte de l'Apocalypse, où il est question du "sang montant jusqu'au frein des chevaux". Tancrède et Gaston de Béharn avaient de leur côté donné leurs bannières de protection aux réfugiés sur les toits de la mosquée Al-Aqsa en signe de sauvegarde. Le gouverneur de Jérusalem s'était barricadé dans la Tour de David, il rendit la tour à Raymond de Toulouse en échange de la vie sauve pour lui et ses hommes.

Ce massacre dont la description a été répétée à satiété n' pas été aussi systématique que l'histoire au XXI siècle le prétend. Des lettres hébraïques retrouvées dans la Géniza du Caire au XIX siècle, rapportent qu'une partie des juifs de Jérusalem furent amenés sous escorte à Ascalon où leur coreligionnaires d'Égypte les rachetèrent, eux et leurs livres. On y note avec surprise que les Francs avaient respecté les femmes. Les Chrétiens avaient été expulsés précédemment par les gouverneurs Fatimide vers l'Égypte; les Croisés à leur tour paraissent avoir vidé la ville de sa population musulmane; on a dit que ces réfugiés avaient commencé à peupler à Damas le faubourg de Salihiyé et Saladin cherchera à retrouver leur descendance pour les ramener à Jérusalem quand il reprendra la ville cent ans plus tard.

Créations des États latins d'Orient

Carte des États latins d'Orient. En jaune clair, le royaume de Jérusalem vers 1100; en orange la principauté d'Antioche et entre les deux le comté de Tripoli.

Un certain nombre de pèlerins après avoir accompli leurs dévotions prirent le chemin de retour. Ils ont délivré Jérusalem, et donc accompli leur vœu. D'autres croisés s'apprêtèrent à rester en Orient. Godefroy de Bouillon fut élu par les siens comme prince de Jérusalem. Godefroi n'a joué aucun rôle décisif pendant la croisade mais les barons préférèrent ce conciliateur sans ambition à l'impétueux et intransigeant Raymond de Saint-Gilles désigné par le pape comme chef militaire de la croisade. Il refusa d'être nommé roi du royaume de Jérusalem. Il dit : « Je ne porterais pas une couronne d'or, là où le Christ porta une couronne d'épines ». Il prit alors le nom d'Avoué du Saint-Sépulcre, soit advocatus Sancti Sepulchri, réservant les droit éminents du nouvel État à l'Église. En septembre, il resta seul dans ses nouvelles possessions avec seulement trois cents chevaliers et deux mille piétons. Les établissements francs étaient très isolés les uns des autres et mal reliés à la mer. Jérusalem devint la capitale du royaume latin de Jérusalem qui s'étendait jusqu'à la mer Rouge et à l'isthme de Suez. Repeuplée de chrétiens, elle était le siège des ordres militaires du Temple de Jérusalem et de l'hôpital de Saint-Jean, ainsi qu'un site actif de pèlerinage. Jérusalem devint alors une cité romane. Le Saint-Sépulcre fut reconstruit en 1149. Une citadelle fut édifiée, dite tour de David. Chrétiens d'Orient et Latins cohabitèrent sans trop de difficultés.

En Occident, la nouvelle de la prise de Jérusalem provoqua le départ de nouvelles armées dépassant parfois le millier d'hommes. Mais faute d'ententes, ces croisades échouèrent toutes en Anatolie, face aux Turcs qui avaient provisoirement refait leur unité. La mer devint alors le seul moyen de communication avec l'Occident. L'archevêque Daimbert de Pise, arrivé à Jaffa avec cent vingt bateaux, se fit nommer patriarche latin de Jérusalem, et suzerain de la principauté d'Antioche et du royaume de Jérusalem, se fit attribuer un quart de Jérusalem et la totalité de Jaffa. Godefroi, de son côte promit aux Vénitiens qui venaient de prendre Haïfa, le tiers de toutes les villes qu'ils aideraient à conquérir. Des contingents, norvégiens, arrivés eux aussi par bateau aidèrent également les croisés établis en Terre sainte à occuper les villes de la côte.

Quelques mois plus tard, après la mort de Godefroi, son frère Baudouin, comte d'Édesse, se fit couronner Roi de Jérusalem par le patriarche latin de la ville. Il étendit le royaume de Jérusalem par les conquêtes d'Arsouf, de Césarée, de Beyrouth et de Sidon. De son côté, Raymond de Toulouse fit la conquête, avec l'aide de Gênes du comté de Tripoli. Les marchands italiens, d'abord réticents à l'idée d'une aventure guerrière risquant de détériorer leurs relations commerciales avec l'Orient, commencèrent à voir dans les croisades un moyen d'élargir le champ de leurs activités et d'acheter les produits d'Orient à leur source, sans passer par l'intermédiaire des musulmans ou des Byzantins.

À partir de 1128, l'Islam reprit l'initiative autour des souverains de Mossoul, l'atabeg Zengi. Le pape Calixte II songea à organiser une nouvelle croisade pour secourir les Latins d'Orient mais son appel demeura sans suite. Cependant, durant tout le XII siècle, des pèlerins, individuellement ou en groupe, accomplirent le pèlerinage vers Jérusalem et secoururent les Francs. Zengi parvint à reprendre Édesse.

La deuxième croisade (1147 - 1149)

Bernard de Clairvaux prêchant la 2 croisade, à Vézelay, en 1146 (par Émile Signol)

L'initiative de la croisade revient au roi Louis VII. Il désirait se rendre en pèlerinage à Jérusalem pour expier ses fautes : un crime dont le souvenir le tourmentait : l’incendie d’une église dans laquelle un certain nombre de personnes avaient cherché refuge. Il obtient du pape la nouvelle promulgation d'une bulle de croisade, jusque là sans effet. La prédication revient à Bernard de Clairvaux à Vézelay le 31 mars 1146 puis à Spire. En Germanie, la prédication populaire d'un ancien moine cistercien provoque une nouvelle flambée de violence contre les Juifs que Bernard de Clairvaux parvient à stopper.

L'échec de la deuxième croisade

Les armées franques et germaniques réunissent plus de 200 000 croisés, dont une bonne part d'éléments populaires particulièrement indisciplinés et prompts à la violence, principalement dans l'armée de Conrad III, l'empereur germanique. Une grande partie n'est pas composée de soldats mais de civils : des gens pauvres, qui se sont croisés pour se faire pardonner leurs péchés et assurer leur salut dans la vie éternelle. Il n'est donc guère surprenant que l'empereur germanique ait eu peu de contrôle sur une telle armée. Conrad III part de Ratisbonne en mai 1147 suivant la rive du Danube en direction d’Édesse. Les Francs, ayant à leur tête Louis VII, partent de Paris un mois plus tard, soit en juin 1147, par le même chemin que les troupes germaniques. L’indiscipline dans l’armée germanique provoque des incidents dans les Balkans.

États croisés du Proche-Orient en 1140
États croisés du Proche-Orient en 1140

À Constantinople, l’empereur byzantin Manuel I Comnène souhaite retrouver sa suzeraineté sur Antioche et demande aux deux souverains de lui prêter hommage. Conrad III et Louis VII refusent. Ils perdent donc l’appui et l’aide des Byzantins qui refusent de les approvisionner, ce qui a pour conséquence de compliquer la traversée de l’Asie Mineure. L'empereur de Constantinople, soucieux de voir les importants effectifs croisés aux portes de sa cité, les presse de franchir le Bosphore pour rejoindre l'Asie.

Alors que les armées byzantines sont occupées à surveiller les croisés, Roger II de Sicile en profite pour s'emparer de Corfou, de Céphalonie et pour piller Corinthe et Thèbes. C'est l'amiral Georges d'Antioche, émir des émirs, c'est-à-dire premier ministre de Roger II, qui, bien que syrien et orthodoxe, commande de la flotte sicilienne opérant les ravages sur les rivages byzantins. La deuxième croisade favorise donc les ambitions normandes dans l'Empire byzantin. Manuel I Comnène se résigne à signer un traité avec le sultan de Roum.

Les relations s'enveniment entre Francs et Germaniques, qui décident de cheminer séparément. L’armée de Conrad est battue à Dorylée. Conrad se réconcilie avec Manuel qui lui propose des vaisseaux byzantins qui les emmènent à Acre. Louis VII et son armée suivent le littoral, mais harcelés dans la vallée du Méandre, il abandonne les non-combattants à Antalya. Ces derniers, privés de protection militaire sont massacrés par les Turcs. À ce moment de l’expédition, les trois quarts des effectifs partis d'Europe ont disparu.

Louis VII embarque avec ses chevaliers vers Antioche. Raymond de Poitiers, prince d'Antioche, lui propose une expédition contre Alep, qui menace ses possessions. Mais il ridiculise Louis VII en ayant une aventure avec sa nièce Aliénor d'Aquitaine, épouse du roi. Louis VII soucieux de réaliser son pèlerinage, peu enclin à écouter son rival et ignorant les réalités militaires des États latins d'Orient, refuse. Il rejoint donc Conrad à Jérusalem. Leur pèlerinage terminé, certains repartent en Europe ; les deux souverains se laissent entraîner par les barons de Jérusalem dans une expédition contre, non pas Édesse comme prévu, mais Damas. Les croisés abandonnent le siège au bout de quatre jours (24-28 juillet 1148). La deuxième croisade se termine sans aucun résultat. Le prestige de Louis VII est fortement entamé. L’échec de cette deuxième croisade est attribué par l’opinion populaire aux excès de péchés des croisés. L'échec de la deuxième croisade est même reproché à Bernard de Clairvaux car il avait prêché une croisade de pénitence sans se soucier de son organisation.

Saladin et la chute du premier royaume de Jérusalem

Renaud de Châtillon exécuté par Saladin
Renaud de Châtillon exécuté par Saladin

Les atabeks de Mossoul ont remis à l'honneur le thème du djihad et étendent leur contrôle de la Syrie. Nur-al-Dîn, le fils de Zengi, s'assure le contrôle définitif d'Édesse. Les chefs des États latins sont obligés de s'allier avec l'empire byzantin. Les vizirs fatimides se maintiennent en faisant appel soit aux Francs et soit aux Syriens. Finalement Saladin, qui est un kurde à l'esprit religieux, parvient à devenir vizir du dernier fatimide et, à la mort de celui-ci devient lieutenant de l'atabek pour l'Égypte et rétablit le sunnisme (1169), réalisant ainsi l'union de la Syrie et de l'Égypte. Saladin attaque les positions franques. Il cherche à isoler les Latins. il conclut pour cela des alliances avec les Seldjoukides en 1179, avec l'Empire byzantin et Chypre en 1180. En effet, l'Empire byzantin est menacé en Europe par les Hongrois, les Serbes et les Normands de Sicile et n'a plus les capacités de soutenir ses anciens alliés.

Une trêve avec les Latins est cependant conclue en 1180. Elle est renouvelée en 1185. Saladin en profite pour s'assurer le contrôle d'Alep et de Mossoul. En même temps, de graves dissensions internes minent le royaume de Jérusalem. Le roi Baudouin IV est très malade — il est lépreux. La classe dirigeante se déchire sur sa succession. Le royaume de Jérusalem, menacé, ne peut compter sur aucun secours extérieur. À la mort de Baudouin, Sibylle, sœur du roi défunt, et son mari Guy de Lusignan sont couronnés. Raymond III, comte de Tripoli, déçu d'être écarté, demande l'aide de Saladin. Celui-ci refuse dans un premier temps car il vient de renouveler la trêve avec le royaume. Mais Renaud de Châtillon, un seigneur brigand, pille une caravane arabe se rendant à Damas en 1187 et refuse, malgré l'ordre du nouveau roi, de rendre le butin. Saladin proclame la guerre sainte. Lors de la bataille de Hattin, les chevaliers francs sont presque tous capturés et ne sont délivrés qu'en échange d'une rançon ou de leurs châteaux. Renaud de Châtillon, deux cents Templiers ou Hospitaliers sont tués et presque tous les chevaliers sont capturés. Les sergents ou piétons sont massacrés ou vendus comme esclaves. Saladin prend l'une après l'autre les places fortes de l'intérieur. Il autorise le départ contre rançon d'une partie des combattants et des habitants vers Tyr pour embarquer vers l'Europe, le reste de la population est livrée à l'esclavage. À Jérusalem, Balian d'Ibelin obtient de Saladin une capitulation honorable permettant le rachat d'un tiers de la population le 2 octobre 1187 (environ 10 000 habitants sont livrés à la déportation et l'esclavage ). Les proclamations triomphales envoyées à travers le monde musulman y consacrent la gloire du vainqueur. Les établissements sont alors réduits à Tyr et à Beaufort pour le royaume de Jérusalem et à Tripoli, au Krak des Chevaliers, à Antioche et à Margat au nord.

La troisième croisade (1189 - 1192)

Richard Cœur de lion
Richard Cœur de lion

Quand la nouvelle de la prise de Jérusalem par Saladin parvient en Occident, le pape Grégoire VIII lance des appels à une nouvelle croisade et à la paix. Richard de Poitou, futur Richard Cœur-de-Lion, prend la croix le premier, bientôt suivi par son père, Henri II d'Angleterre et par le roi de France, Philippe Auguste. Dans le même temps, la flotte navale de Guillaume II de Sicile fait voile vers les avant-postes de Tripoli, Antioche et Tyr et assure le ravitaillement des dernières places fortes en armes et en hommes. Le même mois, l'empereur Frédéric I Barberousse quitte Ratisbonne avec la plus grande armée croisée jamais rassemblée, au moins 20 000 chevaliers. Il suit la route terrestre. L'hostilité entre Byzantins et croisés germaniques est très importante et Barberousse menace de marcher sur Constantinople. Sous la pression l'empereur Isaac Ange signe la paix et s'engage à faire traverser le détroit à l'armée germanique. Alors que la traversée de l'Anatolie s'achève, Barberousse se noie le 10 juin 1190 accidentellement dans les eaux du fleuve Saleph, (actuellement Göksu, eau bleue en Asie Mineure) et une grande partie de ses troupes retourne en Europe. Quelques centaines de chevaliers germaniques seulement parviennent à Acre.

Un conflit franco-anglais retarde le départ des rois des deux royaumes jusqu'en 1190. Embarquant à Gênes et à Marseille, les troupes de croisés hivernent en Sicile où ils se disputent sur de nombreux sujets politiques et personnels. La prise de Chypre par le roi d'Angleterre assure aux croisés une base proche du lieu des conflits.

Saladin à l'assaut de Jaffa.

En Terre sainte, le roi de Jérusalem Guy de Lusignan a commencé à assiéger Acre avec une petite troupe en août 1188. Les deux souverains arrivent à Acre avec la plus grande armée franque jamais réunie. Les troupes de Saladin la tiennent à leur tour dans un demi-siège préjudiciable à ses communications et à son ravitaillement. Mais Saladin ne parvient pas à briser l'encerclement d'Acre et les Francs reprennent la ville aux musulmans le 12 juillet 1192 après deux ans de siège. L'échec des musulmans tient en partie à leur mode de combat, inadapté à celui de l'armée franque, mais surtout à la lassitude des troupes musulmanes. Les alliés et les vassaux avaient été contraints d'amener des contingents, mais la campagne avait été trop longue et n'avait même pas la perspective d'un butin compensateur.

Les reconquêtes chrétiennes de la troisième croisade.
Les reconquêtes chrétiennes de la troisième croisade.

Après la prise d'Acre, Philippe Auguste retourne en France. Richard Cœur de Lion, resté seul, bat les musulmans à Arsouf. Arrivé à Jaffa en septembre, il passe l'année en Palestine du sud, période durant laquelle il fait reconstruire Ascalon pour fortifier les frontières méridionales du Royaume de Jérusalem. Il force l'admiration de l'ennemi par ses prouesses. Par deux fois (en décembre 1191 puis en juin 1192), il parvient à quelques kilomètres de Jérusalem, mais ne peut reprendre la ville. En effet, il ne peut pénétrer trop longtemps à l'intérieur des terres sous peine de voir ses communications coupées. Il s'occupe aussi de régler les problèmes dynastiques du royaume de Jérusalem. Guy de Lusignan, dont la femme était décédée, conserve le titre royal qui doit revenir à sa mort à Isabelle, l'héritière du trône, et à son époux Conrad de Montferrat. Après avoir signé un traité par lequel Saladin renonce à éliminer les colonies franques de Syrie, il repart pour l'Angleterre en octobre 1192 et est capturé par Léopold V de Babenberg, duc d'Autriche et emprisonné pendant un an et demi.

La troisième croisade a empêché la chute de la Syrie franque et permis l'établissement d'un second royaume de Jérusalem, en fait royaume d'Acre, réduit à une frange côtière où les communautés marchandes italiennes jouent un rôle considérable. Les souverains anglais et français se détournent désormais de la croisade. Pour les chevaliers, elle devient une sorte de rite de passage et une institution. En 1194, l'ordre des Trinitaires est fondé par Jean de Matha pour le rachat des captifs prisonniers des musulmans. Il est plus tard confirmé par le pape Innocent III dans la bulle Operante divine dispositionis.

L'empereur Henri VI, fils de Frédéric Barberousse et maître du royaume de Sicile veut reprendre la croisade à son compte dans le but d'imposer sa suzeraineté à l'empereur byzantin et aux royaumes nouvellement institués de Chypre et d'Arménie. Il lance l'appel à la Croisade à Bari en 1195, les allemands se rassemblent en Italie du sud au cours de l'été et débarquent à Acre en septembre 1197. Ils prennent Sidon et Beyrouth et rétablissent la continuité territoriale entre Acre et Tripoli, mais leur armée se disperse immédiatement après l'annonce de sa mort, survenue à Messine le 28 septembre1197.

Les croisades du XIII siècle, déviation et impuissance

Les années entre 1187 et 1204 marquent un tournant dans l'histoire de l'Orient latin :

l'arbitrage des rois de France et d'Angleterre à propos de la rivalité entre Guy de Lusignan et Conrad de Montferrat pour le trône crée un précédent qui sera réitéré par la suite : avant le roi était un souverain dont l'accession par les barons du royaume, après, il sera souvent désigné par la cour de France. Cette évolution amène l'affaiblissement du pouvoir royal devant les autres puissances du royaume, jusqu'à sa disparition vers 1240.

la perte de l'hinterland, conquise par Saladin, transforme les États latins d'Orient en États côtiers. Avant, la puissance était une puissante terrienne, tenue par la noblesse, après, la puissance sera commerciale, tenue par les marchands et les représentants des républiques italiennes.

La conquête de Chypre et la création du royaume de Chypre fournissent un refuge possible aux latins d'Orient et des domaines sont distribués aux nobles qui ont perdu une partie de leur domaines palestiniens. Mais ces nobles, possédant à la fois des domaines chypriotes et palestiniens, vont le plus souvent se consacrer à ceux de Chypre, qui leur rapportent des revenus et délaisser ceux de Palestine qui les obligent à des efforts de défense, ce qui va diminuer les forces défensives du royaume de Jérusalem, et finalement un refus de la noblesse chypriote à combattre hors du royaume.

Enfin, l'ouverture de nouvelles cibles pour les croisades (Constantinople - 1204, Albigeois - 1209,…) a pour effet immédiat la diminution du nombre de croisés qui viennent en Orient : l'empire latin de Constantinople offre plus de domaines à acquérir que la Terre sainte, et le voyage en Albigeois représente un moindre coût pour un bénéfice spirituel identique.

La quatrième croisade (1202 - 1204)

L'Entrée des croisés à Constantinople, huile d'Eugène Delacroix (1840)

La quatrième croisade est appelée par le pape Innocent III en 1202. Dès le début de son pontificat, il souhaite lancer une nouvelle croisade vers les lieux saints d'inspiration purement pontificale. Il forge l'idée de « croisades politiques » qui sera reprise par ses successeurs. Il lève le premier des taxes pour financer les croisades et exprime le premier le droit à « l'exposition de proie », c'est-à-dire le droit pour le pape d'autoriser les catholiques à s'emparer des terres de ceux qui ne réprimeraient pas l'hérésie.

La prise de Constantinople par les croisés

La croisade est prêchée en France par le légat Pierre de Capoue et le curé de Neuilly-sur Marne, Foulques de Neuilly, avec beaucoup de succès auprès de la noblesse champenoise. Elle est dirigée par le marquis Boniface de Montferrat. Mais la IV croisade ne prend pas le tour prévu par le pape. Les croisés traitent avec Venise. Ils louent une flotte pour 85 000 marcs d'argent pour transporter 4 500 chevaliers, 9 000 écuyers et 20 000 fantassins. Les croisés, qui ne peuvent pas payer leurs voyages aux armateurs vénitiens, sont détournés par eux à Zara sur la côte dalmate qu'ils prennent pour Venise. Le pape excommunie les croisés et Venise mais lève très vite l'excommunication pour les croisés. Philippe de Souabe, beau-frère d'Alexis Ange, fils de l'empereur byzantin déchu Isaac II, promet l'aide de l'Empire byzantin pour la croisade si Isaac est rétabli dans son trône. Innocent III espère tirer parti des divisions byzantines pour rétablir l'unité de l'Église. Il ne s'oppose pas à une nouvelle déviation de la croisade vers Constantinople à l'instigation des Vénitiens, sous prétexte de rétablir Isaac II dans ses droits, ni à la prise de la ville par les croisés et les Vénitiens le 13 avril 1204. Enrico Dandolo fait désigner Baudouin de Flandre comme empereur d'Orient. Innocent III accepte le fait accompli se satisfaisant des promesses d'union des Églises et de soutien aux États latins d'Orient. Mais, informé des excès des croisés, il parle le premier de détournement de la croisade et accuse les Vénitiens. Le concept de déviation est donc contemporain de la quatrième croisade.

Les responsabilités

Si Innocent III est à l'origine du dévoiement de l'idée de croisades, la responsabilité de Venise est écrasante dans la prise de Constantinople. La république utilise au mieux les circonstances pour servir ses intérêts. Depuis 1082, elle a obtenu dans l'Empire byzantin des privilèges commerciaux immenses qui ont presque sans arrêt été renouvelés. Mais elle se sent menacée par la concurrence commerciale de Gênes et de Pise qui ont obtenu des avantages semblables, par la piraterie que l'Empire byzantin ne réprime pas et par l'hostilité de plus en plus grande des Grecs. En 1172 et 1182, des émeutes anti-latines ont abouti au massacre et à l'expulsion de marchands italiens. Attaqué de toute part l'Empire est en voie de désagrégation. La conquête de Constantinople permettrait aux Vénitiens de circuler dans la mer Noire qui est pour l'instant interdite aux étrangers. Les intérêts économiques de Venise la poussent à vouloir dominer Constantinople. Le doge Enrico Dandolo dispose de moyens de pression considérables : les créances des croisés, le « bon droit » d'Alexis IV et les immenses richesses dans la vieille capitale.

En fait, l'empire vénitien sera l'établissement le plus durable de ceux issus de la quatrième croisade. À Venise, échoit un quartier entier de Constantinople, les ports de Coron et de Modon au sud du Péloponnèse et la Crète qui fournit à partir du XIV siècle, le bois, le blé et les denrées agricoles. Les îles grecques où se sont installées de familles vénitiennes restent plus ou moins dans la mouvance de la Sérénissime.

La déviation de l'idée même de croisade et le pillage de Constantinople chrétienne transforment les ordres militaires en puissances financières et, par là même, politiques.

La cinquième croisade (1217–1221)

La cinquième croisade est précédée de la croisade des enfants déclenchée simultanément dans la région parisienne, en Rhénanie et dans le nord de l'Italie, peu après l'émotion suscitée, à la Pentecôte 1212, par les processions ordonnées pour aider à la victoire sur les Sarrasins d'Espagne. À la suite d'une vision, le jeune Berger Estienne de Cloyes-sur-le-Loir rassemble des pèlerins et les mène vers Saint-Denis pour y rencontrer le roi Philippe Auguste. À la même époque, d'autres groupes partent de Germanie et se rendent vers les ports de Gênes et de Marseille. Les chroniqueurs mentionnent que certains réussirent à embarquer et qu'ils sont vendus comme esclaves ou bien meurent de faim pendant le voyage. Certains réussissent à gagner Rome. L'empereur Frédéric II fait pendre quelques-uns des trafiquants marseillais compromis dans l'affaire. Malgré un nom qui vient de traductions incertaines et de documents tardifs, ce mouvement affecte fort peu de véritables enfants ; les participants sont surtout de pauvres gens désireux de donner une leçon aux chrétiens plus favorisés, chez qui l'idée de croisade s'émoussait.

Le delta oriental du Nil
Le delta oriental du Nil

Dans le même temps, Innocent III essaie de convaincre le sultan d'Égypte de restituer Jérusalem aux chrétiens, pour que la paix s'installe entre musulmans et chrétiens. La construction d'une forteresse musulmane sur le mont Thabor, bloquant Acre, le décide à prêcher la croisade au quatrième concile de Latran en 1215. Les armées de la Hongrie, de l'Autriche, et de la Bavière s'attaquent d'abord à la forteresse du Mont-Thabor. Puis le 31 mai 1218, l'armée des croisés mouille sa flotte devant Damiette, port situé sur la grande branche oriental du Nil et gardant la route du Caire. Alors que la ville est assiégée, saint François d'Assise et un de ses disciples se présentent à l'armée musulmane. Ils sont arrêtés comme espions. Ils n'ont la vie sauve que grâce au sultan d'Égypte. Après un long siège, les croisés s'emparent de Damiette le 5 novembre 1219. Après le saccage de la ville, le légat du pape Pélage Galvani les persuade d'attaquer Le Caire. Harcelés sans cesse par les troupes du sultan ayyoubide Al-Kamel, les croisés doivent capituler sans conditions.

La sixième croisade (1228 - 1229)

L'empereur Frédéric II et le sultan Muhammad al-Kamil.

Lors de son couronnement à Aix-la-Chapelle en 1220, Frédéric II promet au pape de partir en croisade. Mais dans l'Empire, il doit faire face à la résistance des communes lombardes en 1225-1226 et tarde à accomplir son vœu. Entre temps, les croisés déjà arrivés en Orient, après avoir restauré quelques places fortes, commencent à repartir pour l'Occident. Or, la papauté cherche à desserrer l'étau que fait peser l'empereur du Saint-Empire sur ses États pontificaux en éloignant l'ambitieux souverain. Frédéric est donc excommunié par Grégoire IX en 1227 pour ne pas avoir honoré sa promesse de lancer la sixième croisade. Il embarque à Brindisi pour la Syrie l'année suivante alors que son excommunication n'est pas levée. Sa brève croisade se termine en négociations et par un simulacre de bataille avec le sultan Malik al-Kamel « le Parfait », avec qui des liens d'amitié s'étaient tissés, et par un accord, le traité de Jaffa. Il récupère sans combattre les villes de Jérusalem (où le Temple restait aux musulmans), de Bethléem et de Nazareth. Il est ensuite couronné roi de Jérusalem le 18 mars 1229. Alors que Frédéric II est parti en Orient pour respecter sa promesse de se croiser, le pape lance contre lui une armée financée par une taxe sur les revenus du clergé et les reliquats des sommes prélevées pour la croisade des Albigeois. L'Orient latin est remis en selle pour une dizaine d'années.

En 1237, une nouvelle croisade est lancée par le pape Grégoire IX. Cette « croisade des barons » est dirigée par le comte de Champagne, le duc de Bourgogne et Richard de Cornouailles. Elle poursuit la tradition des négociations avec les princes musulmans, en exploitant leurs rivalités. Le comte Richard obtient la restitution d'une grande partie du royaume de Jérusalem (1239-1241), complétant ainsi l'œuvre de Frédéric II.

Les croisades de Louis IX

La situation reste confuse en Orient. Les Francs s'allient aux Syriens contre l’Égypte. Les Templiers attaquent l'Égypte en 1243, sont vaincus, et en 1244 les Korasmiens (bandes turcomanes au service des Égyptiens) reprennent Jérusalem. Le pape Innocent IV lance un nouvel appel à la croisade. Le roi de France, Louis IX, et celui de Norvège décident de prendre la croix mais seul Louis IX part accompagné de barons anglais et du prince de Morée. Il part d'Aigues-Mortes en France et débarque à Chypre en 1248. L'armée croisée s'empare de Damiette en 1249 et entreprend la conquête de l'Égypte. Cette campagne est un lourd échec durant lequel Louis IX est capturé avec ses hommes en 1250. Les succès de l'armée égyptienne, principalement composée des Mamelouks a pour conséquence l'arrivée au pouvoir de ces derniers qui massacrent les derniers ayyoubides.

Saint Louis et la septième croisade
Saint Louis et la septième croisade

La captivité de Louis IX provoque la croisade des pastoureaux à l'initiative d'un certain Job, ou Jacob ou Jacques, moine hongrois de l'ordre de Cîteaux qui prétend avoir reçu de la Vierge Marie une lettre affirmant que les puissants, les riches et les orgueilleux ne pourront jamais reprendre Jérusalem, mais que seuls y parviendront les pauvres, les humbles, les bergers, dont il doit être le guide. Des milliers de bergers et de paysans prennent la croix, et marchent vers Paris, armés de haches, de couteaux et de bâtons. Sur la route, les pastoureaux accusent abbés et prélats de cupidité et d'orgueil, et s'en prennent même à la chevalerie, accusée de mépriser les pauvres et de tirer profit de la croisade. Les juifs sont molestés. Des villes sont pillées. Il s'ensuit une féroce répression et seuls quelques rescapés parviennent jusqu'à Marseille et s'embarquent pour Acre, où ils rejoignent les croisés.

Pour être libérés, les prisonniers du sultan d'Égypte doivent verser une lourde rançon et abandonner Damiette. Louis IX séjourne ensuite plusieurs années en Terre sainte pour mettre en état de défense les territoires conservés par les Francs. Dans le même temps, il noue des relations diplomatiques avec le successeur de Gengis Khan, Qubilaï, croyant à l'intérêt d'une alliance pouvant prendre l'Islam à revers.

Siège de Saint-Jean-d'Acre, en 1291

Il négocie des trêves avec les princes musulmans avant de repartir pour la France en 1254. Cette conciliation est de courte durée. Les États latins d'Orient sont de nouveau menacés par les Égyptiens. Urbain IV appelle à une huitième croisade. Les croisés partent de 1265 à 1272. Ils consacrent leurs efforts à aider les Francs d'Acre à défendre leurs dernières places. Pour Louis IX, cette huitième croisade est un pèlerinage expiatoire. Il se dirige vers Tunis car il espère convertir au christianisme l'émir hafside al-Mustansir et, peut-être, faire de la Tunisie une base d'attaque vers l'Égypte mamelouke qui contrôle alors la Terre sainte. Il apparaît très vite que l'émir n'a aucune intention de se convertir. La dysenterie (ou le typhus) fait des ravages dans les troupes. Louis IX, touché à son tour, meurt, le 25 août 1270 à Carthage. En Orient, Édouard d'Angleterre parvient à amener le sultan à accorder une nouvelle trêve aux Latins.

Le deuxième concile de Lyon, présidé par Grégoire X en 1274 décide d'une nouvelle croisade. Mais les hésitations des princes et les lenteurs de la préparation font qu'elle n'a jamais eu lieu. Après la chute de Tripoli en 1289, Nicolas IV proclame une autre croisade. Mais elle échoue à sauver Acre en 1291. À partir de cette date, il n'y a plus d'États latins en Orient. Les Latins sont ainsi privés d'une base commerciale importante.

Les structures de la croisade

Organisation et idéologie de la croisade

L'initiative de la croisade revient le plus souvent au pape, plus rarement à un souverain. Ainsi en 1267, Louis IX se croise de lui-même après en avoir informé le pape. Le pape prêche lui-même la croisade ou en confie la prédication à des clercs autorisés. Au XII siècle, il faut souvent freiner l'ardeur des prédicateurs populaires à l'origine de nombreux excès. De la II à la IV croisade, la prédication de la croisade est confiée à l'ordre cistercien.

Croisade des Albigeois, Languedoc

Le pèlerin reçoit des privilèges spirituels et matériels constituant le statut du croisé. Lors de la première croisade, Urbain II promet à celui qui meurt en chemin ou au combat la rémission des péchés, à ceux qui accomplissent le vœu de croisade l'indulgence plénière. À partir d'Innocent III, les canonistes élaborent une doctrine cohérente de la croisade. Ils justifient ainsi la guerre sainte, pourtant contraire au message évangélique, en arguant que les infidèles ont occupé la Terre consacrée par la mort du Christ et maltraité des chrétiens. La guerre de conquête et les conversions forcées sont justifiées par l'impossibilité qu'ont les missionnaires chrétiens de propager la parole de Dieu en terre musulmane. Il faut donc la conquérir pour pouvoir annoncer l'Évangile. Les canonistes fixent aussi une hiérarchie des indulgences suivant le temps passé en Terre sainte : deux ans pour une indulgence plénière. Avec le quatrième concile du Latran, l'indulgence plénière est étendue à ceux qui contribuent à la construction de bateaux pour la croisade alors que jusque là seuls les combattants en bénéficiaient. C'est un appel direct aux armateurs de villes italiennes. Les décisions ont comme but d'associer toute la chrétienté à l'idéal des croisades et non pas seulement les combattants. Il suffit pour cela d'aider financièrement à l'organisation de la cinquième croisade. En proposant à tous les fidèles de participer à la croisade par la prière, le don ou le combat, le pape inaugure la spiritualisation de la croisade.

La bulle quantum praedecessores stipule que le croisé, sa famille et ses biens sont placés sous la protection de l'Église. Il est pendant son voyage exempté de taxes, d'aide, de péages. Le paiement de ses dettes est suspendu jusqu'à son retour. Le pouvoir civil proteste contre cet empiétement de l'Église qui le prive de soldats et de revenus. D'ailleurs dès la première croisade, Urbain II précise que le vassal doit obtenir l'aval de son seigneur afin de diminuer les conflits. Après l'échec de la II croisade, le statut de croisé est le plus souvent attribué à des hommes en armes. Au XIII siècle, la croix est donnée à des femmes, des enfants, des vieillards qui doivent alors racheter leur vœu.

Financement des croisades

Le financement varie lui aussi avec le temps. Lors de la première croisade, les croisés doivent financer eux-mêmes leur voyage. Beaucoup gagent des terres auprès des ordres monastiques dont les propriétés foncières augmentent. Là encore, il s'agit d'une entorse au droit féodal car en théorie le fief ne peut revenir qu'au seigneur. Au cours du XII siècle le seigneur en vient à exiger l'aide de ses vassaux. Les rois de France lèvent des contributions en 1166, 1183 et 1185, un ou deux deniers par livre de biens pour la défense des terres franques en Orient. La dîme saladine de 1188 est le véritable premier impôt levé sur les biens meubles et les revenus en France et en Angleterre.

De son côté l'Église passe de la collecte des dons à la taxation. C'est Innocent III qui impose pour la première fois le clergé. En 1199, il décide de prélever un quarantième des revenus de l'ensemble du clergé et un dixième pour les cardinaux, d'où le nom de décimes. Le quatrième concile du Latran, qu'il préside, décide par ailleurs de frapper les revenus ecclésiastiques d'un impôt d'un vingtième et les biens du pape et des cardinaux d'un impôt d'un dixième. La décime devient courante au XIII siècle. Elle entraîne la création d'une administration financière spécialisée. Ce sont les légats qui en contrôlent la levée, ainsi que les autres ressources : legs, rachat de vœux, dons assortis d'une indulgence proportionnelle. Si dans l'ensemble, les sommes sont consacrées à la croisade, toutefois il y a parfois des détournements. Le reliquat de la décime versée par le clergé français pour la croisade des Albigeois est même utilisé pour mener la guerre contre Frédéric II. Ce « détournement » affaiblit la cause de la croisade.

L'acheminement des troupes et du ravitaillement

Lors des deux premières croisades, les croisés empruntent la route terrestre et traversent l'Empire byzantin. L'empereur s'engage à assurer des marchés approvisionnés le long du parcours. En terre byzantine, les croisés connaissent des problèmes de change, les changeurs byzantins leur proposant des taux défavorables. Lors de la traversée de l'Anatolie, il faut prévoir vingt jours de vivres. Mais les attaques des Turcs et le manque d'eau provoquent des pertes considérables parmi les bêtes et les hommes. De ce fait lors de la troisième croisade, deux des trois souverains choisissent la voie maritime.

La route maritime est ancienne. Dès la fin du XI siècle, les pèlerins scandinaves et anglais gagnaient la Terre sainte en contournant la péninsule ibérique. D'ailleurs le seul succès de la deuxième croisade a été la prise de Lisbonne par des croisés anglais et flamands. Au XII siècle, Gênes, Pise puis Venise commencent à ravitailler les États latins et ceci dès la fin de la première croisade. Les cités maritimes italiennes aident à la prise de ports. Elles transportent régulièrement des pèlerins. Lors de la III croisade, Gênes s'engage à assurer le passage de six cent cinquante chevaliers, mille trois cent écuyers, autant de chevaux et le ravitaillement pour le compte de Philippe Auguste. Au XIII siècle, les accords entre les ports italiens et les croisés portent plutôt sur la location de bateaux.

Les croisades permettent le développement de l'activité commerciale des cités italiennes. En échange de l'aide de Gênes, les barons francs attribuent aux Génois une part de butin, un quartier ou fondouk, l'exemption des taxes dans les villes conquises. Outre au transport et au ravitaillement des États latins, les comptoirs servent de support aux importations en Occident des produits de luxe de l'Orient comme les épices, aux exportations en Orient de draps de laine, d'armes, de bois et de fer. L'Orient devient ainsi le champ des rivalités entre Gênes et Venise. Après la quatrième croisade et la prise de Constantinople par les croisés, Gênes est exclue des terres byzantines. La cité offre donc son appui à Michel VIII Paléologue qui, redevenu maître de Constantinople, donne à ses alliés le monopole du commerce en mer Noire.

Afin d'éviter d'avoir à changer leur monnaie à un taux désavantageux, les croisés utilisent un système d'escompte. Les Templiers versent en Syrie l'argent dont Louis VII a besoin et se font rembourser à Paris. Les croisades permettent ainsi de développer les activités bancaires.

L'esprit de la croisade

Chevaliers Porte-Glaive sont un ordre militaire organisé en 1202, et composé de « moines guerriers » germaniques dans le but de christianiser les populations baltes.

Dès l'origine de la croisade, l'expédition est une entreprise féodale réservée à la chevalerie. L'accomplissement du vœu de croix devient une étape indispensable à la formation du parfait chevalier. Dans l'imaginaire chevaleresque, le christ devient le parfait seigneur pour lequel on peut se sacrifier. Le chevalier croisé est donc un miles christi, « chevalier du Christ ». Les chroniqueurs comparent les croisés au peuple élu qui écrit une nouvelle histoire sainte. Les prédicateurs n'hésitent pas non plus à parler des richesses qui attendent les croisés en Terre sainte. Ils parlent d'une terre riche et fertile qui comblera leurs espérances.

Le fait que des milliers d'hommes et de femmes se soient mis en mouvement et aient accepté de braver le danger et la souffrance pour l'amour de Dieu est la preuve que les masses humaines de la fin du XI siècle étaient très réceptives à la promesse de l'indulgence plénière mais surtout à l'espoir que la récupération du Saint-Sépulcre serait le début d'une ère nouvelle dans l'histoire de l'Église et du monde. L'attente eschatologique et millénariste est très forte dans le peuple. Empêcher la venue de l'Antéchrist, hâter la parousie font partie de ses préoccupations. Ceux qui ont répondu à l'appel de la croisade, sont aussi convaincus que Dieu leur a assigné une tâche : libérer les lieux saints et purifier le monde du mal afin de préparer son retour. Les armes de la victoire sont pour ces masses, la pénitence symbolisée par la croix cousue sur le vêtement, les jeûnes, les prières, les processions, d'où les nombreuses mortifications que s'infligent les pèlerins. Les croisades révèlent pour la première fois en Occident l'existence d'une spiritualité populaire tournée vers l'action, moyen de gagner le salut.

Dans les milieux populaires, la croisade fait appel au merveilleux. Les foules voient des signes et des prodiges manifestant la volonté divine au moment des prédications, ce qui les entrainent à partir. Des rumeurs circulent sur les croix marquées dans la chair des croisés morts ou vivants. Ces « prodiges » sont accompagnés de prophéties et entretiennent l'idée que la fin du monde approche. L'attente de la parousie se colore de légendes politiques. Le roi des derniers jours prendra sa couronne sur le Golgotha et sera un Franc. De même, la soumission du « roi des Grecs » est dans toutes les traditions, le prélude au retour d'un âge d'or. La foule cherche aussi à imposer l'idéal de pauvreté et de pénitence aux grands notamment lors de la première croisade. Les attentes millénaristes ont pour corollaire le fanatisme et la violence contre les juifs et les musulmans. Les millénaristes « tendent à faire table rase du groupe des autres ». Les croisades répondent ainsi à l'attente des fidèles aspirant à un salut qui semble difficile à atteindre dans la vie quotidienne.

Bilan

Bataille de Lépante, en 1571
Bataille de Lépante, en 1571

Les croisades contribuent à éloigner les chrétiens des musulmans mais surtout les catholiques des orthodoxes. Après les croisades, les catholiques ne peuvent plus, durant cinq siècles, faire le pèlerinage de Jérusalem. Principalement, les croisades ont fait l'objet d'un transfert de connaissances de l'Orient vers l'Occident. Elles ont aussi permis à l'Occident de créer des comptoirs de commerce en Orient, qui ont pris en mains une partie du commerce entre l'Europe et l'Orient, jusque là monopole oriental. Venise a atteint son but. L'Europe a conservé des croisades un profit économique dont les musulmans n'ont pas vu l'importance.

L'idée de croisade est « encore vivante au début des Temps modernes, sous Charles Quint et à la bataille de Lépante, et encore lors du siège de Vienne en 1683 ».

Adaptations militaires

Un certain nombre d’adaptations visent à limiter l’échauffement au soleil : plusieurs auteurs signalent de nombreuses morts dues à l’insolation. Le heaume est souvent remplacé par le chapeau de fer, le long haubert par une cotte de maille plus courte, le haubergeon, ou par le gambison (vêtement rembourré porté sous la cotte de maille, pour amortir les chocs). De même, des housses couvrent les armures et les chevaux, pour limiter l’échauffement au soleil. Les chevaux turcomans sont aussi achetés (ou volés) en grand nombre, pour remplacer les chevaux tués au combat ou morts. L’armement local, d’excellente qualité (les armuriers de Damas avaient excellente réputation), sert aussi pour remplacer les armes que les combattants européens ont perdues ou cassées. De façon plus large, l’emploi de la masse turque, qui permet de défoncer les pièces d’armure, se généralise en Europe après les croisades. Elle entraîne l’abandon du heaume à sommet plat, remplacé par les casques bombés, déviant les coups.

Les principales adaptations militaires sont situées toutefois dans la tactique. L’efficacité meurtrière des archers montés, qui souvent visent les chevaux des Francs, pousse à une remise en cause du combat fondé sur la recherche du choc frontal. Le recours plus fréquent à l’infanterie, protégeant les chevaux derrière de longs boucliers, et aux archers et surtout aux arbalétriers, plus puissants et précis que les archers, permet de rivaliser avec les cavaliers musulmans. Des unités d’arbalétriers montés sont aussi créées, ainsi que des unités de cavalerie légère indigène, les turcopoles, très utiles aussi pour le renseignement.

Mais la tactique favorite, la charge massive créant la rupture de l’armée ennemie, n’est pas abandonnée, et l’armement lourd non plus. D’une part, les habitudes et les dépenses lourdes dans cet armement font qu’il était difficile de les abandonner. D’autre part, l’armement lourd assure une supériorité certaine à des combattants chrétiens le plus souvent en infériorité numérique. Enfin, en choisissant le moment du combat pour que les combattants n’attendent pas en armes sous le soleil, et pour que le combat soit bref, les Européens ont parfois d’excellents résultats.

Pour soutenir la cause de la défense de la Terre Sainte, les premiers ordres de moines-soldats sont fondés, mêlant à l'instinct guerrier l'idéal monastique. Les premiers ordres, français et espagnols, sont constitués en communautés, ascétisme et prière purifiant l'épée destinée à défendre le pèlerin et à pourfendre le « païen », l'identifiant au glaive de l'archange saint Michel transperçant le dragon. Au XIV siècle, alors qu'il n'y a plus de croisades en Terre Sainte de nombreux nouveaux ordres apparaissent, toujours dotés d'un idéal de sacrifice et de pureté, toujours voués à la prière et à la mortification. Mais les mortifications sont dédiées à une dame plus souvent qu'à Dieu, fêtes et tournois prennent le pas sur la prière. Le crépuscule du Moyen Âge transforme les ordres de chevalerie en cercles aristocratiques où s'élabore un art de vivre, un langage allégorique, une imagerie littéraire ou graphique qui transpose dans l'illusion la geste chevaleresque.

Confrontation de l'Orient et l'Occident

L'Empire byzantin et la croisade

Bien que dirigées contre les musulmans, les croisades ont été contraires aux intérêts de l'Empire byzantin. Les troupes qui traversent l'Empire byzantin commettent d'inévitables excès de par leur taille. Il arrive ainsi que les Normands profitent des croisades pour attaquer l'Empire. Les mesures prises par les empereurs pour protéger l'Empire des croisés (surveillance des troupes latines, alliance avec les Turcs, …) entraînent une grande méfiance vis-à-vis de Byzance et un sentiment de trahison. Alexis Comnène est traité de perfide et de traitre. La propagande normande amplifie le thème de la perfidie grecque qui devient un lieu commun et une explication aux échecs des croisés. Elle légitime la prise de Constantinople en 1204. Pour les Byzantins, cet événement fait définitivement des croisades un acte de piraterie dont le but religieux n'est qu'une façade.

La notion de croisade ou de guerre sainte est incompréhensible pour les Byzantins. Les guerres sont pour eux uniquement des actes politiques. L'Église orthodoxe est hostile à l'emploi des armes par les laïcs et encore plus par les clercs. Les Byzantins sont donc indignés de voir, parfois, des prêtres latins participer personnellement aux combats. Malgré ces différences au XII siècle, pour la plupart des Latins, les Byzantins sont des frères chrétiens. La conscience du schisme ne dépasse guère les milieux ecclésiastiques. Ce sont finalement les événements de 1204 qui creusent réellement et définitivement la séparation entre catholiques et orthodoxes. La haine du Latin devient plus forte que celle du Turc.

L'Islam et la croisade

Chrétien et Musulman, Al-Andalus, Cantigas de Santa María.

À la fin du XI siècle, le djihad a perdu sa force d'attraction parmi les musulmans. L'Occident latin est entré dans une phase de reconquête aux dépens de l'Islam. De même que les musulmans reconnaissent les communautés juive et chrétienne, les États chrétiens d'Orient et la Sicile accordent aux musulmans des institutions propres et une certaine liberté de culte. Aux excès des premiers croisés - un trait classique de tout assaut quels que soient les assaillants - a donc succédé une cohabitation acceptable et tout à fait comparable à la pratique musulmane.

Les musulmans de l'époque ne perçoivent pas le motif religieux de la croisade et celle-ci tient peu de place dans les ouvrages des chroniqueurs arabes mis à part ceux originaires des pays voisins des Francs comme Ibn-al-Athir. L'opinion publique des pays menacés ou lésés uniquement, en premier lieu la Syrie du Nord, est réellement hostile aux croisés. De fait, les croisades n'ont pas provoqué de « contre-croisades ». Ainsi le regain d'intérêt pour la guerre sainte, le djihad, ne sert surtout qu'à rassembler la Djazira, la Syrie, l'Égypte, les Arabes et les Kurdes ainsi que d'éliminer les Chiites. En revanche, l'établissement d'un État militaire en Égypte dans la seconde partie du XIII siècle peut être considéré comme une conséquence directe des croisades. Cet État est très intolérant envers les dhimmis (juifs et chrétiens) car il craint une alliance à revers entre eux et la puissance mongole en pleine expansion.

Les croisades n'ont pas favorisé la connaissance réciproque des deux civilisations. Des contacts plus enrichissants se sont noués en Espagne, en Sicile et à Constantinople après 1204. Comme toute propagande, celle des croisades est plutôt négative. Les musulmans sont accusés à cette occasion d'idolâtrie, d'immoralité et même de louer et justifier la violence, alors que les chrétiens eux-mêmes faisaient l'apologie de la guerre pour rassembler et recruter des chevaliers sous la bannière du Christ. Les croisades ont été l'occasion pour les chrétiens occidentaux d'être confrontés à une masse de non-chrétiens. Les disputations religieuses sont rares. Les conversions religieuses vers le christianisme se sont rarement faites sous la contrainte. Le missionnaire Ricoldo loue l'hospitalité des musulmans.

Finalement, leur effet politique essentiel, et reconnu par tous, aura été de retarder de près de deux siècles la prise de Constantinople par les Turcs. Ce délai sera mis à profit par les principaux États européens pour se former et se consolider, confinant la poussée ottomane sur la rive sud de la Méditerranée.

中文百科

第一次十字军东征时的安条克之围(The Siege of Antioch),出自中世纪的泥金装饰手抄本,Jean Colombe作品,约1490年。

十字军东征(拉丁语:Cruciata;伊斯兰世界称为法兰克人入侵;1096年-1291年)。这是一系列在罗马天主教教皇的准许下的战役,由西欧的封建领主和骑士对他们认为是异教徒的国家(地中海东岸)发动了持续近200年的宗教战争。十字军东征最初参与成员,例如:骑士、商人、农民,多数是自愿的,受拜占庭帝国之邀,参与夺回圣地战争。这些十字军也非拜占庭帝国主力部队。东正教徒也参加了其中几次十字军。

参加这场战争的士兵佩有十字标志,因此称为十字军。十字军主要是罗马天主教势力对穆斯林统治的西亚地区作**并建了一些基督教国家,因而也被形象的比喻为“十字架反对弓月”;但也涉及对“基督教异端”、其他异教徒和对其他天主教会及封建领主的“敌对势力”的征服,如第四次十字军东征将矛头指向了东正教的拜占庭帝国。

天主教徒相信,十字军的最初目的是收复被穆斯林统治的圣地耶路撒冷。当塞尔柱土耳其的穆斯林在安纳托利亚对基督教的拜占庭帝国取得军事胜利时,十字军的战役为响应拜占廷的求助而被点燃了。旷日持久的战役断断续续在黎凡特地区展开,战争中敌友双方界线不完全是按宗教划定,例如第五次东征时基督徒们与罗姆苏丹国结盟。十字军虽然以捍卫宗教、解放圣地为口号,但实际上是以政治、社会与经济等目的为主,伴随着一定程度上的劫掠,参加东征的各个集团都有自己的目的,甚至在1204年的第四次十字军东征劫掠了天主教兄弟东正教拜占庭首都君士坦丁堡。所以,美国学者朱迪斯·M·本内特在他的著作《欧洲中世纪史》里写道,「十字军远征聚合了当时的三大时代热潮:宗教、战争和贪欲」。 到1291年,基督教世界在叙利亚海岸最后一个桥头堡——阿卡被攻陷,十字军国家的命运告终。十字军东征对西方基督教世界造成了深远的社会、经济和政治影响,其中有些痕迹至今尚存。

历史

十字军东征地图 关于十字军东征的起源和历史背景,在历史学界存在广泛的争议。一般来说,它与11世纪欧洲的社会和政治形势、天主教会改革、基督教与伊斯兰教在欧洲和中东地区的斗争有着紧密的联系。 穆斯林的扩张 从第一世纪开始,创始于罗马帝国境内犹太省(今以色列、巴勒斯坦地区)的基督教迅速传遍罗马帝国。4世纪时的基督教已是罗马帝国的最大宗教,313年米兰敕令使之合法化,并在380年时狄奥多西大帝任内成为为罗马帝国的国教。在随后的几个世纪,耶路撒冷、巴勒斯坦和叙利亚地区都处于罗马帝国及其分裂后的拜占庭帝国境内,基督徒在圣地占据压倒性优势。 7世纪,伊斯兰教在阿拉伯半岛兴起,先知穆罕默德的后继者——四大哈里发时期的穆斯林们迅速向阿拉伯半岛以外的地区扩张,中东的历史格局从此发生巨变。而此时拜占廷帝国和波斯的萨珊帝国因彼此的连年战争而筋疲力竭,人民厌战,新兴的穆斯林从中得利,获取民心。穆斯林在636年的约旦击败拜占廷军队,并于638年**了圣地耶路撒冷穆斯林称为古都斯。在7世纪的剩余时间里,阿拉伯人不可阻挡地向北方和西方驱进。阿拉伯军队于711年渡过直布罗陀海峡,并击败了西哥特人;次年扩张至伊比利亚半岛中部(今西班牙);到8世纪30年代,在欧洲西面,以北非柏柏尔人为主的穆斯林征服者挺进到法兰克王国的心脏地带,却在732年的图尔战役中被查理·马特挫败,其在西欧的扩张步伐遂被遏止。而在东面,717年—718年君士坦丁堡抵挡住了乌迈耶王朝阿拉伯人的围攻,到9世纪时西西里岛和许多其他地中海岛屿已被阿拉伯人夺取。 在这场征服风暴过去后的时期,尤其是在阿拔斯王朝时代,在耶路撒冷有奥米耶朝所创建的年集市,吸引了大批西欧商人和朝圣者。在《圣阿丹南传》里,对下列情况表示惊讶:“来自各国的无数商人群众,常聚集于耶路撒冷来互相进行买卖。”在869年耶路撒冷主教狄奥多西写给君士坦丁堡的同僚的信里,赞扬了萨拉森人的宽大政策,因为基督徒可以建造教堂并依照他们自己的法律过活。10世纪,拜占庭收复了周边一些失地,但未**耶路撒冷。 909年,伊斯兰教什叶派首领在突尼斯以法蒂玛和阿里的后裔自居,自称哈里发,是为法蒂玛王朝(中国史书称“绿衣大食”),建都马赫迪亚(969年迁至开罗)。1009年,西方对穆斯林态度发生了巨变,日后圣地的统治权在十字军出现前反复在什叶派(开罗)和逊尼派(巴格达)政权之间交替。这一年, 第六任埃及法蒂玛王朝哈里发暴君哈基姆(Al-Hakim bi-Amr Allah)下令摧毁包括圣墓教堂在内的所有耶路撒冷基督教堂和犹太会堂,加深了对非穆斯林的**。基督教徒到耶路撒冷朝圣的路被封,在近东,朝圣者受新入主西亚的突厥奴隶军人穆斯林侮辱的消息传至西欧,基督教与伊斯兰教互相对立气氛更加严重。 1039年,在埃及,哈基姆的继任者收受了一定的财物后允许拜占庭重建圣墓教堂,双方关系再次和平。随后,朝圣者被允许往来于圣地,同时突厥穆斯林统治者们也认识到朝圣者之于增加财源的重要性。因此,对异教的**中止。然而,破坏毕竟已经造成,而后来的塞尔柱人(另一支入主西亚的突厥人)加剧了基督教世界的堪忧。 1092年的塞尔柱帝国 塞尔柱人原是突厥乌古斯部落联盟的一支,居于中亚吉尔吉斯草原,以其酋长塞尔柱(Seljuq)命名。1037年,日益强盛的塞尔柱人创建王朝。1055年,塞尔柱王朝推翻白益王朝,控制了巴格达的哈里发政权。塞尔柱帝国的扩张引发了与拜占庭帝国和法蒂玛王朝在中东地区的利益冲突,其中1071年在曼齐刻尔特一役中拜占庭的惨败,以及1073年(一说1076年)耶路撒冷为塞尔柱人所**,对十字军东征产生了刺激作用。 在塞尔柱突厥人的统治之下,叙利亚和巴勒斯坦的人民及基督徒的地位,史学界尚存争议。从摩西·吉尔的著作和现存的古手稿残片来看,“塞尔柱的**巴勒斯坦时期(1073年—1098年),屠戮多,人口减少,文物遭肆意破坏…”。一般认为,塞尔柱突厥人常刁难、虐待前来耶路撒冷朝圣的基督徒。但是,美国史学家詹姆斯·W·汤普逊援引拉姆塞的话说,“塞尔柱苏丹以极其宽大和容忍的态度,来统治他们的基督教臣民,甚至有偏见的拜占庭历史学家,也隐约谈到:基督徒在很多情况下宁愿受苏丹的统治而不愿受此前的皇帝的统治……至于宗教**,在塞尔柱时代,没有一点痕迹。”。「既然11世纪以前穆斯林的统治和11世纪土耳其人的统治并没有那幺大的反差,而西欧的反应却反差强烈,甚至会大量流传关于土耳其人虐待的说法,那只能说明同过去相比西欧这一方发生了变化。」。 拜占庭帝国 1071年,塞尔柱帝国在曼齐刻尔特战役中大胜拜占庭帝**队,结果使拜占庭丧失了大半的国土,其版图只限于巴尔干半岛一隅和安纳托利亚西北角。君士坦丁堡方面面临重重威胁,不得不寻求西方的军事援助。作为对曼齐刻尔特局势的回应,1074年教皇格里高利七世发出名为“上帝的士兵”(milites Christi)呼吁,而这常常为当时的西欧所忽视。 西欧的变革 社会 11世纪前,欧洲人口并不多,许多人受着贫困的侵袭;木质城堡局限了人们的视野;货币不流通,文化只见于王宫和修道院。权力分散和野蛮粗暴是这个时代的特征。1000年左右开始,大规模的人口迁移趋停,人口逐渐增加。农民们有了较好的工具,他们开垦荒地和森林以扩大耕地,富余粮食也越来越多。城市居民增加,开始有别于乡村,不过这些城市规模远小于东方。在东方许多港口,西欧人的身影较频繁出现了。 随着基督教在维京人、马扎儿人和斯拉夫人中的传播和加洛林王朝的崩溃,西欧国家的疆域逐渐趋稳;另外,采邑制更加普及,封建领主遍布,他们买得起包括战马在内的作战装备,这些领主以及随从们被称为“骑士”,成为贵族阶层的一个象征,创建在日耳曼崇尚勇武、荣誉和忠诚传统上的骑士制度逐渐成形。许多国家内战、民族**和领主间的私战等暴力事件不断发生,像公国、伯国这样的封建领地实力相对均衡。贵族阶层的作战和冒险欲望强烈,这与当时天主教廷发布旨在使人们克制暴力的“上帝和平、上帝休战”运动(Peace and Truce of God)相矛盾。 宗教 朝圣的世俗化 11世纪的欧洲正处于克吕尼运动的高峰期,宗教的思想观念与感情已深入到人们的骨髓,人们的时空观、财富观、劳动观以及其他一切行为,无不受到基督教的深刻而持久的作用,在几乎任何一个教堂或小村庄都会听到人们发自内心的对天国的追求和对地狱的恐惧。十字军东征发生前的10—11世纪之交,正值基督教史上的所谓“世界末日”,而这时的西欧也正处于长期的荒年。。人们疯狂地相信《启示录》中提到的基督在十字架上被钉死以来的千年末日已经来临,类似“世界末日之时,西方皇帝会在耶路撒冷加冕,并与反基督的异教徒在那里战斗”的传言在欧洲各地到处散播。 在这种压力下,一种强烈的“赎罪”与“修来世”的意识成为当时的社会时尚,人们把现实苦难看作是上帝对其的惩罚,积极提倡苦修、禁欲、补赎,并由此引发出狂热的对物崇拜和圣地朝圣。在欧洲圣地朝圣早已有之,但此刻的朝圣被教会赋予了新的含义,即朝圣本身也是一种补赎,朝圣者启程之始要象教士一样立誓信教,朝圣期间要过独身生活,并要朝圣者到达圣地进行祈祷时,“他本身已具有了一种权力,可杀一个邪恶的人或治愈一个病人”。到11世纪时,欧洲朝圣者的人数空前增长。原先小规模的朝圣被大规模的忏悔朝圣所代替。1054年康布雷主教率领3000名朝圣者前往耶路撒冷;10**年—1065年德国科隆、美因兹等地的主教率领上万名基督徒和一支拥有相当人数军队组成的朝圣大军前往耶路撒冷,结果约有3000人在途中倒毙。在当时宗教文化浓厚的时代氛围中,去往圣地进行“**”成为一条便捷的赎罪途径,对于穷苦又无援的民众来说,朝圣或到东方去“**”也是他们改善命运的出路。 教会政治斗争 教皇额我略七世 东欧的拜占庭帝国长期奉行的东正教派,并与罗马的天主派在神学、教会组织等各方面的分歧不断扩大。1053年,拜占庭帝国基督教会君士坦丁堡牧首弥格耳(Michael Cerularius),因君士坦丁堡的拉丁礼教堂拒绝使用希腊礼拜仪式,遂将其全数关闭。罗马教廷提出抗议。弥格耳反而质问西方教会弥撒用无酵饼源自犹太人实为异端。罗马教宗良九世派了枢机主教亨拜(Humbert)至君士坦丁堡,与弥格耳谈判,但是双方各不相让,谈判破裂。1054年7月14日亨拜进入圣索非亚大教堂,将开除弥格耳教籍的判书放到祭台上,出了教堂。而弥格耳不肯屈服,当众把罗马教宗送来的诏书烧毁。之后罗马教宗和君士坦丁堡牧首相互绝罚,基督宗教正式分裂为西方天主教(拉丁教会)和东方东正教(希腊教会)。有历史学家认为,虽然发起第一次十字军东征的教皇乌尔班二世没有提及罗马教廷谋求在东方的影响力,但不失为号召十字军的目的之一。 从罗马帝国晚期到11世纪,教会官员的任命尽管理论上是罗马天主教会的任务,但实际上由世俗权威履行。主教和修道院长们接受世俗权利,买卖圣职活动泛滥,甚至神圣罗马帝国皇帝对罗马教廷施加影响。教皇格里高利(1073年—1085年在位)因应当时的宗教改革呼声,提出的教会的权柄高于政治的权柄,并下令禁止贵族私自封立主教及指派教会职位,要求圣品人员严守独身的誓言。然而,这对西方基督教世界的封建统治者们,尤其是靠日耳曼主教和伦巴底主教支持的神圣罗马帝国皇帝亨利四世构成威胁,因此发生了叙任权斗争。教皇和皇帝双方势力都需要引导舆论获取民众支持,而号召人们对圣地的宗教热情对确立教皇的“普世权威”是有利的。 1085年的伊比利亚半岛:南方的伊斯兰国家穆拉比特和北方的基督教诸王国(A阿拉贡王国,C卡斯蒂利亚王国,L莱昂王国,N纳瓦尔王国,P葡萄牙王国) 经济 实际上,来往朝圣的人们中有不少带着朝圣者和商人的双重角色。如10世纪末期,一些意大利商人利用拜占庭给他们的保护创建了同埃及与叙利亚的商业关系。他们对圣地表现出热忱,在安提阿和耶路撒冷为朝圣者建造旅舍。后来,穆斯林与热那亚和比萨舰队作战失利,加之诺曼人征服西西里(1090年),伊斯兰势力逐渐丧失了在地中海的优势地位,意大利沿岸各共和国的商业野心受到了有力的刺激。 东征前的十字军 实际上基督徒对异教徒的“**”的序幕在东征之前就已拉开,如1090年意大利南部皈依基督教的诺曼人从穆斯林手中夺回了西西里岛。而最早的十字军运动发生在西欧的边缘——伊比利亚半岛,西欧的基督徒与穆斯林的矛盾在此表现最为剧烈。早年阿拉伯人入侵并灭亡西哥特王国时,半岛上就开始了收复失地运动。11世纪,支持伊比利亚人对异教徒的战斗的外国骑士(主要来自法国)增多,同时半岛北方基督教的卡斯蒂利亚王国与莱昂王国实现了联合。在第一次十字军东征前夕,作为与东征部队的呼应,教皇乌尔班二世便鼓励这里的基督徒们收复塔拉戈纳。 克莱芒会议 乌尔巴诺二世在克莱芒做东征的号召 教皇乌尔巴诺二世在1095年11月在意大利皮亚琴察召开宗教会议,正好东正教的拜占庭皇帝派来特使在会议上痛陈突厥人西侵的压迫,于是教皇在会议上疾呼西欧应收复圣地并解救同为基督教兄弟的危难,但对抗强大的穆斯林势力必须有更多的团结势力,于是教皇在同年11月冬天在法国克莱芒召开更大的基督教会议发表演说以号召更多响应者,此次参与会议多达数万人并且包含了各地大主教与封建贵族骑士与平民,造成贵族与平民间热烈响应,并且确立以十字记号为军队徽帜,制订大量徽章大量发放,十字军的名称由此而来。

十字军的主要战事

第一次十字军东征 十字军的装束 克莱蒙特会议后,在教皇乌尔巴诺二世的指导下,加之对经济和精神特权的憧憬,西欧许多社会阶层都跃跃欲试,指望在十字军东征中能够碰到好运气,改变自己的处境。第一次十字军空前需要现款,这导致了经济社会一度混乱。许多主教、贵族,甚至农民拿出了窖藏多年甚至百年的货币,法兰克帝国瓦解和早期封建割据的局面可见一斑。不少贵族、自由人为踏上征途而千方百计获取装备、物资和现款,包括出售不动产、掠夺犹太人等等。 教皇委派一批正式传教士到欧洲各地向骑士阶层宣传十字军运动,预定于1096年8月由欧洲武装骑士组成部队出发。然而,有一些自告奋勇的狂热宣传分子同时鼓动了下层贫民。这些被鼓动的贫民或来自于领主的农民和仆役,或有城市流民、亡命之人等等,他们或许不知道十字军的宣传意义,但他们知道要摆脱目前的困顿和窘况。1096年3月,在“隐士”彼得和沃尔特·桑萨瓦尔的率领下,这些平民迫不及待地自行组织出发了,即平民十字军。 这群“军队”似乎不是前去作战,去同基督教的敌人搏斗,而更像是举家移民。“他们以牛羊当作马用,沿途拖着双轮小车,车上堆着破碎的行李和孩子们,每经过一个堡垒或城镇,孩子们伸手问道,‘这是耶路撒冷吗?’。”这只看似可怜的队伍,却漫无纪律,沿途残忍地进行劫掠和屠戮,许多犹太人、匈牙利人等在他们眼中看起来像“异教徒”的人都惨死在他们手下,但他们本身损伤惨重,疾病、斗殴和贫困让这支队伍渐趋萎靡。在死去过半人的情况下,平民十字军到达君士坦丁堡,又被君士坦丁堡的皇帝打发到小亚细亚迎战精锐的突厥人,几乎全军覆没。 1096年秋天,由武装贵族和骑士组成的正规十字军开始出发。1099年,十字军**埃及法蒂玛王朝穆斯林控制下的耶路撒冷,并创建了十字军国耶路撒冷王国和三个附属小国:伊德萨伯国、的黎波里伯国、安条克公国。这次战事中十字军**了安提阿和耶路撒冷二城。屠城之举影响深远,令穆斯林日后对基督徒留下永不磨灭的伤痛。 第二次十字军东征 1144年,穆斯林开始反击,塞尔柱人摩苏尔总督赞吉(Zengi)攻打伊德萨伯国。耶路撒冷国王向法王路易七世和德国国王康拉德三世求援,开始了第二次十字军东征(1147年 - 1149年),结果失败,伊德萨伯国灭亡。期间因赞吉遇刺,便由其子努尔丁继承其位,积极统合穆斯林世界的力量,为日后的萨拉丁反收复耶路撒冷作准备。 第三次十字军东征 1187年,埃及此时已经更换为阿尤布王朝,并统一了伊斯兰世界中前什叶派统治的法蒂玛王朝和逊尼派巴格达两者的力量,其苏丹是连西方人都称赞有骑士风度的萨拉丁,他以**为号召,动员穆斯林军队反攻十字军国家,最终成功攻克耶路撒冷,俘虏了耶路撒冷国王。神圣罗马帝国皇帝腓特烈一世(红胡子)、英国狮心王理查一世和法王腓力二世发动了第三次十字军东征(1189年 - 1192年),腓特烈一世在途中坠水而死,其部队退出战争。法王腓力二世与英王理查一世及后不和,腓力以国内发生纠纷为借口,途中返回法国,最终只剩理查孤军力战萨拉丁。萨拉丁进行了顽强的抵抗,双方互有胜负,最终达成停战协议。 第四次十字军东征 《十字军进入君士坦丁堡》,德拉克洛瓦1840年作 1202年,教皇英诺森三世发起了第四次十字军东征(1202年 - 1204年)。最初的目标是埃及,后来受威尼斯的利诱,改变了军事计划,攻占了君士坦丁堡,掠夺并**达一星期之久,拜占庭帝国的大部分土地也被攻克,并创建了拉丁帝国(1204年 - 1261年)。 1204年,法国国王腓力二世兼并了诺曼底公国的全部领土,法英交恶。1215年,英格兰贵族强迫英国国王约翰签订《大宪章》,要求王室尊重司法过程,接受王权受法律的限制。约翰无意遵守,随即爆发内战。次年约翰病逝,内战停火。 十字军**阿尔比派 教皇英诺森三世曾经屡次想要同化基督教派阿尔比派,但最终还是失败。1209年,英诺森三世发起了「阿尔比十字军」(Albigensian Crusade),**整个法国南部的阿尔比派。此次暴力镇压经历20年(1209-1229)。自此,阿尔比派全被异端裁判所除灭,至14世纪末期,该派逐渐消失。 儿童十字军东征 1212年,传说教会在法国和德意志组织儿童十字军东征。有学者认为参与者其实多为流浪人员。 第五次十字军东征 教皇英诺森三世生前发起,1218年开始的第五次十字军东征(1218年 - 1221年),以埃及阿尤布王朝为进攻目标。1219年攻占埃及杜姆亚特(Damietta),1221年由于尼罗河水泛滥被迫撤退。 几乎于此同时,1219年至1221年,成吉思汗发动第一次蒙古西征,灭穆斯林花剌子模王朝,令伊斯兰世界两面受敌。 第六次十字军东征 第六次十字军东征(1228年 - 1229年)仍然以埃及阿尤布王朝为进攻对象。神圣罗马帝国皇帝腓特烈二世通过军事压力和谈判,为耶路撒冷第二王国取得耶路撒冷、伯利恒和通往地中海的走廊。但是到1244年耶路撒冷再度被流亡的花剌子模穆斯林**。 1236年—1241年,成吉思汗长子术赤的次子拔都率领蒙古军团向高加索、东欧、中欧进行第二次蒙古西征,创建金帐汗国。 第七次十字军东征 法王路易九世发动第七次十字军东征(1248年 - 1254年),进攻埃及阿尤布王朝,被埃及马木留克奴隶兵团击败,路易九世被俘,1250年以大笔赎金赎回。阿尤布王朝也于1250年被马木留克王朝取代。 1252年至1260年,成吉思汗四子拖雷的三子旭烈兀率领10万蒙军进行第三次蒙古西征,灭巴格达末代阿拔斯王朝哈里发,大有把西亚穆斯林势力连根拔起之势,之后蒙古征服者创建了伊儿汗国,继续准备西征,近东伊斯兰世界的存亡岌岌可危。 第八次十字军东征 1270年,此次东征由法王路易九世领导,进攻突尼斯穆斯林哈夫斯王朝。路上发生流行病,路易九世染病身亡,军队撤退。 第九次十字军东征 第九次十字军东征,有时也被合并成第八次东征的一部分。由英国的爱德华亲王于1271及1272年发动。他获知法王路易九世在西线失败之后,率军渡海在巴勒斯坦阿卡登陆,企图从东线进攻,但是最终被埃及马木留克兵团击败。 此后,十字军在东方的领土逐渐落入穆斯林手中。1291年,最后一个据点阿卡(今以色列北部城市)被埃及马木留克军队攻陷,耶路撒冷王国灭亡。 北方十字军入侵 1240年时的条顿骑士团于普斯科夫 北方十字军战役是由丹麦和瑞典信奉天主教的国王,德意志的宝剑及条顿骑士团和他们的盟友针对北欧波罗的海东南部,信奉异教的立陶宛发起的十字军战役。瑞典和德意志为反对俄罗斯的东正教徒而发起的战役,有时候也被认为是北方十字军战役的一部分。这些战争中的一部分在中世纪时就被称为十字军战役,但是其他部分,包括大部分的瑞典的部分,到19世纪才第一次被浪漫民族主义历史学者称为十字军战役。波罗的海东部因为军事征服而改变:首先是利沃尼亚人、拉特加利亚人和爱沙尼亚人,然后是瑟米利亚人、库尔兰人、普鲁士人和芬兰人,都被丹麦人、德意志人和瑞典人合伙击败、洗礼、**,甚至有时候灭绝。 最后一次十字军 1390年,奥斯曼土耳其军队进攻拜占庭帝国。拜占廷皇帝曼努埃尔二世向罗马教皇发出呼吁,请求支持。受此请求,教皇博尼法斯九世呼吁,由神圣罗马帝国皇帝西吉斯蒙德和法国勃艮第公爵组织了最后一次十字军远征,由勃艮第公爵的儿子无畏的约翰统率。1396年9月28日,最后一支十字军队伍在尼科堡战役中被土耳其军队打败。

其他十字军

圣地亚哥骑士团是以收复伊比利亚,驱逐穆斯林摩尔人为使命。

胡斯战争,教宗马丁五世发出了教宗诏书组织十字军要消灭胡斯派。

蒙古军入侵波兰,后来教宗亚历山大四世发动了十字军对抗鞑靼人。

阿拉贡十字军,由玛定四世发起,对阿拉贡王国的彼得三世发动。

挪威十字军,由西格尔一世率领,后来协助耶路撒冷国王鲍德温一世攻占西顿。

十字军东征的影响

第一次十字军由西欧封建贵族骑士们在西亚创建了短暂王国,耶路撒冷王国仅维持了88年,但是十字军东征却对地中海沿岸国家人民包括(犹太人、东方基督教徒和穆斯林)都带来了深重灾难,伊斯兰世界无复阿拉伯帝国时期的强大直到奥斯曼土耳其人的崛起。之后十字军还在威尼斯人帮助下侵入当时土耳其人无法攻破的君士坦丁堡,成为两百年后奥斯曼土耳其大军攻下此城的肇因。数次大规模军事动员也使西欧各国人民损失惨重,几十万十字军死亡,教廷和封建主却取得了大量的财富。并使日后东方伊斯兰世界与西方基督教世界互相对立加剧。

另一方面,欧洲原本因西罗马帝国灭亡使欧洲进入黑暗时期,因为十字军运动带回大量伊斯兰清真进步文明,并导致大量农奴解除依附关系,成为自由民,加速了西欧手工业、商业的发展,亦是文艺复兴与近世中产阶级商业文明的一重要成由,塑造出近代强盛的欧洲。

与此同时,十字军东征带动了东西方之间的贸易,使不少商人从中变得富有,他们开始赞助画家和建筑家,令更多人成为画家或建筑家,间接影响了欧洲文艺复兴的开始。

十字军东征失败的原因

第一点,十字军缺陷多,例如以骑士为中枢的军队根本没组织、没军纪、作战时没有统一的指挥号令者、面对长期对峙的后勤补给几乎毫无规划等。十字军所到之处,抢掠、偷盗,遍地焦土,时有所闻,使十字军声名日渐恶化。

第二点,整个十字军运动失去社会后盾。自十三世纪以来,随着商业社会的成长,以及封建君王的王权伸张,封建贵族的社会经济地位急剧下落,骑士精神在新政治和新社会里,丧失其传统地位;因此以收复圣地展现中古骑士精神的十字军运动,便失去了社会号召力。

法法词典

croisade nom commun - féminin ( croisades )

  • 1. histoire : dans la religion chrétienne expédition militaire des chrétiens contre les musulmans pour la défense de la chrétienté et la délivrance des lieux saints, le plus souvent à la demande du pape

    partir en croisade

  • 2. campagne au cours de laquelle on cherche à sensibiliser et mobiliser le public dans une lutte pour ou contre quelque chose

    une croisade contre le nucléaire

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