Le roumain est une langue appartenant au groupe des langues romanes orientales de la branche romane de la famille des langues indo-européennes. Il est couramment parlé par environ 24 millions de locuteurs et compris par plus de 28 millions, principalement en Roumanie et en République de Moldavie (appelés roumanophones par les linguistes). Appelé daco-roumain en linguistique, il est officiellement dénommé roumain en Roumanie (limba română /'limba ro'mɨnə/) et, au choix, moldave ou roumain en Moldavie (limba moldovenească selon l'article 13 de la Constitution adoptée en 1992, limba română selon la déclaration d'indépendance de 1991 et selon l'arrêt n° 36 du 05.12.2013 de la Cour constitutionnelle). Dans ces deux pays où les roumanophones sont majoritaires, il existe également d'autres communautés linguistiques, minoritaires.
Une grande partie (60 à 65 %) du vocabulaire roumain total est issu du latin, directement ou à travers des emprunts à d'autres langues. Mais il existe également un substrat thrace — ~90 ou 600 mots — antérieur à la conquête romaine (voir Origine des roumanophones), un superstrat slave — 30 % à 35 % des mots, un apport de mots hongrois, allemands, grecs et turcs datant du Moyen Âge et de la Renaissance, plus superficiel que le superstrat slave, un apport de mots français et allemands modernes venus entre 1850 et 1950, et enfin un apport anglais venu depuis 1950, et fortement enrichi depuis 1990 (ce dernier n'est pas roumanisé comme l'ont été les apports précédents, mais en grande partie emprunté).
Sauf pour les mots récemment empruntés, l'orthographe du roumain est, à l'instar de celle de l'italien, très simple, car presque phonétique : le plus souvent à chaque phonème correspond une lettre. Pour des phonèmes que d'autres langues écrivent avec plusieurs lettres, le roumain utilise des diacritiques. Il y a cependant quelques exceptions : les groupes /ke/, /ki/, /ge/ et /gi/ s'écrivent - comme en italien - che, chi, ghe et ghi - trois lettres pour seulement deux phonèmes. Pour les deux premières il est possible d'utiliser la lettre k au lieu de ch mais elle ne fait pas normalement partie de l'alphabet, sauf pour kilogramme, kilomètre, les mots de la même famille, et pour les mots anglais empruntés. En outre, la semi-voyelle /w/ s'écrit o comme en espagnol ou bien u comme dans « ouă » = œufs, et le e se prononce parfois ié comme en russe, par exemple dans « eu » = moi).
Classification et langues apparentées
Le roumain est une langue indo-européenne appartenant au groupe oriental des langues romanes. Il a beaucoup de traits en commun avec le français, l'italien, l'espagnol, le catalan, le portugais, l'occitan et le sarde, mais les langues les plus proches du roumain sont les autres langues romanes orientales, parlées au sud du Danube :
le mégléno-roumain (ou mégléniote), jadis parlé en Macédoine, et presque éteint.
l'aroumain (dit macédo-roumain en Roumanie et valaque en Grèce), parlé principalement en Grèce septentrionale, en Albanie, Serbie, Macédoine et Dobrogée ;
l'istrien (dit istro-roumain en Roumanie et « cicien » en Italie et Croatie) jadis parlé en Istrie, presque éteint.
Le Roumain comme langue officielle, seul ou avec d'autres langues, en Roumanie et Moldavie (où il est également dénommé « moldave »).
Roumain et langues apparentées :
en gris = zone de rencontre inter-linguistique (tranhumance)
en blanc = daco-roumain
en vert = istrien et dalmate
en jaune = aroumain
en orange = mégléno-roumain
Carte du diasystème roman de l'Est au XX s., avec les aires linguistiques daco-roumaine, aroumaine, istrienne et méglénite.
L'évolution des langues romanes orientales parmi les autres langues d'Europe du sud-est, avec les trois phases de la formation, de la cohabitation et de la séparation.
Certains linguistes roumains revendiquent également le dalmate comme appartenant à ce groupe.
Le nom que les linguistes utilisent pour identifier cette langue est daco-roumain ou daco-roman, qui fait référence à la zone où il est parlé (correspondant en gros à l'ancienne province romaine de Dacie et à son voisinage). Le daco-roumain, nommé officiellement roumain en Roumanie et Moldavie (română, limba română) est partiellement attesté au XII siècle, complètement attesté au XV. Les superstrats slave et turc restent d'importance faible et le roumain s'avère assez conservateur ; c'est en cela qu'il est relativement différent des autres langues romanes et dissymétrique par rapport à elles (il est beaucoup plus facile à un roumanophone de comprendre l'italien ou le français, que l'inverse) ; il est langue coofficielle dans quelques communes de la Voïvodine serbe, mais est également parlé dans d'autres régions de Serbie (Portes de Fer et vallée du Timok). Des minorités roumanophones vivent également en Ukraine, et une importante diaspora vit depuis les années 2000-2005 en Espagne et en Italie.
Le roumain parlé en République de Moldavie a été appelé « moldave » par les autorités soviétiques. Les autorités post-soviétiques l'ont reconnu comme étant du roumain. Dans la déclaration d'indépendance de la république de Moldavie, en 1991, il est défini comme limba română (roumain). Quelques années plus tard et après l'échec du référendum d'unification avec la Roumanie, les autorités moldaves sont revenues à l'appellation soviétique de « moldave », mais les linguistes ne reconnaissent pas le roumain et le moldave comme des langues différentes. En décembre 2013 la Cour Constitutionnelle moldave reconnaît qu'en cas de divergences entre le texte de la Constitution et celui de la Déclaration d'Indépendance, c'est ce dernier qui prime: désormais la langue parlée en République de Moldavie est officiellement appelée « roumain ».
Lexique
Le caractère roman du roumain se reflète non seulement dans sa structure grammaticale, mais aussi dans son lexique, 30 % du vocabulaire total étant constitué de mots qui se sont transmis sans intermédiaire depuis le latin.
Le substrat du roumain est considéré comme étant le thraco-dace, qui n'aurait laissé qu'environ 460 mots au roumain, identifiables par leur existence à la fois dans toutes les langues romanes orientales et en albanais, à condition qu'ils soient avant tout d'origine indo-européenne.
Suite aux circonstances de l'histoire, le roumain a emprunté de nombreux vocables. La source d'emprunts la plus ancienne et la plus importante est le slave commun, puis le vieux slave, qui ont donné plus de 9 % du lexique roumain. L'influence slave a continué par les emprunts aux langues slaves voisines ou proches : bulgare, russe, serbe, ukrainien, polonais. D'autres influences anciennes notables sont celle de l'allemand, du hongrois, du grec et du turc. Un tournant dans l'évolution du lexique roumain se produit au XIX siècle, lorsque, comme un corollaire du début de la modernisation de la société roumaine, on emprunte un grand nombre de mots aux langues romanes occidentales, ce qui vient renforcer le caractère latin de la langue. Ainsi, le roumain reçoit plus de 12 % de son lexique du français, plus de 15 % du latin (mots savants) et près de 4 % de l'italien. Surtout ces 20 dernières années, c'est l'anglais qui exerce la plus grande influence lexicale sur le roumain. Outre l'emprunt direct de mots, il se manifeste aussi un procédé mixte (externe et interne) d'enrichissement du vocabulaire, le calque lexical.
Près de 4 % du lexique est formé sur le terrain de la langue roumaine, surtout à partir de mots hérités du latin, par dérivation ou par composition. La dérivation est de loin la plus fréquente. Il y a environ 500 suffixes lexicaux et 80 préfixes.
Les mots composés sont, en roumain, à l'instar des autres langues romanes, moins nombreux, d'un côté par rapport aux mots dérivés dans ces mêmes langues, d'un autre côté par rapport aux mots composés dans des langues comme l'allemand ou le hongrois.
On peut parler non seulement de l'influence d'autres langues sur le roumain mais aussi, dans une moindre mesure, de mots roumains empruntés par d'autres langues, surtout les parlers des minorités linguistiques de Roumanie. Il est vrai cependant que très peu de mots ont pénétré dans les langues standard correspondantes.
Depuis 1990, la liberté de la presse a permis à certains média, surtout commerciaux, de prendre beaucoup de libertés avec la langue, de sorte que le roumain courant s'enrichit moins qu'avant de nouveaux mots adaptés par calques ou par emprunts lexicaux depuis d'autres langues (comme antérieurement « damigeană » de dame-jeanne, « parbriz » de pare-brise ou « meci » de match) mais utilise de plus en plus de mots étrangers introduits tels quels (dont de nombreux anglicismes : par exemple on ne dit plus « transferare » mais forward), phénomène brocardé par le critique littéraire George Pruteanu dans son émission télévisée « Doar o vorbă săț-i mai spun », dont le titre contient une faute d'orthographe délibérée, diffusée sur Tele 7 ABC (1995), puis ProTV (1995-1996) et TVR1 (1997-1999).
Exemples
Exemples de mots
Voici quelques mots intéressants qui se retrouvent aussi en français, avec parfois des significations différentes :
Français Roumain Prononciation standard Mot français de même origine Mot latin correspondant Mot italien pays țară ['tsa.rə] terre terra terra terre pământ [pə'mɨnt] pavé pavimentum pavimento ciel cer [ʧer] ciel caelum cielo eau apă ['a.pə] eau (occitan « aiga »), aqueux aqua acqua feu foc [fok] feu focum fuoco homme (être humain) om [om] homme homo uomo homme (mâle) bărbat [bər'bat] barbu barbatus barbuto femme femeie [fe'me.je] (ie: diphtongue) famille, femme femina, familia famiglia mou moale ['mo̯a.le] (oa: diphtongue) mou (devant voyelle, « mol ») mollis molle manger a mânca [a.mɨn'ka] manger manducare mangiare boire a bea [a'be̯a] (ea: diphtongue) boire bibere bere mer mare ['ma.re] mer mare mare petit mic [mik] mie medium mezzo nuit noapte ['no̯ap.te] (oa: diphtongue) nuit nox, noctis notte jour zi [zi] -di (lundi, mardi, etc) dies -di (lunedi, martedi, etc), giorno, buon-dì front frunte ['frun.te] front fruntum fronte tempe tâmplă ['tɨm.plə] tempe tempa tempia temple templu ['tem.plu] temple templum tempio menuisier tâmplar [tɨm'plar] templier templum templare
Phrases communes
Français |
Roumain |
Transcription phonétique |
Traduction mot à mot |
Salut ! |
Salut! / Bună! |
/sa'lut/ |
- |
Comment t'appelles-tu ? |
Cum te cheamă? |
/'kum.te'kěa.mə↘/ |
Comment on t'appelle? |
Comment vous appelez-vous ? |
Cum vă numiți? |
/'kum.və.nu'miʧʲ↘/ |
Comment vous vous nommez? |
Comment vas-tu ? |
Ce mai faci? / Ce faci? (plus familier) |
/'ʧe.maj.faʧʲ↘/ |
Que encore fais-tu? |
Au revoir ! |
La revedere! / Pa! (plus courant) |
/la.re.ve'de.re/pa/ |
- |
À plus tard ! |
Pe mai târziu! |
/pe.maj.tɨr.'ziǔ/ |
- |
S'il vous plaît. |
Vă rog. |
/və'rog/ |
Je vous en prie. (latin rogare). |
Je suis désolé(e). |
Îmi pare rău. / Pardon |
/ɨmʲ'pa.re'rəǔ↘/ |
(ceci/il) me paraît mal. |
Merci. |
Mulțumesc./ Mersi.¹ |
/mul.ʦu'mesk/ |
Je remercie. |
Oui. |
Da. |
/da/ |
- |
Non. |
Nu. |
/nu/ |
- |
Je ne comprends pas. |
Nu înțeleg. |
/'nu.ɨn.ʦe.leg↘/ |
- |
Où sont les toilettes ? |
Unde e toaleta/WC-ul? |
/'un.de.je.to.a'le.ta↘/ |
Où est la toilette/le WC ? |
Parlez-vous français ? |
Vorbiți franceza? |
/vor'biʦʲ.fraŋ'ʧe.za↗/ |
Parlez-vous le français? |
Parlez-vous roumain ? |
Vorbiți românește? |
/vor'biʦʲ.ro.mɨ'neʃ.te↗/ |
Parlez-vous de manière roumaine? |
Très bien. |
Foarte bine. |
/'fǒar.te'bi.ne/ |
Fort bien. |
Comme je suis content(e) de te revoir ! |
Ce mă bucur că te văd din nou! |
/'ʧe.mə'bu.kur.kə.te.'vəd.din.noǔ/ |
Qu'est-ce que je me réjouis que je te vois (de nouveau) ! |
Je t'aime. |
Te iubesc. |
/te.ju.'besk/ |
- |
-
Notes
¹ Les Roumains ont emprunté le mot français (écrit « Mersi ») mais Mulțumesc est toujours utilisé.
Le terme de « roumain »
La lettre du marchand Neacșu, de 1521 est le plus ancien document écrit en roumain qui se soit conservé. La Valachie y est nommée Țeara rumânească (Țara Românească en roumain moderne). Historiquement, c'est la première apparition de la forme rumân pour désigner la langue parlée.
Bien que les habitants des trois voïvodats médiévaux de Transylvanie, Moldavie et Valachie se soient désignés comme « Transylvains » (Ardeleni), « Moldaves » (Moldoveni) ou « Valaques » (Munteni), le nom de « roumain » (rumâniască) pour désigner leur langue est attesté à partir du XVI siècle par des sources concordantes. Ainsi, Francesco della Valle et Tranquillo Andronico notent respectivement 1532 et en 1534, que les « Valaques se désignent comme roumains » (Valachi nunc se rumanos vocant), Francesco della Valle ajoutant même qu'en valaque, « parles-tu valaque ? » se dit : « Sti rominest? » (en roumain moderne : « Știi românește? »). Après un voyage à travers les trois voïvodats en 1574, Pierre Lescalopier écrit que les habitants de ces pays « se considèrent comme descendants des Romains » et appellent leur langue « roumounesque », c'est-à-dire « romaine ». Enfin, Ferrante Capecci relate en 1575 que les habitants de ces pays se désignent comme romanesci. Le terme « roumain » reste un endonyme jusqu'au XIX siècle, mais cela ne signifie pas qu'il aurait été inventé au XIX siècle.
Par ailleurs, au Moyen Âge, la dénomination ethno-linguistique rumân/român signifiait aussi « roturier », par opposition à boier (« boyard »), ce qui est logique, compte tenu du fait qu'après la chute de l'Empire romain, les plus anciens États de la région ont été soit dirigés par des Grecs (Empire byzantin), soit fondés par des peuples migrateurs (Slaves, Magyars, etc.) tandis que la population autochtone latinophone était essentiellement rurale. Pendant le XVII siècle, lorsque l’institution du servage connaît une extension significative, rumân/român (« roturier ») revêt de plus en plus le sens de « serf ».
Dans un processus de différenciation sémantique pendant les XVIIetXVIII siècles, la forme rumân, probablement la plus commune parmi les paysans, finit par identifier le sens de « serf », tandis que la forme român garda son sens ethnolinguistique. Après l’abolition du servage par le Prince Constantin Mavrocordato en 1746, la forme rumân, restant sans support socio-économique, disparaît graduellement alors que la forme român, românesc s’établit définitivement.
Place du roumain (rouge) dans la famille des langues romanes.
Le proto-roumain s'est formé durant les VetX siècles sur les territoires habités dans l'Antiquité par les Daces, Gètes et Thraces, peuples indo-européens conquis et colonisés par l'Empire romain en Mésie et Dacie : leur romanisation en a fait des « romans orientaux ». Le proto-roumain présente des trais communs avec le latin vulgaire et avec l'albanais, une langue langue paléo-balkanique. Toutefois les détails de cette évolution, faute d'archives suffisantes ou suffisamment explicites, sont sujets à débats (voir Origine du peuple roumain). La seule certitude, compte tenu des études linguistiques, est qu'à partir du XI siècle le proto-roumain s'est scindé en deux groupes, le roumain (dont est aussi issu l'istro-roumain) et l'aroumain (dont est aussi issu le mégléno-roumain) : le premier a subi une influence slave et hongroise, le second une influence grecque.
Les variations du roumain sont très faibles et totalement inter-compréhensibles : un roumanophone de la République de Moldavie parle la même langue qu'un roumanophone du Banat serbe. Cette unité linguistique, bien antérieure à l'unité politique de la Roumanie (commencée en 1859 et achevée en 1918) est due à l'importance du pastoralisme et de la transhumance dans l'économie ancienne roumaine.
Si les roumanophones ont beaucoup communiqué entre eux, le roumain s'est développé isolément par rapport aux autres langues romanes. Jusqu'aux temps modernes, il ne fut pas influencés par les autres langues romanes, dont il était géographiquement séparé. Cela expliquerait pourquoi le roumain, concernant la morphologie des noms, est plus conservateur que les autres langues romanes. Le roumain a gardé la déclinaison, mais tandis que le latin a six cas, le roumain n'en a gardé que cinq : le nominatif, l'accusatif, le datif, le génitif et le vocatif. Il a aussi gardé un neutre mais qui se forme en combinant le masculin singulier et le féminin pluriel. Cependant, la morphologie du verbe roumain a évolué vers un parfait et un futur composés, comme dans les autres langues romanes. En revanche, le roumain a été influencé par l'allemand médiéval (par contact avec les minorités saxonnes, et en raison de relations commerciales et féodales), par le grec moderne (surtout à l'époque des Phanariotes) et par le turc (en raison des relations des principautés roumaines avec l'Empire ottoman). Au XVIII siècle, l'influence des « Lumières » a introduit en roumain de nombreux mots français, et au XXI siècle, la mondialisation commerciale et informatique y a ajouté un important vocabulaire anglais (qui n'est pas encore assimilé, de nombreux mots et syntagmes étant employés tels quels).
C'est tardivement, à partir du début du XIX siècle, que les termes de « Roumain » et « langue roumaine » ont été adoptés internationalement. Avant la création de l'État roumain moderne au milieu du XIX siècle, les habitants roumanophones des pays historiques de Transylvanie, de Moldavie et de Valachie, ainsi que ceux des régions voisines et des Balkans, étaient appelés « Valaques » (Walachen, Wallachians, Valacchi, Volokhs, Vlaques, Vlahi, Oláhok...), jusqu'à ce qu'Émile Ollivier et Élisée Reclus imposent la dénomination de l'endonyme « Roumains » (Rumänen, Romanians, rumeni, rumyny, roumanoi, románok...) dans un contexte où la France soutenait la constitution d'un « État-tampon » et « tête-de-pont » francophile entre l'Autriche-Hongrie, la Russie et l'Empire ottoman. Cet ancien terme de Valaques constituait un exonyme souvent péjoratif. Appeler un peuple par le nom non-péjoratif qu'il se donne lui-même (endonyme), est le principe de base de l'ethnonymie « politiquement correcte » : Roms plutôt que Tziganes ou Gitans, Inuits plutôt qu’Esquimaux, Roumains plutôt que Valaques, Moldaves ou Moldovalaques.
Distribution géographique et statut
Le roumain dans le monde
Le nombre total de locuteurs du roumain est estimé à 24 millions dont c'est la langue maternelle, plus 4 millions qui le parlent en tant que langue seconde. Il y a des roumanophones dans de nombreux pays mais le statut de la langue est divers de l'un à l'autre.
Le roumain est la seule langue officielle en Roumanie, où il est en même temps la langue maternelle de 19 741 356 personnes (plus de 90 % de la population) mais il est officiel dans d'autres pays aussi. En République de Moldavie, 80 % de la population déclare avoir cette langue maternelle, officiellement nommée « moldave » jusqu'en décembre 2013, appellation utilisée, conformément aux vœux des autorités, par 2 029 847 locuteurs, seules 558 508 personnes osant alors l'appeler « roumain », quitte à être considérées comme « allogènes » dans leur propre pays. En Transnistrie, c'est la langue maternelle de 31,9 % de la population (environ 178 000 personnes), étant officielle à côté du russe et de l'ukrainien. En Serbie, le roumain, langue maternelle de 345 763 personnes en Voïvodine, est « d’usage officiel » à côté du serbe dans les localités où la population roumanophone atteint 15 % de la population totale, mais il est également usité par 40 054 personnes appelés officiellement Valaques, sans statut officiel, dans la région serbe des Portes de Fer et dans la vallée du Timok. Le roumain est également l'une des langues officielles de l'Union européenne et de l'Union latine.
Dans les autres pays voisins de la Roumanie, le roumain a un statut de langue minoritaire, qui lui confère une situation plus ou moins favorable selon les pays : enseignement, édition, presse écrite, médias audiovisuels plus ou moins favorisés. L'Ukraine a la plus forte minorité roumaine (409 608 personnes). Il y a encore des minorités roumanophones relativement notables en Bulgarie (11 654 personnes) et en Hongrie (8 215 personnes).
Sans avoir de statut, le roumain est parlé dans la diaspora lointaine (Europe occidentale, outre-mers), par des centaines de milliers de personnes expatriées, qu'elles fussent originaires de Roumanie, de Moldavie ou des pays voisins ; en outre, il est aussi la langue d'un nombre, difficile à estimer, de Roms, tels les Boyash, peut-être quelques dizaines de milliers. Les principales communautés roumanophones se trouvent en Espagne (524 995 personnes), aux États-Unis (367 278), en Israël (environ 250 000 personnes) et en Italie (248 249 personnes provenant de Roumanie).
Il est à noter également que le roumain est langue seconde tout d'abord dans les pays où il est officiel, et aussi enseigné en tant que langue étrangère dans un certain nombre de pays.
Histoire du roumain
Pétition des Valaques de Transylvanie (en latin)
Le territoire où le roumain s’est formé est controversé, faute de sources et en raison d’intérêts politiques contraires. Trois théories universitaires s’affrontent, qui toutes trois admettent que le proto-roumain commence à se former avec la pénétration des Romains dans les Balkans au III siècle av. J.-C. et en Dacie au II siècle. L’une, la thèse de l’autochtonisme, dominante en Roumanie et admise dans les pays des Balkans, affirme que l’essentiel de la romanisation s’est produite au nord du Danube et concerne les Daces ; la présence de minorités romanophones au sud du Danube, dans les Balkans, serait due à des migrations au XII siècle depuis l’ancienne Dacie (devenue la Transylvanie). Une autre, dite migrationniste, dominante en Hongrie, dans les pays germaniques, en Ukraine et en Russie, affirme que l’essentiel de la romanisation s’est produite au sud du Danube et concerne les Thraces ; la présence des populations roumanophones au nord du Danube serait due à des migrations au XII siècle depuis les Balkans. À ces deux théories antagonistes postulant des migrations, s’ajoute une troisième théorie universitaire, postulant une séparation progressive, du VII siècle au XII siècle, des populations romanophones nord- et sud-Danubiennes (et de leurs langues) en raison de l’installation massive des slaves parmi elles, alors qu’elles avaient auparavant évolué de part et d’autre du Danube, sur les deux rives. Enfin une quatrième théorie, protochroniste, non-universitaire (et combattue par l’Université qui la considère comme pseudo-historique) mais très répandue, y compris dans des ouvrages scolaires, affirme que les Latins et les Celtes seraient des Daces émigrés dès la protohistoire et que ce seraient leurs langues qui dériveraient de celle parlée en Dacie, dans laquelle le roumain s’enracinerait directement
Parmi les langues des peuples dits « barbares », seul le slave commun exerce une influence notable, mais limitée au lexique, à partir du VII siècle. Les emprunts ultérieurs les plus nombreux viennent du hongrois, des langues slaves voisines, du turc et du grec.
Du X siècle au début du XVI siècle, les Roumains écrivent en vieux slave, le premier document écrit en roumain datant de 1521 (la lettre de Neacșu). Du même siècle, il subsiste aussi plusieurs manuscrits religieux traduits du vieux slave et surtout les premiers ouvrages imprimés, attestant d’une langue plus évoluée. Une autre étape importante dans le développement de la langue littéraire et, par conséquent, du roumain standard, est la parution de la première traduction complète de la Bible, en 1688.
Au XVIII siècle, et surtout au XIX siècle, les normes de la langue littéraire se précisent de plus en plus et les emprunts aux langues romanes occidentales, surtout au français, pénètrent en masse dans la langue.
Le roumain régional
La romanistique roumaine, pour des raisons idéologiques, se sert du terme roumain pour désigner ce que les romanistes non-roumains appellent les langues romanes orientales. Dans cette acception, le roumain serait une langue à quatre « dialectes » : au nord du Danube le daco-roumain dit « roumain » en Roumanie et « moldave » en République de Moldavie, et au sud du fleuve l'aroumain (dit aussi « macédo-roumain »), le mégléno-roumain et l'istro-roumain (ces deux derniers étant quasiment éteints). Les autres romanistes, notamment non-roumains, les langues romanes orientales sont quatre langues à part, le daco-roman étant l'une d'elles, et les mots roumain désignant le daco-roumain en Roumanie et Moldavie.
Les différences entre ces variétés sont en effet très minces, consistant en quelques douzaines de mots régionaux et quelques différences phonétiques. Deux locuteurs de parlers différents se comprennent totalement entre eux.
Parlers du daco-roumain (graiuri)
en rouge – parlers du nord : banatéen, transylvain, maramuréchois et moldave ;
en bleu – parlers du sud ou valaques : oltéan, monténien et dicien ;
Ce sont :
les parlers du sud ou valaques (graiurile sudice, qu'il ne faut pas confondre avec les langues des « Valaques » du sud du Danube, différentes du daco-roumain) sont surtout parlés en Valachie et dans le sud de la Transylvanie ainsi qu'en Dobrogée : ce sont l'oltéen, le munténien et le dicien : le oltéen (graiul oltenesc) est parlé surtout en Olténie et par la minorité roumaine de la région de Timok, en Serbie. La caractéristique notable de ce régiolecte est que le passé simple n'a pas encore cédé au passé composé comme temps principal du passé ; le monténien (graiul muntenesc), qui a donné le roumain littéraire moderne, est à la base du roumain officiel actuel ; le dicien (graiul dician) est le roumain régional traditionnel de Dobrogée, à forte influence grecque médiévale ;
le oltéen (graiul oltenesc) est parlé surtout en Olténie et par la minorité roumaine de la région de Timok, en Serbie. La caractéristique notable de ce régiolecte est que le passé simple n'a pas encore cédé au passé composé comme temps principal du passé ;
le monténien (graiul muntenesc), qui a donné le roumain littéraire moderne, est à la base du roumain officiel actuel ;
le dicien (graiul dician) est le roumain régional traditionnel de Dobrogée, à forte influence grecque médiévale ;
les parlers du nord (graiurile nordice) sont : le maramuréchois (graiul maramureșean), dans l'ancienne Marmatie ; le transylvain (graiul ardelean ou ardelenesc), surtout en Transylvanie centrale ; le banatéen (graiul bănățean), dans l'ouest de la Roumanie (‹ t › écrit se prononce [t͡ʃ] devant une voyelle antérieure) ; le moldave (graiul moldovenesc) est le même en Moldavie roumaine, en République de Moldavie et au nord de la Dobrogée où il s'est mêlé au dicien lors de l'immigration de nombreux Moldaves fuyant l'annexion russe de 1812 (‹ p › écrit se prononce [k] ; ‹ c › écrit se prononce [ʃ] devant une voyelle antérieure, <ă> écrit en position finale est palatalisé).
le maramuréchois (graiul maramureșean), dans l'ancienne Marmatie ;
le transylvain (graiul ardelean ou ardelenesc), surtout en Transylvanie centrale ;
le banatéen (graiul bănățean), dans l'ouest de la Roumanie (‹ t › écrit se prononce [t͡ʃ] devant une voyelle antérieure) ;
le moldave (graiul moldovenesc) est le même en Moldavie roumaine, en République de Moldavie et au nord de la Dobrogée où il s'est mêlé au dicien lors de l'immigration de nombreux Moldaves fuyant l'annexion russe de 1812 (‹ p › écrit se prononce [k] ; ‹ c › écrit se prononce [ʃ] devant une voyelle antérieure, <ă> écrit en position finale est palatalisé).
Le roumain régional a bien sûr tendance à reculer face au roumain standard, du fait des communications de masse et de la mobilité croissante de la population, même en république de Moldavie où les pouvoirs publics font pourtant tout ce qu'ils peuvent pour promouvoir le parler moldave. Chez les jeunes et dans les média, on note une forte propension à emprunter des mots anglais tels quels (par exemple hard-disk, mouse, printer, fashion, eye-liner...), sans les introduire dans la langue en les adaptant ou en les traduisant, comme on le faisait avant 1995 (par exemple dans meci et tramvai pour match et tramway, ou dans duplicator pour photostater/photocopieur - d'ailleurs plutôt que duplicator, on emploie communément xerox).
La « langue moldave »
Le terme de « langue moldave » ne désigne pas le parler moldave (graiul moldovenesc) de Moldavie roumaine, de République de Moldavie et du nord de la Dobrogée, mais le roumain standard, langue officielle de la République de Moldavie (limba moldovenească) : c'est une dénomination politique du daco-roumain.
En effet, bien que les locuteurs autochtones de Roumanie et de Moldavie se comprennent spontanément et complètement sans traducteur ni dictionnaire, les gouvernements pro-russes ou communistes qui ont été, à certaines périodes, au pouvoir en Moldavie, ont fait inscrire dans sa Constitution (articles 12 et 13), à la demande des russophones (un tiers de la population) que le « moldave » n'est pas du roumain, mais seulement « analogue au roumain » et ont promulgué plusieurs lois qui empêchent les moldaves de faire librement référence à l'histoire ou à la culture du peuple roumain et de se définir comme membres de ce peuple, alors que rien n'empêche les russes et les ukrainiens de faire librement référence à l'histoire et à la culture de la Russie ou de l'Ukraine, et de se définir comme « Russes » ou « Ukrainiens » (sans compter que c'est le russe, langue de 6 % de la population, qui est officiellement « langue de communication inter-ethnique »).
Cette situation est due au fait que depuis 1986 (avènement de la perestroïka et de la glasnost en URSS), la « langue moldave » a été l'enjeu d'une lutte politique en Moldavie, les roumanophones l'utilisant pour affirmer leur identité face à la russification, tandis que les russophones et les communistes l'utilisent pour affirmer l'identité locale de la Moldavie face aux partisans d'une union avec la Roumanie. Le parler moldave ayant précédé l'unification du daco-roumain autour du parler monténien, ils affirment que « la langue moldave a précédé le roumain » et que « s'il y a une langue-mère, le moldave l'est certainement davantage que le roumain » (Vasile Stati). Les linguistes et les historiens moldaves, opposés à ce point de vue officiel (Anatol Eremia, Nicolae Chetraru, Anatol Petrencu), ont été qualifiés d'« agents de l'impérialisme culturel roumain ».
Du point de vue strictement linguistique, dialectologique et sociolinguistique, roumain et moldave sont une seule et même langue abstand, c’est-à-dire que ses dialectes passés ou actuels présentent assez de traits structurels communs scientifiquement établis, pour constituer une seule langue unitaire. Le terme le plus adéquat, parce que le plus neutre, pour cette langue, est daco-roman ou daco-roumain, membre d'une entité linguistique supérieure, le diasystème roman de l'Est ou ERO (ensemble roman oriental), dont font partie aussi l'aroumain, le méglénite, l'istrien, et peut-être le dalmate.
Ainsi, les linguistes scientifiques s'accordent à admettre que le fond lexical de base et la structure grammaticale du parler moldave et du daco-roumain officiel, sont identiques en Roumanie et en République de Moldavie. Mais des différences plus notables se trouvent dans l'usage linguistique des zones les plus russifiées de la République de Moldavie, comme Chișinău et la Transnistrie. Le parler de ces zones utilise des mots et des expressions empruntés au russe, que n'utilise pas un locuteur natif de Roumanie (qui a tendance, lui, à utiliser des mots empruntés aux langues romanes occidentales et à l'anglais). Les locuteurs qui utilisent ces mots le font parfois sciemment, pour marquer leur identité non roumaine. Par exemple, ils emploient văgzal, parahod ou samaliot là où un Roumain dirait gară « gare », vapor « paquebot » et avion, respectivement.
Le gouvernement de la Moldavie encourageant l'identité moldave et considérant l'identité roumaine comme l'expression de l'expansionnisme roumain, lors du recensement de 2004, 2 029 847 locuteurs du daco-roumain ont déclaré le moldave comme étant leur langue maternelle (78,42 % des locuteurs), contre seulement 558 508 pour le roumain (21,58 % des locuteurs). La controverse continue.
Grammaire
Du point de vue de la typologie morphologique des langues, le roumain est une langue flexionnelle dans une plus grande mesure que les autres langues romanes, c'est-à-dire qu'il exprime les traits morphologiques par des désinences et par des alternances vocaliques et/ou consonantiques, un seul morphème exprimant souvent plusieurs traits.
Les articles, le nom et l'adjectif qualificatif
Comme pour les autres langues romanes, les articles, le nom, et l'adjectif se caractérisent par des traits tels le nombre (singulier et pluriel) et le genre.
L'une des particularités du roumain par rapport aux autres langues romanes est que l'article défini y est presque toujours enclitique, c'est-à-dire attaché à la fin du nom : băiat « garçon » → băiatul « le garçon », fată « fille » → fata « la fille ». De plus, à part les articles indéfinis et définis, le roumain possède deux autres articles : possessif (al băiatului « du garçon ») et démonstratif : băiatul cel mic « le petit garçon ».
Une autre spécificité du roumain parmi les langues romanes est de distinguer, à côté du masculin et du féminin, un genre neutre, dans le sens qu'il y a un grand nombre de noms qui sont masculins au singulier et féminins aux pluriel. Ainsi, par exemple, un perete alb « un mur blanc » est du genre masculin (au pluriel pereți albi), parce que son épithète s'accorde au masculin aussi bien au singulier qu'au pluriel ; o casă albă « une maison blanche » est du féminin (pluriel case albe), son épithète s'accordant au féminin aux deux nombres ; par contre, un cort alb « une tente blanche » (pluriel corturi albe) est du neutre, parce qu'au singulier son épithète s'accorde au masculin et au pluriel au féminin.
Une troisième particularité importante du roumain est d'avoir gardé des éléments de déclinaison. On distingue par des désinences les cas génitif et datif des articles définis (băiatului « du garçon, au garçon »), indéfinis (unui băiat « d'un garçon, à un garçon ») et démonstratifs (băiatului celui mic « du petit garçon, au petit garçon ») ; le génitif et le datif des noms et adjectifs féminins singuliers (unei fete « d'une fille, à une fille ») ; le vocatif de certains noms et adjectifs substantivés ; băiete! « hé! le garçon! », fato! « hé! la fille! »
La flexion roumaine comporte de nombreuses alternances vocaliques et/ou consonantiques, surtout dans l'expression du pluriel des noms et des adjectifs, qui est assez compliquée en roumain, du fait de l'existence de plusieurs désinences de pluriel, en fonction du genre et de la terminaison au singulier. Au féminin, par exemple, on a des pluriels en -e (fete), en -le (stea « étoile » → stele), en -i (carte « livre » → cărți), en -uri (mătase « soie » → mătăsuri) ou sans désinence (femeie « femme » → femei).
Le verbe
Le verbe roumain se caractérise par des traits tels la diathèse, le mode, le temps, le nombre (singulier et pluriel) et le genre (masculin et féminin), ce dernier trait caractérisant seulement le participe. Dans la sphère du verbe il y a aussi bien des éléments hérités du latin, que des innovations, certaines communes avec les autres langues romanes, d'autres spécifiques au roumain. En général, il n'est pas nécessaire d'utiliser un pronom personnel sujet avec le verbe roumain, parce que ses désinences distinguent assez bien les personnes.
Modes et temps
À l'indicatif, le présent (ex. cânt « je chante »), l'imparfait (cântam « je chantais »), et le passé simple (cântai « je chantai ») sont hérités du latin et ont en général les mêmes emplois que les formes correspondantes en français.
Le passé composé du roumain est analogue à celui du français tant à sa formation qu'à son utilisation, sauf qu'à la diathèse active, tous les verbes se conjuguent avec le verbe auxiliaire a avea « avoir » : am cântat « j'ai chanté », am venit « je suis venu(e) ».
Le plus-que-parfait roumain ressemble davantage au plusquamperfectum latin que celui des autres langues romanes, puisqu'en roumain c'est un temps simple, bien que son morphème ne soit pas le même suffixe qu'en latin : cântasem « j'avais chanté ».
Le roumain possède trois formes qui correspondent au futur simple et au futur proche français, ne différant pas entre elles selon les critères du français mais selon le registre de langue où elles sont employées : voi cânta (forme soutenue), am să cânt ou o să cânt (formes courantes). Ce sont des temps composés, l'auxiliaire de la première forme étant a vrea « vouloir » et celui des deux autres a avea « avoir », en deux variantes.
Le futur antérieur roumain, formé avec le futur soutenu du verbe a fi « être » est rarement utilisé : voi fi cântat « j'aurai chanté ».
À part quelques désinences spécifiques, le présent du subjonctif a aussi pour morphème la conjonction să « que », différente de la conjonction că « que » utilisée avec d'autres modes personnels. Le subjonctif roumain exprime plus fréquemment que le subjonctif français une action subordonnée, puisqu'il est utilisé également quand le sujet de l'action subordonnée est le même que celui du verbe régent, cas dans lequel le français emploie le plus souvent l'infinitif : Vreau să cânt « Je veux chanter ». Il y a aussi un subjonctif passé, formé avec l'auxiliaire a fi « être » à l'infinitif, ce qui lui confère une forme unique à toutes les personnes ; să fi cântat « qu(e) j'aie/tu aies/il ait/nous ayons/vous ayez/ils aient chanté ».
Le conditionnel présent roumain est une forme composée avec l'auxiliaire a avea « avoir » + l'infinitif (aș cânta « je chanterais »). Le conditionnel passé est formé avec le conditionnel présent de l'auxiliaire a fi « être » : aș fi cântat. Ce mode peut être utilisé en roumain pour le verbe de la proposition subordonnée conditionnelle introduite par dacă « si » : Dacă eu aș cânta, ai fugi « Si moi, je chantais, tu t'enfuirais ».
Le roumain s'est forgé un mode à part par rapport aux autres langues romanes, le présomptif, pour exprimer une action supposée. Au présent (auxiliaire le verbe a fi au futur avec a vrea « vouloir », ayant deux variantes + gerunziu) : Voi/Oi fi cântând fals, dacă oamenii fug când mă aud « Peut-être que je chante / Je dois chanter faux, puisque les gens s'enfuient quand ils m'entendent » ; au passé (même auxiliaire + participe) : Voi/Oi fi cântat fals « Peut-être que j'ai chanté / J'ai dû chanter faux ».
L'impératif roumain est en partie l'héritier de l'imperativus latin, ayant les mêmes fonctions que le présent de l'impératif français, mais il n'a ni forme de première personne du pluriel ni temps passé. Il a la particularité d'avoir au singulier la forme négative différente de l'affirmative : cântă! « chante! », mais nu cânta! (de l'infinitif) « ne chante pas! »
Le présent de l'infinitif provient de l'infinitivus latin. Outre sa terminaison, il a pour morphème la préposition a : a cânta « chanter ». Le passé de l'infinitif se forme avec l'auxiliaire a fi « être » : a fi cântat « avoir chanté ». Les deux formes sont moins utilisées que celles de l'infinitif français, puisqu'en général les actions subordonnées effectuées par le même sujet que celui du verbe régent sont exprimées par le subjonctif.
Le mode gerunziu provient du gerundium latin et correspond tantôt au participe présent français (Cântând bine, l-am impresionat « Chantant bien, je l'ai impressionné »), tantôt au gérondif français (Se plimbă cântând « Il se promène en chantant »).
Le participe roumain correspond au participe passé français, les deux ayant pour origine le participium passivi perfecti latin. Il a les utilisations de son correspondant français mais aussi celui d'exprimer l'action à accomplir, étant marqué dans cet emploi par la préposition de : Am de cântat o arie de operă « J'ai un air d'opéra à chanter ».
La diathèse passive se forme comme en français. C'est le verbe a fi « être » qui est conjugué : Aria a fost cântată de Angela Gheorghiu « L'air a été chanté par Angela Gheorghiu ». La diathèse réfléchie roumaine est également analogue à la française, faisant usage des pronoms réfléchis : mă spăl « je me lave ».
Les pronoms et les adjectifs pronominaux
Si les noms roumains peuvent être masculins, féminins ou neutres, les pronoms et les adjectifs pronominaux ne peuvent être que masculins ou féminins, puisqu'ils s'accordent au masculin singulier, au féminin singulier, au masculin pluriel ou au féminin pluriel. Il s'accordent pour la plupart en cas également, donc ils se déclinent.
Les pronoms personnels roumains ont pour origine les mêmes pronoms latins dont proviennent les pronoms personnels français. Ils ont des formes toniques et atones. Les pronoms sujets sont seulement toniques et s'utilisent pour mettre en relief la personne du sujet : Vorbesc românește « Je parle roumain » → Eu vorbesc românește « Moi, je parle roumain » ou « C'est moi qui parle roumain », en fonction de l'intensité de l'accent qui frappe le pronom. Les pronoms personnels atones ont des formes s'attachant au mot qui les suit ou qui les précède, avec lequel ils forment un seul mot du point de vue phonétique.
À la 2 personne il y a deux pronoms pour la relation de tutoiement (tu « tu, toi » et voi « vous »), un pour le vouvoiement (dumneavoastră « vous », de la 2 personne du pluriel) et un pour le vouvoiement moins poli que dumneavoastră (dumneata, de la 2 personne du singulier). Il y a aussi des pronoms de politesse de la 3 personne, pour la/les personne(s) dont on parle : dumnealui « il, lui » ; dumneaei « elle » ; dumneasa « il, lui / elle » ; dumnealor « ils, eux / elles » ; dânsul « il, lui ; dânsa « elle » ; dânșii « ils, eux » ; dânsele « elles ».
Les adjectifs possessifs (meu « mon », ta « ta », săi « ses », noastre « nos » féminin etc.) sont aussi utilisés en tant que pronoms, étant précédés dans ce cas des articles possessifs : al meu « le mien », a ta « la tienne », ai săi « les siens », ale noastre « les nôtres ». Les possessifs de la 3 personne peuvent être remplacés par le génitif des pronoms personnels de la même personne : al lui « le sien » (possesseur masculin), al ei « le sien » (possesseur féminin), etc.
Les adjectifs démonstratifs ont deux variantes légèrement différentes selon qu'ils sont préposés ou postposés : această fată / fata aceasta « cette fille(-ci) ». Les formes postposées sont utilisées telles quelles en tant que pronoms : Sora ta este fata aceea sau aceasta? « Ta sœur est cette fille-là ou celle-ci ? »
Comme on peut le voir dans les exemples ci-dessus, le nom est employé à la fois avec l'adjectif possessif ou démonstratif postposé et avec l'article défini.
Les interrogatifs roumains sont les pronoms cine? « qui ? », ce « qu'est-ce qui ?, que ? quoi ? » et les adjectifs/pronoms care « (le)quel/(la)quelle/(les)quels/(les)quelles » et cât, câtă, câți, câte « combien ».
Tous les interrogatifs roumains sont utilisés aussi comme pronoms relatifs. Les différentes formes casuelles de care correspondent à presque tous les pronoms relatifs français : fata care vine « la fille qui vient », fata pe care o vezi « la fille que tu vois », fata a cărei mamă este doamna aceasta « la fille dont la mère est cette dame », etc. L'adjectif/pronom cât, câtă, câți, câte prend dans ce cas le sens « autant (d'…) que ». N'est que relatif le pronom composé ceea ce, signifiant « ce qui » ou « ce que » selon qu'il est sujet ou complément.
Les adjectifs et les pronoms indéfinis sont nombreux, parmi lesquels une série formée avec le suffixe -va [careva « quelqu'un » (parmi plusieurs), câțiva « quelques-uns », ceva « quelque chose », cineva « quelqu'un »] et une avec le préfixe ori- : oricare « n'importe (le)quel/(la)quelle/(les)quel(le)s » ; oricât « autant de » (adjectif), « autant que » (pronom), « n'importe combien » (pronom) ; orice « quelque … que » (adjectif), « quoi que » (pronom), « n'importre quoi » (pronom) ; oricine « qui que », « n'importe qui ».
Les mots invariables
Les adverbes de manière roumains sont le plus souvent des adjectifs utilisés en tant que compléments circonstanciels de manière : Are un palton călduros « Il/Elle a un manteau chaud ». → S-a îmbrăcat călduros « Il/Elle s'est habillé(e) chaudement ». En roumain il n'y a pas d'adverbes à degrés de comparaison irréguliers.
Les prépositions roumaines ont en général les mêmes fonctions que les françaises. La plupart d'entre elles précèdent des noms non déclinés, mais il y en a quelques-unes qui régissent le génitif (împotriva corupției « contre la corruption ») ou le datif (datorită părinților « grâce aux parents »).
Bien que les conjonctions roumaines et françaises aient les mêmes fonctions, il y a quelques différences quant à la forme verbale régie par les conjonctions qui introduisent des propositions subordonnées circonstancielles. Ainsi, par exemple, le verbe de la subordonnée de condition introduite par dacă « si » peut être au futur de l'indicatif et aussi au conditionnel : Dacă va putea (futur), va veni « Si elle peut (indicatif présent), elle viendra ». Là où en roumain la conjonction demande l'indicatif, sa correspondante française peut exiger le subjonctif : Mai lucrează, deși este pensionar « Il travaille encore, bien qu’il soit à la retraite » ; Așteaptă până (ce) mă întorc! « Attends jusqu’à ce que je revienne ! »
Les interjections roumaines sont, comme les françaises, généralement utilisées en tant que mots-phrases, n'ayant pas de fonction syntaxique. Cependant, il y en a quelques-unes qui peuvent remplir la fonction de prédicat, se comportant comme des verbes. De telles interjections sont poftim, na et hai : Poftim un măr! « Tiens une pomme ! » ; Na și ție! « Tiens toi aussi ! » ; Hai cu mine! « Viens avec moi ! »
La phrase simple
En roumain, la phrase déclarative et la phrase interrogative totale ne se distinguent entre elles que par l'intonation.
La négation roumaine est simple, elle se fait par le mot nu, mais elle peut être renforcée par d'autres mots à valeur négative : nimeni « personne », nimic « rien », deloc « du tout » etc.
Le sujet est presque toujours au cas nominatif, mais il y a des exceptions, par exemple dans la proposition relative. Le pronom relatif peut être à un cas demandé par le verbe de la proposition principale dont il est le complément, étant en même temps le sujet de la relative : Dau cartea cui (datif) vrea s-o citească «Je donne le livre à qui veut le lire ». Le sujet peut aussi être exprimé par la seule désinence du verbe : Muncește « Il/Elle travaille ».
Les compléments exprimés par un verbe à l'infinitif sont bien plus rares en roumain qu'en français, parce que le roumain préfère une subordonnée même quand le sujet de l'action subordonnée est identique à celle du verbe régent : Vreau să plec « Je veux partir ».
Le complément d'objet direct présente deux particularités :
celle d'être précédé, parfois obligatoirement, d'autres fois facultativement, de la préposition pe : Am văzut-o pe Maria « J'ai vu Marie » ; Îl vreau pe acela « Je veux celui-là » ;
celle d'être anticipé ou repris, parfois obligatoirement, d'autres fois facultativement, par un pronom personnel atone correspondant : O aleg pe asta « C'est celle-ci que je choisis » (anticipation) ; Pe tine te aștept (reprise) « C'est toi que j'attends ».
Le complément d'objet indirect d'attribution est exprimé au cas datif sans préposition, devant lui aussi être anticipé ou repris dans certains cas par un pronom personnel atone correspondant : Îi dau cartea lui Paul « Je donne le livre à Paul » ; Lui Paul îi dau cartea « C'est à Paul que je donne le livre ».
Le roumain présente quelques traits spécifiques quant à l'ordre des mots dans les syntagmes et dans la phrase.
Au niveau du syntagme, les adjectifs possessifs suivent presque toujours le nom déterminé : prietenul meu « mon ami », harta voastră « votre carte ». Les adjectifs démonstratifs ont, comme on l'a vu plus haut, une série de variantes préposées et une autre, de variantes postposées. Les pronoms personnels atones sont placés après le verbe dont ils sont les compléments non seulement lorsque le verbe est à l'impératif affirmatif, mais aussi quand celui-ci est au gerunziu : văzându-l « en le voyant », văzând-o « en la voyant ».
Au niveau de la phrase entière, l'ordre est plus libre qu'en français, la place des termes aux différentes fonctions syntaxiques dépendant beaucoup de l'intention de les mettre ou non en relief. Dans une phrase composée d'un sujet et d'un verbe seulement, sans mise en relief d’aucun terme, le sujet se place après le verbe : A sosit Petre « Petre est arrivé », et devant le verbe s'il est plus ou moins mis en relief : Petre a sosit « Petre, lui, est arrivé » (à la différence d’autres) ou « C'est Petre qui est arrivé » (et pas un autre). Dans une phrase formée d'un sujet, d'un verbe copule et d'un attribut, l'ordre sujet–copule–attribut dénote la neutralité en l'absence d'accentuation plus forte d'un terme (Marea e frumoasă « La mer est belle ») ou la mise en relief du sujet si celui-ci est frappé d'un accent plus fort: Marea e frumoasă « C'est la mer qui est belle ». La mise en relief de l'attribut implique l'ordre copule–attribut–sujet: E frumoasă marea « Elle est belle, la mer ». Dans les interrogatives partielles autres que portant sur le sujet, celui-ci est toujours après le verbe : Când vine mama? « Quand maman vient-elle ? », A cui e cartea? « À qui est le livre ? » Dans une phrase plus complexe on peut avoir beaucoup de variantes d'ordre des mots, le terme à mettre en relief se plaçant en tête de phrase ou en seconde place, après le sujet.
La phrase complexe
La phrase complexe roumaine présente quelques différences de construction par rapport à la phrase française.
L'une des différences est la préférence de la subordonnée par rapport au complément à l'infinitif (voir ci-dessus La phrase simple).
Une autre différence concerne l'emploi des modes pour le verbe de certaines subordonnées :
indicatif ou conditionnel en roumain, subjonctif en français, dans les subordonnées complément d'objet régies par un verbe exprimant l’incertitude (Mă îndoiesc că va veni « Je doute qu’il/elle vienne ») ou un sentiment (Mă bucur că va veni « Je suis content(e) qu’il/elle vienne »), ou bien dans les subordonnées circonstancielles introduites par certaines conjonctions : Deși este bolnav, lucrează « Bien qu’il soit malade, il travaille »
conditionnel en roumain, subjonctif en français, dans les subordonnées circonstancielles introduites par un pronom indéfini avec ori- : Nu-i deschid ușa, oricine ar fi « Je ne lui ouvre pas la porte, qui que ce soit »
conditionnel en roumain, indicatif en français, dans les subordonnées introduites par dacă « si » ou par une locution avec dacă : Dansează ca și cum ar pluti « Il/Elle danse comme s’il/si elle flottait ».
La concordance des temps entre la subordonnée et la principale n’est pas aussi rigide en roumain qu’en français. Si le verbe de la principale est à un temps passé, le verbe de la subordonnée peut être au même temps que si le verbe de la subordonnée était au présent ou au futur : A spus că îl așteaptă (indicatif présent) pe Paul. « Il/Elle a dit qu’elle attendait (indicatif imparfait) Paul ».
Une autre particularité est la reprise obligatoire par un pronom personnel complément atone du pronom relatif COD ou COI au datif sans préposition qui introduit une proposition relative, reprise effectuée dans la relative : Fata pe care ai văzut-o este prietena mea « La fille que tu as vue est ma copine » ; Tânărul căruia i-am dat cheia este fiul meu « Le jeune homme à qui j’ai donné la clé est mon fils ». Il y a également reprise du pronom relatif ou indéfini qui introduit une subordonnée COD ou COI, dans la principale qui précède la subordonnée : Pe câți au fost aici i-am trimis la tine « Tous ceux qui sont venus ici, je les ai envoyés chez toi » (litt. « Combien ont été ici je les ai envoyés chez toi »).
Phonologie
Le système phonologique du roumain comprend sept phonèmes vocaliques, dont cinq communes avec les autres langues romanes standard (/a/, /e/, /i/, /o/, /u/), une commune seulement avec le portugais et le français (/ə/, transcrite ă) et une qui, parmi les langues romanes, est propre au roumain (/ɨ/, transcrite â ou î).
Quatre phonèmes ont un statut controversé. La plupart des linguistes roumains les considèrent traditionnellement comme des semi-voyelles. Ce sont /e̯/, /o̯/, /j/ et /w/. /j/ a une variante se trouvant en fin de mot après une consonne, /ʲ/, appelée à peine perceptible ou chuchotée, par exemple dans un mot comme lupi [lupʲ] « loups ». Si l'on traite ces quatre phonèmes comme des semi-voyelles, ils forment avec les voyelles 26 diphtongues et 14 triphtongues. Exemples :
diphtongue descendante : mâine ['mɨj.ne] « demain » ;
diphtongue ascendante : floare ['flo̯a.re] « fleur » ;
triphtongue semi-voyelle + voyelle + semi-voyelle : leoaică [le'o̯aj.kə] « lionne » ;
triphtongue semi-voyelle + semi-voyelle + voyelle : pleoapă ['ple̯o̯a.pə] « paupière ».
Les consonnes roumaines sont au nombre de 20. 13 (/p/, /b/, /t/, /d/, /k/, /g/, /m/, /n/, /r/, /f/, /v/, /s/, /l/) sont communes avec les autres langues romanes. Deux se retrouvent en français et en italien aussi : /ʃ/ (transcrite ș) et /z/. Une, /ʒ/ (transcrite j), est commune avec le français et le portugais ; une autre, /t͡ʃ/ (existant seulement devant /e/ et /i/ et transcrite c), se retrouve aussi en italien et en espagnol. Deux consonnes sont communes seulement avec l’italien : /t͡s/ (transcrite ț) et /d͡ʒ/ (seulement devant /e/ et /i/, transcrite g). Parmi les langues romanes, seul le roumain possède la consonne /ɨ/, prononcée comme en anglais. Exemples avec des phonèmes ou des graphies étrangers au français : șacal [ʃa'kal] « chacal », țară ['t͡sa.rə] « pays », cer [t͡ʃ] « ciel », giratoriu [d͡ʒi.ra'to.rju « giratoire », hidos [hi'dos] « hideux ».
En roumain, l’accent est tonique. Il peut frapper n’importe laquelle des cinq dernières syllabes d’un mot. Les mots terminés en consonne sont en général accentués sur la dernière syllabe et ceux en voyelle – sur l’avant-dernière. Il y a des cas où la place de l'accent différencie le sens de mots homographes, par exemple copii [ko'piʲ] « enfants » et copii ['kopiʲ] « copies ».
Ce système phonologique est le résultat de l'évolution du système latin, dans laquelle le roumain présente quelques ressemblances avec certaines langues et dialectes romans, mais les différences sont plus importantes, dues à l'isolement du roumain.
Écriture
Il y a des affirmations selon lesquelles le roumain aurait d'abord été écrit en alphabet latin, mais ce n'est pas prouvé. Le fait est que les premiers documents écrits en roumain qui se sont conservés (XVI siècle) sont écrits dans un alphabet cyrillique adapté au roumain, parce que c'était depuis le X siècle l'alphabet du vieux slave utilisé par l'église orthodoxe et dans l'administration de la Valachie et de la Moldavie. Le tout premier date de 1521. C'est une lettre d’un marchand de Câmpulung Muscel, Neacșu, adressée au maire de Brașov, Johannes Benkner.
L'alphabet cyrillique roumain était composé de 44 lettres et fut utilisé jusque dans la seconde moitié du XIX siècle, mais dès le XVI siècle on utilise sporadiquement l'alphabet latin aussi. Au XVIII siècle, les lettrés roumains de Transylvanie groupés dans le mouvement culturel de l'École transylvaine, influencée par les Lumières françaises, insistent sur l'origine latine du roumain et préconisent le passage à l'alphabet latin. Ils donnent aussi les premières règles de la graphie qu'ils proposent, leur orthographe étant fondée sur le principe étymologique, donc latinisante. Dans le même temps, les lettrés de Valachie simplifient de plus en plus l'écriture cyrillique et établissent un alphabet de transition, mixte, comportant des lettres cyrilliques et des lettres latines, employé jusqu'en 1860, lorsqu'on passe à l'écriture en alphabet latin avec une orthographe étymologique. De grandes polémiques ont lieu entre partisans de l'orthographe étymologique et ceux de l'orthographe phonémique jusqu'en 1881, lorsque l'Académie roumaine tranche en faveur de cette dernière. Cependant, les confrontations entre les partisans des deux principes ne cessent pas, puisqu'il reste des éléments étymologiques dans cette orthographe. Elle sera plusieurs fois réformée dans le sens de la simplification, mais la polémique rebondit de temps en temps jusqu'à nos jours, notamment au sujet de l'utilisation de deux lettres (â et î) pour une même voyelle, /ɨ/.
Il est à noter que l'alphabet cyrillique pour écrire le roumain n'a pas tout à fait disparu, puisqu'en Transnistrie on utilise encore un alphabet basé sur celui du russe, le seul officiel dans l'ancienne République soviétique socialiste moldave.