L'épargne est la partie du revenu qui - pendant une période donnée - n'est pas dépensée. Cette somme d'argent n'est pas détruite immédiatement par une dépense de consommation et peut être conservée sous forme liquide (constitution d'encaisses ou de réserves motivées par une recherche de précaution ou l'échéance d'une dépense importante à venir), ou être réinvestie dans le circuit économique sous la forme d'un placement ou d'un investissement.
Tous les agents économiques peuvent ou doivent épargner. C'est le fait des ménages, mais aussi des entreprises (autofinancement), de l'économie nationale (qui doit pour ce faire se ménager une balance des paiements courants excédentaire) ainsi que de l'État (problématique de l'excédent budgétaire).
La notion d'épargne cache des discordes théoriques relatives aux déterminants de l'épargne, aux conséquences de l'épargne sur l'économie globale et même aux différentes façons de mesurer l'épargne.
Les formes de l'épargne
L'épargne « classique »
L'argent épargné est placée sous forme :
d'épargne dite « liquide », qui reste disponible sous forme liquide et immédiatement accessible. Historiquement en espèces (pièces, billets, or...), ce qu'on appelle familièrement un « bas de laine », l'épargne liquide est de nos jours déposée en banque sur des comptes d'épargne sur lesquels l'argent peut être déposé et retiré à tout moment (comme en France le Livret A et le Livret jeune notamment). On parle alors d'encaisses de précaution, ou de thésaurisation ;
d'épargne investie, affectée à des plan d'épargne, contrats d'assurance-vie, valeur mobilière, REER, CELI, Plan d'épargne en actions ou investissements (dans des moyens de production, l'immobilier, etc.).
L'argent épargné dans une banque ou investi est généralement assorti d'un intérêt, c'est-à-dire un gain d'une certaine somme allouée à l'épargne qui varie selon le type de placement effectué, la fiscalité et le niveau de risque du placement.
L'épargne collective
Les cotisations sociales sont prélevées en vue de la retraite de base par la sécurité sociale. En l'absence ou en cas d'insuffisance de ce dispositif, les ménages sont contraints d'épargner davantage à titre individuel.
L'épargne solidaire
Trois possibilités s'ouvrent aux épargnants qui souhaitent faire fructifier leurs économies tout en soutenant l'accès à l'emploi et au logement pour des personnes en difficulté, ou des activités écologiques, ou l'entrepreneuriat dans les pays en développement :
Souscrire dans une banque ou une mutuelle d'assurance un produit de partage (de type Livret d'épargne solidaire, OPCVM solidaire) ou un produit d'investissement solidaire (de type FCP, SICAV…)
Placer ces économies sur votre Plan d'épargne d'entreprise en souscrivant un Fonds solidaire.
Souscrire au capital d'une entreprise solidaire qui exerce une activité à forte utilité sociale et environnementale, non délocalisable et qui réinvestit la majorité de ses bénéfices dans la perspective de son développement.
La collecte de l'épargne
L'épargne privée peut être collectée de différentes manières et ainsi recevoir divers emplois:
Sous forme d'épargne liquide
L'épargne est utilisée pour constituer des encaisses monétaires ou quasi-monétaires ou vers des emplois orientés à court-terme. Dans cette catégorie on relève :
Accroissement des dépôts bancaires à terme, des bons de caisse, ou de comptes spécifiques donnant lieu à la délivrance de livrets.
Accroissement des fonds gérés par les Caisses d'Épargne ou souscription aux bons de la Caisse nationale de Crédit Agricole
Souscription aux bons du Trésor selon des formules prévues pour les particuliers.
L'affectation de l'épargne à des emplois de court terme accroit le degré de liquidité de l'économie et peut éventuellement alimenter des tensions inflationnistes.
Sous forme de placements sur le marché financier
Ce type traditionnel d'épargne consiste à l'investir en valeurs mobilières à revenu fixe (obligations, OAT…) ou à revenu variable (actions…) émises par l'État ou des entreprises nationales ou étrangères.
Sous forme d'épargne contractuelle
Dans ce cadre, l'épargne est orientée vers des formules contractuelles d'assurance-vie, de fonds de pensions ou de retraites.
Les déterminants de l'épargne
La question des déterminants acheminant l'épargne fait apparaître une différence fondamentale entre l'approche néoclassique et l'approche keynésienne des comportements économiques. Alors que pour les économistes néoclassiques, l'épargne est déterminée par le taux d'intérêt réel, pour Keynes et pour les économistes qui s'en réclament, l'épargne dépend uniquement du revenu, le taux d'intérêt ne déterminant que la forme de l'épargne (soit de l'épargne thésaurisée soit de l'épargne financière).
L'approche néoclassique des déterminants de l'épargne
Pour les économistes néoclassiques, l'épargne -censée être investie- est une consommation différée dans le temps. L'épargne désigne donc tout comportement de renoncement à une consommation immédiate et ce, dans l'espoir d'obtenir un meilleur rendement futur et par suite une meilleure consommation future. « L'arbitrage entre consommation immédiate et consommation future est donc déterminé par l'évolution prévisible du revenu durant la vie de l'individu, par son degré de préférence pour le présent et par le niveau du taux d'intérêt ».
Selon le raisonnement néoclassique, l'épargne précède la consommation. L'agent économique qui cherche à maximiser son utilité vérifie ce que peut lui rapporter l'épargne en fonction du niveau du taux d'intérêt. Si celui-ci est élevé, l'agent sera incité à épargner pour s'assurer des revenus plus importants dans l'avenir. Lorsque le taux d'intérêt est faible, l'agent a tendance à peu épargner : l'épargne ne lui rapportera que peu de revenus dans l'avenir.
L'approche keynésienne des déterminants de l'épargne
L'approche keynésienne du comportement d'épargne est tout autre : c'est ici la consommation qui précède l'épargne. Le niveau d'épargne est un résidu qui est déterminé non pas par le taux d'intérêt mais par le niveau de revenu de l'agent. Celui-ci consomme d'abord et attribue le reste de son revenu (celui qui n'a pas été consommé) à l'épargne ou à la thésaurisation en fonction du taux d'intérêt i. Si le taux d'intérêt i est élevé, alors l'individu est amené à réduire sa préférence pour la liquidité et augmenter sa préférence pour l'épargne. Par contre si le taux d'intérêt est faible, il penchera en faveur de la liquidité qui peut être utilisée à des fins de consommation, de précaution, voire de la thésaurisation.
Les implications de la théorie du revenu permanent
Il existe un certain décalage entre la théorie néoclassique et réalité. Pour cette raison, Milton Friedman en propose une nouvelle formulation dans le but d'améliorer la compréhension du partage entre consommation et épargne, basé sur les limites du raisonnement keynésien observé sur le long terme.
La théorie du revenu permanent de Friedman établit la consommation en fonction du revenu annuel moyen estimé par le ménage. Ce dernier l'estime à partir de ses anticipations (revenus à venir, éducation, etc.). Ainsi, les variations du revenu est un support d'adaptation progressif de la consommation.
Autres déterminants de l'épargne
Théorie de l'épargne selon Modigliani
L'économiste italien Franco Modigliani est l'un des tenants de la théorie de l'épargne qui relativise les déterminants mis en avant par les néoclassiques (le taux d'intérêt) ou les keynésiens (le revenu) au profit d'une explication par l'âge des individus, considération qui aboutit à distinguer deux grandes périodes dans le cycle de vie de l'individu : celle de la vie active où l'on a plutôt tendance à épargner, et celle - depuis la retraite jusqu'au décès - où la personne « désépargne ». Dans cette perspective, le taux moyen d'épargne d'une économie serait davantage conditionné par sa structure démographique.
Épargne et effet de démonstration selon Duesenberry
Il résulte du désir d'émulation sociale - selon l'effet de démonstration illustré par l'économiste Duesenberry - que le montant d'épargne réalisé par une personne est influencé non seulement par le niveau absolu de son revenu, mais aussi par le rapport de son revenu au niveau supérieur de revenu des autres personnes avec lesquelles il vit : Au contact de biens supérieurs ou de niveaux plus élevés de consommation, de nouveaux désirs de consommation apparaissent chez les individus qui les conduisent à forcer leur consommation et par voie de conséquence à réduire leur effort d'épargne.
L'épargne et le patrimoine
La compréhension de l'effort d'épargne doit être également complétée par la prise en compte des mécanismes de constitution, d'héritage et de transmission des patrimoines créés, légués ou reçus par les personnes.
La sécurité de l'épargne
En cas de faillite d'une banque, pour cause de crise économique ou de mauvaise gestion, la totalité de l'épargne des épargnants n'est pas garantie. Mais il existe dans certains pays, et dans certaines banques, un fonds de garantie des dépôts.
En France, cette garantie est de 100 000 euros, tous avoirs confondus dans la banque
En Belgique, elle est de 100 000 euros, tous avoirs confondus dans la banque
En Suisse, elle est de 100 000 francs suisse, tous avoirs confondus dans la banque
De ce fait, en cas d'épargne supérieure au fonds de garantie, un épargnant devrait déposer son épargne dans plusieurs banques pour avoir plus de garantie de récupérer son épargne.
Il existe également des fraudes, comme le système de Ponzi, qui peuvent également faire perdre de l'argent aux épargnants. Un taux d'intérêt anormalement élevé, par rapport au marché, est un signe de risque sur la viabilité du placement.
Les conséquences du comportement d'épargne sur l'économie globale
Le comportement d'épargne n'est pas neutre quant à l'économie appréhendée globalement, un équilibre doit être trouvé :
une insuffisance d'épargne peut porter préjudice à l'investissement (qui ne trouve plus à se financer facilement) et donc à l'activité économique dans l'avenir.
un excès d'épargne peut être préjudiciable à la demande de consommation et donc, là encore, à l'activité économique.
Par ailleurs, l'effet du multiplicateur keynésien dépend du rapport établi par les opérateurs pour le partage de leurs revenus entre consommation et épargne.
Mesure de l'épargne
Définition du taux d'épargne
Le taux d'épargne est le rapport entre le montant de l’épargne et le revenu disponible brut (RDB).
X 100
Cette formule s'applique pour n'importe quel exemple.
Taux d'épargne par pays
En France, le taux d’épargne des ménages a baissé entre 1980 et 1988, puis après être remonté jusqu’à 15 % en 1992, il est resté stable depuis lors.
Propension moyenne et marginale à épargner
La propension moyenne à épargner correspond au taux d'épargne. La propension marginale à épargner mesure la variation d'épargne (ΔE) générée par une variation de revenu (ΔR). Plus on devient riche, plus la part relative de l'épargne a tendance à s'accroitre au détriment de celle de la consommation.
Profil psychologique et social de l'épargnant
Selon une étude réalisée par le CREDOC en 2010, le poids des seniors (plus de 50 ans) devrait dépasser la moitié des dépenses de consommation d'ici 2015. En France, les ménages de retraités vivant en couple ont le taux d'épargne le plus élevé (28 %) comparé à une moyenne nationale de 15 % ; les 79 ans et plus vivant seuls ont un taux d'épargne de 24,6 %.
Citation
Selon Jacques Bainville dans L'Action française du 6 juin 1925 : « L'épargne est l'origine du capital comme elle est la justification morale du capitalisme, puisqu'elle représente une privation, un effort et même un sacrifice. Car celui qui ne consomme pas tout ce qu'il a gagné pense aux autres au lieu de penser à lui-même. Il pense à ses enfants, à ses successeurs. Il pense, sans le savoir à tout le monde. Il n'y a eu de civilisation qu'à partir du jour où des hommes, au lieu de manger tout le gibier de leur chasse et de se gaver, ont fumé ou salé de la viande, ce qui a permis à la tribu de se livrer à d'autres travaux. »