Bouquiniste sur le quai Voltaire, estampe de Jean Henry Marlet, d'après Adrien Victor Auger, 1821.
La bibliophilie est, littéralement, l’amour des livres et, plus traditionnellement, des livres rares ou historiquement précieux. Mais la bibliophilie inclut également les ouvrages contemporains tels que les livres uniques, les livres d'artiste etc.
Définitions
La bibliophilie est l'amour "sage" de tous les livres, un amour qui existe depuis que le livre et ses ancêtres existent. Cette passion se définit souvent par le caractère même de ses sujets : les bibliophiles. Ce qui reporte et fait dériver le sens même de la bibliophilie – souvent mal définie, souvent dans la difficulté de se définir. Pourrait-on définir la musique en donnant une définition des musiciens ? Le bibliophile est un amateur de livres qui est souvent fier de sa bibliothèque et de sa collection ; un érudit qui possède de nombreux livres n'est en revanche pas nécessairement un bibliophile.
On peut considérer que les bibliophiles aiment les livres pour ce qu’ils leur apprennent alors que les bibliomanes ne sont que des collectionneurs de livres, collectionneurs compulsifs – puisqu'affectés d'une « manie ». Toutefois, selon l'encyclopédie Larousse, le bibliophile est défini comme une « personne qui aime, qui recherche les livres rares et précieux », alors que le bibliomane est une « personne qui a la passion de collectionner les livres pour leur rareté, leur reliure, etc. ». Cette nuance laisse entendre que chez le bibliophile, l'amour du livre ne va pas obligatoirement de pair avec la collection (et la « collectionite »).
On retient enfin que la bibliophilie qui recherche aujourd'hui plus que jamais identité et reconnaissance correspond à un domaine culturel "structuré" et organisé de passionnés de livres – livres anciens mais aussi livres de la bibliophilie contemporaine : livres d'artistes, livres uniques. Domaine organisé et structuré, il possède des revues et magazines qui traitent de ses sujets les plus divers, tel Le Magazine du Bibliophile en France.
Domaine défini, la bibliophilie possède une histoire et ses "héros" – les "grands" bibliophiles – qui pendant de longs siècles ont été les personnages les plus illustres de tous les royaumes. La France, elle-même, a largement contribué à l'histoire de la bibliophilie ; on la considère même souvent comme l'un des pays phares du domaine.
Le bibliophile et sa collection
L'Homme anatomique, Les Très Riches Heures du duc de Berry, musée Condé, Ms.65, folio 14v
Les bibliophiles aiment, recherchent et conservent les livres.
La collection de livres peut s’appliquer à un domaine particulier :
les éditions originales
les ouvrages sur des domaines thématiques précis
les éditions rares
les livres anciens, manuscrits ; sur parchemin ou sur vélin
les incunables
les livres-objet
les livres d'artiste
les tirages restreints (sur vélin ou parchemin, sur grand papier, sur papier de Chine, du Japon, de Hollande)
la provenance (ce livre a appartenu à ...)
le régionalisme (Languedoc, ...)
les illustrations
les reliures d’art (Grolier, de Thou...)
les reliures aux armes (livres avec armoiries)
la qualité d’impression
la valeur du texte (textes classiques)
la typographie ou la maquette
les ouvrages avec envoi
les ouvrages en reliure de l'époque
les annotations autographes de personnes célèbres
les ex-libris
la notoriété de l’auteur (l’Encyclopédie Diderot d’Alembert)
etc.
Histoire de la bibliophilie
Jusqu'à la Révolution
Avant l’invention de l’imprimerie, la bibliophilie est un domaine réservé aux gens riches... Les manuscrits sont reliés d’ivoire, d’or, d’argent, de pierres précieuses ; le goût du faste n’a alors pas de limite. Les livres d’heures de personnages célèbres en sont la parfaite illustration. Les plus grandes « librairies » sont celles des papes d’Avignon, des rois et princes de France et, à partir du XII siècle, les bibliothèques monastiques.
Au XIV siècle apparaissent les premières « librairies » privées et relativement ouvertes au sein des universités.
Avec l’invention de Gutenberg et les influences artistiques venues d’Italie, les premiers critères de la bibliophilie se dessinent. La reliure commerciale apparaît au XVI siècle avec les célèbres bibliophiles français Jean Grolier de Servières et Thomas Mahieu.
À la Révolution, les grandes bibliothèques de France sont dispersés.
La bibliophilie moderne
Au XIX siècle, parallèlement aux expériences d'Arts & Crafts, émerge en France toute une nouvelle école de la bibliophilie qui repense le livre à l'aune d'une collaboration étroite avec les peintres. Ces livres, dont la réalisation buta longtemps sur des problèmes techniques d'ordre reprographique, furent vendus par souscription et certaines expériences échouèrent d'un point de vue commercial. C'est ce que rappelle l'historien Yves Peyré, qui montre que cette forme de livre d'artiste collaborative où l'éminence est rendue aux peintres est née en France, à la fin du XIX siècle, en particulier grâce à Stéphane Mallarmé et sa traduction du Corbeau d’Edgar Allan Poe, illustrée de gravures d'Édouard Manet.
Toutefois, ces ouvrages français, qui firent certes école, offraient encore la part trop belle aux éditeurs et aux écrivains.
Bibliophiles célèbres
Charles II le Chauve (823-877), « grand amateur de textes et de livres enluminés »
Saint Louis (1214-1270), première « librairie » royale
Charles le Sage (1338-1380), mécène, fondateur de la bibliothèque de l'Hôtel Saint-Pol, ancêtre de la Bibliothèque nationale de France.
Niccolò Niccoli (13**-1437)
Astruc de Sestier (ca. 1370-ca. 1439), un médecin juif d'Aix-en-Provence, célèbre bibliophile en son temps, s'intéressait aux sciences arabes
Jean Grolier de Servières (1479-1565), « le prince des bibliophiles »
Thomas Mahieu (1520-1590)
Jacques-Auguste de Thou (1553-1617), « reliure à la "fanfare" »
Jules Mazarin (1602-1661), dont le fonds devait former le noyau de la bibliothèque Mazarine
Jeanne Baptiste d'Albert de Luynes (1670-1736), comtesse de Verrue
le marquis d'Argenson (1722-1787), dont le fonds devait former le noyau de la bibliothèque de l'Arsenal
Henri Pascal de Rochegude (1741-1834), bibliophile albigeois de la fin du XVIII
Jacques Charles Brunet (1780-1867), auteur du Manuel du libraire et de l’amateur de livres
Ambroise Firmin Didot (1790-1876), imprimeur libraire
Sir Thomas Philips (1792-1872), « le plus grand collectionneur de livres connu à ce jour »
Tibulle Desbarreaux-Bernard (1798-1880), historien des livres et de l'imprimerie dans le Languedoc
le comte Libri (1803-1869), qui n'hésita pas à voler plusieurs bibliothèques anciennes
le baron Jérôme Pichon (1812-1896), « président de la société des Bibliophiles françois de 1844 à 1894 »
le duc d'Aumale (1822-1897), à l'origine des collections de Chantilly
les frères Edmond et Jules de Goncourt (1822-1896/1830-1870)
Charles de Spoelberch de Lovenjoul (1823-1907), « passionné des œuvres de Théophile Gautier, George Sand, Honoré de Balzac », érudit belge qui légua son imposante collection à l'Institut de France
Georges Vicaire (1848-1921), « bibliophile gastronome, auteur du "Vicaire" : le Manuel de l'amateur de livres du XIX siècle et d'une Bibliographie gastronomique »
Henri Beraldi (1849-1931)
Louis Barthou (1862-1934), homme politique français, plusieurs fois président du conseil, et président de la société Les Amis du livre contemporain de 1914 à sa mort
John Maynard Keynes (1883-1946), « le grand économiste anglais »
Louis Jouvet (1887-1951) ; très importante bibliothèque sur le théâtre
Jacques Lacan (1901-1981)
François Le Lionnais (1901-1984) ; ouvrages sur les échecs et les mathématiques
le colonel Daniel Sickles (1900-31/08/1988), petit-fils du général Daniel Sickles
Forrest J Ackerman (1916-2009), « grand collectionneur d'ouvrages de science-fiction et fantastique »
Henri Bonnasse
Sociétés de bibliophiles
Dès le XIX siècle, les bibliophiles ont pris l'habitude de se réunir au sein de sociétés d'amateurs.
Si cette mode a connu son apogée, au XX siècle, dans l'entre-deux-guerres, certaines sociétés perdurent sous la forme d'associations sans but lucratif.
Marché du livre de bibliophilie
"Globalement", la bibliophilie est un marché qui se porte bien car il existe des collections pour toutes les bourses – y compris pour celles de l'État, des régions, des départements, des communes, etc. – et l'intérêt pour ce type de livres touche toutes les couches de la société. Malgré sa relative discrétion (il n'existe aucune statistique officielle et diffusée), le marché de la bibliophilie est aujourd'hui, en volume et en chiffre d'affaires, le troisième des marchés de l'art, derrière ceux de la peinture et de la sculpture. À souligner ici le rôle important que jouent, comme dans d'autres secteurs, les investisseurs institutionnels tels les Archives de France, la Bibliothèque nationale de France et d'autres bibliothèques ou institutions publiques.
Il n’en reste pas moins que les livres sont aujourd’hui des objets régis par un véritable marché, instable pour certaines éditions, mais solide en ce qui concerne un certain nombre d’ouvrages dûment répertoriés. Faisant l’objet de moins d’échanges qu’au XIX siècle (le siècle du renouveau de la bibliophilie), ce marché reste fortement actif aujourd'hui.
Le marché du livre ancien a donné lieu à une étude analytique couvrant les 2 000 000 de données disponibles sur le site ebibliophilie.com. Il en ressort plusieurs tendances récentes (en dehors des cas particuliers, légions en bibliophilie) :
Les incunables (latin, grec) voient leur prix chuter rapidement (avec probablement la chute du nombre de lettrés capables de les lire).
L’ensemble du marché suit bon gré mal gré l’inflation.
Sur 120 ans, le comportement des évolutions de prix est proche de celui de l’or.
Les maroquins aux armes subissent depuis quelques années une hausse significative.
Les ouvrages haut de gamme ou uniques voient leur prix augmenter de près de 1 % par an, à l’inverse des ouvrages dont le prix est inférieur à 500 euros.
On observe qu’Internet agit comme un effet cliquet à la hausse pour les ouvrages recherchés aujourd’hui ; à l’inverse Internet favorise un comportement opportuniste pour les petits lots dont les prix s’érodent de façon significative.
Le marché est assez différent d'un pays à l'autre et l'attention des amateurs est essentiellement portée sur les ouvrages les plus représentatifs de la culture à laquelle ils appartiennent.
Tendances nouvelles
Selon Jean-Baptiste de Proyart (expert chez Pierre Bergé) :
« On peut rechercher des livres de poche comme les premières Série noire de chez Gallimard. Les éditions originales de James Bond sont extrêmement prisées aux États-Unis. »
Un exemplaire de l'Ulysse de James Joyce, imprimé à Paris, avec ses innombrables coquilles, peut valoir 60 000 dollars (40 000 euros).
Pour la période moderne, outre les grands classiques, on peut envisager de collectionner, suivant ses moyens :
les bandes dessinées : Tintin (en noir et blanc, les plus prisés), Bécassine (avant 1930) ;
Jules Verne (édition Hetzel des Voyages extraordinaires) ;
les ouvrages diffusés par les clubs comme ceux du Club français du livre (notamment avec une maquette de Massin), du Club du meilleur livre ou ceux de La Guilde du livre, au moins pour la période antérieure à 1960 ;
certains titres du Livre de poche, particulièrement recherchés, tels ceux de Prévert dont le maquettiste fut Pierre Faucheux, le maître du graphisme moderne en France ;
des catégories de reliure, telles celles de Mario Prassinos ou de Paul Bonet pour Gallimard (ouvrages communément appelés « cartonnages Bonet ou cartonnages Prassinos »), dont le marché est bien établi mais reste abordable.
Concernant ces domaines nouveaux, on parle de « petite bibliophilie ».
Enfin, la dénomination « bibliophilie contemporaine » fait référence au travail des artistes et des éditeurs autour du « livre d'artiste ».
Livres parmi les plus précieux
La Biblia Latina à 42 lignes de 1455 est le livre le plus recherché par les institutions et bibliophiles du monde entier. Le prix pour un exemplaire complet atteint les dix millions de dollars.
Le Psalmorum Codex, dit « Psautier de Mayence », célèbre ouvrage imprimé par Johann Fust et Pierre Schoeffer à Mayence en 1457, réimprimé par eux en 1459. Cet ouvrage est considéré, avec les quatre livres imprimés par Gutenberg, comme l’un des livres les plus précieux de tous les temps.
Un Don Quichotte, en première édition, ne peut être acquis pour moins de trois millions de dollars.
爱书族是指热爱书籍的人士。如果说读书家一般被定义为喜爱书的内容或喜爱阅读这件事的人士,那爱书族则被定义为单纯喜爱书籍本身的人士,与拥有藏书癖的人不同,爱书族并不一定喜欢收藏书籍。
外部炼结
Forbes article on bibliomania by Finn-Olaf Jones, December 12, 2005
Booknotes interview with Nicholas Basbanes on A Gentle Madness: Bibliophiles, Bibliomanes and the Eternal Passion for Books, October 15, 1995.
GND: 4145247-1