Robert Schuman, père de l'Europe, fut oblat
Huysmans, oblat bénédictin et auteur du livre L'Oblat (photographié par Taponier en 1904)
Depuis le Moyen Âge, et encore dans le catholicisme actuel, un oblat (du latin oblatus (offert) et oblatio (don)) est un laïc qui se donne à un monastère et dont il vit la spiritualité monastique :
soit dans le monde (dans le siècle) : on parle alors d'oblat séculier, soit dans un monastère (plus radicalement mais sans toutefois prononcer les vœux de religion) : on parle alors d'oblat régulier.
Paul Claudel, oblat bénédictin (Time Magazine du 21 mars 1927)
Le général d'armée Jean Olié (1904-2003), oblat bénédictin
Ce terme avait un sens différent de l'Antiquité au Moyen Âge : il désignait les laïcs menant la vie monastique depuis leur enfance à la suite de la décision de leurs parents de les donner pour servir Dieu, avec l'obligation pour un monastère de prendre en charge leur éducation.
Il y eut aussi un système d'oblats militaires en France pendant cinq siècles.
Orthographe : oblate au féminin, oblats au pluriel.
Les oblats aujourd'hui
Un oblat est un membre d'une communauté monastique sans être canoniquement membre de l'ordre monastique correspondant et sans en prononcer les vœux.
Saint Bède le Vénérable fut oblat
Oblats séculiers
Dans la pratique actuelle, de nombreuses communautés monastiques, bénédictines en particulier mais quelques communautés cisterciennes aussi, ont un plus ou moins grand nombre d'oblats séculiers (vivant dans le siècle, dans le monde).
Ce sont des laïcs pour la plupart (parfois aussi des membres du clergé) affiliés par la spiritualité à un monastère de leur choix.
Ils font une promesse formelle privée (renouvelable chaque année ou pour la vie) de suivre la Règle de saint Benoît dans leur vie privée, à la maison et au travail, au plus près de leur situation particulière et des engagements antérieurs pris.
Max Jacob, oblat bénédictin (portrait par Modigliani)
Dans plusieurs ordres, les oblats sont des hommes ou des femmes, mariés ou célibataires.
Oblats réguliers (ou conventuels)
Il existe aussi des oblats réguliers (soumis à une règle), dits aussi conventuels (vivant dans le monastère ou couvent).
Ils résident dans une communauté monastique. Si la personne ne l'a pas fait précédemment, elle prend, après une année de probation, un engagement simple de vie au monastère, qui est reçu par le supérieur, en présence de toute la communauté.
Ils partagent la vie des moines et exercent, sans rémunération, tout travail ou service préalablement convenu entre eux. Ils ne sont pas considérés comme moines ou moniales.
Souvent, ils portent un habit religieux identique à celui des moines, voire légèrement distinct.
Ils ne prononcent pas formellement les trois vœux religieux (chasteté, pauvreté, obéissance), mais s'engagent à obéir au supérieur de la communauté.
L'oblat régulier peut lui-même annuler son engagement à tout moment, qui l'est aussi si le supérieur renvoie l'oblat pour de bonnes raisons et après consultation du chapitre.
Oblats militaires
Un système d'oblat militaire exista en France du XIII siècle au XVIII siècle.
Certains soldats et officiers méritants, devenus invalides à la suite de blessures importantes, pouvaient devenir pensionnaires de certains monastères. Cette pratique, envisagée depuis Philippe-Auguste, se répandit sous Saint Louis avec le retour en Europe de nombreux croisés rendus invalides.
Une décoration fut aussi instaurée (par le roi Henri III) pour récompenser ces officiers et soldats blessés au service de l'État : l'ordre de la Charité chrétienne (croix ancrée blanche et ruban bleu). Cette institution, sera perfectionnée par Henri IV, puis inspira plus tard à Louis XIV la fondation de l'Hôtel des Invalides. À partir de 1670 et jusqu'à la fin du XVIII siècle (principalement avec le début de la construction de l'Hôtel des Invalides à Paris), le système d'oblats militaires disparut progressivement .
Quelques oblats célèbres
Origène (v.185- v.253), théologien de la période patristique, l'un des Pères de l'Église.
Saint Bède le Vénérable (v.672-735), philosophe anglo-saxon qui deviendra moine, puis proclamé un des 35 Docteurs de l'Église au XIX siècle.
Saint Thomas d’Aquin (1224-1274), théologien et philosophe, ancien oblat devenu dominicain, puis proclamé un des 35 Docteurs de l'Église au XVI siècle.
Paul Claudel (1868-1955), écrivain français, membre de l'Académie française, grand-croix de la Légion d'honneur.
Robert Schuman (1886-1963), homme d'état français, considéré comme un des pères fondateurs de l'Europe.
Huysmans (1848-1907), écrivain, membre de l'Académie Goncourt, auteur de L'Oblat (1903).
Max Jacob (1876-1944), romancier et essayiste français, juif converti au catholicisme, mort le 5 mars 1944 emprisonné au camp de Drancy.
Jacques Maritain (1882-1973), philosophe français.
L'impératrice Zita d'Autriche-Hongrie (1892-1989) (épouse de l'empereur Charles Ier d'Autriche, béatifié par l'Église catholique) était oblate bénédictine de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes. Zita fit son oblature le 24 mai 1926. Sa mère, la duchesse Antónia de Parme, sa sœur, la princesse Isabelle, et son frère, Xavier de Bourbon-Parme furent aussi oblats de Saint-Pierre de Solesmes. L’archiduchesse Adélaïde, sa fille, devint oblate de Solesmes le 18 mai 1931.
Xavier de Bourbon-Parme, duc de Parme, prétendant carliste au trône d'Espagne sous le nom de « Xavier I », fut oblat bénédictin de l'abbaye de Solesmes où il fut enterré en 1977 dans le cimetière réservé aux moines.
Jean Olié (1904-2003), général d'armée, secrétaire général de la défense nationale, oblat bénédictin.
Ancien sens du mot oblat
Le terme vient des mots latin oblatus (offert) et oblatio (don). Dans l'Antiquité, ces mots avaient d'abord un sens juridique. C'est dans la traduction latine d'Eph 5.2 qu'oblatio prend un sens spirituel pour désigner l'offrande que le Christ fait de lui-même.
« Les mentalités actuelles peuvent s'étonner d'une telle disposition, mais il faut comprendre que, dans l'Antiquité romaine, la patria potestas (pouvoir paternel) donne au pater familias un droit absolu, la vitae necisque potestas (pouvoir de vie et de mort), sur ses enfants, son épouse et ses esclaves qui sont, selon l'expression légale sub manu (sous sa main). »
— L.-J. Bord,« l'histoire contrastée de l'oblature », dans la Lettre de Ligugé n°339 (janv.2012) p.5.
Dans l'ancien monachisme chrétien (Églises catholique et orthodoxe), Oblatus désignait au Moyen Âge les enfants nobles (parfois illégitimes ou constituant une charge trop pesante pour leur famille) qui, après une demande écrite de leur famille, étaient « offerts » au service de Dieu dans un monastère chargé de les élever et de les prendre en charge matériellement et spirituellement.
Le dixième concile de Tolède (au VII siècle) fixe à dix ans minimum l'âge auquel un enfant peut être donné par ses parents au service de Dieu et le Concile de Paris (1212) ordonne que personne ne soit reçu avant l'âge de dix-huit ans.
Un don financier était souvent demandé aux familles aisées en contrepartie de l'éducation de leur enfant. Les oblats étaient pris en charge par l'ensemble des moines et, comme eux, ils étaient soumis aux règles d'obéissance, de pauvreté et de chasteté. Si les oblats étaient en théorie assignés aux même conditions de vie que la communauté, ils bénéficiaient d'un traitement privilégié (alimentaire principalement) en raison de leurs origines nobles, selon des modalités qui relevaient de l'abbé et des coutumes locales. Adultes, les oblats seront nombreux à remplir de hautes charges dans le clergé : l'oblature présentait alors une importante occasion d'ascension sociale. Mais d'autres préféreront quitter le monastère pour mettre fin à cette vie qu'ils n'avaient pas choisie.
Au Moyen Âge déjà, et longtemps avant la fin de ce système par lequel des patriciens imposaient un choix de vie à leurs fils, les oblats furent aussi des adultes qui s’offraient personnellement à un monastère. Certains offraient leur activité en préférant l’ambiance monastique aux tourments des puissants seigneurs. Les autres s’affiliaient à un monastère pro remedio animae (pour remède de l'âme) :
en s’assurant de la prière des moines pour la conversion de leur conduite ;
pour le salut de leur âme ;
et souvent en demandant à être enterrés dans le cimetière monastique.
Ce système hérité de l'Antiquité a été supprimé en 1430 par le pape Martin V et le terme a évolué pour ne désigner, aujourd'hui, que les chrétiens recherchant la sainteté en se donnant à un monastère et en suivant les règles sans en prononcer les vœux.
Ordres dits oblats
Quelques congrégations ou instituts reprennent le terme d'oblats dans le sens de « offerts à Dieu » :
les Oblats de Marie-Immaculée, fondée en 1826 par Eugène de Mazenod
les Oblates de saint François de Rome, congrégation fondée en 1433 ;
les Oblats bénédictins de sainte Scholastique, fondés en 1944 ;
les Oblats de la Vierge Marie, congrégation de la Famille ignatienne fondée en 1816 sous le nom de Oblats de Marie Très Sainte , et sous cette nouvelle dénomination en 1826, par le Vénérable Père Bruno Lanteri.
les Oblates Missionaires de l'Assomption, fondées en 1865 par le P. Emmanuel d'Alzon.
l'Institut séculier les Oblates missionnaires de Marie Immaculée, fondé par le P. Louis-Marie Parent, o.m.i. en 1952.
Notes et références
↑ Encyclopédie militaire et maritime, par Adolphe de Chesnel, 1865, page 921.
↑ Palliot, La Vraye et Parfaite Science des Armoiries, 1660 : « pour l'entretènement des pauvres Capitaines et Soldats estropiés à la guerre »
↑ Dominique Dinet, De l'épée à la croix : Les soldats passés à l'ombre des cloîtres (fin XVI sièclee - fin XVIII siècle, in Histoire économie et société 01/1990; 9(2):171-183), cf. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1990_num_9_2_2378, consulté le 18 août 2014
↑ L.-J. Bord, « l'histoire contrastée de l'oblature », dans la Lettre de Ligugé n°339 (janv.2012) p.5.
↑ L. Beauchet, « Patria potestas », dans Ch.-V. Daremberg et E. Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, Paris, 1877-1919, IV-1, p.342-347.
↑ L.-J. Bord, « l'histoire contrastée de l'oblature », p.7.
↑ Can. 43, Hefele, Histoire des Conciles d'après les documents originaux, V-2, Paris, p.1435.