Exemple d'un scénario, montrant dialogues et actions.
Un scénario (de l'italien scenario prononcé : [ʃeˈnaːrjo]) est l'œuvre écrite par un ou plusieurs scénaristes pour un film ou un programme de télévision. Il peut constituer un travail original ou l'adaptation d'une œuvre existante. C'est une étape de la fabrication d'un film, étape importante qui conclut la phase de développement du projet (phase comprenant le travail sur des pitches, synopsis, séquenciers, traitements) et va permettre sa mise en production (pré-production, réalisation, post-production).
L'écriture scénaristique se démarque de l'écriture littéraire par sa présentation de faits visuels et auditifs, toujours au présent, et se rapproche en cela de l'écriture théâtrale. Un scénario est censé décrire ou suggérer ce qu'on verra et entendra dans un film, ou ce qu'on lira dans une bande dessinée. En plus des dialogues, le scénario contient aussi des descriptifs (les indications visuelles et auditives), que l'on appelle des didascalies.
Quand la source d'inspiration du scénario est une œuvre originale déjà publiée, on parle d'« adaptation ». Elle peut être un roman, un conte, une nouvelle (plus adaptée à la durée d'un film), une bande dessinée, ou créée sous forme de pièce de théâtre, d'opérette, de comédie musicale ou d'opéra.
Une œuvre inspirée par des faits historiques est souvent appelée « reconstitution ». Ce terme est toutefois contesté quand des intrigues et des personnages imaginaires y apparaissent.
Le « docu-fiction », ou « reportage fictionné », est un genre assez nouveau et surtout présent à la télévision. La source d'inspiration est ici un fait de société contemporain avec des séquences de reportage et des séquences reconstituées. Pour ces dernières, il nécessite donc un scénario.
Étymologie
De l’italien scenario (pluriel : scenari) « décor théâtral », mais aussi « canevas de mise en scène »), terme utilisé d'abord par la Commedia dell'Arte.
Aujourd'hui passé dans la langue française, le mot scénario prend un accent aigu et a pour pluriel scénarios.
Les divers manuscrits
Un scénario de cinéma ou de télévision se présente sous diverses formes. Depuis l'invention du cinéma, une quinzaine de types de documents a vu le jour, s'adaptant chaque fois aux besoins techniques (extérieurs, cinéma parlant, effets spéciaux) et artistiques d'une époque (plan-séquence, improvisation, chorégraphie, etc.). Les formes de documents actuelles, notamment dans la mise en forme typographique, ont été fixées dans les années 1950, et sont tenues de façon scrupuleuse dans les milieux anglophones du cinéma et dans certaines formes contraignantes (dessins animés, films à truquages numériques), mais sont en général moins respectées en Europe. L'important demeure que le scénario soit compréhensible pour chaque intervenant du film.
Actuellement, sont utilisés :
l’argument : c'est l'idée principale du film, résumée en une ou deux phrases. On parle aussi souvent de « concept ».
le pitch : terme anglais désignant le résumé de l'histoire du film, sur dix à quinze lignes, selon le format (court ou long) du métrage. Il sert à être présenté au producteur afin de convaincre celui-ci d'engager des fonds nécessaires au développement du scénario du film.
le synopsis : c'est un résumé de l'histoire du film raconté en cinq à vingt pages, selon le format (court ou long) du métrage. Il sert à structurer le récit et valider les différents mouvements narratifs du film avant d'agencer les séquences et de placer les dialogues.
le traitement : pour un film long, il peut contenir une quarantaine de pages (on l'appelle aussi : synopsis développé). Il s'agit de l'étape intermédiaire entre le synopsis et la continuité dialoguée. Le film y est présenté de manière détaillée. En revanche, les dialogues n'y figurent pas, mises à part les répliques d'importance notable.
la continuité dialoguée (ou découpage séquentiel - ou encore, le plus souvent : séquencier) : description visuelle et auditive chronologique de l'histoire. Elle décrit les séquences dans l'ordre prévu pour la version définitive du film, numérotées, accompagnées de quelques mentions techniques nécessaires comme la diégèse (« intérieur/nuit », par exemple), et des didascalies. Une norme de mise en page (plus ou moins respectée) permet le chronométrage de l'œuvre avec comme principe qu'une page équivaut à une minute de film après montage. Cette forme de document est la plus connue parce qu'elle est communément exigée par les producteurs. À partir de ce document, ces derniers peuvent estimer le projet, en quantifier les besoins et le budget. L'existence d'autres formes est généralement ignorée, et le mot « scénario » est réduit à celle-là.
la note d'intention : en une à trois pages (voire plus), elle permet à l'auteur de préciser ses idées concernant le ton du film, la psychologie qu'il envisage pour les différents personnages, la façon dont il visualise les ambiances lumineuses et/ou sonores ; il peut aussi préciser le type de technique qu'il souhaite pour tel ou tel effet particulier. C'est aussi dans la note d'intention que doit être détaillé et expliqué le thème de l'histoire, et ce qui motive l'auteur à en faire un scénario. En somme, cette note permet de préciser tout ce qu'on ne peut mettre, ni dans la continuité dialoguée, ni dans le synopsis, lesquels étant purement descriptifs. Dans le cas d'un projet de film documentaire, la note d'intention est plus longue, devenant l'élément décisif pour un producteur.
les annexes : facultatives, elles peuvent contenir des indications de repérage, des contacts déjà pris pour tourner sur des lieux spécifiques (par exemple à l'étranger), des documents préparatoires (éventuellement des extraits de découpage technique ou de story-board) ou des précisions sur les acteurs déjà contactés pour tel ou tel rôle. Certains noms peuvent en effet avoir un gros impact sur les décisions des producteurs.
le découpage technique : il consiste en une fragmentation en plans de la continuité dialoguée. Il contient toutes les indications techniques nécessaires au tournage, à savoir : division et numérotation en plans, précisions plus ou moins strictes sur les cadrages, indication des mouvements de caméra, des effets de lumière, description éventuelle des effets spéciaux, énumération des éléments de la bande-son (dialogues mais aussi musiques et effets sonores), prévision du jeu des comédiens (didascalies, auxquelles s'ajoute l'estimation en durée de chaque plan. Ce document est produit par le réalisateur, en général avec le premier assistant réalisateur, éventuellement avec le chef opérateur et le scénariste. Certains réalisateurs, comme Luis Buñuel, préféraient s'en dispenser complètement et s'en remettre à l'inspiration du moment.
le scénarimage (ou storyboard, en anglais) : cette forme consiste à dessiner plan par plan le récit, en indiquant les mouvements des personnages et de la caméra. Le scénarimage est très utilisé dans les films employant de nombreux effets spéciaux, dans les clips et les films d'animation. Bien que ne recoupant pas exactement la même chose, ce terme désigne aussi un croquis général des planches d'une (future) bande dessinée.
la « bible » : elle est le document contenant toutes les références pour l'élaboration collégiale de scénarios de séries TV. Elle contient la description des personnages et des intrigues, leurs progressions, et aussi un cahier des charges pour l'identité de la série. Par exemple, dans chaque épisode de Starsky et Hutch, il y a une poursuite en voiture, une fusillade et au moins une réplique humoristique.
le master : bible pour une série en feuilleton, il s'agit d'un gigantesque synopsis de toute l'histoire, découpé en épisodes s'enchaînant selon une continuité narrative.
Une fois acceptés et mis en production, le scénario et ses dérivés deviennent souvent des références quasi immuables. Pour certains cinéastes (Nouvelle Vague, par exemple), le scénario est un cadre ou un matériau que le tournage peut, voire doit, transformer.
Bibliographie
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Ouvrages
Mikhal Bak (dir.), Ecrire l'animation, recueil de discours et d'informations pratiques sur le scénario du film d'animation, Paris, Afca, 2001
N.T. Binh, Catherine Rihoit et Frédéric Sojcher (coordinateurs), L'art du scénario, Klincksieck - Archimbaud, coll. Ciné-débats, Paris, 2012
Marie-France Briselance, Leçons de scénario - Les 36 situations dramatiques, Nouveau Monde éditions, Paris, 2006, 362 pages (ISBN 2-84736-180-4)
Olivier Cotte, Ecrire pour le cinéma et la télévision - Structure du scénario, outils et nouvelles techniques d'écriture créative, Dunod, Paris, 2014, 224 pages (ISBN 978-2100703715)
Syd Field, Scénario : les bases de l'écriture scénaristique, Éditions Dixit, 2008 (traduction) (ISBN 978-2844811219)
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Xavier Kawa-Topor (dir.), Le Cinéma d’animation, résidence, d’écriture à Fontevraud, éditions 303, 2014, 128 pages.
Yves Lavandier, La Dramaturgie, Le Clown & l'Enfant, 1994-2014 (ISBN 978-2910606053)
Yves Lavandier, Construire un récit, Le Clown & l'Enfant, 2011 (ISBN 978-2910606084)
Dominique Parent-Altier, Approche du scénario, Armand Colin, collection 128 cinéma, 2004
Philippe Perret et Robin Barataud, Savoir rédiger et présenter son scénario, préface de Yves Lavandier, Maison du Film Court, collection Tournage, 1999 (ISBN 2-9513520-0-X)
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Articles
Jacqueline Viswanathan, « Action. Les passages narrativo-descriptifs du scénario », Cinémas : revue d'études cinématographiques, vol. 2, n 1, 1991, pp. 7-26. [lire en ligne] [PDF]