Le terme repentance désigne la manifestation publique du sentiment personnel qu'est le repentir pour une faute que l'on affirme avoir commise et dont on demande le pardon.
Il semble se confondre en un seul concept quatre notions que l'on trouve :
dans le domaine religieux, comme chez les catholiques avec l'Acte de contrition envers Dieu qui est préalable au sacrement de pénitence et à son pardon, dans l'ancien droit pénal français, la peine de l'amende honorable qui n'existe plus, dans le droit civil, la reconnaissance d'une faute ayant provoqué un dommage, dans le droit public avec l'usage diplomatique des excuses officielles entre deux États.
En France, la repentance coloniale fait l'objet de débats au sujet de la colonisation de la France en Algérie.
Fortement marqué par son origine religieuse, la repentance est parfois confondue avec une forme de masochisme justifié par des fautes passées. Sinon, elle est parfois vue avec une connotation négative douloureuse, mais peut être simplement la reconnaissance d'une tristesse constructive.
Les mots repentir et repentance sont parfois employés de manière synonyme, le mot repentance permettant de faire la différence avec le verbe se repentir. Cependant, en langue anglaise, ce mot (repentance) ne fait pas la différence entre repentir et repentance. Le terme anglais repentance (développé dans la Wikipedia anglophone) a aussi le sens de rechercher le pardon de quelqu'un. Cela peut être alors un faux-ami.
La repentance et la religion
La repentance est reconnue par le judaïsme et l'islam. La repentance est vue de manière négative notamment parce qu'elle peut être précédée d'une punition. En effet, dans certaines sociétés du passé et d'aujourd'hui, on commence par châtier le désigné fautif, puis on ne le réhabilite que s'il se repent.
La repentance a pris un nouveau sens en 1994 avec une lettre de Jean-Paul II faisant état d'un regret relatif à des actes commis dans le passé par des membres de l'Église et reconnus publiquement comme des fautes (voir l'article Péché) avec le recul de l'Histoire.
L'Église parle de la repentance bien que d'un point de vue théologique seul le repentir puisse être stricto sensu nécessaire; la repentance, par son côté public, peut cependant être vue comme une demande de réconciliation avec les hommes en plus de Dieu.
Dans certains cas, la repentance peut être imposée comme pénitence. Cela peut très bien alors ne pas être une vraie repentance, c'est-à-dire accompagné d'un repentir sincère. Cela peut être d'autant plus compréhensible s'il n'y a pas de quoi se repentir.
Repentance dans le judaïsme
Les « Asseret Yemei Teshouva » (hébreu : עשרת ימי תשובה dix jours de repentance) désignent dans le judaïsme la période entre Rosh Hashana et Yom Kippour. Ces dix jours de pénitence perpétuent et accentuent l'esprit de repentance du mois de Eloul.
Repentance dans le christianisme
Modèles catholiques
Dans l'Église catholique, la Commission théologique internationale distingue trois modèles de gestes de contrition :
la prière liturgique collective du Confiteor (« Je confesse à Dieu »), et celle, individuelle, de l'Acte de contrition préalable à la confession;
les psaumes pénitentiels, repris dans l'Ancien Testament, avec la profondeur de la souffrance d'Israël, de sa misère, les péchés de son histoire, les péchés de ses Pères, sa rébellion permanente depuis les débuts de l’histoire jusqu’au moment actuel ;
les avertissements prophétiques de l’Apocalypse adressés aux sept Églises.
Elle voit également des critères de compréhension de la repentance :
la reconnaissance des péchés,
la vérité : confesser, cela signifie, selon saint Augustin, « faire la vérité », et implique donc surtout la discipline et l’humilité de la vérité.
la purification : toujours selon saint Augustin, une confessio peccati chrétienne s’accompagnera toujours d’une confessio laudis.
Concernant l'Église par rapport à l'histoire :
Le premier critère implique que l’Église du présent ne peut pas se constituer en tribunal qui condamne les générations passées ;
Le deuxième critère implique de ne nier en aucune manière le mal commis dans l’Église, mais aussi de ne pas s’attribuer par une fausse humilité des péchés qui n’ont pas été commis, ou bien ceux pour lesquels il n’existe pas encore de certitude historique.
Le troisième critère signifie que Dieu purifie et renouvelle toujours l’Église, malgré nos péchés, et fait ainsi de grandes choses en se servant de vases d’argile
Modèles protestants
Les confessions protestantes ne reconnaissent pas le Sacrement de pénitence. Par contre, la plupart reconnaissent la nécessité de la repentance dans la démarche de conversion, et dans le cadre de la vie chrétienne. La repentance signifie changement de vie ou faire demi tour. La notion de repentance est donc différente chez les protestants et les évangéliques.
Repentance de l'Église catholique
La repentance fait suite à un renouvellement de la théologie catholique intervenu lors du concile Vatican II, notamment sur les questions d'œcuménisme et de dialogue inter-religieux. Le dialogue inter-religieux a notamment fait l'objet d'une déclaration de Paul VI lors du concile en 1965, Nostra Ætate, qui fixe les principes en matière de relations entre le christianisme et les autres religions.
Les principaux points ayant fait l'objet de repentances à la demande de Jean-Paul II sont :
l'affaire Galilée (1979-1981)
l'attitude des chrétiens par rapport au judaïsme, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi et surtout la culture antijudaïque développée par l'Église dans son histoire,
l'attitude des chrétiens par rapport aux autres religions.
Voir aussi :
Antijudaïsme chrétien dans l'histoire
Oremus et pro perfidis Judaeis
Quelques-uns, autour du théologien Hans Küng, considèrent la repentance de l'an 2000 comme un geste médiatique qui n'a pas été suivi d'actes majeurs tendant à la concrétiser, à l'exception de l'abandon de la théologie du Vetus Israël / Verus Israël déjà initiée par le théologien Marcel Simon, et portée à la connaissance du grand public par la déclaration conciliaire Nostra Ætate (28 octobre 1965).
Repentance dans l'islam
L'islam définit la repentance :
Cessation du mal commis et intention sincère de se repentir : Oubay Ibn Ka’b posa la question à Mahomet : Qu’est-ce qu’un repentir sincère ? Il lui répondit : « C’est la cessation tout acte infâme commis avec excès suivi de sincères prières de pardon à Dieu en t’engageant à ne plus y revenir ». (Ibn Abi Hatim)
Nadam : manifester du regret sur les actes commis par le passé
Résolution ferme de ne plus retourner aux péchés regrettés
Rendre justice à celui à qui tu as fait du tort s’il s’agit de péchés commis envers nos semblables.
Repentance idéologique
Dans les pays communistes, ceux qui étaient condamnés pour leur opinion politique étaient obligés de faire une repentance publique dans laquelle ils développaient ce dont on les accusait, montrant que ces fautes étaient inexcusables et que leur condamnation était méritée : sabotage, déviationnisme, complot, trahison, trotskisme, jdanovisme, etc.
Au Viêt Nam, dans les camps de prisonniers communistes, en particulier celui où était Georges Boudarel, le programme de rééducation idéologique comportait l'obligation pour les prisonniers français de faire repentance pour les crimes commis par leur pays.
Repentance laïque et interreligieuse
Le terme de repentance a également fait son apparition dans le vocabulaire laïque.
À titre d'illustration de cet emploi, on peut proposer le point de vue suivant du député européen Bernard Poignant, paru dans plusieurs journaux France, j'aime ton histoire
En France depuis 2007
L'ancien président de la République Nicolas Sarkozy a souvent utilisé ce terme, au cours de la campagne de 2007. Le dimanche 6 mai 2007, soir du 2 tour de l'élection présidentielle, il prononce cette phrase : « Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres ».
Pour l'essayiste Denis Tillinac : « Triste avenir pour un pays [la France] qui, selon la vulgate, se réduit à avoir été tortionnaire en Algérie, collabo pendant la guerre, colonialiste et exploiteur au XIX siècle, esclavagiste au XVIII siècle. Sous prétexte de devoir de mémoire, la France se voit intimer l'ordre de se haïr et de faire acte de repentance ».
Pour le politologue Alain de Benoist, la repentance consiste en « un choix sélectif dans notre histoire » qui ne retient que les périodes les plus négatives et un anachronisme qui porte sur le passé « des jugements de valeurs qui n’appartiennent qu’à notre époque ».
Repentance coloniale en France
Depuis le début du XXI siècle, un débat existe autour du passé colonial de la France, et d'une éventuelle nécessité de repentance.
Daniel Lefeuvre dans son livre Pour en finir avec la repentance coloniale (2006) recense cinq fautes méthodologiques majeures chez certains historiens qui cherchent à justifier la repentance coloniale :
l'absence de recul critique dans la reprise de citations isolées ;
l'anachronisme ;
la généralisation abusive ;
l'absence de comparaison ;
la censure.
En mai 2008, le journaliste Ivan Rioufol écrit :« Faire reposer la colonisation et l'esclavage sur la seule responsabilité de la France, en taisant les siècles d'implantation musulmane en Espagne ou dans les Balkans et les traites humaines organisées par les Africains ou les Arabes (notamment contre les Blancs), est un procédé proche du lavage de cerveau. Cette maltraitance de l'histoire, destinée à satisfaire les nouvelles communautés, ne peut qu'aviver les ressentiments »
Interrogé à plusieurs reprises lors de sa visite à Alger (Algérie, en juin 2011) sur la question de la mémoire, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé a réitéré sans ménagement la position française, à savoir que « le président de la République Nicolas Sarkozy a déjà pris position, indiquant le caractère injuste de la colonisation mais il n'est pas question que la France se lance dans la voie de la repentance ».
Le journaliste Yves Thréard écrit en novembre 2012 : « Comme tous les ans à la Toussaint, date qui marque le début en 1954 de la guerre d’indépendance, des officiels algériens ont exigé que la France fasse repentance pour la période coloniale. [...] Il y en a assez de cette mode de la repentance, de cette haine de soi, née dans les années 1990 et encouragée par Jacques Chirac. Cette tendance nationale à l’autoflagellation a conduit le parlement français à s’ériger en tribunal de l’histoire, et nos responsables politiques, de droite comme de gauche, en redresseurs de torts du passé. »
Note
↑ Attesté en français depuis le début du XII siècle avec le sens de « regret de ses fautes ». Définitions lexicographiques et étymologiques de « repentance » du Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
↑ Commission théologique internationale, Mémoire et repentance
↑ Le Monde 13.12.05, Ouest-France
↑ Il devient fatigant de se repentir et de s'excuser pour chaque étape de l'histoire de la France. La repentance est une méthode pontificale, marquée du sceau de la pénitence et en attente de rédemption. La quête de la vérité historique, la recherche inlassable des faits et leur publication relèvent du principe de reconnaissance, donc d'une méthode laïque et démocratique.
↑ Abandon de la repentance et haine de soi, par Serge Farnel
↑ Denis Tillinac, interviewé par Patrice de Méritens, « Bazardez les fausses valeurs de la gauche et… libérez-vous ! », Le Figaro Magazine, semaine du 21 février 2014, pages 46-49.
↑ « La repentance n’a strictement rien à faire en politique », entretien avec Alain de Benoist, bvoltaire.fr, 30 juin 2015
↑ « Pour en finir avec la repentance coloniale - Le passé colonial revisité », sur www.herodote.net (consulté le 26 décembre 2015)
↑ Ivan Rioufol, Répondre à la droitisation de l'Europe, Le Figaro, 16/05/2008
↑ TSA, le quotidien économique.
↑ « Entre la France et l’Algérie, l'éternelle haine », sur blog.lefigaro.fr (consulté le 26 décembre 2015)
Sources
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Repentance » (voir la liste des auteurs).
(de) Hans Wißmann, Peter Welten, Louis Jacobs u.a., Buße I. Religionsgeschichtlich II. Altes Testament III. Judentum IV. Neues Testament V. Historisch VI. Dogmatisch VII. Ethisch VIII. Kirchliche Buß- und Bettage, Theologische Realenzyklopädie, 7 (1981), pp. 430–496
(it) Nico Perrone, Il truglio. Infami, delatori e pentiti nel Regno di Napoli, Palermo, Sellerio, 2000, ISBN 8-83891-623-3