Le provençal (en provençal [pʀuveⁿsˈaw], orthographié prouvençau dans la norme mistralienne et provençau dans la graphie classique) est un dialecte de l'occitan ou langue d'oc parlé essentiellement en Provence et dans la plus grande partie du Gard. Il existe toutefois dans l’ouest de la Provence un mouvement selon lequel le provençal est « une langue à part entière, proche mais distincte de l'occitan du Sud-Ouest de la France ».
Le mot provençal sert aussi, particulièrement jusqu’au milieu du XX siècle, à désigner l’ensemble de la langue d’oc. C’est notamment le cas dans les dictionnaires d’Honnorat, Dictionnaire provençal-français ou dictionnaire de la langue d’oc et de Mistral, Le Trésor du Félibrige, dictionnaire provençal français embrassant les divers dialectes de la langue d’oc moderne ou les ouvrages de référence de Ronjat, Essai de syntaxe des parlers provençaux modernes et Grammaire historique des parlers provençaux modernes. Le mot reste utilisé dans le milieu romaniste pour désigner l’ensemble de l’occitan. Cette synonymie est également affirmée par Emmanuel Le Roy Ladurie.
Extension et variation interne
Si nous laissons de côté l'utilisation de provençal pour désigner l'ensemble d'oc, l'extension du provençal reste un objet de débat :
L'usage de la majorité des linguistes et de l'Unesco consiste à réduire son extension au « dialecte provençal » tel que défini par Pierre Bec (appelé « sud-provençal » par Jean-Claude Bouvier).
La tradition romaniste a longtemps inclus le vivaro-alpin dans le provençal. C'est par exemple le cas de Robert Lafont qui inclut ce dialecte – sous l'appellation provençal alpin - dans le provençal auquel il adapte la graphie classique de l'occitan ou de Jean-Claude Bouvier, qui dans sa description du provençal, le nomme « nord-provençal ».
L'école désignant le provençal comme une langue indépendante du reste du domaine d'oc inclut également (sous la désignation de provençal alpin) l'essentiel du domaine vivaro-alpin (sauf la rive droite du Rhône, appelée vivarois) et le niçois. L'inclusion des parlers des Alpes dans le provençal s'explique plus par une référence à la grande Provence historique et à la conscience linguistique des usagers que par la typologie linguistique. La variation importante qu'implique ce regroupement a amené la réutilisation du concept de langue polynomique apparu à l'origine pour la langue corse.
La place du niçois dans le provençal fait aussi débat. L'éducation nationale française considère le niçois indépendamment du provençal. (voir l'article Niçois).
Les parlers de transition avec le ligure (mentonasque, royasque-brigasque) sont aussi l'objet de débats (voir les articles Brigasque, Mentonasque, Royasque).
Hormis le vivaro-alpin et le niçois, le domaine du provençal est en général subdivisé en deux:
provençal rhodanien (sur les deux rives du Rhône, c'est le provençal rendu célèbre par Frédéric Mistral),
provençal maritime (de Marseille à Grasse, c'est la langue de Victor Gelu).
Le rhodanien
Le provençal rhodanien (lo provençau rodanenc | lou prouvençau dòu Rose): dans l'est du Gard (de Nîmes au Rhône), le Vaucluse (vers Avignon, Orange) et l'ouest des Bouches-du-Rhône (Arles, la Camargue). On peut y distinguer des parlers locaux (le parler du Ventoux et du comtat vers Carpentras; le parler de la vallée du Rhône vers Nîmes, Arles, Avignon, Orange, Bollène; etc).
Le shuadit ou judéo-provençal
Les « juifs du Pape », communautés juives d'Avignon et du Comtat Venaissin ont développé un dialecte judéo-provençal particulier, connu sous le nom de shuadit. Le provençal rhodanien a donc ses particularités : les pluriels sont réduits à -i; le tch et le dj se prononcent respectivement ts et dz; les o toniques ne diphtonguent pas et la conjugaison est dotée de spécificités. Le dernier locuteur connu, l'écrivain Armand Lunel, est décédé en 1977.
Le maritime
Le provençal maritime et intérieur (lo provençau centrau | lou prouvençau de la mar e d'enfre-terro): dans l'est des Bouches-du-Rhône (vers Salon, Aix et Marseille), le Var (Toulon…) et l'ouest des Alpes-Maritimes (vers Cannes, Antibes, Grasse et Cagnes-sur-Mer). Il existe des différences locales minimes. Le sud des Alpes-de-Haute-Provence connaît une transition douce entre le provençal maritime et le gavot qui commence à Sisteron et Castellane. Ainsi, le provençal maritime et intérieur (ou « méditerranéen ») a des règles linguistiques qui lui sont propres : les pluriels se forment en -ei; une chute très marquée de nombreuses consonnes est produite; les o sont souvent diphtongués et la conjugaison possède son lot de spécificités. Par ailleurs, le provençal maritime et intérieur partage beaucoup de traits communs avec le niçois (nissart) qui distinguent ces deux parlers du provençal alpin (gavot). Toutefois le niçois, par ses archaïsmes médiévaux, partage avec le gavot d'autres traits qui ont disparu du provençal maritime moderne.
Pour exemple, traduisons la phrases « Les belles filles jouent tous les jours sur la colline » :
en provençal rhodanien : « li bèli chatas jògan toti li jorns dins la còla | Li bèlli chato jogon tóuti li jour dins la colo » (prononciation : li bèli tsatò dzògou'n touti li dzouR di'ng la kòlò).
en provençal maritime : « lei bèlei filhas jògan totei lei jorns dins la còla | Lei bèllei fiho juegon tòutei lei jou dins la couelo » (prononciation : léy bèléy fiyò djüègou'n toutéy léy djou di'ng la kwèlò).
en nissart : « li bèli filhas jògan toi lu jorns en la còla | Li beli filha juègon toui lu jou en la couòla » (prononciation : li bèli fiya djœgou'n toui lü djou en la kwòla).
Provençal et nissart
Le niçois, en niçois nissart ([niˈsaʀt]) se parle dans le Pays Niçois et à Monaco (aux côtés du monégasque). L'appellation nissart recouvre en fait deux réalités :
une réalité linguistique : le dialecte parlé à Nice et dans quelques communes environnantes, rattaché au provençal mais avec des traits particuliers bien identifiés ;
une perception géographique et sociolinguistique : les différentes variétés de provençal et de vivaro-alpin parlées dans l'ancien comté de Nice.
Gavot, provençal alpin, vivaro-alpin…
Les populations concernées ignorent le nom savant « vivaro-alpin » et considèrent en général leurs parlers comme du provençal alpin, aussi appelé « gavot » ou, comme dans beaucoup de zones rurales occitanes « patois ». Le gavot est un dialecte spécifique du provençal par ses traits nord-occitans (cha au lieu de ca, ja au lieu de ga, … ) mais aussi extrêmement conservateurs (maintien de la consonne finale de l'infinitif, maintien du -a final sans amuïssement, … ). En effet, l'attachement au provençal est plus culturel que linguistique (contrairement au Niçard, bien plus proche linguistiquement du provençal, notamment maritime, mais culturellement distinct), même si les échanges intenses entre Haute et basse Provence ont produit de nombreuses influences mutuelles, décrites en particulier par Victor Gélu qui ont encore rapproché ces deux variétés de provençal.
Traits distinctifs du provençal
La plupart des caractéristiques linguistiques dont la somme est spécifique du provençal par rapport aux dialectes occitans voisins, apparaissent au XVII siècle :
vocalisation des -l finaux en [w] : « soulèu/soleu » pour « soleil » alors que le latin populaire soliculus s'est souvent transformé en conservant le « l » final comme en français et en languedocien / « sau/sau » pour « sel » (comme en gascon)
diphtongaison des ò toniques dans une grande partie du domaine (généralisée contrairement au gascon et au languedocien où ce phénomène est localisé)
maintien de la distinction entre /v/ et /b/, commune avec le nord-occitan, alors que languedocien et gascon confondent (voir bêtacisme) les deux phonèmes.
maintien de la prononciation des /n/ finaux, avec nasalisation partielle de la voyelle antérieure, le phonème n'étant maintenu qu'un relativement petit nombre de termes dans les autres dialectes : pichon > [piˈt͡ʃũᵑ] contre [piˈt͡ʃu] en languedocien.
En provençal, la plupart des consonnes finales étymologiques et morphologiques ne sont pas articulées. C'est notamment des marques grammaticales comme les -s du pluriel des noms et des adjectifs, qui disparaissent ou sont remplacées par des -(e)i contrairement au reste de l'occitan (exemple : « lei bèlei filhas / l(e)i bèll(e)i fiho », le -s final étant amuï).
Entre reconnaissance et substitution
Panneau de rue rénové à Mons, Var
L'usage du provençal est vécu par une partie des Provençaux comme un élément de leur héritage patrimonial ; il jouit d’un certain soutien de la population et des collectivités locales et bénéficie d’un net regain dans la vie publique depuis quelques décennies (publicités, signalisation routière, festivals, théâtre, édifices…). Cependant, cette reconnaissance reste symbolique et n'a jamais été accompagnée de mesures susceptibles de développer le provençal de manière efficace. Le recul de l'usage du provençal est ancien. Il a cédé depuis longtemps les fonctions courantes de communication au français (diglossie limitée).
Le provençal est reconnu « sérieusement en danger » par l’Atlas des langues en péril édité par l’UNESCO. Les raisons de son déclin sont complexes. Pour la partie provençale qui a été rattachée à la France en 1483, on accuse souvent l'action centralisatrice des rois de France qui a écarté le provençal des actes juridiques (progression du français dans les élites sociales dès le XV siècle, puis Ordonnance de Villers-Cotterêts du 10 août 1539 instituant le français comme la langue des documents administratifs). Cela n'est pas possible pour le pays niçois, le Comtat Venaissin ou Avignon qui n'étaient pas français alors. Au XIX siècle, l'école royale, impériale puis républicaine n'a jamais donné au provençal un statut spécifique dans l'enseignement. Le provençal a été marginalisé dans les médias importants.
Si des mouvements provençaux (comme le Collectif Prouvenço et l'Union Provençale) demandent une reconnaissance officielle du provençal comme une langue d'oc à part entière, l'appartenance du provençal à un ensemble plus vaste, occitan ou langue d'oc est revendiquée par le Félibrige et les occitanistes.
En 2003, à la suite de l'action des uns et des autres, le Conseil régional de PACA a émis successivement deux vœux:
le 17 octobre : « La langue provençale et la langue niçoise sont les langues régionales de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur »
le 5 décembre : « Le Conseil Régional de Provence-Alpes-Côtes d’Azur affirme solennellement que la langue occitane ou langue d’Oc est la langue régionale de la région Provence-Alpes-Côtes d’Azur : le provençal rhodanien, le provençal maritime, le niçard et l’alpin sont les formes régionales de la langue occitane ou langue d’Oc en Provence-Alpes-Côtes d’Azur ; que toutes les variétés de la langue occitane ou langue d’Oc sont d’égale valeur et appartiennent au même domaine linguistique ; que chacune de ses variétés est l’expression de la langue occitane ou langue d’Oc sur son aire géographique ; que la pleine dignité donnée ainsi à chaque variété de la langue occitane ou langue d’Oc atteste qu’il n’y a aucune hiérarchie entre ces variétés. s’engage : à développer son soutien à la préservation de ces variétés et à la promotion de la langue occitane ou langue d’Oc ; à contribuer, au côté de l’État, à la généralisation de l’offre d’enseignement de la langue occitane ou langue d’Oc en Région Provence-Alpes-Côtes d’Azur. Sollicite Monsieur le premier Ministre pour qu’il intervienne auprès de ministres, directions de l’État concernés pour que la langue occitane ou langue d’Oc soit reconnue officiellement comme patrimoine commun de tous les citoyens français sans distinction et d’aider à son développement en ratifiant la Charte européenne des langues minoritaires. »
Codification, standardisation, graphies
Nom de rue en provençal maritime et en graphie mistralienne
Idem avec diphtongue : dóu
Le provençal connaît deux systèmes d'écriture concurrents qui diffèrent par l'orthographe et, parfois, par les formes orales qu'ils induisent. Pour cette raison, on parle souvent de deux différentes graphies même s'il serait plus exact de parler de normes (incluant chacune une orthographe et des formes orales).
La norme mistralienne s'appuie sur une orthographe dite phonétique qui prétend limiter les distorsions entre l'écrit et l'oral. Elle a été initialement mise au point par Joseph Roumanille et promue par Frédéric Mistral dans les années 1850. Elle a été utilisée par le Félibrige dès sa fondation en 1854 (mentionnée dans ses statuts de 1911), ainsi que par des mouvements plus récents comme Parlaren. Elle est utilisée par une grande partie des écrivains, des chanteurs, des enseignants, des institutions locales (affichage public, etc.). Depuis 2006, un Consèu de l'Escri Mistralen (Conseil de l'écrit mistralien), organe interne du Félibrige, a été créé à l'initiative du majoral Bernard Giély. Il a pour tâche de compléter l'œuvre lexicographique de Mistral. On assimile souvent la norme mistralienne à une transcription du rhodanien mais les travaux de Pierre Vouland ont montré de nombreuses différences morphophonologiques entre le rhodanien parlé et le provençal écrit.
La norme classique a été définie à partir du XIX siècle par le provençal Simon-Jude Honnorat, le limousin Joseph Roux et les languedociens Prosper Estieu et Antonin Perbosc. Sa codification a lieu entre 1935, pour le languedocien, par Louis Alibert (Gramatica Occitana segon los parlars lengadocians revue en 1950 par l'Institut d'études occitanes, notamment pour prendre en compte les apports de Joseph Salvat) et les années 1960 pour le nord-occitan, voire la fin du XX siècle pour l'aranais et l'occitan cisalpin. La graphie classique a été adaptée au provençal moderne par Robert Lafont (1951, 1972) de l'Institut d'Estudis Occitans et complétée, depuis 1996, par le Conselh de la Lenga Occitana (CLO). La norme classique propose une écriture convergente pour tous les dialectes occitans (gascon, limousin, provençal, etc). L'Institut d'Estudis Occitans et sa section provençale (le C.R.E.O.-Provença) publient des ouvrages pour la diffuser en Provence. Elle est aussi utilisée dans les écoles bilingues Calandretas implantées dans l'aire du provençal (Orange, Nîmes).
Il existe des controverses complexes entre les partisans des deux normes. L'utilisation d'une graphie particulière n'est pas toujours l'indice d'une prise de position dans le débat sur la reconnaissance de la langue provençale ou du provençal comme dialecte occitan. Malgré ces oppositions, il y a aussi des actions unitaires.
Pour chacune des deux normes, il existe, d'une part, des attitudes favorables à la stabilité de la norme et, d'autre part, des attitudes qui encouragent un usage flottant, localiste et/ou individualiste (en rupture avec la norme). On trouve aussi des partisans de la standardisation (standards régionaux) et des partisans d'une polynomie à la corse.
Comparaisons entre les différentes normes
Orthographe identique, forme orale identique
français En graphie mistralienne En graphie classique Prononciation (API) ciel cèu cèu [ˈsɛw] grand grand grand [ˈgʀaⁿ]
Orthographes différentes, forme orale identique
français En graphie mistralienne En graphie classique Prononciation (API) avril abriéu [aˈbʀijew] abriu [aˈbʀiw, aˈbʀjew] boire béure beure [ˈbewɾe] eau aigo aiga [ˈajgɔ] femme femo, fremo femna, frema [ˈfeⁿnɔ, ˈfemɔ, ˈfɾemɔ ] feu fiò / fue fuòc / fuec [ˈfjɔ] [ˈfɥe] honneur ounour onor [uˈnu] hommes (pl.) ome òmes [ɔme] jour jour jorn [ˈdʒuʀ, ˈdzuʀ] ligne ligno linha [ˈliɲɔ] manger manja manjar [maⁿˈdʒa] Mireille Mirèio Mirèlha [miˈrɛjɔ] Nice Niço (Niça, Nissa) Niça [ˈnisɔ (ˈnisa)] occitan óucitan occitan [u(w)siˈtaⁿ] Occitanie Óucitanìo Occitània [u(w)sitaˈniɔ] petit pichoun pichon [piˈtʃuⁿ] Provence Prouvènço Provença [pʀuˈvɛⁿsɔ] provençal prouvençau provençau [pʀuveⁿsˈaw] terre terro tèrra [ˈtɛʀɔ] taille taio talha [ˈtajɔ]
Orthographes différentes, formes orales différentes
français En graphie mistralienne, prononciation (API) En graphie graphie classique, prononciation (API) août avoust [aˈvus] avost [aˈvus] ou aost [aˈus] janvier janvié [dʒaⁿˈvie] genier [dʒeˈnje] juillet juliet [dʒyˈlje] julhet [dʒyˈje] machine machino (francisme) [maˈtʃinɔ] maquina [maˈkinɔ] particulier particulié (francisme) [paʀtikyˈlje] particular [paʀtikyˈlaʀ] service service (francisme) [seʀˈvise] servici [seʀˈvisi] téléphone telefone (francisme) [teleˈfɔne] telefòn [teleˈfɔⁿ]
Noms de lieux
français provençal (graphie mistralienne) provençal (graphie classique) Aigues-Mortes Aigo-Morto Aigas Mòrtas Aix (z-)Ais (z-)Ais Antibes Antibo Antíbol Arles Arle Arle Apt Ate Ate Aubagne Aubagno Aubanha Avignon Avignoun Avinhon Barcelonnette Barcilouno, Barcilouneto Barcilona, Barciloneta Briançon Briançoun Briançon Brignoles Brignolo Brinhòla Cannes Cano Canas Cavaillon Cavaioun Cavalhon Digne Digno Dinha Draguignan Draguignan Draguinhan Eguilles Aguio Agulha Forcalquier Fourcauquié Forcauquier Fréjus Frèju Frejús Grasse Grasso Grassa Hyères Iero Ieras La Ciotat La Ciéutat, La Cióutat La Ciutat Manosque Manosco Manòsca Marseille Marsiho Marselha Martigues Lou Martegue Lo Martegue Menton Mentoun, Mentan Menton Montélimar Mounteleimar Montelaimar Montfavet Mountfavet Montfavet Mougins Mougin Mogins Nice Niço (pr. locale [ˈnisa]) Niça Nîmes Nime Nimes Ollioules Ouliéulo Oliulas Orange Aurenjo (pr. locale [awˈreⁿdʒa]) Aurenja Saint-Rémy Sant-Roumié Sant Romieg Saint-Tropez Sant-Troupés Sant Tropetz Salon-de-Provence Seloun Selon Sisteron Sisteroun Sisteron Toulon Touloun Tolon Valence Valènço Valença
Expressions
Voici quelques expressions usuelles (graphie mistralienne/graphie classique):
Bono annado, bèn granado e bèn acoumpagnado / Bòna annada, ben granada e ben acompanhada. En français : bonne année, bien prospère, et bien accompagnée (de santé).
Se fai pas lou civié avans d'avé la lèbre. / Se fai pas lo civier avans d'aver la lèbre. En français, littéralement : On ne fait pas le civet avant d'avoir le lièvre. Soit l'équivalent du proverbe français : il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué (Jean de La Fontaine, livre 5, fable 20 L'ours et les 2 compagnons).
Mots français d'origine provençale
De nombreux mots d'origines provençales ont migré vers le français. Il est souvent difficile de savoir précisément quels sont ces termes car les philologues et leurs dictionnaires étymologiques emploient souvent le terme de provençal, en lui donnant le sens de langue d'oc, pour qualifier l'origine d'un mot. Le contact intense entre le provençal et le français (répandu en Provence entre 1880 et 1950) a produit un français particulier à la Provence, très célèbre (film de Pagnol par exemple) et parfois stéréotypé, de sa prononciation (l'accent provençal et marseillais) à son vocabulaire, sa grammaire et ses modalités d'interactions.
Quelques exemples :
balade et ballade : balado/balada (danse)
s'esclaffer : esclafa/esclafar (éclater)
mascotte : mascoto/mascòta (sortilège)
qu'es acò (à l'orthographe fluctuante par méconnaissance de son origine exemple: kézaco) : qu'es acò ?/qu'es aquò ? (qu'est-ce que c'est ?)
Dans le domaine maritime :
cale : calo/cala (crique)
dorade : daurado/daurada, littéralement, la "dorée"
supion : supioun/sepion (petite seiche)
Les mots ayant une relation à la nourriture:
anchoiade : anchouiado/anchoiada
bouillabaisse :bouiabaisso/bolhabaissa
salade : salado/salada, "salée"
tapenade : tapenado/tapenada, de tapeno/tapena, signifiant "câpre".
tian (terrine qui a donné son nom au plat de légumes passés au four) : tian
Le domaine de la faune et de la flore méditerranéenne :
abeille : abiho/abelha
garrigue : garrigo/garriga plantation de chêne kermès (appelé garric en provençal)
Les sens de provençal, langue d'oc et d'occitan
Le sens du mot provençal est contingent à la période historique dans laquelle il est employé. Selon le contexte ou l'époque, il signifie langue d'oc ou l'idiome parlé en Provence. Ainsi, dans le premier cas l'auvergnat ou le limousin sont du provençal mais pas dans le second.
Le terme proensales est utilisé au XIII siècle par les écrivains italiens désignant la langue parlé dans la moité sud de la France, faisant référence aux provinciæ romana de l'Empire romain qui désignait la Gaule méridionale. D'autres appellations sont employées ensuite, le limousin par les catalans, la langue d'oc par Dante, le catalan par les savants du XVII siècle, ou celle très peu usitée de mondin inventée à Toulouse.
Au XIX siècle les romanistes à la suite de Raynouard et jusqu'à Anglade, reprennent le terme provençal par généralisation pour, à la fois désigner l'occitan des troubadours en tant qu'« ancien provençal », et l'occitan moderne dans son ensemble. Mais ce terme introduisait une ambigüité avec le parler de la Provence, l'occitan troubadouresque n’étant pas apparu en Provence, et ayant plus d’analogies avec le languedocien ou le limousin.
Lorsque Frédéric Mistral publie Lou Tresor dóu Felibrige, dictionnaire de la langue d'oc moderne en deux volumes, il comprend le terme provençal comme une acception du terme langue d'oc ; en sous-titre du dictionnaire, il précise : Dictionnaire provençal-français, embrassant les divers dialectes de la langue d'oc moderne, soit, comme il est mentionné dans la note 1, tous les mots usités dans le Midi de la France. Il y écrit qu'óucitan (qu'il traduit par occitain ou occitanien) est synonyme de «languedocien» ou de «méridional» et renvoie à «langue d'oc».
Actuellement, l'usage chez les linguistes est d'utiliser le mot provençal spécifiquement pour la variante parlée en Provence et la formule langue d'oc ou occitan pour parler de la langue dans son ensemble.
Corpus
Trésor de la langue d’Oc L’association Ciel d’Oc, a numérisé de nombreuses œuvres littéraires ainsi que des périodiques en occitan, surtout en provençal, et les a mis à disposition avec la collaboration de l’Université de Provence.